TOUT EST DIT

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jeudi 21 avril 2011

L’ensablement

Qui connaît M. Abdeljalil? C’est pourtant l’interlocuteur officiel de la France en Libye puisque notre gouvernement a très officiellement reconnu le comité de transition qu’il préside comme une autorité de substitution à celle de Mouammar Kadhafi. En recevant, hier midi, ce chef de la rébellion à l’Élysée, le président de la République a mis en évidence l’embarras, pour ne pas dire plus, de la stratégie française dans un conflit qui s’éternise.

En convaincant le conseil de sécurité de l’ONU de lancer des frappes aériennes sur Tripoli, Paris et Londres envisageaient une intervention relativement rapide qui permettrait de faire tomber le régime de l’imprévisible colonel. Mais l’histoire a été plus capricieuse que prévu. Le scénario heureux du printemps arabe de la Tunisie et de l’Égypte ne s’est pas réalisé. Quand on commence une guerre, on la prévoit toujours courte. Et voilà que celle-ci s’annonce longue, confuse et incertaine. Tout est aujourd’hui à revoir, à commencer par l’engagement français qui n’a d’autre choix que d’être plus durable et forcément plus coûteux.

La France n’a évidemment pas à regretter d’avoir voulu porter secours à des populations rebelles qui étaient promises au massacre pur et simple. Mais l’empressement à considérer l’affaire réglée d’avance en nommant un ambassadeur à Benghazi, a imposé à notre politique libyenne une obligation de réussir, sans en avoir vraiment les moyens. Le commandement des opérations a été placé sous la responsabilité d’une OTAN divisée à la fois sur les objectifs et, plus grave, sur le degré de détermination des Occidentaux. Circonstance aggravante, les États-Unis d’Obama se sont assez rapidement retirés du jeu dont la Maison Blanche a très vite perçu les dangers.

Ils sont là aujourd’hui. Le spectre de l’enlisement qui avait refroidi des Américains échaudés par leur aventure irakienne est désormais une réalité. Les rebelles s’avèrent dans l’incapacité de vaincre tout seuls les troupes kadhafistes et ils ne bénéficient pas d’un soutien populaire suffisant dans la zone contrôlée par le colonel pour changer la donne. Une dotation supplémentaire en armement n’y changerait rien, faute d’une technique suffisante pour le manier. C’est bien un casse-tête à plusieurs millions de dollars par jour que Nicolas Sarkozy et David Cameron doivent résoudre. Sans pouvoir mettre davantage les mains dans le cambouis.

L’opposition libyenne réclame désormais à ses alliés une intervention terrestre. Paris a dit clairement non et cette option ne figure d’ailleurs pas dans la mission que lui ont confiée les Nations Unies. Mais en envisageant l’envoi de «conseillers» sur le terrain, la France s’exposerait tout de même directement de façon périlleuse. Au Sud-Vietnam aussi, Kennedy avait commencé par envoyer des «conseillers».

Au FN, la saison des purges

Le grand nettoyage de printemps, à ne pas confondre avec “la semaine du blanc”, bat son plein au Front national. Avant d’engager la bataille élyséenne, on dédiabolise tous azimuts. Délaissant treillis et rangers, le parti se présentera à la présidentielle en habits du dimanche. Net sur lui, débarrassé des vieilles moisissures.

Au 1 er mai, pour le traditionnel défilé de Jeanne d’Arc, on invite ainsi les “crânes rasés” à aller manifester ailleurs. “Tout ce qui ressemble de près ou de loin à un skinhead sera écarté manu militari !” a prévenu la direction. Les purs et durs du mouvement grognent un peu. Si même l’extrême droite verse dans le politiquement correct, où va-t-on ?

Hier, la sanction frappant Alexandre Gabriac n’a fait que raviver ces tensions internes. Le jeune conseiller régional de Rhône-Alpes se trouve exclu du FN. On lui reproche une fâcheuse tendance, dont témoignent plusieurs photographies, à pratiquer le salut nazi. Viré ! Les membres de l’Œuvre française, groupuscule un tantinet vichyste, attendent leur tour qui ne saurait tarder…

Face à la “purge” en cours, les amis de Bruno Gollnisch protestent. Au prétexte d’une opération “mains propres”, Marine Le Pen chercherait à réduire ses derniers rivaux. “Elle veut éliminer tout le monde, pétainistes et catholiques traditionalistes !” s’indigne Jean-Loup de Lacheisserie, militant lyonnais d’ancienne souche.

Et voici comment, du nettoyage, on passe à la liquidation de printemps.

Quel avenir pour les révolutions arabes ?


Qui aurait pu prédire que l'immolation par le feu de Mohammed Bouazizi, un jeune Tunisien de 26 ans, en signe de protestation contre la confiscation de sa charrette par la police de Sidi Bouzid, dans le centre du pays, serait l'étincelle qui allait aboutir à un bouleversement majeur dans le monde arabe ? Que de Marrakech à Bahreïn, en passant par la Tunisie, l'Égypte, la Libye, le Yémen, la Jordanie, la Syrie, Oman et même le « démocratique » Irak, se verraient emportés par la tourmente ?

Le défi est maintenant de construire des États de droit et de réussir la révolution économique.

La chute du régime de Ben Ali en Tunisie, suivie de celle de Moubarak en Égypte, le coeur du monde arabe, sonne la fin imminente d'un ordre qui remonte aux années 1960. C'est surtout la forme du mouvement qui a surpris : un mouvement de jeunes, qu'aucun parti, aucune association ne peut se targuer d'avoir préparé et encore moins dirigé.

La vague s'est formée sans dirigeant (une première dans le monde arabe) et, pourtant, elle témoigne d'une unité incroyable dans les mots d'ordre : liberté, dignité, fin de l'autocratie, refus de la corruption, du népotisme, refus de la misère sociale, du chômage. Incroyable aussi, le degré de responsabilité : sans organisation, les immenses manifestations de la place Tahrir au Caire ont été pacifiques, sans débordements, avec des mots d'ordre consensuels.

Sécularisation des sociétés, généralisation de l'enseignement, flambée des prix des denrées alimentaires : ces ingrédients ont trouvé un catalyseur commun dans les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et certains médias dont Al-Jazeera, chaîne satellitaire dirigée depuis le Qatar par un proche des Frères musulmans.

Il faudra une traduction politique à cette société civile inorganisée. Et là, la présence en force des armées arabes, avec un rôle traditionnellement central, semble bien le principal défi. État dans l'État, elles ont acquis des privilèges qu'elles abandonneront difficilement. L'intégration de la mouvance religieuse (islamiste) en est un autre : de sa réalisation ou non dépend le caractère réellement démocratique du changement.

Un autre défi réside dans le renouvellement des élites capables de remplacer celles des régimes autoritaires et de constituer de nouveaux gouvernements : elles sont souvent peu nombreuses et difficiles à identifier, au-delà de quelques porte-parole autoproclamés.

C'est le propre des régimes autoritaires que de ne préparer aucune relève. Leur stratégie du vide a des conséquences pratiques sur le renouvellement du personnel politique. Enfin, derrière la belle unanimité autour de mots d'ordre en apparence consensuels, les différences entre les pays ne tarderont pas à se manifester. Poids des tribus et différences régionales en Libye et au Yémen ; rapports sunnites/chiites à Bahreïn ; relations sunnites/Alaouites en Syrie. En devenant plurielles, les sociétés arabes pourront connaître des logiques d'affrontement que l'on espère pacifiques. Il serait présomptueux de croire que ce vent de liberté va aboutir à l'établissement généralisé de régimes démocratiques.



Pierre-Jean Luizard est Chercheur au GroupeSociétés, Religions, Laïcités (CNRS/EPHE). Auteur de Les sociétés civiles dans le monde musulman (La Découverte) à paraître.

 Un parfum de faillite

"Restructurer, pas restructurer, restructurer, pas restructurer, restructurer..."

"Nous avons encore du chemin à parcourir"

Officiellement, le Premier ministre grec Georges Papandréou et son ministre des Finances Georges Papaconstantinou démentent les rumeurs de restructuration de la dette de leur pays. Mais alors qu'ils viennent d'annoncer un nouveau plan de rigueur, une telle perspective paraît chaque jour plus probable.