TOUT EST DIT

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vendredi 1 avril 2011

La France et l’Italie jouent au ping-pong

Tandis que sur l'île italienne de Lampedusa des centaines de réfugiés provenant de l'Afrique du Nord toute proche continuent de débarquer, à la frontière franco-italienne, d'autres tentent sans succès d'entrer en France, la destination finale de leur périple. 

Des réfugiés provenant d’Afrique du Nord continuent de débarquer par centaines à Lampedusa, au large de la Tunisie, provoquant une crise humanitaire et politique. Pendant ce temps, à la frontière franco-italienne [au sud-Est de l'hexagone], des centaines d’autres tentent sans succès d’entrer en France, la destination finale de leur périple.

"L’Italie ne nous intéresse pas. Nous sommes de passage. Nous voulons aller en France mais là-bas, on ne veut pas de nous."
Bivouacs à la gare, murets transformés en urinoir, sieste dans les jardins municipaux, campements le long de long de la rivière Roia. Probablement clandestins, peut-être réfugiés, sûrement dans une situation désespérée. Ce sont des migrants.
Si Lampedusa est le col de la bouteille, Vintimille en est le fond, où s’agite un mélange explosif. Des vies en transit - un jeans, des chaussures de sport, un téléphone portable pour tout bagage - et des habitants inquiets, qui interpellent dans la rue leur maire Gaetano Scullino : "Quand est-ce que vous les faites partir d’ici ?".
La gare de Vintimille est la troisième étape italienne pour les migrants partis de Tunisie. Après le débarquement à Lampedusa, et le transfert dans des centres d’hébergement provisoires sur le continent —  Bari, Foggia, Crotone - d’où il est facile de s’échapper. Puis le train vers le Nord pour franchir la frontière.

Un fax à la police italienne suffit au renvoi

L’Italie est seulement un passage. Leur rêve, c’est la France : pour retrouver des parents qui les y ont précédés, pour un travail, plus facile à trouver sur la Côte d’Azur. Mais les dix kilomètres, à peine, qui les séparent de Menton semblent plus longs que les nuits de navigation périlleuse dans le canal de Sicile.
Car pour les migrants la frontière entre l’Italie et la France est un mur infranchissable. Leur cauchemar, c’est la police des frontières, qui a intensifié ses contrôles ces dernières semaines : interception des véhicules, avec un œil sur la couleur de peau des passagers, et patrouilles dans les trains.
Quand ils en trouvent un sans papiers, ils le réexpédient illico à Vintimille, sans prendre le temps de vérifier leur statut ou leur état de santé. Un fax à la police italienne des frontières suffit. Nous les reprendrons sans faire d’objection.
Les autorités italiennes sont tout l’opposé : zéro contrôle, personne ne demande les papiers. Les centres d’hébergement débordent, personne ne sait où les mettre. D’ailleurs, pourquoi les arrêter s’ils ne veulent pas rester ici ? Les locaux restent tolérants, pour l’instant.

La petite Lampedusa du Nord

Ainsi Vintimille est devenue une petite Lampedusa du Nord. Chaque jour, une cinquantaine de migrants arrivent du sud de l’Italie, autant essaient de passer la frontière  française. Peu y parviennent, une trentaine retournent bivouaquer à Vintimille, avant de réessayer.
Et ça augmente de jour en jour.  Aujourd’hui ils sont plus d’une centaine. Tous des hommes de moins de trente ans, des Tunisiens pour la plupart (et on voit arriver les premiers Libyens). En poche, des sandwichs et l’argent pour le train.
Aucun problème d’ordre public jusqu’à maintenant. Les habitants de Vintimille qui en 1998 avaient été envahis par les Kurdes, souffrent mais tolèrent, "mais si ça continue comme ça, la situation va exploser", entend-t-on dans les cafés comme dans les réunions institutionnelles, devenues quotidiennes.
La nuit, les migrants campent dans le passage souterrain de la gare où il y a une prise pour recharger les téléphones. Après les protestations du maire, la SNCF laisse aussi la salle d’attente et les toilettes ouvertes. Dans la journée ils vont et viennent en ville, en quête du chemin le moins risqué vers la France.
Samir aura bientôt 24 ans. Il a émigré en Italie quand il était enfant, il a travaillé jusqu’à il y a peu dans une entreprise de transport, mais elle a fermé.
Il a suivi une fille a Nice où actuellement il travaille comme charpentier. Il montre sa carte de séjour avec laquelle il peut se déplacer librement en Europe.
Toute la journée, il s’est tenu sur ses gardes : "Je suis venu chercher mon frère. Il a 20 ans, il est passé de Sfax à Lampedusa en payant 1800 euros, puis il a été transféré dans les Pouilles. Il m’a téléphoné. Je lui ai dit : "Je viens te chercher à Vintimille". Et me voilà. Hier, j’ai fait quatre fois l’aller-retour de Nice pour comprendre comment s’opèrent les contrôles. En voiture, ce n’est pas possible : s’ils nous contrôlent, ils m’arrêtent".

Les passeurs sont de retour

Ces jours-ci, on voit réapparaître les passeurs, qui avaient disparu depuis l’abolition des frontières. Ils abordent les migrants à la gare, leur montrent une voiture et leur proposent de les emmener à des tarifs variables : 50 euros jusqu’à Menton, 100 pour Nice, 150 pour Marseille. Trois passagers par voiture, départ à la tombée de la nuit. La police en a déjà arrêté dix.
Des pros de la montagne s’offrent comme guides pour franchir la frontière à pied, comme avant Maastricht, sur les rochers en surplomb. Samir craint les pièges : "Mieux vaut le train. Au moins, là, on voyage dans des compartiments différents. Je ne risque pas d’être arrêté".
Huit heures dix-sept, le train pour Grasse. C’est l’heure. Samir appelle son frère, fait la queue, puis lui donne son ticket comme si c’était un billet de loterie. Il serre son frère contre sa parka, et chacun part s’installer à un bout du train.
C’est le soir. À la gare on étend les cartons. La place est déserte, la police surveille discrètement. De nouveaux migrants descendent du train de Rome et s’installent pour la nuit. Un SMS arrive. C’est Samir : "Adieu Italie !".

Paris et Londres ont coulé la politique étrangère de l’UE

La France et le Royaume-Uni ont pris l’initiative en Libye et occupé les postés clé du Service européen d’action extérieure, faisant voler en éclats l’ébauche de diplomatie européenne qui se dessine péniblement. Au point que certains pensent qu’il vaudrait mieux confier la politique étrangère de l’UE directement à Paris et à Londres. 

Que reste-t-il de l’Union européenne après la crise de l’euro et au beau milieu de la crise libyenne ? Pas mal de choses sur le terrain de l’économie, et quasiment rien sur celui de la politique étrangère. Jean Monnet remarquait que l’Europe s’était bâtie grâce aux crises. Cela a été le cas avec la réponse à l’explosion de la crise de la dette, à laquelle l’Europe a fini par réagir, avec le nouveau Pacte pour l’euro.
L’intervention en Libye n’a pour le moment amené à aucun progrès dans la politique étrangère commune ; au contraire, elle démontre que l’organisation prévue par le traité de Lisbonne — une sorte de ministre des Affaires étrangères avec son service diplomatique — ne marche pas. Ou qu'elle ne sert à rien.
Certains estiment que c’est la faute de Catherine Ashton, qu’il est désormais de bon ton d’accuser de tous les maux. En réalité, Mme Ashton a été choisie exprès par les gouvernement nationaux : exprès pour être, en tant qu’Haut représentant pour les affaires étrangères européennes, une "non-entité". La Baronne britannique remplit cette mission à la lettre.

Les intérêts nationaux priment en politique étrangère

Pourquoi la politique étrangère commune ne fonctionne pas ? Parce que les Etats membres ont des intérêts géopolitiques divergents — ou du moins, c'est ce qu'ils pensent. Les politiques utilisent en effet le terrain international comme un instrument au service de leur image personnelle. Et parce que, contrairement à ce qui se passe sur le terrain économique, il n’y a pas de monnaie unique, ni d’institutions communes liées au marché intérieur et ainsi de suite.
En matière économique aussi, les intérêts nationaux peuvent diverger. Mais la conviction que les avantages de l’appartenance à une zone économique intégrée sont supérieurs aux inconvénients prédomine pour le moment.  Ce n’est pas le cas en politique étrangère. Le cas de la Libye est exemplaire : la France, après avoir titubé sur la Tunisie, vise à rétablir son influence sur de nouvelles bases en Méditerranée ; pour l’Allemagne, dont la zone d’influence politique est tournée vers l’Europe centrale et orientale et les intérêts commerciaux sont en Inde et en Chine, c’est une guerre inutile et coûteuse.
Le résultat est paradoxal : c’est la première crise internationale qui voit deux pays européens (France et Royaume-Uni) au premier rang et en même temps, la politique étrangère et de sécurité européenne en sort en miettes.
Paris et Londres ne le voient naturellement pas de la même façon : elles estiment agir "pour le compte" de l’Europe, en tant que seules puissances encore en lice. La perception des autres pays de l’UE est que la France et le Royaume-Uni agissent "à la place" de l’Europe. Il y a une belle différence.

Sous-traiter l'action extérieure européenne?

L’accord franco-britannique de coopération militaire de novembre dernier n’a pas fait progresser l’Europe de la défense. Et même si les deux pays représentent près de la moitié des dépenses militaires européennes et qu’ils sont les seuls à disposer d’armes nucléaires et à siéger de façon permanente au Conseil de sécurité de l’ONU, ils n’ont aucune intention de diluer leur coopération bilatérale dans une "institution" européenne dont ils n’auraient pas le contrôle.
L’Agence européenne pour la défense, confiée depuis quelques jours à un directeur français, n’a par ailleurs jamais démarré. Enfin, le cas de la Libye révèle les limites des capacités militaires existantes : pour intervenir, Britanniques et Français ont eu besoin des Tomahawk américains. Et ils utilisent des bases italiennes.
Et si la France et le Royaume-Uni ne font ni l’Europe de la défense ni sa politique étrangère, les deux pays ont trusté la plupart des postés clé du Service européen d’action extérieure (SEAE), qui est ainsi devenu l’expression directe du couple aux manettes. Alors, pour faire marcher la politique étrangère européenne, autant suivre le conseil de Charles Grant, le directeur du Centre for European Reform de Londres : la sous-traiter à Paris et à Londres, selon un principe de "décentralisation" des responsabilités compatible avec le traité de Lisbonne.
Quand des idées pareilles commencent à circuler, il y a lieu de s’inquiéter. Les précédents — de Suez à Ben Ali en passant par l’Algérie — sont la pour nous le rappeler.



Guerre en Libye

Crète aux premières loges de la guerre

La mise à disposition de la base de Souda, située sur l’île Crète, à quelque 400 km des côtes africaines, des avions de l’Otan, inquiète les Crétois, rapporte Le Figaro. Certains habitants redoutent un éventuel "déchainement des Libyens" à leur encontre, et des retombées néfastes sur le tourisme. Pour d’autres, tel un hôtelier, "le plus inquiétant, dans cette guerre, c'est l'arrivée de réfugiés et d'immigrés clandestins". Or, explique le quotidien, l’île accueille déjà un grand nombre d’ouvriers agricoles ou du bâtiment provenant d’Albanie, du Kurdistan ou d’Afghanistan et qui ont perdu leur emploi suite à la crise économique qui a frappé la Grèce. "Conscientes du problème, les autorités grecques ont fait appel à Frontex, poursuit Le Figaro. La police aux frontières a donc renforcé sa coopération et a envoyé un bateau avec 25 garde-côtes roumains et un avion portugais. ‘Ce sont des missions de prévention qui sont en place jusqu'au 2 juin’, affirme l'un des officiers sous couvert d'anonymat : ‘Jour et nuit, nous longeons la côte crétoise pour dissuader toute tentative d'entrer par cette nouvelle brèche en Europe’, précise-t-il."

L'appel de Tulle en attendant Washington

Pour un ancien chef du parti, il y a comme un paradoxe. En se lançant dans l'investiture du PS, François Hollande ne s'est pas tant porté candidat à la primaire qu'à la présidentielle ! Il s'est déclaré non à Paris mais depuis son fief de Corrèze, ex-Chiraquie, où tel un Mitterrand il est parvenu à se forger un lien avec une terre provinciale pendant sa traversée du désert. Il n'a rien laissé au hasard. Le préalable qu'il avait posé - un destin présidentiel conditionné par sa réélection au conseil général - relevait de l'effet de dramatisation. Elle fut une formalité. Sa candidature a un sens. Revenu du diable Vauvert dans les sondages, il s'y est préparé avec soin, au point d'engager une transformation physique et de se délester de son humour. Il s'est construit un personnage. François Hollande ne sera pas le Zorro du PS, pas le candidat de la rupture à gauche mais celui d'un réformisme responsable. Son problème ? Il incarne une ligne social-démocrate qui ne le distingue pas de DSK et cumule sur ce dernier un handicap : l'inexpérience de l'État. Toutefois, les pressions pour le dissuader de tenter sa chance confinent au ridicule. L'homme a des convictions ; le PS détient l'occasion rare de donner une leçon de démocratie interne. Encore devra-t-il savoir « gérer » le débat. La primaire peut déboucher sur le pire - la division - et les socialistes ont montré leur goût pour l'autodestruction, comme sur le meilleur, une dynamique de rassemblement. La séquence qui s'ouvre au PS, suspendu à l'appel de Washington, n'est pas sans danger. Champion des matches amicaux, sa préparation est loin d'être terminée. François Hollande brigue une place de capitaine. Ses kilos perdus l'ont affûté.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




La voie corrézienne

Ce n’est encore qu’une candidature à la candidature. Mais elle a le poids d’une candidature tout court. Elle est plus lourde, bien plus lourde de conséquences, que celles, plus impatientes, de Ségolène Royal, d’Arnaud Montebourg, ou de Manuel Valls. Sans doute parce qu’elle est plus dense, plus ferme, plus ronde, même si celui qui la porte a perdu dix kilos pour mieux endosser le costume de présidentiable.

Hier, François Hollande a fait simple, fidèle à son personnage et à son style. Mais il y a eu une forme de solennité cachée dans un acte qui ne peut être simplement politique. Cette façon de dire «je suis prêt» comme on décide de l’être, après une profonde inspiration, pour un grand rendez-vous. Celui-là, c’est avec la France. Et puis Tulle, la Corrèze... Ce côté terrien, enraciné, voire rural, qu’a voulu donner cet énarque, diplômé d’HEC plus amateur de bons mots encore que de bonne chère, dont le brio pourrait sembler signer une identité plus urbaine que campagnarde. Il y a là une geste à la fois pompidolienne, chiraquienne et bien évidemment mitterrandienne. L’unique président socialiste de la V ème République, dont il fut le conseiller à l’Élysée, était un provincial définitif, persuadé que la légitimité pour occuper les plus hautes fonctions de l’État se cultivait sur un territoire. Lui aussi avait choisi un département âpre, la Nièvre, pour partir à la conquête du pays tout entier.

Tout l’imaginaire qui enveloppe le président de Conseil général réélu et adoubé par Bernadette Chirac le distingue de celui qu’il défie. C’est le pari de la tortue contre le lièvre incarné par Dominique Strauss-Kahn, flamboyant directeur d’un organisme international parcourant le monde, condamné à jouer jusqu’au bout du teasing médiatique pour mieux se faire désirer.

François Hollande, lui, est parti de très loin, et de très bas, dans une course qu’il a toujours rêvé de remporter. On a souvent reproché à l’ancien premier secrétaire du PS, qu’il fut pendant 11 ans, d’avoir laissé passer sa chance en 2007. Mais après tout, cette sagesse n’était pas si frileuse. Elle lui préconisait simplement de laisser passer son tour.

La patience hollandienne est une de ces vertus qui contraste avec l’avidité des ambitions socialistes pour 2012. La promesse d’une présidence plus modeste tranche aussi avec la pratique de l’actuel occupant du poste.

Elle est trempée dans une détermination peu spectaculaire certes, mais très efficace, sans laquelle Hollande ne serait pas arrivé là où il en est aujourd’hui. Car le bonhomme sait tuer (politiquement) avec drôlerie. Il sait compter aussi, comme le patron du FMI. Le déficit de popularité qu’il accuse dans les enquêtes d’opinion ? Les pourcentages actuels des instituts de sondage ne sont pas l’unité de compte qui décidera de l’issue des primaires, ni de la suite.

La téléréalité survit en politique

A quelques jours des dix ans de Loft Story,TF1 vient d’enterrer la téléréalité des années 2000. Carré Viiip peut bien disparaître des écrans. La relève d’Endemol est assurée par les partis politiques depuis que François Hollande hier, François Fillon par sa dissonance sur la laïcité et Nicolas Hulot par son « retenez-moi » ont lancé la campagne de 2012.

Comme dans une émission de téléréalité, on peut choisir le candidat en répondant à un sondage, sur internet en attendant la finale nommée ici primaire.

À droite, pour le Président sortant tapez 1, pour le recours au Premier ministre gaulliste social tapez 2, pour le Copé ni gauche ni FN tapez 3, pour le Villepin républicain enflammé tapez 4. Au PS, il faudra éliminer du loft l’Américain fort en économie, la secrétaire nationale chti sociale et martiale ou le Corrézien relooké qui a changé de partenaire .

Chez les écologistes pour Eva l’incorruptible venue du froid tapez 1, pour l’animateur-baroudeur sponsorisé qui ne part jamais sans son gel douche tapez 2. Pour taper sur tout le monde, appuyez sur la touche Marine.

A un an de la présidentielle, l’offre politique se limite à des castings, des images dessinées par des gourous en marketing. Les chaînes de télévision et les partis politiques recrutent d’ailleurs les mêmes pour «vendre des concepts».

La politique fonctionne ainsi depuis trop longtemps. Elle a fait perdre aux Français l’envie de débattre, de devenir plus solidaires, de croire en l’avenir, d’accepter des réformes responsables. Ils attendent des réponses concrètes pour leur pouvoir d’achat, pour mettre fin aux inégalités choquantes, et des vérités sur ce que le politique a le pouvoir de changer. Après les électeurs dimanche dernier, TF1 leur a répété hier: le temps de la téléréalité est terminé.

Primaire ou secondaire ?

Le PS a les yeux tournés vers ses primaires, l’UMP joue « Petits meurtres entre amis », et le Front national rêve d’être calife à la place du calife. Et à part ça ?

À part ça, il y a une catastrophe nucléaire au Japon, la Libye à feu et à sang, la Côte d’ivoire qui explose, le pouvoir d’achat qui dégringole et le blues des Français qui s’accroît de jour en jour. Cela ne semble nullement perturber les partis, tout à leur stratégie pour la présidentielle de l’an prochain.

La cacophonie autour du débat sur la laïcité est l’exemple même de l’aveuglement politicien. À force de focaliser sur le hidjab, ce sont les électeurs qui mettent les voiles, las d’une polémique sans fin et sans résultats. Au bout du compte, le débat sur la laïcité tourne à la querelle de chapelles au sein du parti présidentiel. L’essentiel étant non pas de défendre l’idéal républicain, mais de ne plus perdre de voix ! À gauche, la course à la présidentielle ressemble un peu à ces courses de vélo sur piste, auxquelles la plupart des gens ne comprennent rien, mais où l’important semble être de se marquer avant de bondir dans le sprint final.

Le comble du ridicule a été atteint hier à Mayotte où le nouveau département n’a pas été officialisé faute de quorum à l’élection du premier conseil général de son histoire. La belle leçon de démocratie que voilà ! Et le FN ? Tel Harpagon comptant ses louis d’or, il compte ses voix avant de faire entendre la sienne au moment des élections.

Pourtant, à en juger par l’abstention record aux élections cantonales de dimanche, on mesure à chaque scrutin le désamour grandissant des Français pour leur classe politique. Les prix des carburants se sont envolés, ceux du gaz et de l’électricité frisent l’indécence, mais cela paraît relégué au second plan de l’actualité politique, comme la question du nucléaire, de sa sûreté et de son remplacement éventuel.

Cette focalisation sur les échéances électorales résonne comme un aveu d’impuissance face aux mouvements désordonnés de la planète. Les Français qui en subissent les contrecoups, aimeraient être éclairés, voire rassurés et, dans un tel moment, l’agitation primaire paraît bien secondaire.

Éviter le bain de sang à Abidjan


Quatre jours d'offensive militaire, après quatre mois de stagnation. Le conflit ivoirien opposant Alassane Ouattara, le président élu reconnu par la communauté internationale, au président sortant qui s'accroche, Laurent Gbagbo, vient brusquement de changer de nature. Fini le surplace diplomatique et les tractations sans effet. Cette semaine, ce sont les armes qui ont pris la parole.

En quelques jours, les troupes du camp Ouattara ont militairement, et sans réelle résistance, renversé le rapport de force en leur faveur. Elles ont pris, mercredi, le contrôle de la capitale politique, Yamoussoukro, ville natale de feu Houphouët-Boigny, le père de la nation. Puis celui de San Pedro, le principal port d'exportation du cacao, ressource première du pays. Enfin, elles ont gagné, hier, les faubourgs d'Abidjan pour presser Laurent Gbagbo de partir, désormais sans délai.

Annoncée par cette progression fulgurante, la bataille d'Abidjan est ce que tout le monde redoutait. À commencer par les habitants qui, par centaines de milliers, ont quitté la ville ces dernières semaines. Le 25 mars, l'ambassadeur de France aux Nations Unies estimait que la capitale économique ivoirienne était « au bord de la guerre civile ». Exactions, violences, vengeances. Le bruit des machettes était dans toutes les têtes. Le scénario du pire se profilait. Favorisé par la paralysie diplomatique, politique et économique du pays.

Depuis le 28 novembre, rien en effet n'a pu convaincre le candidat déclaré officiellement perdant, et reconnu comme tel par tous les observateurs, de quitter le pouvoir. Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis dix ans, a tout fait pour s'accrocher et temporiser. Résistant aux condamnations de l'Onu et de l'Union Africaine. Résistant aux pressions financières et économiques adoptées par la communauté internationale.

Isolée, la Côte d'Ivoire a ainsi vu, depuis décembre, son économie se comprimer, plongeant un peu plus le pays dans une crise sans précédent pour cet État qui a longtemps été un exemple de prospérité et un moteur pour toute une région de l'Afrique. Un exemple aussi d'enthousiasme et d'espoir qui s'était traduit par une forte participation des électeurs en novembre. Fascinés de voir les deux candidats accepter un duel télévisé, comme dans les meilleures démocraties.

La suite a remis au-devant de la scène les pires divisions ethniques et partisanes qui affligent de trop nombreux pays africains, rendant la déception encore plus amère. Officiellement, les violences des dernières semaines, perpétrées jusque dans le centre d'Abidjan, auraient, selon l'Onu, fait environ 500 morts civils. Ce bilan, qui pourrait s'aggraver, a suffi déjà à renforcer le découragement de la population ivoirienne qui ne comprend pas comment elle a pu être si peu protégée, malgré la présence de plus de 10 000 Casques bleus.

La progression fulgurante des forces fidèles à Ouattara, les défections, hier, de nombreux militaires proches du président sortant, les pressions du Conseil de sécurité de l'Onu : tout annonce la fin de l'ère Gbagbo. C'est le prix de son départ qui reste à fixer. Tous les Ivoiriens redoutent le bain de sang que des miliciens en perdition peuvent provoquer. L'autre crainte, ce sont les séquelles de la crise dans un pays qui va rester profondément divisé. Même sans Gbagbo.