TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 16 avril 2011

Un président heureux

Il est arrivé à l'heure, souriant et même détendu, le téléphone collé à son oreille. Nous étions six à table. C'était le 18 mars, le lendemain du vote du Conseil de sécurité pour l'intervention en Libye. Nous l'avons félicité. Il était content, très content. Voilà qu'il nous parle du cinéaste danois Carl Theodor Dreyer et d'Ordet, un film sublime de 1955. Il voulait parler de sa passion pour le cinéma, des moments de grâce qu'il repère dans certains grands films. Il avoue en voir 150 par an. On parle de Murnau, de Buñuel, de Rossellini, de l'âge d'or du cinéma italien que les télévisions de Berlusconi ont assassiné. Notre président se montre incollable. Il avoue que c'est un plaisir qu'il partage avec son épouse. Je lui demande pourquoi ils n'habitent pas le palais de l'Elysée. "Il nous arrive d'y passer le week-end."

Je ne sais plus comment c'est arrivé, j'évoque L'Etranger de Camus. Le président essaie de citer la première phrase du roman : "Maman est morte aujourd'hui ou hier..." Tout le monde s'y met, et on finit par la dire correctement : "Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas..." On rit, puis de nouveau on s'interroge sur la mégalomanie de Kadhafi. Le président nous dit : "Les infirmières bulgares, battues et violées tous les jours ; il fallait les sortir de là ; le prix à payer, c'était l'invitation à Paris."

Le président ironise sur l'argent que le fils de Kadhafi prétend lui avoir donné pour la campagne présidentielle de 2007 : "Vingt millions ! Ma campagne a coûté 20 millions ; l'argent de Kadhafi, je l'ai mis dans la poche" (il fait le geste). On rit. Je le piège : "Monsieur le président, si la campagne de 2007 a coûté 20 millions, à combien vous estimez celle de 2012 ?" Il éclate de rire, puis dit : "Certainement plus, mais on n'est pas en Amérique." C'est ainsi que j'ai appris qu'il se représente à la prochaine élection présidentielle.

Sa bonne humeur est contagieuse. Comme je n'aurai pas de sitôt l'occasion de m'adresser directement à lui, je tiens à soulever certains problèmes à propos de l'islam, de la laïcité et du FN : "Monsieur le président, vous pourriez demander à votre ami Jean-François Copé de laisser tomber le débat sur l'islam ; vous savez bien que les musulmans sont en train de s'intégrer, et que ce n'est pas la peine de les stigmatiser de nouveau ; dites à Copé de se calmer." Là, il devient grave : "C'est lorsqu'on ne se parle pas que les problèmes deviennent insurmontables ; le silence n'est pas bon ; il est tout à fait naturel de réfléchir ensemble sur la place de l'islam dans notre pays."

Nous parlons de son fils Louis, et du mien qui a le même âge. Facebook ! "Ce truc-là dévore nos enfants ; chaque fois je récupère mon fils dans un état qui l'empêche de bien faire ses devoirs." Je lui raconte que mon fils aussi est complètement fasciné par ce média.

On nous sert l'entrée : asperges de Nogaret et crémeux de tomates confites. Le vin blanc, condrieu La Doriane 1995, est excellent. Le président ne boit que de l'eau.

On reparle de l'islam et puis des sondages. Là, le président nous fait part de sa colère contre les journalistes. Il est persuadé qu'ils sont injustes et malveillants quoi qu'il fasse. Il me prend à témoin : c'est comme si vous finissiez d'écrire un roman, et avant même qu'il paraisse, des journalistes le descendent en flammes ! Je lui dis que les critiques littéraires sont plus sérieux et qu'ils ne critiquent un livre qu'une fois lu.

Les médias l'obsèdent. Il cite pêle-mêle les titres de Marianne : "voyou", "fou", "nul"... Apparemment, il a mal. Il ne sait plus comment faire pour attirer vers lui des médias plus cléments, plus justes. Il nous raconte pourquoi il a refusé d'aller à l'émission de Taddeï "Ce soir ou jamais" : "Il ne lit pas les livres de ses invités. Je lui ai dit non." Il regrette l'époque des émissions de Bernard Pivot. Il s'étonne de la place que le magazine Elle a consacrée à Marine Le Pen. Il ne comprend pas l'engouement de la presse pour cette femme. Pour lui, ce sont les médias qui l'ont mise en avant. Je lui dis : "Mais pourquoi l'UMP s'empare des thèmes du Front national afin d'attirer les électeurs de ce parti ?" Il nie. Il est persuadé que le parti d'extrême droite a été avantagé par les éclairages médiatiques.

Le plat principal est servi : tourtière d'agneau en croûte d'herbes. Très fin, subtil. Accompagné d'un vin rouge chambertin grand cru 1993.

J'attire son attention sur le service public en France, qui est formidable mais menacé. Il lève les bras et nous dit qu'il n'y a pas d'argent pour assurer un bon service public. "On ne peut pas augmenter les cotisations, sinon les industriels se délocaliseront." Je lui suggère de prendre l'argent au ministère de la défense. Là, il n'en est pas question. Dans la foulée je lui dis : "Quittez l'Afghanistan ; c'est une guerre perdue."

Il nous rappelle qu'il a réussi à faire passer la réforme des retraites sans incidents.

Quand arrive le dessert, beignets chocolat sauce safran, on lui sert un fromage blanc.

On parle de la Turquie. D'après lui, "jamais elle ne fera partie de l'Europe", puis il ajoute : "Vous imaginez les difficultés que nous aurions eues au moment de la crise grecque si la Turquie avait son mot à dire ?" Après le café, le président nous raccompagne jusqu'à la sortie.

Je me souviens d'un déjeuner analogue avec Jacques Chirac. Je n'oublierai jamais ce qu'il m'a dit quand il m'a serré la main : "J'ai potassé vos livres avant de vous recevoir !" Nicolas Sarkozy a simplement voulu détruire quelques préjugés à propos de son niveau de culture. 
Une chose est sûre : notre président est un cinéphile averti. Il a juste besoin que les journalistes l'aiment.


Ecrivain, Tahar Ben Jelloun est membre de l'Académie Goncourt depuis 2008. Il a reçu le prix Goncourt pour "La Nuit sacrée" (Points Seuil) en 1987. Il a publié "Le Racisme expliqué à ma fille" (Seuil, 1997). Dernier livre paru : "Jean Genet, menteur sublime", Gallimard.

L'OTAN et l'UE sans pilote

L'opération militaire en Libye démontre une chose : l'OTAN n'est plus capable de maîtriser le cours des événements du monde en raison de la division de ses membres et de la frilosité américaine. Et l'UE ne peut pas prendre la relève pour les même raisons. 

Nous sommes en pilotage automatique. Si personne ne s’installe immédiatement au poste de commande, l’accident est garanti. Nous filons droit vers une collision dans la topographie accidentée d’un monde en plein changement. On n’avait pas vu pareilles turbulences depuis plus de 20 ans – et à l’époque, il y avait un pilote, et un cap.
Pas une seule rencontre internationale consacrée à la résolution de la crise libyenne n’a lieu sans que transparaissent des divisions. Le 13 avril, c’est au cours de la première réunion du Groupe dit de contact, à Doha (Qatar), qu’on a pu mesurer les divergences qui séparent les Européens, France et Grande-Bretagne d’un côté, Allemagne de l’autre. Cette fois, la discordance portait sur l’opportunité ou non de fournir des fonds et des armes aux insurgés, de même qu’au Conseil de sécurité de l'ONU elle portait sur la résolution qui devait permettre de freiner militairement l’avancée de Kadhafi sur Benghazi.

Une OTAN sans l'autorité de Washington n'est plus l'OTAN

La fin de la guerre froide avait un pilote efficace. Les Etats-Unis étaient aux manettes. Lors des guerres qui déchirèrent l’ex-Yougoslavie, la conduite resta aux mains de Washington : Clinton joua un rôle décisif dans la stabilisation des Balkans et la défaite de la Serbie ; seuls, les Européens n’auraient rien pu résoudre.
L’actuelle crise arabe révèle la terrible réalité de ce monde sans cap ni orientation dans lequel nous vivons, matérialisée par le retrait de Washington, au profit de l’OTAN, dans la direction des opérations d’endiguement militaire de Kadhafi. Pour la première fois, l’Alliance atlantique est engagée dans une action militaire sans l’autorité de la superpuissance qui fut pourtant l’artisan et la raison d’être de l’organisation.
Et ne nous leurrons pas, une OTAN sans l’autorité de Washington, ce n’est plus l’OTAN – c’est autre chose. Rien d’étonnant à ce qu’elle se retrouve sous le feu de critiques contradictoires : en France et au Royaume-Uni, pour son manque de détermination ; en Allemagne ou en Turquie, pour les victimes civiles qu’ont pu faire ses bombardements.
Une OTAN avec des voix si divergentes, des positions si différentes, voilà qui ressemble beaucoup à l’Union européenne. Or s’il s’agit d’avoir une OTAN qui agit comme l’UE, nous avons déjà l’UE, merci. Et si l’UE avait été disposée et prête à prendre les commandes, le débat serait clos. C’était là l’occasion rêvée d’occuper le devant de la scène.

Deux cadavres politiques : l'OTAN et l'UE

Ce raz-de-marée du changement sur ses rives méditerranéennes, qui ont cruellement besoin de tout, de l’aide humanitaire à l’action militaire, était l’occasion de faire naître enfin une politique extérieure et de défense commune en Europe. Mais l’occasion n’a pas été saisie, et de cette formidable crise resteront deux cadavres politiques de plus : celui de l’OTAN, qui ne sera plus jamais ce qu’elle a été, et celui de l’UE, qui jamais ne parviendra à devenir la seule chose qui aurait pu donner du sens à ce qu’elle est encore aujourd’hui.
Si Washington a agi et s’est engagé dans un premier temps, c’est sur l’insistance de la France et du Royaume-Uni. Sans la décision d’Obama, Kadhafi prendrait aujourd’hui ses aises et la rébellion serait liquidée. Mais ensuite, le président américain n’a pas pu résister aux pressions intérieures, qui lui déconseillaient un troisième engagement dans un conflit rapidement qualifié dans son pays de guerre "par choix" et non "par nécessité", pour défendre des valeurs et non des intérêts. C’est une erreur stratégique colossale. Richard Cohen, chroniqueur au Washington Post, qualifie cette nouvelle orientation de doctrine de la non-doctrine : Obama n’a pas de stratégie internationale, et c’est précisément sa stratégie.
Ian Bremmer, du groupe de réflexion Euroasia Group, estime lui que le monde est gouverné par le G-zéro, qui en vient à se substituer à toutes les diverses instances de direction économique du monde, G-8, G-20 ou G-2 (Etats-Unis et Chine) : en d’autres termes, personne ne tient les commandes.
Tout cela est essentiel pour comprendre ce nouveau monde qui surgit sous nos regards stupéfaits. Mais il subsiste un problème plus concret et plus urgent que la géopolitique ne résout pas, puisque c’est la politique qui est censée s’en charger : comment en finir une bonne fois pour toutes avec une guerre qui saigne la Libye à blanc et qui déstabilise toute la Méditerranée ?

Prisons surpeuplées et sous tension


« Du jamais vu ! ». A la maison d’arrêt parisienne de la Santé, « on arrive à trois, voire quatre détenus par cellule. On devrait bientôt arriver à mille matelas par terre dans les prisons françaises », explique Jean-François Forget, secrétaire général de l’UFAP, première organisation des gardiens de prison.

Avec plus de 64 000 personnes incarcérées au 1er avril (64 148 personnes pour être exact soit un chiffre quasiment identique au pic historique de 64 250 détenus atteint en juillet 2008, selon les chiffres communiqués par l’Administration pénitentiaire), le nombre de détenus dans les prisons françaises tutoie de nouveau des sommets et génère une tension croissante dans les établissements pénitentiaires.

Par rapport au 1er janvier 2011 (60 544), le nombre de détenus est en hausse de 6 %. Par rapport au mois de mars (62 685), il augmente de 2,3 %. Avec un parc pénitentiaire de 56 150 places, le taux moyen de surpopulation carcérale est donc de 114,24 % au 1er avril (le nombre des personnes prévenues, c’est-à-dire en détention provisoire dans l’attente d’un jugement, s’élevait au 1er avril à 16 956 pour 47 192 personnes condamnées).

Des chiffres qui ne surprennent pas les représentants des syndicats pénitentiaires. « La surpopulation monte depuis novembre 2010 de façon constante. Et la tension avec », précise Jean-François Forget.

Conséquence de cette surpopulation et de cette promiscuité dans les prisons françaises du genre bombe à retardement : hausse des incidents, bagarres entre détenus et agressions de surveillants (une quarantaine d’agressions violentes contre des surveillants depuis le début de l’année à Fresnes).

Selon Jean-François Forget, c’est en région parisienne et dans l’Ouest de la France que « la situation commence à devenir explosive ». Pour exemple : à la maison d’arrêt de Nantes, le record de surpopulation est battu avec… 440 détenus pour 109 cellules. « Il y a même eu une soirée où les agents ne savaient plus où poser les matelas. Nous sommes très inquiets pour l’été », déclare un surveillant.

Des prisons au bord de l’implosion pour cause d’une surpopulation due pour une grande part à une immigration-invasion incontrôlée depuis des années (tout le monde sait que la majorité des détenus, qu’ils soient caïds ou « petits » délinquants, sont d’origine étrangère et non intégrés dans la société française malgré toues les dispositions prises par les gouvernements successifs qui préfèrent fermer les yeux plutôt que d’être traités de « racistes »).

Pour preuve de la présence massive de détenus d’origine étrangère, un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, qui explique que les détenus appartenant à « certaines confessions » (pour la plupart de religion musulmane) n’ont pas les moyens de pratiquer leur religion. A l’occasion d’une rencontre avec la presse, Jean-Marie Delarue (qui évalue la proportion de musulmans en prison de « 30 à 40% des effectifs) avait relevé un « déficit criant d’imams dans les prisons », ainsi que l’absence de nourriture halal et un manque de respect pour les tapis de prière. Sans commentaire.

A noter que la France compte 191 prisons, que plusieurs d’entre elles, vétustes, doivent fermer d’ici 2017 et être compensées par l’ouverture de nouveaux établissements pour parvenir à 68 000 places. Soixante-huit mille places supplémentaires qui, au train où vont les choses, seront certainement rapidement insuffisantes.

Le ciel unique toujours dans les nuages

Un an après l'arrêt du trafic aérien à cause de l'éruption du volcan Eyjafjöll, compagnies aériennes et autorités européennes simulent un nouveau nuage de cendres. Objectif : une meilleure coordination. Mais ce n'est pas gagné. 

Une nouvelle fois, le danger se cache sous un nom étrange. Grimsvötn, c’est le nom du volcan qui est entré en éruption ce mercredi en Islande, un an après que les cendres du volcan Eyjafjöll ont paralysé une large partie du trafic aérien européen.
Pour le moment, Grimsvötn ne crache que des cendres virtuelles. Cette éruption fait partie d’un exercice de simulation lancé par l’Union européenne pour voir si le chaos de 2010 se répèterait si un nouveau nuage de cendres menaçait. L’exercice s’est poursuivi jusqu’à jeudi soir et ses résultats devraient être présentés début juin. On sait néanmoins déjà une chose : le ciel européen est loin d’être à l’abri du danger.

Beaucoup d'annonces, peut de concret

Après l’éruption d'Eyjafjöll, des groupes de travail et des plans d’urgence ont bien été mis en place et l’UE serait aujourd’hui mieux préparée à un tel scénario, explique Siim Kallas, le commissaire européen aux Transports. La Commission européenne ne peut toutefois pas nier qu’elle n’a guère progressé sur le problème principal. "L’harmonisation des dispositifs d’interdiction de vol est particulièrement difficile".
La question des seuils limite avait été à l’origine d’une grande confusion et de bien des disputes. Il y a un an, il n’existait aucune indication sur le seuil limite de concentration de cendres au delà duquel les avions ne devaient pas décoller. Peu après l’éruption, cette limite fut fixée à 2 milligrammes par mètre cube. L’interdiction préalable de la navigation aérienne par le ministre allemand des Transports avait alors été vivement critiquée par les compagnies aériennes.
Il s’avéra par la suite que la colère des compagnies aériennes était justifiée. D’après une étude présentée en début de semaine par le centre allemand pour l’aéronautique et l’aérospatiale, à aucun moment cette limite n’a été franchie l’an dernier. Cinq jours après l’éruption du volcan, la concentration de cendres volcaniques dans l’air s'élevait à 0,2 mg/m3, soit un dixième de la limite autorisée.
Du côté de la Lufthansa, on ne souhaite pas relancer la polémique avec le ministre des transports. La réaction de l’UE est toutefois très critiquée. "Il y a beaucoup d’annonces mais peu de choses concrètes", souligne un porte-parole. Le principal problème l’année dernière était lié au manque de données fiables. "Nous voyons aujourd’hui que cette question n’est pas encore réglée".

Une boîte à parlotte bureaucratique

L’Association européenne des compagnies aériennes (AEA) s’exprime en des termes nettement moins diplomatiques. "Nous connaîtrions un nouveau désastre, affirme un porte-parole de l’organisation pour qui Eurocontrol ne serait rien de plus qu’une 'boîte à parlotte' bureaucratique à l’échelle supranationale".
Il faut bien dire que le bilan des autorités européennes n’est guère reluisant. Certes, les autorités ont amélioré le système d’évaluation des risques et défini trois zones à risques. Mais chaque pays reste libre de décider quand décréter l’interdiction de la navigation aérienne.
Le projet, déjà ancien, d’harmonisation du ciel européen baptisé Ciel unique européen, aurait pu être utile, mais il traîne depuis des années. Il prévoyait notamment de réunir les espaces aériens des Vingt-Sept en neuf grands blocs. Pour l’heure, il n’existe que trois zones aériennes européennes : celles formées par l’Allemagne et la France, la Suisse et le Bénélux. Les autres devraient être définies à la fin de l’année 2012 d’après la commission.
Les résultats de l’exercice de simulation devraient montrer si les réglementations actuelles permettent de mieux faire face à un nouveau nuage de cendres. Le 13 avril, les participants à cette simulation – la Commission européenne, Eurocontrol, les autorités nationales de contrôle aérien ainsi que 70 compagnies aériennes – ont appliqué les réglementations en vigueur dans leur pays. Le lendemain, ils ont testé la "réponse européenne harmonisée".
Pour les compagnies aériennes, une meilleure supervision du ciel européen n’est toutefois pas suffisante. Ainsi que les fabricants du nouveau carburant E10 avaient dû apporter la preuve de la non dangerosité de leur produit, les compagnies aériennes exigent que les constructeurs aéronautiques leurs démontrent que leurs appareils ne courent aucun risque en navigant en deçà de 2mg/m3 de cendres volcaniques.
Les autorités responsables n’ont peut-être plus beaucoup de temps. Le Grimsvötn montre des signes d’activité. Pour le géophysicien, Bernd Zimanowski, une véritable éruption est "inévitable". Le volcan pourrait commencer à cracher des cendres dès la fin de l’été ou à l’automne. "Si les vents restent défavorables, nous allons assister au même cirque", prévient le chercheur.

« Mistral » et vent contraire


Comme c’était prévisible (notre éditorial du 22 août 2010), la vente de bateaux de projection français de la classe « Mistral » à la Russie butte sur le transfert de technologie. Plus précisément sur le contenu exact du prix d’au moins un milliard et demi d’euros, sur lequel Paris et Moscou s’étaient entendus l’année dernière. Il y va de quatre bateaux: deux seront construits en France, les deux autres assemblés dans un chantier naval russe. Pour un pays dont la marine n’a jamais été très riche en porte-aéronefs modernes, ce partage serait déjà une initiation à une nouvelle génération de bâtiment, qui sont aussi des postes de commandement flottants.


Cette fonction implique des capacités embarquées très pointues, d’observation, de détection, de communications, de calcul informatique. En fait, c’est dans ce domaine que les amiraux russes espèrent accéder au dernier cri de la technique occidentale. Mais Paris agit comme s’il suivait notre conseil, contenu dans ledit éditorial aoûtien: proposer aux Russes une version « export » - simplifiée - des systèmes sensibles du «Mistral». Tout comme les Russes, comme nous l’avions alors souligné, proposent à certains pays des versions de leurs avions de combat Sukhoï débarrassées des équipements les plus modernes en service sous l’étoile rouge. La France est d’autant plus tentée d’agir ainsi, que les systèmes de ces bateaux tant convoités sont en réseau avec ceux d’autres unités essentielles de la Marine nationale, en particulier le porte-avions à propulsion nucléaire « Charles de Gaulle ». En disperser la technologie risquerait d’affaiblir les protections dont la gestion de ces bâtiments et les liaisons entre eux et les états-majors doivent bénéficier.


Pourtant, la demande russe n’est pas extravagante dans son principe : le transfert de technologie est aujourd’hui une demande classique des acheteurs d’armes. Le Brésil n’agit pas autrement pour son marché des avions de combat ; le succès du « Rafale », naguère prématurément annoncé comme acquis, dépend aussi de ce que la France est prête à céder en matière de savoir-faire. Les pays émergents ne veulent pas seulement s’armer, mais aussi apprendre à s’armer. Et peut-être nous concurrencer demain.

L’impasse et l’épreuve

Qu’il est aisé de célébrer les grands principes, la paix, la démocratie, la liberté, le bonheur des peuples ! Des principes qui, pour les Libyens, s’identifient à la chute de la dictature, donc à celle de Kadhafi. Mais comment leur venir en aide en ne terminant pas le « travail » commencé le 19 mars en vertu de la résolution 1973 de l’Onu ? Par des incantations à l’allemande ? Par la seule surveillance du ciel libyen qu’encombre déjà une noria d’avions dont la plupart ont interdiction d’ouvrir le feu, sur consigne de leurs gouvernements ?

Seuls les chasseurs français, britanniques et canadiens sont vraiment engagés depuis que les Etats-Unis se tiennent en retrait. En tout, une soixantaine d’appareils qui attendent jour après jour les sporadiques et prudents ordres du commandement atlantique. Pendant que les milices de Kadhafi bombardent à l’artillerie lourde villes et villages encore tenus par les « rebelles »...

Ce qui s’est passé à Berlin durant la réunion de l’Otan reflète cette situation ubuesque en ajoutant une tonitruante cacophonie si peu assourdie par les exhortations et autres déclarations « généreuses ».

L’Otan a montré que, sans le leadership américain directement exercé sur le terrain, elle n’était qu’un tigre en papier. Une belle machine militaire, sans doute, mais surtout une autre bureaucratie bruxelloise (avec celle de l’UE), galonnée et étoilée, tournant tous freins serrés quand à Washington le commandant en chef laisse faire en observant ses alliés européens. Pour constater que ces derniers, volontiers donneurs de leçons, sont incapables de s’entendre sur une ligne de conduite. Pas seulement sur la question libyenne, également sur l’avenir de l’Alliance.

Ainsi, bien que taire les divergences franco-allemandes soit de bon ton diplomatique, Paris et Berlin s’opposent aussi sur l’hypothétique bouclier antimissiles européen, l’Allemagne liant son déploiement à l’abandon de toute dissuasion nucléaire en Europe, ce que la France ne peut que refuser.

Le problème immédiat reste toutefois la Libye. Sortir de l’impasse actuelle relève désormais de la seule responsabilité de l’Otan - l’ « Otan européenne », devrait-on dire – qui avait à tout prix voulu assurer le commandement des opérations, sans mandat politique clairement défini dans l’interprétation de la résolution 1973 de l’Onu.

Plus encore qu’en Afghanistan, l’Alliance atlantique de l’ « après guerre froide » joue désormais sa crédibilité, non seulement en Méditerranée, mais également - dans sa composante européenne - face aux Etats-Unis.

La Libye sera un révélateur pour l’Alliance. Elle l’a déjà été pour cette « défense européenne » rêvée par la France et, depuis les frappes franco-britanniques du 19 mars, définitivement devenue chimère. A jeter aux orties avec l’inutile et dispendieuse « politique étrangère » (sic) de l’Union européenne...

Garde


On ne devrait jamais quitter Thizy, doit grommeler Monsieur Mercier devant la pagaille de la garde à vue. C’est pas ma loi, a-t-il coutume de répondre aux critiques. Sans doute, mais il est aujourd’hui le garde des Sceaux, c’est donc à lui d’écoper. De quoi s’agit-il ? D’une de ces lois vite faites mal faites par des ministres qui se succèdent sans se croiser, et un parlement qui légifère sans se parler. Résultat, comme on dirait dans le Beaujolais de Monsieur Mercier : beaucoup de lois primeurs, à consommer de suite, et bien peu de lois de garde. Ainsi le veut notre Président, à qui rien ne plaît tant que de nous annoncer : la loi nouvelle est arrivée ! Mais ce qu’ils ne claironnent pas, notre Président et son garde, c’est que la facture de leur hâte nous reviendra : un timbre fiscal de 30 euros par justiciable pour payer les avocats. A ce prix, ils pourraient la garder, leur loi.

Migrations : réviser nos attitudes


Nous marchons sur la tête ! Face à l'énorme problème des migrations humaines qui ne vont qu'augmenter, nous restons isolés. Chacun des pays concernés tente de traiter le problème à sa façon, alors que la concertation en vue d'arrêter des politiques communes est évidemment plus que jamais nécessaire à l'heure de la mondialisation.

C'est en Europe que le nombre de migrants résidents est le plus élevé : 70 millions contre 50, par exemple, en Amérique du Nord. Cependant, ces immigrés ne représentent que 8,8 % de la population européenne (contre 13,6 % en Amérique du Nord).

Dans l'avenir, les populations riches et vieillissantes d'Europe, ayant moins de bras jeunes, pourront de moins en moins aisément assurer le fonctionnement économique et social de leur société. En face, les populations pauvres du Sud et en âge de travailler, poussées par le besoin et la fascination que suscite la richesse du Nord, tenteront de plus en plus fortement d'ouvrir les portes de notre continent. « Pourra-t-on garder pour principal objectif celui de contenir le flux des migrants ? », demande Virginie Raisson, chercheuse-analyste en relations internationales dans son Atlas des Futurs du Monde (1).

Les blocages concernant cette question sont souvent provoqués par des idées fausses. On met l'accent sur le coût exagéré des prestations sociales versées aux migrants et à leurs familles. Mais on oublie de compter leur contribution à la consommation ainsi qu'aux emplois que nous refusons d'occuper : bâtiment, nettoyage de voirie, aide sociale, etc. Or, selon la Banque mondiale, 3 % d'immigrants ajoutés à la main-d'oeuvre autochtone des pays d'accueil dégagent un revenu supplémentaire de 160 milliards de dollars dans les pays industrialisés, soit plus que les gains tirés de la libéralisation du commerce de marchandises. On le voit, l'immigration contribue à la croissance économique ; y compris à celle des pays d'origine qui reçoivent de leurs immigrés près de 2 % de leur PIB, soit près du triple de l'aide au développement...

« Trafiquants de désir »

Malgré ces aspects positifs, c'est la peur et le repli défensif qui conduisent les pays riches à adopter des politiques migratoires restrictives, mais qui s'avèrent inefficaces et inadaptées. En effet, elles ne dissuadent pas les candidats au départ de leur propre pays. Le rêve de la richesse occidentale est propulsé par les images des télévisions, jusque dans les plus pauvres gourbis du monde. Elles entraînent la volonté, la rage d'en sortir à tout prix en encourant tous les risques. Les obstacles placés par les pays riches sur la route de ces migrants sont contournés. Des filières criminelles en font leur profit et prospèrent à mesure que la difficulté est rendue plus grande. Ces « trafiquants de désir » sont assez efficaces, mais ils sont aussi le « premier maillon d'une longue chaîne de souffrance ». (1).

Les clandestins sont extrêmement vulnérables. Beaucoup perdent la vie dans leur aventure. La plupart sont exploités, accusés de concurrence déloyale. Face à cette situation, les syndicats sont plongés dans l'embarras. Les responsables politiques, mal à l'aise, doivent arbitrer entre les problèmes démographiques qui se posent à long terme et les enjeux sécuritaires, sociaux, économiques à court terme, qui influent sur le calendrier électoral immédiat dont ils dépendent.

Comment concilier tout cela ? À savoir, les intérêts des pays d'accueil qui ont besoin de main-d'oeuvre qualifiée et non qualifiée ; ceux des migrants qui devraient pouvoir circuler entre leur pays d'accueil et leur pays d'origine, et qui ont besoin de protection juridique et sociale ; ceux des pays d'origine qui ont besoin d'investissements et de développer les formations. Il est évident qu'une profonde révision de nos attitudes est incontournable. Un regard totalement neuf est indispensable, loin des visions habituelles et des réflexions toutes faites.

Le phénomène migratoire, par son ampleur, sa puissance, sa diversité, « échappe à la logique des États ». Ceux-ci, soucieux à juste titre de préserver leur souveraineté sur leur territoire, ne pourront cependant y parvenir que s'ils prennent, à l'échelle globale, des mesures de régulation pertinentes. Il faudra réussir à articuler migration et développement respectif des pays de départ et des pays d'accueil. Les uns et les autres devront s'associer pour « la mise en place d'un système migratoire régulé, sécurisé et profitable à tous » (1).

Voilà l'un des grands chantiers que l'Union européenne, avec tous ses membres associés, devrait ouvrir d'urgence en lui donnant l'ampleur nécessaire, surtout en cette période de mutation de ses proches et grands voisins du Moyen-Orient et d'Afrique.

(1) 2033, Atlas des Futurs du Monde, de Virginie Raisson, Éditions Robert Laffont.

L'euro reste en baisse face au dollar après des indicateurs américains

L'euro restait en baisse face au dollar vendredi, pliant sous le poids de spéculations persistantes sur une restructuration prochaine de la dette grecque, le billet vert bénéficiant d'une accélération surprise de l'activité manufacturière autour de New York.
Vers 16H00 GMT (18H00 à Paris), l'euro valait 1,4442 dollar contre 1,4488 dollar jeudi à 21H00 GMT.
L'euro perdait aussi du terrain face à la devise nippone à 120,03 yens contre 120,97 yens jeudi.
Le dollar reculait face au yen à 83,11 yens contre 83,47 yens la veille.
La hausse de l'activité manufacturière s'est accélérée contre toute attente en avril dans la région de New York, pour atteindre son plus haut niveau en un an, selon des chiffres publiés vendredi.
En outre, le moral des ménages est remonté contre toute attente aux Etats-Unis, selon l'indice de confiance des consommateurs américains qui s'est établi à 69,6 pour avril.
Par ailleurs, les prix à la consommation ont continué d'augmenter aux Etats-Unis, où leur hausse a atteint 0,5% sur un mois en mars, comme en février, comme attendu
"L'inflation reste bénigne, mais la pression monte. Les inquiétudes des marchés, et de la Réserve fédérale américaine (Fed), sont lentement mais sûrement en train de passer de risques déflationnistes à inflationnistes", observait Teunis Brosens, économiste chez ING.
Mais la hausse des prix n'est pas suffisamment rapide pour entraîner un revirement de la Fed, qui semble toujours estimer que l'inflation est essentiellement à mettre sur le compte de l'envolée des prix de l'énergie.
En zone euro, l'inflation a accéléré plus que prévu en mars dans la zone euro, à 2,7% sur un an, selon une deuxième estimation diffusée vendredi.
Ces chiffres étaient de nature à alimenter les spéculations sur la poursuite du resserrement monétaire en zone euro, après la première hausse la semaine dernière du taux d'intérêt directeur de la Banque centrale européenne (BCE) afin de lutter contre l'inflation.
Mais ces attentes passaient au second plan vendredi, la monnaie unique restant plombée par des inquiétudes persistantes sur la capacité des pays fragiles de la zone euro à rétablir leurs finances publiques.
Malgré les démentis des dirigeants grecs et européens, le marché continuait notamment d'anticiper une restructuration de la dette de la Grèce, premier pays européen à avoir fait appel l'an dernier à une aide financière de ses partenaires européens et du Fonds monétaire international (FMI).
L'Irlande restait également au centre des inquiétudes du marché vendredi après l'abaissement de deux crans par l'agence de notation Moody's de la note de l'île, la reléguant au plus bas niveau possible pour les emprunteurs fiables, en raison de la dégradation des perspectives économiques du pays.
Le FMI et l'Union européenne ont pour leur part salué vendredi les "progrès" réalisés par l'Irlande pour surmonter la crise économique, ainsi que l'application par le gouvernement des mesures promises dans le cadre du plan d'aide international conclu cet automne.
Vers 16H00 GMT, la livre britannique progressait face à la monnaie unique européenne à 88,47 pence pour un euro, mais baissait face au billet vert à 1,6322 dollar.
La monnaie helvétique progressait face à la devise européenne à 1,2902 franc suisse pour un euro, mais reculait face au billet vert à 0,8934 franc suisse pour un dollar.
L'once d'or a fini à 1.476,75 dollars au fixing du soir contre 1.465,75 dollars jeudi. L'once de métal jaune est montée vendredi jusqu'à 1.486,07 dollars, un nouveau sommet inédit.
Le yuan chinois a terminé à 6,5317 yuans pour un dollar contre 6,5313 yuans la veille.
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