TOUT EST DIT

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mercredi 30 mars 2011

Une issue lointaine et incertaine

Entrer en guerre est une chose. En sortir, une autre. La réunion de Londres consacrée à l’avenir de la Libye a surtout laissé entendre que l’issue était aussi lointaine qu’incertaine. Car la coalition internationale est devant une impasse que les grands stratèges ne semblent pas avoir vue. Et choisir une autre option pour contourner l’obstacle serait aller au-delà de la résolution 1973 de l’ONU, avec le tollé que l’on imagine. Déjà, les États arabes, alliés si précieux sur un plan psychologique, semblent fléchir depuis que l’OTAN a pris les commandes : seuls sept pays sur les 24 de la Ligue arabe étaient représentés à la conférence.

Pourtant, la maîtrise du ciel libyen est acquise. Les troupes de Kadhafi sont stoppées en rase campagne par l’aviation de la coalition et, aussitôt, les forces « rebelles » s’emparent du terrain. Mais, faiblement armées, elles se débandent dès que l’artillerie « loyaliste », à l’abri dans les villes et villages - donc impossible à détruire sans énormes « dégâts collatéraux » -, tonne. Aujourd’hui, la situation est à peu près la même qu’il y a deux semaines : les volontaires de Benghazi restent bloqués devant Syrte et sont sur le point de perdre leurs récentes conquêtes.

Alors, que faire ? L’engagement au sol est totalement exclu à Washington où Barack Obama ne veut pas répéter les erreurs commises en Irak… et doit être soulagé de voir les Européens, essentiellement les Français et les Britanniques, assumer la responsabilité politique des opérations. Théoriquement aussi, l’ONU interdit cette escalade que représenterait un débarquement de soldats occidentaux, bien que la résolution soit ambiguë puisque tout peut être mis en œuvre pour protéger les populations civiles. N’en déplaise à Alain Juppé, armer l’insurrection relève de la même difficulté car il faudrait déployer des instructeurs sur place. De toute façon, ce ne serait envisageable que si la communauté internationale reconnaissait le « Conseil national de transition ». Jusqu’à présent, seuls la France et le Qatar ont franchi ce pas.

Le flou domine et dominera tant que Mouammar Kadhafi s’accrochera à Tripoli. Lui offrir un exil comme le suggère la diplomatie italienne paraît illusoire : le « guide », adepte de la terre brûlée, ne partira pas volontairement. Ses affidés trop compromis non plus. Négocier un vrai cessez-le-feu avec couloirs humanitaires, selon une initiative turque, relève aussi de l’utopie. Rome et Ankara, pour des raisons diverses, cherchent surtout à se démarquer du volontarisme franco-britannique… tandis que Berlin fait profil bas. Et il ne faut pas négliger d’autres facteurs en Libye même où des rivalités ancestrales opposent la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Une partition de fait n’est pas à exclure, avec à l’ouest le drapeau vert de la « Jamahiriya » et à l’est la bannière de l’ancienne monarchie du roi Idris. Sous un régime plus démocratique à Benghazi, peut-être pro-occidental… et garantissant l’accès au pétrole.

Mais une partition mènerait à un désastre politique face aux opinions arabes. Toute l’opération conduite pour secourir le peuple libyen se résumerait vite à une guerre pour le pétrole…

Comité Théodule

Les cours de récréation ne sont pas devenues des zones de non-droit, et pourtant, 250 000 élèves y sont victimes de violences physiques ou verbales. C’est peu et beaucoup à la fois. Peu, quand on sait que neuf enfants sur dix confessent se sentir bien à l’école, et beaucoup si, à en croire l’enquête menée par l’Unicef, un enfant qui souffre à l’école a toutes les chances de rater sa scolarité, voire sa vie d’adulte.

De tout temps, l’école a marqué le début d’une douloureuse intégration dans la société. Malheur, il n’y a pas si longtemps, à celui qui portait des lunettes, souffrait d’un prénom ridicule ou, comble du déshonneur, avait des parents divorcés, à une époque où la famille était plus décomposée que recomposée !

Les « critères » de discrimination entre gamins ont changé, mais le fier-à-bras existe toujours, et il aura vite fait de trouver son souffre-douleur.

Les temps ont changé depuis le Petit Nicolas, et les « délinquants juvéniles », comme on les appelait jadis, ont, parfois au sens strict du terme, un autre arsenal à leur disposition.

La guerre des boutons est devenue celle du portable ou de la casquette à la mode. Et, pour bien faire, on filme l’agression sur son téléphone. Passer un mauvais quart d’heure renvoie autant aux fameuses quinze minutes de célébrité chères à Warhol, qu’à un odieux remake d’« Orange mécanique ».

Le gouvernement annonce qu’il met en place un « conseil scientifique contre les discriminations à l’école ». L’expression sent le politiquement correct à plein nez. A-t-on vraiment besoin d’un conseil pour que le grand costaud ne pique pas la barre vitaminée du petit ? Les règlements intérieurs existent, les lois de la République, dans le pire des cas, devraient être appliquées pour éviter tous ces dérapages.

Il serait bon de s’interroger pour savoir pourquoi des enfants s’en moquent comme de leur première basket, avant de créer un énième comité. À moins que le ministre ne veuille courir le risque d’être battu comme plâtre par ses petits camarades de l’opposition à l’examen de 2012.

La guerre des chefs et des droites


On a presque envie d'écrire, en ce lendemain de défaite électorale pour la majorité, fratricide, que le PS a treize mois pour perdre la présidentielle et Nicolas Sarkozy autant pour remonter la pente et espérer l'emporter. La charge féroce de Jean-François Copé contre François Fillon - tout de même le patron du parti présidentiel accusant le chef de la majorité de manquer à la solidarité envers l'UMP dans le débat sur la laïcité initié par le chef de l'État - montre que la droite est au bord, sinon de la crise de nerfs, du moins de l'implosion. L'affaire est sérieuse car on n'est pas seulement dans un traumatisme de post-déroute, dans un affrontement entre deux rivaux qui se haïssent cordialement, mais dans un vrai malaise de fond. Au cœur de la tempête, Nicolas Sarkozy. La sanction des urnes l'a affaibli un peu plus. Il n'est plus le chef incontesté de son camp, plus le candidat aussi naturel et incontournable que son hyperprésidence voulait le suggérer. Il avait déjà dû subir deux remaniements plus qu'il les avait inspirés. Il doit maintenant répondre à des questions sur la ligne politique de l'UMP - le coup de semonce du FN l'oblige à une clarification -, sur la stratégie du parti unique et sur les valeurs. Les modérés avancent des raisons morales ou un tournant social pour s'opposer à l'extrême droite, alors que la frange droitière s'inquiète de la porosité avec le FN et milite pour durcir le discours identitaire et sécuritaire. La vague Marine Le Pen a bel et bien fracturé la majorité. En sifflant la fin de la récréation, hier à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a juste signé une sorte de paix armée entre les deux ténors. C'est toute son autorité sur une droite déchirée et inaudible qu'il doit à présent restaurer si, comme dirait Copé, il veut refaire un « collectif ». Il y a urgence quand par exemple un Jean-Louis Borloo menace de faire sécession...

Le commentaire politique de Christophe Barbier



Impuissance

Les cantonales ont été plus qu’un tour de chauffe. En formule 1, on parlerait de séance de qualification, car elles vont influer sur la grille de départ de la présidentielle. Au PS, par exemple, François Hollande se fixait une victoire en Corrèze comme étape obligée d’une marche vers l’Élysée. Il a gagné, il sera donc candidat à la candidature. S’il se décide à entrer dans la danse, Dominique Strauss-Kahn aura au moins un poids lourd sur son chemin, et peut-être deux, car les gains socialistes de dimanche rejaillissent également sur la première secrétaire, Martine Aubry. C’est une constante au PS : les succès régionaux et locaux, en aiguisant les ambitions, compliquent la donne plutôt qu’ils ne la simplifient. La victoire des cantonales n’est pas un gage de sérénité en vue des primaires, loin de là !

Du côté de l’Élysée, on regardait avec gourmandise la gauche aiguiser les couteaux de la discorde. Mais c’était avant les cantonales, et celles-ci ont mis la pagaille au Château, dispersant les soutiens du président de la République comme un coup de tonnerre fait s’envoler une nuée de moineaux. Depuis qu’ils voient les suffrages de droite partir par paquets vers le Front national, les amis de Jean-Louis Borloo, les centristes, les chiraquiens s’en prennent – un peu tard quand même ! — à la droitisation du discours présidentiel. Entre les deux tours, François Fillon a contredit le chef de l’État sur le « ni FN, ni PS ». Hier, le porte-parole du gouvernement, François Baroin, a souhaité l’arrêt du débat sur l’islam, ce qui apparaît comme un blasphème, quand on connaît l’amour de l’UMP — et du président – pour les débats qui fâchent les Français entre eux. Ces insolentes sorties sont en général suivies par des assurances d’indéfectible fidélité au chef de l’État, mais celles-ci ne trompent personne. Au sein du gouvernement, une fracture de plus en plus nette se dessine entre les sarkozystes et les autres.

Une fracture qui mène à la paralysie. Les rappels à l’ordre du président ne sont plus écoutés par personne, mais il est périlleux de changer de cheval. En 1974, l’appel de 43 élus de droite avait promu, à l’initiative de Jacques Chirac, la candidature de Giscard en lieu et place de celle de Chaban-Delmas. Mais celui-ci n’était pas président sortant… Désavouer Nicolas Sarkozy serait infiniment plus risqué. La droite grogne, mais c’est surtout d’impuissance.