TOUT EST DIT

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jeudi 7 avril 2011

Et maintenant, tous en Allemagne !

Le 1er mai marquera la fin des quotas limitant l’accès au marché du travail allemand des travailleurs de plusieurs pays ex-communistes. Alors qu'une grande vague de main d’œuvre polonaise est redoutée en Allemagne, côté polonais, on assure que cette immigration sera bénéfique pour l’économie allemande.
"Sous les lits allemands", tel est le titre d’un livre que vient de publier en Allemagne une femme de ménage polonaise sous le pseudonyme de Justyna Polanska. L’auteur raconte les saletés dégoûtantes qu’elle trouvait dans les maisons de ses clients et comment elle était traitée par ses employés.
Pour les Justyna Polanska , rien ne va changer après le 1er mai. Elles continueront à faire des ménages dans les maisons allemandes et elles continueront à travailler au noir. Malgré tout, l’ouverture du marché du travail chez nos voisins de l’Ouest réveille encore de grandes émotions.
Selon un récent sondage de l’Institut IMAS, deux tiers des Allemands sont persuadés que les habitants des nouveaux membres de l’Union vont venir en masse chercher du travail chez eux. Et ils sont près de 70% à estimer que cela sera négatif pour l’Allemagne, contre 16% à penser le contraire.
Encore plus alarmant, le sondage publié par Welt am Sonntag selon lequel les trois quarts des personnes interrogées jugent que les Allemands vont perdre peu à peu leur emploi à cause de la suppression des quotas institués pour les Polonais, les Tchèques et les citoyens des pays entrés dans  l’Union en 2004.

Après le 1er mai, 100 000 personnes arriveront chaque année en Allemagne

Ceux qui connaissent  bien l’Allemagne d’aujourd’hui ne seront pas surpris par les résultats des sondages. C’est notamment sous la pression de l’opinion publique que les gouvernements allemands successifs ont tous respecté la période transitoire de sept ans pour l’accès au marché du travail et prolongé à deux reprises toutes les restrictions contre l’avis des économistes.
Mais les Polonais ne s’en sont pas plaints. Au contraire, ils ont appris à se débrouiller avec la bureaucratie allemande et ils ont su exploiter les lacunes de la législation allemande. Ces dernières années, selon l’Institut polonais de statistiques, 400 000 Polonais ont travaillé en toute légalité en Allemagne. Ils sont bien plus nombreux à avoir trouvé un emploi en Grande Bretagne, qui, elle, a ouvert son marché en 2004.
La plupart des experts allemands jugent que rien d’extraordinaire ne devrait se passer après le 1er mai. Joachim Muller, directeur d’un institut de recherches dans une agence de travail, est d’avis que ce sont 100 000 personnes qui vont arriver chaque année en Allemagne. En provenance des nouveaux pays membres, en grande partie de Pologne.
Selon la Chambre de commerce polono-allemande, la suppression des barrières  incitera 200 000 à 400 000 Polonais à émigrer en quelques années. La plupart viendront des régions proches de la frontière, mais aussi de Mazovie et de la région d’Opole. Ce sera une émigration plutôt régionale, rien à voir avec l’émigration après l’adhésion de la Pologne à l’Union.
Les agences de l’emploi se frottent déjà les mains : les employeurs ne vont pas l’admettre, mais beaucoup comptent sur les Polonais. Les Allemands cherchent surtout  des gens avec un bon niveau d’éducation — des médecins, des infirmières, des informaticiens — mais ils sont aussi intéressés par du personnel temporaire comme des magasiniers, dit Karina Kaczmarczyk de Work Service International.

La Bundeswehr : un débouché possible pour les jeunes Polonais

Les Allemands se plaignent depuis très longtemps du manque d’informaticiens. Les spécialistes des nouvelles technologies choisissent de préférence les Etats-Unis plutôt que l’Europe. Les Allemands mènent des campagnes de recrutement dans plusieurs pays mais sans grand succès, car les informaticiens polonais préfèrent rester chez eux.
Les aides-soignantes et les sage-femmes sont quant à elles prêtes à travailler en Allemagne, mais uniquement de façon temporaire. Quant aux médecins polonais, ils choisiront plutôt d’aller en Grande-Bretagne. Ce sont donc des travailleurs peu qualifiés, qui ont besoin d’un vocabulaire de base, qui sont susceptible d’émigrer en Allemagne.
Les Polonais auront encore d’autres opportunités en Allemagne : la Bundeswehr, tout comme l’armée polonaies, devient professionnelle. Un travail que les jeunes Allemands n’ont pas envie de faire. Aussi, le ministère de la Défense envisage d’engager des jeunes domiciliés en Allemagne même s’ils n’ont pas la citoyenneté allemande.
Parmi les centaines de milliers de citoyens polonais qui vont chercher leur bonheur sur le marché du travail allemand, il s’en trouvera qui voudront faire carrière dans les forces armées allemandes. On ne peut pas imaginer un symbole plus fort de l’Europe unie.


Vu de Pologne

Une manne pour l'économie du pays

Les Polonais qui travaillent à l’étranger ont envoyé au pays 4,2 milliards d’euros en 2010, écrit Dziennik Gazeta Prawna. Cette année, cette somme devrait être encore plus élevée, en raison de la suppression des barrières pour les citoyens polonais en Allemagne, de l’amélioration de la conjoncture économique à l’ouest et de la bonne situation sur les marchés du travail. Le journal de Varsovie juge que 500 000 personnes pourraient bientôt émigrer en Allemagne. Selon les calculs de la Banque nationale polonaise, les Polonais qui travaillent sur l'autre rive de l'Oder ont envoyé l’année dernière en Pologne 1,15 milliard d’euros. Depuis l’entrée de la Pologne dans l'Union, en 2004, les transferts de l'étranger, qui se montent à près de 27,5 milliards d’euros, sont devenus un "élément essentiel de l’économie du pays". Une manne qui pourait toutefois se tarir si les émigrés renonçaient  peu à peu au retour au pays et s’enracinaient définitivement à l’étranger.

Chef de guerre sur tous les fronts

En s'engageant sous couvert de l'ONU en Libye et en Côte d'Ivoire, au nom de la protection des populations civiles, la France est passée du principe de non-ingérence à celui d'un interventionnisme proclamé, risqué et coûteux. Il s'agit d'un tournant pour l'action française à l'étranger sur lequel le président devra éclairer la nation car, avec l'Afghanistan où 4 000 soldats sont déployés, et le Kosovo, la France est désormais présente sur quatre théâtres d'opérations. Les partis de gouvernement le soutiennent - même si le consensus semble se fissurer -, les Français sont loin de s'en indigner. Mais on sait combien l'opinion peut être réversible en cas de dommages « collatéraux ». A Tripoli comme à Abidjan, le but - non formulé mais recherché - vise à déloger deux dictateurs qui répriment leurs opposants à l'arme lourde. Il est vain d'épiloguer sur les intentions supposées d'un Nicolas Sarkozy qui voudrait montrer son caractère de chef de guerre, ou se refaire à l'extérieur une popularité en berne à l'intérieur. Les risques politiques qu'il court - celui de l'enlisement ou de voir des soldats perdre leur vie au combat - l'emportent sur les bénéfices éventuels. On fera les comptes quand Kadhafi et Gbagbo seront tombés et que des solutions politiques s'esquisseront. Il fallait être du bon côté de l'Histoire, du côté des peuples qui se soulèvent. Un massacre a été évité à Benghazi ; l'indifférence vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale aurait été reprochée. Il reste que Nicolas Sarkozy a renié sa promesse de neutralité et rompu avec le principe selon lequel la France ne se poserait plus en « gendarme » de l'Afrique. Il défend une certaine idée de la France et de son honneur - donner un coup de pouce aux démocrates - mais une toute autre affaire sera de savoir terminer ses engagements militaires.


Colmatage et consolation

Les confrontations armées en Afrique, créant l’incertitude sur le sort futur de MM. Kadhafi et Gbagbo, ont quelque peu relégué au second plan l’épreuve que vivent les Japonais depuis la triple catastrophe du 11 mars dernier : séisme d’une magnitude hors du commun, raz-de-marée jusqu’à cinq kilomètres à l’intérieur des terres, et — conséquence technologique — lourds dommages pour une centrale nucléaire réunissant la bagatelle de six réacteurs.

Il convient donc de mettre en exergue l’une des rares bonnes nouvelles venues, ces derniers jours, de l’horizon nippon : le colmatage d’une fissure par laquelle s’échappaient dans le Pacifique environ 7000 litres par heure d’une eau hautement radioactive. Certes, cet océan est le plus vaste, mais avant que les flots contaminés ne se diluent dans les immensités entre Asie et Amériques, ils auront peut-être infligé des dommages sévères aux zones de pêche et d’aquaculture qui ceinturent l’archipel du Japon. Ce colmatage est donc salutaire, même si d’autres points de fuite ne sont pas à exclure.

Néanmoins, les derniers développements à Fukushima évoquent cette histoire où l’on creuse une fosse pour enfouir des déchets, puis une autre pour faire disparaître la terre extraite pour le trou précédent, et ainsi de suite. Conserver désormais l’eau irradiée — à un taux pouvant dépasser de 200 000 fois le seuil de risque sanitaire — implique d’abord de libérer des cuves spéciales, en évacuant dans la mer des milliers de tonnes d’une autre eau, contaminée « faiblement », mais tout de même…

Or, bien des spécialistes admettent que l’effet à long terme de doses réduites de radioactivité, mais cumulées, n’est pas bien connu. On ne sort pas des incertitudes. Pas davantage pour ce qui concerne l’état exact desdites cuves, et leur résistance à un hypothétique séisme futur.

À défaut d’assurances, on offre aux Japonais de la consolation. Littéralement, les premières indemnités proposées par la firme nucléaire Tepco sont, en effet, appelées « paiements volontaires de consolation ». C’est l’intention qui compte.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Sans issue

Le plus étonnant, le plus inquiétant, c’est le mystère. Comment un homme abandonné dans sa résidence par la quasi-totalité de sa garde politique rapprochée est-il parvenu à résister aux assaillants? Hier matin, pourtant, on ne donnait pas cher de sa peau. C’était la fin finale. Tous les observateurs étaient persuadés que Laurent Gbagbo ne survivrait pas politiquement - et peut-être physiquement - à l’assaut lancé par les forces d’Alassane Ouattara.

Les précédents de l’Histoire laissaient peu de doute sur la rapidité de la victoire des assaillants. Au Burkina voisin, en 1987, le président Thomas Sankara n’avait pas tenu longtemps - à peine quelques heures - quand les hommes de son ancien compagnon de révolution, Blaise Compaoré, avaient décidé de le déloger du pouvoir. On avait retrouvé le jeune, mince et fantasque dirigeant suicidé... Après l’échec des tractations pour le contraindre à l’exil, un destin semblable semblait promis au président sortant ivoirien. La France, certes, avait appelé à lui laisser la vie sauve, mais faute de participer à l’attaque de la demeure, elle a perdu, du même coup, la possibilité de garantir sa promesse. Les hasards du corps à corps, et les aléas d’une résistance acharnée peuvent réserver tant de surprises mortelles n’est-ce pas?

Les images employées par le président élu renvoient à elles seules le degré de férocité - tout à fait réciproque d’ailleurs - qu’il porte à son prédécesseur. Il fallait «le sortir de son trou». Comme on dirait un rat acculé dans un réduit. Et vivant! Une capture, quoi. Sans doute pour mieux l’humilier devant les caméras du monde entier. Si Gbagbo avait gagné, il aurait sans doute infligé une épreuve semblable au vaincu, mais l’idée d’accepter que lui-même doive baisser la garde était impensable: elle l’aurait ramené à l’état de soumission auquel un ancien Premier ministre d’Houphouët-Boigny, un certain... Alassane Outtara, l’avait plongé, jadis, en l’emprisonnant. Jamais! Dans sa tribu bété, un chef meurt les armes à la main...

L’erreur des Occidentaux, et de la France en particulier, c’est de ne pas avoir trouvé, en cinq mois, une porte de sortie honorable au président sortant ivoirien. L’exil, en Afrique du Sud ou ailleurs, qui semble indispensable pour empêcher la cristallisation des rancœurs autour du président déchu, ne peut être suffisant. Il fallait une reconnaissance, une fonction internationale, quelque chose de brillant pour cet homme sensible au prestige. Faute de quoi, il y avait fort peu de chances qu’il parte de lui-même de son palais...

Ce serait faire trop d’honneur à une personnalité peu recommandable qui a sans doute beaucoup de morts et de violence politique sur la conscience? Sûrement, mais une démocratie nouvelle ne se construit pas sans faire un minimum de place au régime «d’avant». C’est le prix de la pacification ivoirienne.

La guerre a cassé l’Europe

La crise libyenne a fait éclater au grand jour les contradictions qui marquent l'Union européenne : en matière de politique industrielle, de relations internationales et d'immigration, l'intérêt national et son corollaire, l'absence de solidarité, prévalent. 

Trois éléments, de nature à détériorer les relations entre la France et l’Italie, donnent matière à réflexion sur les difficultés de l’Union européenne. Un désaccord économique : l’Italie prépare un décret pour éviter que des intérêts français ne prennent le contrôle, au demeurant par des voies tout à fait ordinaires, de ce qu’elle considère comme un fleuron de l’industrie agro-alimentaire italienne, à savoir le géant du lait Parmalat.
Un différent politique dans l’affaire libyenne : les Français, de concert avec les Britanniques, voudraient faire partir Kadhafi quand l’Italie, en raison des bonnes relations de ce dernier avec Berlusconi, cherche par tous les moyens à permettre au dictateur de trouver une sortie honorable et négociée.

Rome plus proche de Moscou que de Paris et Londres

Enfin, une querelle qui touche à l’immigration : les Italiens qui sont, via l’ile de Lampedusa, le point d’entrée de ceux qui, à la faveur notamment de la révolution tunisienne veulent entrer en Europe, s’indignent de l’attitude française consistant à bloquer à la frontière franco-italienne les Tunisiens qui voudraient continuer leur voyage et trouver du travail en France.
La première difficulté est totalement incompatible avec les règles de bon fonctionnement d’un marché unique. La position italienne est donc difficilement acceptable. Mais il faut bien reconnaître qu’elle participe d’une thématique à laquelle les gouvernements ont de plus en plus recours, à savoir le patriotisme économique, érigé en rempart contre les forces du marché.
Les Allemands, un temps avec l’affaire Opel, mais aussi les Français usent volontiers de cet argument que l’Italie retourne aujourd’hui contre la France. Ce sont des guerres stériles qui se jouent le plus souvent au détriment du consommateur européen, même si les mouvements de concentration posent d’incontestables problèmes sociaux. Mais qu’il appartiendrait à l’Europe de poser et de prêter.
La seconde problématique renvoie à la question d’une défense européenne. L’attitude de Rome, qui est plus proche de Moscou que de Paris et Londres est, sur le fond, difficilement admissible. Ce sont des liens particuliers entre Kadhafi et Berlusconi, entre Kadhafi et Poutine qui expliquent en partie la bienveillance de ces deux leaders vis-à-vis du colonel Kadhafi.
Mais surtout l’attitude italienne, et plus encore celle de l’Allemagne, nous rappellent l’année 2003. Comme si nous vivions une sorte de 2003 à l’envers. Cette année-là en effet, la guerre en Irak avait cassé l’Europe. D’un côté Rome, Londres et Madrid avec George Bush. De l’autre, Berlin et Paris qui avaient formé avec Moscou un axe hostile à la guerre. Il faut se souvenir que l’Union européenne a eu beaucoup de mal à effacer cette trace-là.

Ponce Pilate, le modèle des leaders européens

Et nous vivons là un nouveau paradoxe. Le rapprochement, dans une opération militaire placée sous le signe du devoir d’ingérence, donc des valeurs que nous portons, ordonnée autour d’un axe Londres-Paris, est peut-être le signe qu’il devrait être possible de rallier la Grande-Bretagne à l’embryon d’une défense européenne.
Celle-ci est rendue d’autant plus nécessaire que le leadership américain n’est plus ce qu’il était et la différence se fera donc entre ceux des Européens qui vont continuer d’en appeler à ce leadership américain et ceux qui, comme viennent de le faire la France et la Grande-Bretagne, considèrent qu’une autre répartition des rôles, laissant plus d’initiatives à l’Europe, est rendue possible par le relatif recul de ce leadership américain.
Autant l’attitude italienne, au regard de ce que pourraient être les objectifs européens, est donc critiquable s’agissant de la Libye, autant en matière d’immigration, on ne peut qu’être choqué par le peu de solidarité dont elle bénéficie. La situation à Lampedusa illustre en effet une fois de plus une très grave carence européenne.
Chacun sait que l’éventuelle maîtrise des flux migratoires ne peut dépendre que d’une attitude de plus en plus coordonnée et cohérente des différents pays européens concernés. Or qu’a-t-on vu ? Un spectacle insoutenable d’un gouvernement italien laissant pourrir la situation sur place pour mieux justifier, aux yeux de l’opinion, des mesures plus radicales ; et, dans le même temps, des leaders européens qui semblent tous avoir pris modèle sur Ponce Pilate. C’est une situation qui n’est pas acceptable.
On le voit donc à travers ces différents épisodes, qui opposent une fois n’est pas coutume l’Italie et la France, chaque jour qui passe devrait nous convaincre de reprendre vaille que vaille le chemin perdu de l’intégration européenne.

Non au suicide des agriculteurs


Savez-vous que 400 agriculteurs ont mis fin à leurs jours en 2009, soit plus d'une personne par jour ? C'est deux fois plus que la moyenne nationale . Ce scandale se déroulait, jusqu'à présent, dans l'indifférence générale.

La société Saint-Vincent de Paul a organisé, récemment à Rennes, une table ronde sur la solitude en milieu rural. À cette occasion, le ministre de l'agriculture, Bruno Le Maire, a lancé un plan contre le suicide des agriculteurs, en cette année où la lutte contre la solitude est grande cause nationale.

Bien sûr, une partie du monde agricole est dynamique et va bien. Mais le désarroi d'une autre partie du monde agricole est immense. On l'ignore. Pire, on l'entretient par toutes sortes de comportements, d'images dévalorisantes, de soupçons, de moqueries envers les enfants d'agriculteurs...

L'isolement des agriculteurs grandit. On les accuse de tous les maux de la terre, en particulier de la pollution. En plus du mépris, on rajoute sur leurs épaules des contraintes qui demandent des investissements longs à amortir, alors que leurs revenus varient brutalement à cause de la fluctuation des cours mondiaux et qu'ils n'ont pas fini de rembourser les investissements précédents. On oublie que beaucoup sont économiquement fragiles.

Souvent plus pauvres, ils sont aussi moins aidés par leur entourage. Hier, le mari et la femme travaillaient souvent ensemble. Aujourd'hui, 75 % des jeunes femmes d'agriculteurs déclarent n'exercer aucune activité dans l'exploitation. « L'agriculteur se retrouve de plus en plus seul », constate le sociologue Jacques Rémy.

Une responsabilité collective

De plus, l'écart se creuse entre le mode de vie des agriculteurs et la manière de vivre générale : être toujours là, attaché à la terre, est difficile dans une société qui a fait des loisirs et du divertissement le passeport de la reconnaissance sociale. À mesure que la société sombre dans l'immédiateté, la noblesse du travail des agriculteurs se voile. On en oublierait presque que le pain que l'on mange chaque jour est « le fruit de la terre et du travail des hommes ».

Comment combattre le sentiment d'échec qui envahit peu à peu certains agriculteurs ?

Il y a « une responsabilité collective, explique François Régis Lenoir agriculteur et psychologue. Il faut détecter les territoires à risque car il existe des zones où les suicides sont contagieux. » Le plan décidé va s'y employer.

Au-delà, il s'agit, selon Bruno Le Maire, de « remettre les agriculteurs au premier plan de la société » en apportant les réponses économiques, sociales et humaines à leur désarroi. Dans le cadre du G20, le gouvernement lutte contre la spéculation qui provoque la volatilité des cours des marchés agricoles. Au niveau européen, il travaille pour que les produits agricoles importés répondent aux mêmes normes que les produits européens, afin d'éviter une concurrence inégale. En France, il plaide pour le juste prix d'achat des denrées agricoles. Sur le plan social et humain, un dispositif d'écoute et d'accompagnement va être mis en place.

Il est aussi un remède à la portée de tous : respecter ceux qui cultivent la terre. « On fait un beau métier. Nous méritons d'être pris en considération », déclarait un agriculteur. Être attentif à leur détresse cachée, y remédier sans attendre, est de la responsabilité de tous.



Cruauté


Les juges de la Cour de révision n’ont pris qu’une poignée de minutes et quelques mots pour renvoyer Dany Leprince en prison – et puis ils sont vite partis, comme des voleurs... Il y a neuf mois, leurs collègues de la chambre d’à-côté avaient rendu sa liberté à Dany Leprince, après seize années derrière les barreaux. Et ils lui avaient donné l’espoir, c’est humain, d’une innocence enfin reconnue. Mais non, la révision n’aura pas lieu, et en prime, Dany Leprince devra remâcher sa déception en prison. Cruauté, ou inconscience ? On plaint le simple juge du rang, soucieux de son métier, qui subissait déjà le souvenir d’Outreau, l’hostilité de notre Président et le manque de moyens. Il devra demain assumer en plus la scandaleuse incohérence de la Cour de révision. Quant aux juges de cette Cour, on leur enverrait volontiers le gorille Georges Brassens – sans cruauté aucune.

La saison de la chasse au Rom n’est pas finie

Au moment où l’UE appelle les Etats membres à davantage d’efforts afin d’intégrer les Roms qui vivent sur leur sol, les intimidations de l’extrême droite magyare contre la "criminalité tzigane" continuent, sans que le gouvernement de Viktor Orbán, qui préside pourtant l’Union, ne réagisse. 

Sans son église médiévale et ses caves à vin blotties à flanc de colline, Gyöngyöspata ressemblerait à tant d'autres villages hongrois : la mairie datant de l'époque communiste, la supérette Coop, les jardinets bien sarclés où pointent les premières jacinthes, les rues boueuses du ghetto rom.
Pourtant, un peu de l'avenir de l'Europe s'est joué, au mois de mars, dans cette localité de 2 850 habitants, à une heure de route au nord-est de Budapest. Encadrée par le parti Jobbik (entré au Parlement avec 16,8 % des voix, en avril 2010, mais en chute dans les sondages), l'extrême droite a fait de Gyöngyöspata un laboratoire contre la "criminalité tzigane", patrouillant jour et nuit avec l'appui de nombreux villageois, qui ont logé et nourri pendant plus de deux semaines les miliciens.
Le 6 mars, le dirigeant national du Jobbik, le député Gabor Vona, y a parlé devant 1 500 paramilitaires. La plupart portaient l'uniforme noir de Szebb Jövoert ("Pour un plus bel avenir"), une organisation placée sous le parapluie légal des milices villageoises d'autodéfense. On voyait aussi des individus agressifs, treillis et crâne rasé, brandissant des haches ou des fouets, flanqués de pitbulls. Les premiers jours, les familles roms n'osaient même plus envoyer leurs enfants à l'école.

Viktor Orbán exalte le "courage magyar"

La police locale n'est pas intervenue, malgré la ressemblance de Szebb Jövoert avec la Garde hongroise, une milice proche du Jobbik qui s'était livrée aux mêmes manoeuvres d'intimidation de la minorité tzigane, avant d'être dissoute par la Cour constitutionnelle en juillet 2009. Il a fallu attendre que les miliciens aient quitté les lieux de leur propre gré, le 16 mars, pour que le gouvernement du premier ministre conservateur, Viktor Orbán, commence à réagir.
Le 15 mars, pour la fête nationale hongroise, M. Orbán a prononcé à Budapest un discours dans lequel il a exalté le courage magyar face aux diktats des puissances étrangères, y compris l'Union européenne (UE), dont il assume ce semestre la présidence tournante. Il n'a pas soufflé mot de Gyöngyöspata.
Ce jour-là pourtant, une poignée de contre-manifestants, conduits par Aladar Horvath, du Mouvement pour les droits civiques des Roms, s'étaient rendus sur place. Parmi eux, le pasteur Gabor Ivanyi et deux députés du LMP, le petit parti Vert libéral (qui n’a obtenu aux législatives de 2010 que 314 voix malgré 6000 électeurs roms potentiels).
"Ici, nous avons voté massivement Fidesz (le parti de M. Orbán, qui jouit d'une majorité des deux tiers au Parlement), rappelle Janos Farkas, le chef de la communauté tzigane de Gyöngyöspata, soit 500 personnes. Parce qu'il nous avait promis du travail." Un an après, le taux de chômage en Hongrie n'a pas baissé, sauf que l'on ne touche plus qu'une allocation par famille. Et le gouvernement a réduit le budget accordé aux "administrations autonomes" des minorités.

"Nous sommes Hongrois avant d'être tziganes !"

Depuis la reprivatisation des forêts, en 1992, les Tziganes n'ont plus le droit d'y cueillir les champignons ni de ramasser le bois pour se chauffer. "Nous avons offert, en échange de ce paiement en nature, d'assurer le nettoyage des domaines forestiers. Les propriétaires ont refusé, constate M. Farkas. Mais nous vivons ici depuis cinq siècles, nos ancêtres ont défendu ce beau pays contre les Turcs, nous sommes Hongrois avant d'être tziganes !"
La délinquance augmente dans les campagnes, dont les habitants se sentent abandonnés. Certains meurtres ont profondément choqué l'opinion, tel celui d'un enseignant, lynché fin 2006 à Olaszliszka (nord-est) sous les yeux de ses enfants, parce qu'il avait effleuré avec son véhicule une petite fille rom. Le Jobbik lui a érigé un monument. A l'inverse, la série d'attaques meurtrières contre des Roms, menées en 2009 par un groupe de néonazis actuellement jugé à Budapest, n'a guère ému la population.
A Gyöngyöspata, la source du conflit semble avoir été l'achat, par la Croix-Rouge hongroise, de maisons pour reloger des familles de Roms sinistrées lors des inondations de 2010. La perspective de les voir s'installer au coeur du village a suscité de vives résistances. Des habitants ont écrit à Gabor Vona, explique Oszkar Juhasz, le président de la section locale du Jobbik (26 % aux législatives de 2010).

Le taux de natalité des Roms fait peur

M. Juhasz est viticulteur, descendant d'une de ces familles de petits nobles qui vivaient jadis à peine mieux que les serfs mais croyaient être la chair et le sang de la Hongrie millénaire. Il affiche, dans l'entrée de sa maison, la carte du pays avec les frontières d'avant 1920.
Pour l'extrême droite, obsédée par la perte historique de deux tiers des territoires nationaux, la natalité des Tziganes est une menace : "Depuis 1898, leur nombre a été multiplié par plus de cent, dit-il. Nous ne sommes pas racistes, mais la politique d'intégration des Roms signifie, trop souvent, baisser le niveau de vie des non-Roms."
Samedi 2 avril, vêtu de son uniforme noir, Oszkar Juhasz a défilé dans les rues de Hejöszalonta (nord-est), 900 habitants, aux côtés d'autres "patriotes hongrois". La veille, le chef de la fraction parlementaire du Fidesz, Janos Lazar, avait évoqué devant des journalistes la possibilité d'assouplir la législation sur les armes, au bénéfice de l'autodéfense. Une revendication du Jobbik.


Discriminations

La feuille de route de l’UE relève du vœu pieux

"L’intégration des Roms dans les pays membres sera supervisée par la Commission européenne" : Hospodářské noviny résume ainsi la feuille de route pour lutter contre les discriminations dont sont victimes les Roms présentée le 4 avril par la commissaire à la Justice et aux droits fondamentaux Viviane Reding. La Commission souhaite que chaque pays adopte une nouvelle stratégie d’intégration, qui tienne compte des spécificités de chaque communauté rom. Par la même occasion, Mme Reding a reconnu que les Etats membres traînent des pieds pour dépenser les ressources disponibles : sur les 2,6 milliards d’euros alloués à des projets pour l’intégration des Roms, seuls 100 millions ont été dépensés. La plupart des 12 millions de Roms qui vivent dans l’UE sont victimes de discriminations — notamment en Roumanie et en Bulgarie —, constate une étude récente menée dans six pays de l’UE (Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Slovaquie), selon laquelle 42 % des enfants rom achèvent l’école primaire contre 97,5 % en moyenne pour les autres enfants européens. Selon la communication de la Commission, l’intégration des Roms dans chaque pays devrait concerner l’éducation avant tout, mais aussi le logement, le santé et l'emploi, explique encore -, qui cite une étude de la Banque mondiale selon laquelle "la pleine intégration pourrait rapporter près de 500 millions d’euros par an aux pays concernés, grâce à des gains de productivité, à la réduction des dépenses sociales et à l’augmentation des recettes fiscales". C’est en revanche la déception du côté des associations qui travaillent pour l’intégration des Roms : interrogé par EUobserver, un représentant du réseau ERGO qualifie de "décevante" la communication de la Commission car, explique le site bruxellois, "elle confie à chaque Etat membre le soin de gérer les discriminations à l’encontre de cette minorité — ce que certains gouvernements comme celui de Budapest n’ont pas vraiment envie d’assurer".