TOUT EST DIT

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lundi 14 mars 2011

Les musulmans de France crient leur colère contre l'UMP

Pointés du doigt par Nicolas Sarkozy, les musulmans de France ne cachent plus leur malaise. A un peu plus d'un an de l'élection présidentielle, vers qui va alors se tourner cet électorat qui compte beaucoup ?

« Nicolas Sarkozy vient de me rendre ma liberté, je vais me mettre en campagne pour défendre la dignité des musulmans de ce pays ». Vendredi, Abderrahmane Dahmane, le désormais ex-monsieur Islam de l'Elysée ne cachait plus toute la colère que lui inspire la volonté du président de la République et de certains cadres de l'UMP d'instaurer un débat sur l'Islam, rebaptisé débat sur la laïcité.
A un an de l'élection présidentielle et en pleine montée du Front National le timing choisi par la majorité semble clair : siphonner à nouveau les voix du FN, comme en 2007.

L'UMP ? : « La peste des musulmans »

Mais cette fois l'ambiance est différente et ce débat qui était censé se concentrer sur la place des religions en France tourne à la stigmatisation. La crainte d'une vague d'immigration clandestine en provenance de Tunisie, d'Egypte ou de Libye est accompagnée de petites phrases qui choquent une partie de la droite et de la gauche. Autant d'ingrédients propices à jeter l'opprobre sur 4 millions d'individus vivant en France.
En colère, beaucoup de musulmans qui avaient adhéré à l'UMP se détournent alors du parti majoritaire, Abderrahmane Dahmane a ainsi appelé ses coreligionnaires à « ne pas renouveler leur adhésion » au parti présidentiel. « L'UMP de Coppé c'est la peste pour les musulmans » avait-il martelé.
Désenchantés par un Nicolas Sarkozy qui n'a pas réellement donné sa chance à des personnes issues de la majorité, – entre Rachida Dati qui aura brillé par ses frasques et Fadela Amara bien impuissante pour améliorer la vie dans les banlieues – les Français de confession musulmane pourraient se dispatcher sur l'ensemble de l'échiquier politique.

« Il n'y a pas de vote musulman »

En 2007, certains s'étaient tourné vers le FN, séduits par un parti qui avait choisi une jeune femme d'Afrique du Nord pour illustrer ses affiches et un discours qui ne stigmatiserait pas les populations intégrées.
A gauche, capter cet électorat ne semble pas faire partie des priorités. Le NPA évoque bien les musulmans, mais souvent à travers le prisme des revendications pro-palestiniennes. Du côté du Front de Gauche ou du PS, rien de plus, pas plus qu'au centre.
L'UMP fragilisée, un boulevard s'ouvre à ces factions politiques. Qui arrivera à séduire les musulmans de France ? « Il n'y a pas de vote musulman mais des musulmans qui votent pour des valeurs et chacun en fonction de ses références », répond Akli Mellouli, un élu socialiste refusant de soutenir l'idée d'un vote communautaire.

Moulinets incantatoires

Le séisme, le tsunami et les menaces nucléaires au Japon ont éclipsé le sommet de la zone euro, vendredi et samedi. Le rendez-vous était pourtant d’importance, puisque l’euro est à nouveau dans le collimateur des marchés, et que l’on pourrait assister, dès aujourd’hui, à une offensive contre la monnaie unique.

En Europe, ce n’est pas une centrale nucléaire qui fuit, c’est l’argent de la dette. La semaine dernière, l’agence de notation Moody’s a dégradé les notes de la Grèce et de l’Espagne : les plans de sauvetage élaborés dans la douleur depuis l’année dernière n’ont rien réglé. La Grèce est incapable de rembourser ses emprunts – tout comme l’Irlande d’ailleurs – et les plans d’austérité en Espagne et au Portugal n’ont pas mis ces deux pays à l’abri. Ils sont plus exposés que jamais à la rapacité des prêteurs.

Pour faire face, les dix-sept pays de l’euro ont renforcé leur « Fonds de soutien » abondé avec de l’argent virtuel (des garanties). Ils ont aussi baissé les taux d’intérêts appliqués à Athènes, tout en rallongeant la durée des prêts. Le surendetté a obtenu un petit sursis, qui a été refusé à l’Irlande, moins docile. Mais la crise reste entière. Sommet après sommet, les Européens posent des rustines et bricolent des dispositifs compliqués… qui ont pour caractéristique principale de contourner le vrai problème : le fossé économique ne cesse de s’agrandir entre les pays « en bonne santé » comme l’Allemagne, et ceux qui tirent la langue à force de vouloir marcher au même rythme qu’eux. Angela Merkel a obtenu à Bruxelles un « pacte pour l’euro » qui n’est qu’une nouvelle liste de sacrifices pour les économies les plus fragiles. Comme au Moyen Âge, le remède est la saignée, agrémentée de moulinets incantatoires masquant l’impuissance du médecin.

Impuissants, les Européens le sont avant tout à cause de leurs rendez-vous électoraux. Angela Merkel affronte une série de scrutins qui s’annoncent désastreux cette année, Silvio Berlusconi est sur un siège judiciaire éjectable et Nicolas Sarkozy est en année préélectorale. Pour tous, il s’agit de trouver des expédients permettant de tenir jusqu’aux échéances. Il est peu probable qu’ils y parviennent. Les marchés n’attendront pas, et le nouveau gouvernement irlandais non plus. Il a été mandaté par ses électeurs pour renégocier le plan d’austérité imposé au pays et il compte bien le faire dès le sommet de fin mars.

Pour qui sonne le gong?

En répondant au journaliste de télévision qui l’interroge, l’homme se pince la joue. Plusieurs fois. Les yeux dans un soleil froid, aveugle et insolent, il commente son geste. Tranquillement. Simplement. Il veut, nous dit-il, se prouver à lui-même qu’il ne rêve pas... en espérant que si. Qu’il ne va pas sortir du sommeil. Que toute cette désolation n’est qu’un cauchemar. Derrière lui, les décombres de sa ville ravagée par le tsunami. Soufflée par une force surnaturelle. Il peine à le croire et nous aussi. Il est Japonais, à des milliers de kilomètres de distance, mais tellement proche, ce frère d’humanité dont on partage instantanément l’angoisse universelle. La tristesse et puis le désarroi.

Les images, qualifiées «d’apocalyptiques», que les chaînes de télévision nous envoient en continu ont quelque chose d’hypnotique. Ce mélange d’irréel et de terrifiant qui nous écrase et nous permet, en même temps, de mesurer la fragilité de notre humanité. On le sait, oui, mais on ne le sait jamais vraiment. Quelques minutes de secousses suffisent donc pour que tout bascule. Pour revenir dans le dénuement absolu. Pour que toute la technologie du monde soit tout à coup impuissante à vous protéger, emportée comme fétu de paille. Pour balayer tout le reste, les péripéties politiques dérisoires, les colères, les inquiétudes... Tout ce qui fait notre existence et que l’on croit immuable réduit à rien. Une terrible leçon de modestie, voire d’humilité. De lucidité, sûrement. La voilà donc résumée notre taille réelle à l’échelle de l’environnement qui nous entoure: cent fois plus petite que ces pelleteuses ramenées à la dimension d’un jouet ridicule au pied de l’amoncellement de maisons broyées qu’il leur faut bien essayer de déblayer si on veut que, quoi qu’il arrive, la vie continue. La vie, tient, ne serait-elle guère moins vulnérable qu’un papillon dans le piège du déluge?

Comment parler de ce Japon sous le choc sans larmes inopérantes? C’est une vraie question posée aux médias toujours tentés de se laisser aller à la morbidité du chaos. Le risque, bien réel, d’une catastrophe nucléaire majeure déchaîne une verve anxiogène aux réserves inouïes. Le mystère nourrit le fantasme d’une fin du monde quand la transparence nous permettrait d’en mesurer lucidement les failles et les périls.

On sent bien que les autorités japonaises hésitent entre l’élan de dire et la réserve de cacher. Quelle épreuve de vérité pour une démocratie qui espérait ne pas devoir aller au-delà d’une précaution exemplaire et qui est bien obligée d’affronter un inconnu dont elle avait désespérément voulu repousser les frontières.

Chaque jour un gong rappelle la tragédie atomique d’Hiroshima à ce peuple courageux qui, confronté à la pire crise de son histoire depuis 1945, ne peut s’empêcher de se demander. Pour qui sonne-t-il? Pour qui sonne le gong?


DSK joue au plus fin


Va-t-il, oui ou non, mener la bataille de 2012 ? Du documentaire diffusé hier, au bout d’un épuisant marketing, on attendait que Dominique Strauss-Kahn se dévoile. L’insoutenable suspense allait enfin se terminer. Sauf que le film, cousu de roublardises, suggère tout mais ne déclare rien. Le héros socialiste garde la pose du Sphinx, quitte à agacer son auditoire. Lui qui voyage beaucoup connaît sans doute le proverbe arabe : “Si ta parole est moins utile que le silence, alors, tais-toi.” Pourtant, il préfère encore parler pour ne rien dire : “Aujourd’hui, quoi que je puisse avoir dans mon esprit, je le garde pour moi”.


Le téléspectateur, et futur électeur, se trouve donc payé en monnaie de singe. Doit-il tenir pour argent comptant l’indécision qu’affiche le candidat potentiel ? Non, bien sûr. Les images, ici, en racontent plus qu’un long discours. On le voit blaguer avec Bill Clinton, “à tu et à toi” avec les grands de ce monde. Et aussi, dans l’intimité de sa cuisine, cuire des steaks plus épais que la dette française…


Le patron du FMI, présumé “gauche caviar”, prépare lui-même son frichti ! L’improbable spectacle nous en rappelle un autre. On se souvient de Balladur, s’aventurant jadis à prendre le métro sous l’œil des caméras… avant de rater le train élyséen.


DSK, peu pressé d’en découdre, continue de jouer au plus fin. Ce faisant, le favori des sondages risque de lasser les panels. À trop se laisser désirer, il arrive parfois que le désir s’épuise.

La réaction en chaîne s'accentue

Ce qui samedi relevait encore de l'hypothèse semblait, hélas, bien se confirmer hier. Le Japon est confronté à s a « plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale », selon les termes du Premier ministre Naoto Kan. Au risque sismique « naturel » est venu s'ajouter un risque « technologique humain » d'envergure avec la menace nucléaire. Ce dimanche, ce n'était plus une, mais trois centrales qui suscitaient l'inquiétude et l'on s'attendait à une nouvelle explosion à Fukushima, premier site à dysfonctionner ce week-end. Alors que le Japon peine à panser ses plaies et découvre l'ampleur croissante de la catastrophe, la situation pourrait se dégrader encore. Le pays pourrait connaître ses premières coupures de courant, liées à la baisse d'une production d'électricité largement d'origine atomique. Et une forte réplique du séisme ou un nouveau tsunami sont craints pour le milieu de cette semaine. Dans ce contexte - même s'il n'est pas prioritaire dans l'immédiat, à l'heure des secours d'urgence et de la solidarité internationale - il est normal que le débat soit aussi relancé en France sur notre politique énergétique, notre dépendance au nucléaire et la nécessité d'avoir une information transparente et indépendante sur le sujet. Aujourd'hui, la preuve est tragiquement faite que même dans l'un des plus puissants pays du monde, en pointe technologiquement, une catastrophe est possible, avec des conséquences qui peuvent être dramatiques. Le mythe de la sûreté nucléaire est en train de fondre, au même rythme que le réacteur de Fukushima.

L'heure de vérité du nucléaire

Des voitures empilées comme de simples miniatures, des immeubles terrassés comme des châteaux de sable. Tout un paysage emporté par une masse d'eau gigantesque, irréelle, presque fascinante si ses effets n'étaient pas si épouvantables.

Depuis vendredi, les images diffusées en boucle par les télévisions du monde entier se passent de commentaire. Le Japon est frappé triplement. Par deux fléaux naturels, le séisme et le tsunami qu'il a provoqué, et par le risque encore plus angoissant de catastrophe nucléaire qui monte d'heure en heure.

Aucune image ne permet de mesurer ce risque. Et pour cause. La radioactivité est, par nature, invisible. Nul au monde n'est plus conscient que les Japonais des ravages durables qu'elle peut provoquer, depuis que l'archipel du Levant a essuyé les effets dévastateurs des premières bombes nucléaires, à Hiroshima et Nagasaki, en 1945. Et pourtant, cela n'a pas empêché les gouvernements nippons, au nom de l'indépendance énergétique, de construire, en un demi-siècle, cinquante-quatre réacteurs électronucléaires. Sur une des terres les plus exposées du globe au risque sismique.

Depuis samedi, au moins trois centrales, situées au nord de Tokyo, sur la côte orientale, ont connu de graves accidents nucléaires. Dans l'urgence, les autorités ont décidé d'utiliser l'eau de mer pour parer au blocage des systèmes de refroidissement, une procédure qui ne manque pas d'alarmer les experts. Surtout, les informations manquent. La presse nippone était très critique, dès hier, sur la lenteur du gouvernement dans la communication et la définition de périmètres de sécurité pour la population civile.

Une indicible angoisse

On retrouve, malheureusement, le silence officiel, si angoissant, qui entoure chaque accident de ce type. À Tchernobyl, en 1986, la faute put facilement être attribuée aux professionnels du mensonge qu'étaient les responsables soviétiques, même si le silence des autorités françaises de l'époque ne fut pas plus glorieux. Aujourd'hui, c'est au gouvernement japonais de gérer cette crise nucléaire majeure, dans un contexte de catastrophe naturelle qui complique lourdement sa tâche.

L'issue de cette crise étant encore incertaine, c'est surtout une indicible angoisse qui domine. Si l'alerte nucléaire devait se conclure dans les prochains jours ou les prochaines semaines sans drame majeur, les défenseurs du nucléaire civil pourraient à bon droit affirmer que cette technologie résiste aux pires fléaux.

Mais, si ce n'est pas le cas, la question nucléaire, relancée dès hier en France par les écologistes, se posera avec d'autant plus d'urgence que le Japon était réputé pour ses capacités technologiques.

Défenseurs et adversaires du nucléaire ont bien compris que les événements qui secouent le Japon constituent une épreuve de vérité pour l'ensemble de la filière nucléaire internationale. Parce qu'elle concerne directement toutes les populations civiles, la question nucléaire mérite toujours de faire l'objet d'un vrai débat.

Sendaï

D’abord l’incrédulité, en entendant évoquer des vagues de dix mètres, de trains entiers emportés par les eaux, des ondes de choc dans tout le Pacifique. Puis l’effroi, devant les images inlassablement rediffusées, ce drap blanc agité à la fenêtre d’une maison cernée par les flots, des flammes gigantesques sautant d’une maison l’autre, des torrents de boue charriant des voitures qu’on espère vides, tout en devinant que beaucoup ne l’étaient pas, la cité de Sendaï engloutie sous nos yeux… Monte bientôt un sentiment d’impuissance devant les caprices de la nature qui effondre d’un coup nos plus hauts gratte-ciel. Mais aussi, en découvrant les premiers bilans, terribles mais limités au regard de la puissance inouïe du tremblement de terre – oui, disons-le, même si c’est inaudible en ces moments d’horreur : une lueur d’espoir, devant la capacité des hommes à prévenir le pire.

Japon : le défi de la nature

La dignité, le courage et même la noblesse de la société japonaise face au déchaînement extrême de la nature sont en tout point admirables. Existerait-il dans le code génétique japonais comme un mélange unique de fatalisme et de résistance, de discipline collective et d'attention à l'autre qui serait la contrepartie de l'absence de l'individualisme au sens occidental du terme ? Dans une société pour laquelle l'« absolu » n'existe pas et où tout est en quelque sorte « relatif », de la joie à la douleur, la « résistance collective » est peut-être plus facile, avec des conséquences terribles pendant la Seconde Guerre mondiale et des comportements admirables aujourd'hui face au désastre. Il existe un être collectif japonais qui est, au moins en partie, certainement le produit de la fragilité de l'homme devant la cruauté de la nature. Comment faire face seul aux tremblements de terre et aux tsunamis ? Sans tomber dans une lecture réductrice et excessive de la théorie des climats, l'hédonisme et l'égoïsme de certains « paradis méditerranéens » contrastent singulièrement avec les réflexes naturels des Japonais.

Le bilan humain de la catastrophe sera certainement au final -lorsque toutes les victimes auront été recensées -très lourd, mais il restera très inférieur à ce qu'il aurait été dans d'autres pays riverains du Pacifique s'ils avaient été eux aussi touchés par un séisme d'une magnitude de 9 sur l'échelle de Richter et par le tsunami qui en est résulté. En 1995, le tremblement de terre de Kobe, d'une puissance très inférieure à celui qui vient de se produire, avait déjà fait plus de 6.000 morts et avait renforcé le « doute de soi » qui s'était emparé du Japon depuis l'explosion de la bulle immobilière, en 1988-1989. Le pays du Soleil-Levant se croyait mieux préparé à faire face aux tremblements de terre. A Kobe, des immeubles entiers s'étaient effondrés comme des châteaux de cartes. Les secours avaient tardé à s'organiser, le gouvernement avait été l'objet de nombreuses critiques.

Aujourd'hui, le tremblement de terre le plus violent qu'ait peut-être jamais connu le Japon de toute son histoire affecte les « émotions » japonaises dans ce qu'elles ont de plus sensibles. Hier, c'était « l'homme » (les bombardiers américains) qui déclenchait les feux de l'atome sur Hiroshima et Nagasaki. Aujourd'hui, c'est la nature qui, dans sa folie meurtrière, confronte à nouveau le peuple japonais à la menace des radiations nucléaires, même si le pire semble a priori avoir été évité et si la probabilité d'un nouveau Tchernobyl demeure, espérons-le, faible.

Ce désastre unique va-t-il contribuer à approfondir la crise identitaire d'un pays vieillissant, qui vient d'être relégué par la Chine à la troisième place dans le classement des économies mondiales, dont la dette est abyssale et qui, à de très rares exceptions près, considère ses dirigeants politiques avec un mélange de défiance et de mépris ?

Ou bien l'inverse est-il possible ? L'énormité du défi posé par la nature à l'homme va-t-il en quelque sorte conduire au « réveil du Japon » ? Un réveil économique grâce à l'ampleur des reconstructions nécessaires, un réveil moral face au caractère unique du désastre. Le coût humain de la catastrophe, celui, énorme, des destructions matérielles ne peuvent que pousser le pays à donner le meilleur de lui-même et à retrouver dans sa culture insulaire d'une très grande richesse les énergies collectives dont une autre île, la Grande-Bretagne, a su faire preuve en juin 1940 dans de tout autres circonstances, face à la folie d'un homme et non face à celle de la nature. Mais peut-il exister un Churchill Japonais ?

Au lendemain du 11 septembre 2001, la formule « nous sommes tous des Américains » avait résumé ce que ressentaient de nombreux Français et Européens. Aujourd'hui, peut-on dire « nous sommes tous des Japonais » sans verser dans l'exploitation de la catastrophe, comme le font les antinucléaires ?

Nous ne sommes pas égaux devant les risques de la nature. Certaines zones du globe sont infiniment plus vulnérables que d'autres. Mais, sur un plan humain, affectif, sinon philosophique, nous ne pouvons que nous sentir tous Japonais, c'est-à-dire infiniment petit, infiniment fragile et infiniment vulnérable face aux forces déchaînées de la nature.

Le commentaire politique de Christophe Barbier



Banques : la mauvaise voie

Améliorer la liquidité des banques. A première vue, il s'agit d'une querelle d'experts. Un de ces sujets éminemment techniques, que seul un nombre restreint de spécialistes sont capables de comprendre. Pourtant, de l'issue du débat en cours dépendent pour l'essentiel les conditions de financement de l'économie à l'avenir et l'offre de produits d'épargne. Rien que ça ! Après avoir contraint les banques à augmenter leurs fonds propres pour améliorer leur capacité à absorber des pertes, les régulateurs s'attaquent à l'autre cause de mortalité bancaire, la crise de liquidité. Instruits des exemples de Northern Rock et Lehman Brothers, disparues pour ne pas avoir pu honorer leurs engagements en période de fortes tensions sur les marchés, les sages de Bâle entendent imposer des normes beaucoup plus strictes. Une intention louable au nom de laquelle ils recommandent la constitution d'importantes réserves de liquidité, des coussins susceptibles de mieux amortir les chocs, tout en limitant dans le même temps la liste des actifs « liquides », c'est-à-dire pouvant entrer dans la composition de ces amortisseurs. Les crédits aux entreprises les mieux notées ou les prêts aux collectivités locales par exemple en sont exclus.

De quoi changer radicalement les règles du jeu. Pour les banques, c'est certain. Si ces mesures sont adoptées en l'état, elles se transformeront en antichambre des marchés, puisque les nouvelles normes les inciteront à titriser un certain nombre de leurs engagements, pénalisant leurs ratios de liquidité. En clair, la crise aura conduit l'Europe à adopter un modèle de financement de l'économie furieusement inspiré de celui ayant court outre-Atlantique, alors même que la tempête financière est partie il y a quatre ans des Etats-Unis... Pour les particuliers comme pour les entreprises, l'impact sera significatif aussi. D'abord, il en résultera une offensive en règle sur leur trésorerie, afin de les convaincre de laisser ces avoirs dans les bilans bancaires plutôt que de les investir en assurance-vie ou en sicav monétaires. Ce qui n'est pas déplaisant. Mais la médaille aura son revers. Il ne fait guère de doute que ce sera au client de payer le prix de cette liquidité devenue plus rare. Financer un équipement, l'achat d'un bateau par exemple, coûtera plus cher. C'est le prix de la sécurité. Pas sûr que tout le monde ait intégré qu'il serait si élevé.

Leçons japonaises

Tant que la situation ne sera pas stabilisée dans la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, les Japonais et le monde vivront dans la hantise d'une catastrophe atomique de beaucoup plus grande ampleur. Faut-il quitter Tokyo ? Fuir vers le Kansai ? Se réfugier à l'étranger de crainte d'être rattrapé par un possible nuage radioactif ? Qui ne se poserait ces questions ? Dans tout autre pays que le Japon, des scènes de panique et de pillage se seraient sans doute déjà produites. Rien de tel jusqu'à présent dans la capitale nippone, où 40 millions de personnes vivent à un peu plus de 200 kilomètres de la centrale en perdition. Le calme remarquable du peuple japonais et son immense sens civique forceront toujours l'admiration du monde. Au Japon, ce ne sont ni l'Etat ni une administration décrédibilisée qui font la force de la volonté collective.

La « culture de sûreté », autrement dit la transparence, n'est d'ailleurs pas le point fort des autorités locales, alors qu'il s'agit là d'un élément essentiel pour bâtir la confiance du public. Lors de précédents accidents nucléaires graves, comme à Tokai-mura (2 morts) ou dans le surgénérateur de Monju, Tokyo a plutôt eu tendance à distiller l'information, parfois à cacher la vérité, voire, c'est arrivé, à falsifier des documents mettant en cause la hiérarchie administrative ou les ministres en place. Les réactions dignes et mesurées du public japonais aujourd'hui n'en sont donc que plus méritoires.

Cette leçon japonaise de retenue et de sang-froid doit être méditée, notamment par tous ceux qui se chargent, depuis deux jours, d'évaluer les conséquences de cet accident sur la filière nucléaire de manière définitive et dans un seul sens : son arrêt. Les images saisissantes et en direct de l'explosion survenue sur le site de Fukushima-Daiichi -et non pas « dans le réacteur », comme on l'a entendu trop souvent -ont certes fait le tour de la planète et portent un coup dur à l'industrie de l'atome. Après les accidents de Three Mile Island puis de Tchernobyl, l'« hiver du nucléaire », on le sait, a duré plus d'un quart de siècle.

Ce nouvel accident condamne-t-il pour autant la filière ? Ce serait ignorer que depuis la construction des réacteurs de Fukushima-Daiichi, il y a quarante ans, la filière a réalisé des progrès considérables en matière de sécurité mais aussi de transparence. Ignorer aussi qu'il existe désormais des réacteurs de 3 e génération conçus pour résister à un enchaînement d'événements encore plus inouï. Ce n'est pas parce que, dans des circonstances comme celles-ci, les discours raisonnés des industriels de l'atome sont peu audibles qu'il faut les ignorer.

La dette ne coûte rien, braves gens

Le Parti socialiste prépare son projet pour 2012. Il sera adopté par ses instances dirigeantes en avril. Martine Aubry a donné quelques directives en vue de sa rédaction, parmi lesquelles le redressement des comptes publics. Sage orientation tant il est évident que le niveau actuel de la dette de l'Etat et des organismes de Sécurité sociale pèse sur toute stratégie de développement futur. Oui mais, au même moment, sort en librairie un recueil d'une cinquantaine de contributions d'auteurs proches du PS, intitulé « Pour un changement de civilisation » (Odile Jacob) et préfacé par Martine Aubry. Or, dans ces 440 pages qui comportent d'intéressantes réflexions, on ne trouve aucune perspective de politique économique pour l'après-2012, sauf une. Elle émane de l'économiste Henri Sterdyniak et porte sur la dette publique. L'auteur expose d'abord qu'il n'y a pas de spécificité française en ce domaine, ce qui est exact. L'Italie ou le Japon font nettement pire. Mais l'essentiel arrive. Il écrit en caractères gras : « La dette ne coûte rien. » On se frotte les yeux et on poursuit : « Les charges d'intérêt ne sont pas le deuxième poste des dépenses publiques. Corrigées de la croissance, elle sont nulles. » Donc, on avait bien lu : toute charge dont le montant est inférieur au surplus annuel dégagé par la croissance ne coûte rien. Formidable nouvelle, braves gens ! Avec un raisonnement comme celui-là, la culture ne coûte rien, la recherche ne coûte rien et, les bonnes années, la défense nationale ne coûte rien.

Et si jamais les taux d'intérêt augmentaient et que l'on transmette à nos enfants une charge de plus en plus lourde ? Aucun problème : « Certes, le nouveau-né hérite d'une dette publique, mais il hérite aussi d'actifs publics : routes, écoles, hôpitaux, etc. » Il suffira donc, si l'on comprend bien, de vendre les écoles et les hôpitaux pour payer la dette ! Mis en condition par une telle lecture, on attend avec impatience le projet socialiste officiel. 
En espérant qu'il nous guérira des hallucinations.

La bombe Le Pen

Aujourd’hui, un Français sur cinq se dit prêt à voter pour Marine Le Pen.
En quelques mois, elle s’est imposée. C’est sa première victoire: elle a remis le Front national au centre de la vie politique. La droite, prise au piège, se positionne par rapport à elle. Le président de la République se saisit du besoin – profond – de sécurité. Il laisse ouvrir des débats sur l’islam, la laïcité, l’immigration, qui dérapent dans une surenchère suicidaire. C’est la deuxième victoire, plus grave, de Marine Le Pen: ses thèmes de campagne orientent le débat.

D’autant que le discours ambiant dérape dans le racisme: hier, Jean-Paul Guerlain et ses propos anti-Noirs, aujourd’hui, John Galliano et ses diatribes anti-juifs. Toutes formes de haine de l’autre également immondes pour moi, du plus profond de ma conscience, comme, heureusement, pour une majorité de Français.

Plus séduisante, plus "moderne", Marine Le Pen abandonne certaines obsessions de son père. Les cibles se déplacent, mais elle garde la ligne. Inacceptable. Se calquer sur ses thèmes, c’est oublier que la France de l’après-crise est aussi en quête de protection et d’unité. En un mot, de fraternité.

P.-S.: Notre interview de Muammar Kadhafi, l’autre dimanche, a connu un exceptionnel retentissement. Elle a d’ailleurs été publiée (texte et photos) par de grands journaux internationaux, comme le Corriere della Sera. Notre envoyé spécial a posé librement et sans complaisance ses questions. Les réponses n’ont fait l’objet d’aucune relecture. Cette interview, ni people ni trash, a été obtenue sans contrepartie. Nous avons privilégié la sécurité de nos journalistes pour l’organisation du voyage, assuré par les autorités libyennes. Nous sommes fiers de cette exclusivité mondiale, dans un ensemble qui comportait aussi le grand reportage de Bernard- Henri Lévy avec les insurgés. Nous continuerons de rechercher des informations sérieuses et exclusives, sans parti pris, sans concession. Pour vous aider à comprendre le monde.

Minoritaire

Nicolas Sarkozy est honorable quand il dénonce "Kadhafi et sa clique" et menace le bourreau des Libyens d’une punition militaire. L’Europe, par contraste, est désespérante de palabres impuissantes. La reconnaissance française des opposants de Benghazi est une audace bienvenue. Et le retour du devoir d’ingérence, ou du devoir de protection, est une bonne nouvelle, après tant d’égoïsme apeuré.
Pourtant, le malaise domine. Dans les commentaires affleurent les critiques sur la méthode, le soupçon de posture et le procès en esbroufe. Les lectures politiciennes – Juppé humilié par le ralliement à la ligne BHL – dominent le débat sur le fond: quel message les démocraties doivent-elles envoyer aux peuples secouant leur joug? C’est une injustice, une logique et une constante. Cameron, au Royaume-Uni, essuie des critiques similaires.

Et Nicolas Sarkozy paye le prix de ses passés: trop d’initiatives et de contradictions ont épuisé les patiences. L’Europe a trop été percutée pour s’aligner sur le verbe français. L’exagération permanente est notre malédiction. Notre rupture avec le Mexique en témoignait déjà, l’affaire libyenne et les révolutions arabes en sont un paradigme. Complaisance grotesque envers Kadhafi en 2007, sidération malsaine il y a un mois, ingérence militaire désormais? L’inconstance suggère la légèreté: ainsi sont soupesés la France et son Président. L’homme qui devait changer le monde est désormais un minoritaire, dont la disgrâce abîme les meilleures intentions.
La décote internationale du sarkozysme renvoie à son déclin français. Chaque semaine apporte son lot d’avanies: censure par le Conseil constitutionnel des articles de la loi sur la sécurité intérieure; abandon de la déchéance de nationalité; entrée en dissidence du conseiller élyséen à la Diversité, Abderrahmane Dahmane, rendu enragé par le débat sur l’islam.

À chaque fois, le pouvoir paye le prix des de ses foucades et de son irrespect des usages. Les sages du Conseil ont rappelé que l’État avait des devoirs – ne plus bafouer la protection des mineurs, fussent-ils délinquants. Les centristes ont sanctionné le péché de xénophobie. Quant à la pantalonnade Dahmane – comparer l’UMP aux néo-nazis est pitoyable –, elle est le châtiment d’une politique : encourager le communautarisme et promouvoir ses hérauts, puis stigmatiser les musulmans – et finalement perdre sur tous les tableaux.

Ainsi s’enfonce le Président dans une Berezina de l’opinon: 19% au premier tour d’une présidentielle selon CSA, au fond du trou dans le baromètre Ifop/JDD. On pourra juger méritée cette punition sondagière, prix du gâchis et de la transgression. Il faudra d’autant plus reconnaître à Nicolas Sarkozy son courage et les vertus d’un homme d’État, s’il parvient, malgré tout, à mettre fin au calvaire de la Libye.