TOUT EST DIT

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lundi 28 mars 2011

Présidentielle : Sarkozy peut-il renoncer ?

Le leader naturel de l'UMP ressort affaibli des élections cantonales. Pour l'heure, la droite resserre les rangs et répète à l'envie que l'Élysée ne se gagnera pas sans Sarkozy en 2012. Jusqu'à quand ? 

« Il est indiscutablement le meilleur candidat, il est probablement le seul, non seulement pour nous qualifier pour le second tour de la présidentielle et probablement pour recueillir une majorité de suffrages » Lundi, sur Europe 1, François Baroin, le porte-parole du gouvernement, chiraquien de son état, entendait montrer son attachement au président de la République, malgré tout. 
Malgré la défaite de l'UMP aux cantonales. Malgré la poussée ininterrompue depuis des semaines du FN. « Il y a une abstention importante liée aussi à un désintérêt pour un scrutin local, a précisé François Baroin. (...) Nous devons tirer des enseignements de tout cela, comme nous devons tirer des enseignements de la poussée du Front national. »

« Pure folie »

 

« Ce serait une pure folie d'avoir un autre candidat » que Nicolas Sarkozy en 2012, avait d'ailleurs prévenu François Baroin dès dimanche soir. N'empêche, que le ministre du Budget reprenne à son compte cette hypothèse, même si c'est pour la démonter, montre bien que l'idée fait du chemin. De rumeur diffusée dans les alcôves parisiennes, l'idée d'une mise à l'écart de Sarkozy est devenue une possibilité. 
L'UMP ne peut en tous cas plus faire comme si de rien n'était. Les sondages ont, il est vrai, une portée relative et les huiles de la rue La Boétie ne manqueront pas de rappeler que, souvent, les enquêtes se trompent. Les résultats des cantonales, en revanche, ont une toute autre dimension, Même s'il ne s'agit que d'un scrutin local, ces élections ont confirmé la poussée du Front national et la baisse significative de l'UMP. Et comme l'illustrent les cafouillages de la majorité concernant le débat sur la laïcité, la droite est bien loin d'être unie.
Trois options semblent à présent s'offrir au président :
Soit le chef de l'État poursuit sa marche vers la droite lancée en juillet dernier lors du désormais fameux discours de Grenoble. Nicolas Sarkozy pourrait alors faire comme en 2007 et glaner au FN de précieuses voix. Rien ne dit qu'en 2012, cette tactique soit efficace ; le Front national, au plus bas en 2007, sera bien présent l'année prochaine.
Soit le président effectue un virage au Centre, histoire de ramener dans son giron les déçus du sarkozisme, les modérés prêts à voter PS lors de la prochaine élection présidentielle. C'est cette tactique que proposait lundi François Baroin en estimant qu'il fallait « mettre un terme » aux débats sur la laïcité et sur l'islam en France. C'est cette même route que François Fillon a écarté, lundi à l'Elysée lors d'une réunion du parti majoritaire, en assurant que l'UMP ne devait pas « changer de cap ».
Soit Nicolas Sarkozy renonce et s'évite une possible défaite au premier tour de la présidentielle. Pour l'heure, cette hypothèse n'est certainement pas à l'ordre du jour.

Vers la guerre civile ?

Malgré la reprise par les insurgés des villes stratégiques d'Adjedabia et de Brega, ce week-end, et bien que Kadhafi soit maintenant privé de défense anti-aérienne, l'intervention est de plus en plus critiquée. L'Union africaine s'y oppose, la Ligue arabe déplore le changement d'objectifs et l'Allemagne fait dissidence au sein de l'Union européenne, comme toujours divisée.

Certains disent que l'après-Kadhafi pourrait être pire que l'avant. Trois scénarios sont possibles : 1. La négociation : vendredi, le « guide » libyen était prêt à accepter l'arrêt des combats et une « transition » démocratique. Mais les rebelles ont refusé. 2. Le scénario le plus probable : la partition du pays, entre la Cyrénaïque, contrôlée par les opposants, et la Tripolitaine, tenue par le clan Kadhafi. 3. Victoire de l'opposition. Or, ce scénario se heurte au fait que la résolution de l'ONU ne prévoit pas de renverser Kadhafi ou d'intervenir au sol. Et frapper les bunkers où se cache le dictateur est fort difficile.

Despote « mécréant »

Question centrale. Qui prendrait le pouvoir en cas de départ de Kadhafi, sachant qu'en Libye, le vrai pouvoir est partagé en une dizaine de tribus, présentes dans l'armée, l'administration et l'économie. Les Libyens sont d'abord membres d'un clan avant d'être citoyens. Les tribus comme al-Warfala (un million de membres), dominante à Benghazi, les al-Zouaya ou les Touaregs ont été au premier rang de la rébellion, face à celle de Kadhadi, la Kadhafa, implantée au centre du pays. Mais les clans tribaux sont tellement divisés dans ce pays sans tradition étatique et nationale que le « guide » mégalo fut longtemps leur seul fédérateur. Avant lui, la puissante confrérie islamique des Senoussis joua ce rôle. Or celle-ci n'accepta jamais le Livre vert de Kadhafi (1977) qui prônait le féminisme et le socialisme... Aujourd'hui, les islamistes, présents en Libye et longtemps encouragés par l'Occident, se proposent de fédérer ces tribus après le départ du despote « mécréant »... Le risque de guerre civile ou de récupération du pouvoir par les islamistes est donc bien réel.

Nicolas Sarkozy en pleine crise d'autorité

François Hollande a perdu quelques kilos superflus et troqué son espièglerie familière contre la gravité qui sied à un candidat putatif à l'élection présidentielle. Mais il n'a rien perdu de son œil politique et de son sens de la formule. Celle-ci, par exemple, pour qualifier les palinodies au sommet de l'Etat au lendemain du premier tour des cantonales : "Une crise d'autorité".

L'essentiel est dit, effectivement. Semaine après semaine, presque jour après jour, le président de la République ne semble plus en mesure d'exercer toute l'autorité qui devrait être la sienne. L'on peine parfois à y croire, tant Nicolas Sarkozy s'était imposé, en 2007, comme le chef incontesté de son camp. C'est pourtant la réalité, dont les cantonales sont le révélateur impitoyable.

Le chef de l'Etat a d'abord perdu sa souveraineté absolue sur le gouvernement. En novembre 2010, déjà, il avait tant tardé à remanier son équipe, tant hésité à en changer le capitaine, qu'il avait fini par se voir, peu ou prou, imposer par "sa" majorité parlementaire le maintien de François Fillon à Matignon. Au regard des institutions de la Ve République, c'était une singulière innovation, autant qu'un signe de faiblesse.

L'entre-deux-tours des cantonales a accentué le trait. M. Sarkozy avait clairement fixé la stratégie, le 10 mars, avec l'équipe dirigeante de l'UMP. "Aucune alliance n'est possible avec le Front national", avait-il martelé; mais, face au Front national, il avait exclu tout désistement d'un membre de la majorité au profit d'un candidat de gauche. Dès les résultats du 20 mars connus et la menace du FN confirmée, la consigne – pourtant réitérée – a volé en éclats. Pas à l'initiative de quelque sous-secrétaire d'Etat en quête d'un quart d'heure de célébrité. Mais tout simplement du premier ministre, qui a appelé le 21 mars, en cas de duel entre le Parti socialiste et le Front national, à "voter contre le FN".

Les contorsions qui ont suivi pour rabibocher l'Elysée et Matignon n'ont trompé personne : François Fillon n'assume pas pleinement le coup de barre à droite donné par le président de la République depuis l'été 2010. Il redoute que cette attitude provoque l'effet inverse de l'effet voulu: en clair, un "21 avril à l'envers", qui verrait le candidat de la droite éliminé au soir du premier tour de l'élection présidentielle. Le moins qu'on puisse dire est que cela ne témoigne pas d'une confiance à toute épreuve dans la capacité du président à se faire réélire en 2012.

Il n'est pas seul. De manière plus ou moins explicite, plusieurs ministres, et non des moindres, se sont également démarqués du présidenten appelant à faire barrage au FN : Alain Juppé, Roselyne Bachelot, François Baroin, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez. Au point d'obliger le chef de l'Etat, au conseil des ministres qui a suivi, à un rappel à l'ordre pincé sur la nécessité de jouer "collectif". Qu'une telle mise en garde soit nécessaire en dit long.

Ce qui est vrai du gouvernement ne l'est pas moins de la majorité parlementaire. Menée à la baguette depuis quatre ans, elle a fini par se lasser et par ruer dans les brancards. Nicolas Sarkozy en a fait les frais début mars. La droite modérée – notamment les centristes, qui avaient, pour une fois, surmonté leurs querelles picrocholines – a obligé le gouvernement à renoncer à légiférer sur la déchéance de la nationalité, lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration. Déjà rejetée par la majorité sénatoriale, cette disposition était pourtant l'une des mesures phares du discours du chef de l'Etat à Grenoble, en juillet2010.

Une rébellion similaire est désormais prévisible, en avril, si Nicolas Sarkozy s'entête à vouloir supprimer complètement l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Cette fronde-là a démarré il y a un an, après la lourde défaite de la majorité aux élections régionales. Plusieurs caciques de l'UMP avaient réclamé la suspension du "bouclier fiscal", instauré en juillet 2007, et qui, la crise aidant, apparaît comme un cadeau difficilement défendable fait aux contribuables les plus fortunés.

Le chef de l'Etat avait, alors, catégoriquement refusé, avant d'admettre, fin 2010, qu'il n'avait guère le choix. Mais, pour masquer son renoncement à une des mesures emblématiques du début de son quinquennat, il avait annoncé une réforme plus large de la fiscalité du patrimoine, et notamment la suppression de l'ISF, plutôt que son simple toilettage. Depuis, bien des responsables de la majorité ont expliqué qu'une telle mesure serait budgétairement impraticable et politiquement risquée. Voilà le président prévenu: s'il s'obstine, la majorité ne le suivra pas.

C'est enfin la droite elle-même sur laquelle Nicolas Sarkozy a perdu son ascendant. Pour l'emporter en 2007, il avait brillamment réussi à rassembler derrière lui toutes les familles de son camp, ou presque: les néogaullistes et une bonne partie des centristes, les bonapartistes et les orléanistes, les libéraux et les populistes, à quoi il avait ajouté, à l'été 2009, les souverainistes de Philippe de Villiers et les "chasseurs", toujours bons à enrôler.

Le style du président et son perpétuel activisme, la crise économique, l'usure du pouvoir, les revers électoraux des deux dernières années: tout a contribué à mettre à bas ce bel échafaudage. Et à placer désormais Nicolas Sarkozy devant un redoutable dilemme : s'il penche trop à droite, il s'aliène les modérés que rêve de fédérer Jean-Louis Borloo ; s'il veut ménager le centre, c'est Marine Le Pen qui menace de rafler de gros bataillons de l'électorat populaire.

L'UMP elle-même porte de plus en plus mal son nom : l'union est chaque jour un peu plus de façade ; le mouvement est paralysé; quant au qualificatif de populaire, les cantonales ont démontré cruellement sa fragilité. Sur un socle aussi branlant, le temps commence à manquer pour espérer restaurer une autorité de plus en plus contestée.

La pompe a fonctionné à l’envers

La défaite de la majorité lors de ces cantonales était annoncée. Elle fait plus mal que prévu, pour deux raisons : moins de la moitié des Français concernés sont allés voter – où sont passés l’espoir et l’enthousiasme de 2007 ? — et l’UMP a perdu sur deux fronts, à sa gauche (c’était attendu) et encore plus à sa droite. Voilà qui bouscule la donne. La pompe présidentielle consistant à siphonner les suffrages du Front national a fonctionné à l’envers, vidant une partie des réserves de l’UMP. S’il reste fidèle à la même stratégie, avec le maigre bilan qui est le sien dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre l’immigration illégale et du pouvoir d’achat – entre autres – le chef de l’État se prépare des lendemains encore plus difficiles. Un sondage Ipsos indique qu’il pourrait être éliminé dès le 1 er tour de la présidentielle, avec seulement 17 % des voix contre Dominique Strauss-Kahn et Marine Le Pen ! Ce n’est certes qu’une enquête d’opinion, mais elle en confirme d’autres, et est en cohérence avec les résultats des deux derniers week-ends. L’UMP est, effectivement, à 17-18 %.

Jamais, dans l’histoire de la V e République, un président sortant n’a été donné battu dès le 1 er tour. Porte-parole du gouvernement, François Baroin a jugé nécessaire, hier soir, de dire que ce serait « pure folie » de choisir un autre candidat de droite en 2012, ce qui prouve, en passant, que l’hypothèse est évoquée. Il va désormais falloir que Nicolas Sarkozy démontre à sa propre majorité qu’il reste le champion de son camp. Ça pourrait devenir aussi rock’n roll à droite qu’au PS.

Cela dit, les satisfactions sont loin d’être totales dans l’opposition, à gauche comme à l’extrême droite. Le PS conforte ses positions, et peut rêver au basculement du Sénat, en septembre, mais il remporte moins de départements qu’espéré. Quant au Front national, il gagne des voix entre les deux tours, ce qui lui permet d’obtenir des conseillers généraux. Mais la victoire a un goût d’inachevé. À peine deux élus avec 17 % au 1 er tour, c’est peu, et il ne faut pas accuser le mode de scrutin : pour la majorité des électeurs, le FN reste un parti à part, dont il convient de se méfier. En tout cas, ce n’est pas un parti de rassemblement. Marine Le Pen s’annonce comme la possible trublionne de l’élection présidentielle, mais elle n’a aucune chance de vaincre au 2 e tour.

La France a mauvaise mine

Quel parti peut-il honnêtement se réjouir des résultats de ces cantonales ? Aucun. Le niveau de l’abstention pourrait suffire à résumer le degré de désintérêt des Français pour un scrutin considéré à juste titre, comme marginal. Il va plus loin en exprimant l’exaspération silencieuse du pays contre une classe politique de plus en plus décalée par rapport au réel.

Et ce n’est pas fini… Hier soir, les prestations à la télévision des dirigeants de la majorité et de l’opposition, comme des autres mouvements qui s’estiment «différents», ont montré qu’au-delà des mots ils n’avaient toujours rien compris au phénomène de rejet dont ils sont l’objet : mêmes vantardises des vainqueurs, mêmes dénis des vaincus, mêmes langues de bois des uns et des autres, mêmes promesses qui sonnent creux, mêmes comédies hypocrites devant les caméras comme ce numéro rassembleur surréaliste de Patrick Devedjian. Les artifices grossiers après les affaires choquantes ? Le cocktail s’annonce dévastateur.

44 % de participation à un tel rendez-vous électoral, cela relève presque du miracle tant ces élections ont été instrumentalisées jusqu’à l’insupportable par l’ensemble de ses acteurs. Cette agitation cache une vérité dérangeante : au premier tour, tous les mouvements en lice sauf un (Europe Ecologie-Les Verts) avaient perdu des voix ! Si on la regarde de près, la «poussée» du Front national, par exemple, n’est que très relative : elle résulte avant tout de l’affaiblissement spectaculaire de l’UMP. Le parti de Marine Le Pen prospère, en effet, sur la porosité avérée de sa frontière avec l’aile la plus dure du parti présidentiel. Ses progrès traduisent surtout une droitisation très nette de la France conservatrice. Le FN ressort de ce scrutin avec l’assurance que ses idées les plus radicales et parfois les plus simplistes ont été banalisées, intégrées pleinement au débat. Quant à la gauche, sa victoire est plus laborieuse qu’il n’y parait car elle ne correspond à aucun élan populaire réellement mesurable. Elle n’ouvre pas «la porte du changement»comme le prétend Martine Aubry. Elle empile seulement les briques pour approcher les 50 % mais en superposant des divergences fondamentales. Comment résistera cette construction bancale au choc des primaires ? C’est une autre histoire…

Si ces cantonales 2011 sont, comme on l’a entendu, «le coup d’envoi de la présidentielle 2012», alors il y a lieu de s’inquiéter, et de redouter une profonde fracture démocratique. La France politique n’a vraiment pas bonne mine ce matin. Et s’il faut relativiser la valeur des sondages, on ne peut que s’interroger en voyant le chef de l’Etat arriver, dans l’un d’eux, en troisième position avec seulement 17 % des intentions de vote à un an seulement de l’échéance. Dans l’histoire et la logique de la V e République, cela fait désordre quand même.

Marine Le Pen, le cauchemar de Sarkozy

Qui sème la pagaille et l'ambiguïté récolte l'abstention ! L'entre-deux-tours a été tellement confus, le climat tellement délétère, l'enjeu local tellement escamoté par les postures tacticiennes, qu'il ne fallait guère espérer de sursaut dans les urnes. Le second tour marque un second choc de la participation. Les Français sont décidément de fort méchante humeur et ils manifestent leur désarroi, sur fond de crise économique, nucléaire et morale, de trois manières : en boudant les isoloirs, en émettant un signal protestataire, en infligeant au pouvoir un nouvel avertissement. C'est le troisième d'affilée pour Nicolas Sarkozy après les municipales de 2008 et les régionales de 2010. Ce dernier, outre la sanction d'une action politique, paie cash la note d'une folle semaine. La stratégie du « ni-ni » a échoué : pendant que l'UMP triait entre républicains respectables et infréquentables, excluait le vote FN sans vraiment l'exclure, pendant que Guéant chassait le dahu, son électorat se démobilisait. Le temps du siphonnage est bel et bien révolu. L'extrême droite remporte son pari du renouveau et confirme sa percée, non pas en sièges mais en voix. Son enracinement laisse présager une recomposition à droite et Marine Le Pen devient le problème numéro un du candidat Sarkozy. Certains, dans son camp, ne manqueront pas d'exploiter son décrochage. La dynamique du premier tour en faveur de la gauche est renforcée. Mais autant on observe un rejet de l'UMP, autant on ne sent pas de désir réel de Parti socialiste, compte tenu de l'impopularité du pouvoir. Il reste que des cantonales doivent s'analyser à l'aune des départements gagnés ou perdus. Pour le PS, le résultat comptable est bon.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Un sérieux avertissement

Cette fois l’avertissement est sérieux. En s’abstenant de nouveau massivement, les Français confirment leur apathie. Désintérêt ou désamour ? Le message envoyé à tous les partis est plus clair que la confusion qui a régné dans l’entre-deux-tours. À 13 mois de la présidentielle, chacun peut faire ses comptes. Le PS, avec ses alliés de gauche, progresse sous la houlette d’une Martine Aubry qui aimerait bien capitaliser personnellement sur cette victoire. Tout comme le Front national qui confirme sa poussée et démontre qu’il faut désormais compter avec lui. Le grand perdant reste l’UMP qui sort très affaibli de ce scrutin comme il l’a été lors des municipales et des régionales. Avis de tempête dans le clan de la majorité d’autant que les voix dissonantes sur la stratégie à adopter face à la montée du FN vont laisser des traces.

Les regards vont se tourner demain vers Nicolas Sarkozy que tous les derniers sondages éliminent du 1 er tour de la présidentielle. Certains se demandent s’il n’est pas en train de perdre son statut de candidat naturel pour ce scrutin majeur ? Les élus et parlementaires de la majorité, qui craignent en outre l’éventualité en septembre de la perte du Sénat, ont peut-être la réponse entre leurs mains. 2012, ça commence demain !

Trois enseignements pour 2012

Personne n'imaginait que les cantonales, élections d'abord locales, fourniraient autant d'indications nationales pour 2012. Au terme d'un second tour qui confirme le désintérêt des électeurs, la défaite de l'UMP au profit du PS, et un statu quo dans l'Ouest, trois enseignements peuvent être tirés.

Le premier : le Front national s'enracine, mais ne transforme pas l'essai. L'abstention dont sont victimes le parti présidentiel et, dans une moindre mesure, le Parti socialiste, explique que l'extrême droite ait pu accéder au second tour et conquérir une poignée de sièges avec l'aide d'une frange d'électeurs UMP.

La balle est à présent dans le camp des « républicains acceptables », selon l'expression d'Alain Juppé. S'ils privent, à l'avenir, le FN de toute alliance et s'ils donnent, à travers des candidatures et des projets sérieux, des raisons de dynamiser la participation à la présidentielle, ils peuvent écarter le risque extrémiste.

Il n'empêche que la rivale de Bruno Gollnisch à la tête du FN, en décomplexant son électorat, réussit son premier examen d'après congrès. Marine Le Pen peut, en tout cas, partir en quête des 500 signatures nécessaires pour concourir en 2012.

Le deuxième : l'UMP, même si elle résiste un peu, sort très ébranlée de ce scrutin. À son mauvais score s'ajoutent des divisions qui ont valu, pour la première fois, une mise en cause de François Fillon par des parlementaires et des critiques, en coulisses, reprochant à Nicolas Sarkozy de faire perdre son camp.

La menace extrémiste a réveillé, au-delà de toute attente, la divergence entre le RPR et l'UDF d'autrefois. Dans sa persistance à draguer dans les eaux frontistes, Nicolas Sarkozy ouvre un vaste espace au centre. Sans candidature centriste ¯ on pense surtout au radical, social et laïque Jean-Louis Borloo ¯ la droite a du souci à se faire. Mais l'opération, surtout si elle s'accompagnait d'une candidature Villepin, voire Morin, risquerait surtout de faire trébucher Nicolas Sarkozy.

Qui oserait porter la responsabilité de l'élimination du président sortant et d'une crise majeure de l'UMP ? Dilemme.

Le troisième : les socialistes et les écologistes sortent rassurés. La gauche, majoritaire en voix, en sièges et en départements, obtient une majorité un peu en trompe-l'oeil. Mais, malgré au moins trois départements gagnés, on est loin du raz-de-marée espéré. Sa victoire tient autant à un rejet de l'UMP qu'à une adhésion à ses idées. Enfin, si la droite est divisée, la gauche peut être qualifiée d'éclectique.

Le candidat du PS sera donc confronté à un devoir de rassemblement. François Hollande, auteur d'une construction méthodique de sa candidature, sera jeudi, après sa réélection comme président de la Corrèze, en situation de se déclarer, en attendant la décision de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry.

Ces trois enseignements ont un point commun : les Français attendent toujours de vraies réponses à leurs inquiétudes, sociales principalement. Des mécontentements montent partout en Europe, où la crise n'est pas digérée. Changer la vie dans un contexte de forte contrainte budgétaire devient de plus en plus difficile, et la campagne pour la présidentielle va être compliquée.

Fatigue


Oublions les sondages : rien ne vaut une élection, fût-elle cantonale, pour sonder les reins et les cœurs des Français. Et qu’avons-nous dit, en ces deux dimanches de printemps ? Que nous sommes victimes d’une grosse, d’une très grosse fatigue. Le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, l’avait diagnostiquée dès la semaine dernière. Les Français, disait-il, sont en « burn out », exaspérés, épuisés. Sans envie ni désir, sinon la rage de crier « merde », ou de gueuler « non ». On l’avait fait lors de l’élection présidentielle de 2002. On avait recommencé en 2005, contre le projet de Constitution européenne… La présidentielle avait en 2007 recréé l’espoir dans la politique, mais c’est fini, l’élan est retombé. Est-ce perdu pour 2012 ? Il faudra, expliquait Jean-Paul Delevoye, des réponses politiques, pas des postures, une vision, une morale. On ne saurait mieux dire.