TOUT EST DIT

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dimanche 13 mars 2011

Strauss-Kahn est décidé

Le directeur général du FMI dévoile son ambition présidentielle sans prononcer les mots. 
 "So, should I go? Should I run?" ("Dois-je y aller? Dois-je me présenter?"), demande en anglais, Dominique Strauss-Kahn souriant à Bill Clinton, hilare. La scène est étonnante. Les Français sont impatients, ils scrutent le moindre signe de DSK pour savoir si, oui ou non, il va se présenter à l’élection présidentielle et lui s’amuse. Sonde l’ancien président américain. On n’entend pas Clinton répondre à l’actuel directeur général du FMI. Mais DSK, assis dans un fauteuil blanc, ce 15 janvier 2011, à Paris, se souvient de cet aparté à Yalta, en octobre 2010: "Un politique, un ancien président des Etats-Unis […] vous disent: 'il faut y aller, évidemment', parce qu’ils sont dans la vie politique, eux. Ils ne sont pas dans ma position, moi qui ai choisi de m’abstraire de la vie politique au moins pour un temps et d’occuper des fonctions dans un organisme international. Donc, évidemment, leur réponse c’est, oui, il faut aller au combat."
Yalta est un moment clé de ce très beau documentaire de Nicolas Escoulan, Un an avec DSK . DSK est avec les siens, il a l’air d’avoir décidé d’aller à la présidentielle. La séquence Yalta sonne comme un tournant dans ce qui était jusque-là un documentaire sur une institution internationale. En Ukraine, au milieu du film, la présidentielle surgit, les langues se délient. C’est un moment public filmé, le meeting annuel de Yalta, fondé par l’oligarque Viktor Pintchouk et dont Euro RSCG s’occupe. Mais c’est aussi un moment intime. C’était déjà là, en juillet 2007, que DSK avait décidé, avec ses proches, de se lancer dans la course à la direction générale du FMI. Trois ans et demi plus tard, on sent qu’il a choisi de se lancer dans une autre course, celle de la présidentielle…

"Il faut dépasser le possible. Mais ne pas promettre l'impossible"

DSK plaisante avec Clinton, DSK présente son cercle le plus proche, son équipe: son ami avocat Gilles August, "monseigneur Fouks, un des plus grands cabinets mondiaux de conseil en communication" (patron d’Euro RSCG), Anne Hommel "qui travaille avec moi". DSK ajoute, badin: "Je fréquente de drôles de gens." Et ils parlent, comme on les a rarement entendus. DSK ose: "Je ne parle pas du présent de la France. En tant que citoyen, je m’intéresse à l’avenir de la France." Gilles August, le pote avocat, est plus explicite: "Il en parle, il a conscience de son destin. Ma conviction, c’est qu’à partir du moment où la France aura besoin de lui, il répondra présent." Son ami et conseiller Gilles Finchelstein se lâche: "Par son tempérament et ses compétences, il est, à ce moment précis, au cœur des attentes des Français." Est-il le candidat idéal? demande Nicolas Escoulan. "Oui, je le pense." Finalement, dans cette soirée ukrainienne, c’est Anne Sinclair qui en dit le moins… "Tous les choix de vie, on les a toujours faits à deux."
En janvier 2007, Nicolas Sarkozy s’était lancé dans la présidentielle avec son "j’ai changé". DSK lui répond comme en écho: "S’il y a un truc que je retiendrai de mon expérience au FMI, c’est que j’ai appris. Quand on a autour de 60 ans, on a l’impression qu’on n’apprend plus rien. Moi je suis retourné à l’école. J’ai appris." C’est un des buts de ce documentaire, donner à voir qu’il a changé, montrer ce qu’il fait au FMI, voir comment il vit, alors que les Français ne le voient plus. Et écouter l’homme politique qu’il fut et qu’il pourrait redevenir. Sa définition d’un homme de gauche, lui que certains désignent comme l’"affameur des peuples": "Ce n’est pas nier la réalité, c’est prendre la réalité et essayer de la corriger pour qu’elle soit plus juste. […] Il faut dépasser le possible. Mais ne pas promettre l’impossible." DSK évacue l’affaire Piroska d’un "je ne ferai pas de commentaire, si on veut qu’on respecte votre vie privée, il ne faut pas l’étaler", et dit d’Anne Sinclair qu’elle représente "tout, tout, l’équilibre, la joie de vivre, l’avenir".
Dans le film, DSK sourit, puis devient plus grave. Comme dans la dernière minute du film. On est le 15 janvier 2011, à Paris. DSK est dans son fauteuil blanc. "Quand annoncerez-vous votre décision?" interroge Nicolas Escoulan. "Je rencontre des gens dans la rue, ils m’arrêtent, je vois bien qu’il y a une attente. Cette décision, permettez-moi de la garder pour moi." Le favori des sondages a pris sa décision, contraint par le FMI ou se pliant au timing de ses camarades, il ne se dévoile pas. "Des calendriers ont été fixés, tous les gens qui sont susceptibles d’être candidats à gauche, au Parti socialiste en tout cas, auront à se prononcer à ce moment-là. Aujourd’hui, quoique je puisse avoir dans mon esprit, je le garde pour moi." Une fois vu le film de Nicolas Escoulan, le doute sur sa candidature paraît levé. DSK l’aura montré, il ne l’aura pas dit.

De Fukushima à Fessenheim

Le tremblement de terre au Japon provoque des catastrophes en série. Après avoir fait déferler un tsunami qui a tué beaucoup plus de monde que le séisme lui-même, il a mené, 24 heures après les secousses, à une explosion dans une centrale nucléaire. Le gouvernement nippon minimise les dommages – de Tokyo à Paris en passant par Moscou et Washington, la langue de bois est l’espéranto des dirigeants —, mais les informations distillées au compte-gouttes font craindre un accident grave, voire majeur.

Les Japonais, pourtant victimes des bombes atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, semblent moins « pointus » dans la lutte contre les accidents nucléaires que dans la prévention des tremblements de terre. L’armée américaine a dû livrer du liquide de refroidissement à Fukushima, ce qui est étonnant. Et il a fallu attendre plusieurs heures pour que soit entreprise l’évacuation des riverains, d’abord à trois kilomètres à la ronde, puis, le lendemain seulement, à dix kilomètres autour de la centrale. Tout ceci sent l’improvisation, au contraire des plans « séismes » qui sont parfaitement rodés dans l’archipel.

On nous dira qu’en France, les plans de sécurité autour des centrales nucléaires sont au point. C’est peut-être vrai, mais l’accident japonais n’en relance pas moins la polémique. Le tribunal administratif de Strasbourg a débouté mercredi dernier les élus qui demandaient la fermeture de Fessenheim pour cause de vétusté et de dangerosité. Aurait-il prononcé le même jugement après l’accident de Fukushima ? Autre question : Fessenheim aurait-elle résisté à un séisme de force 8,9 ?

Les Japonais ont démontré que les moyens techniques existent pour faire tenir debout, dans des secousses inimaginables, des gratte-ciel de trente étages. Encore faut-il mettre ces solutions techniques en œuvre. Ce n’est pas le cas pour les constructions nipponnes d’avant 1995 et, a fortiori pour les bâtiments français. Or, Fessenheim a été mise en service en 1977. Quoi qu’en dise EDF, elle est loin d’être aux normes antisismiques actuelles.

Nombre d’arguments, à commencer par la lutte contre les gaz à effet de serre, plaident pour le nucléaire. Mais pas n’importe quel nucléaire et pas à prix bradé : Fukushima impose le réexamen de l’emplacement des centrales et de leur protection contre les séismes. D’urgence.

Les larmes d’Hokusai

On ne pourra plus jamais regarder la vague d’Hokusai d’un œil fasciné. L’allégorie emblématique de sa puissance et la force irrésistible de sa courbe gracieuse renverront pour longtemps à la désolation de Minamisanriku et de Sendai, ravagées par les flots assassins, sombre horde marine charriant l’anéantissement.

Nul doute que la main du grand maître de l’estampe aurait tremblé devant une telle trahison de son imaginaire. Nul doute que ce peintre sensible et délicat aurait pleuré devant le malheur qui a saisi des milliers de ses compatriotes, et qu’il aurait gravé dans nos mémoires la douleur des enfants effarés devant la violence guerrière envoyée par cet océan qu’on appelle Pacifique.

Comment ne pas être impressionné par la pudeur de ce peuple courageux qui ne montre pas son immense détresse et trouve encore la courtoisie de sourire pour raconter son angoisse et décrire son malheur ? Cette dignité devant l’affront des hasards de la nature et, désormais, devant la possibilité d’un accident nucléaire majeur, contraste avec le nombrilisme proche de l’indécence des réactions franco-françaises après l’explosion du toit de la centrale de Fukushima.

Entre le catastrophisme aussi cataclysmique que prématuré d’une Cécile Duflot et le déni sidérant de ministres refusant de considérer qu’en matière nucléaire le risque zéro n’existe pas, en France comme ailleurs, la sobriété de commentaire qu’exigeait la tragédie a été orpheline.

Bien entendu, la peur atomique ne connaît pas les frontières, pas plus qu’en 1986 le nuage radioactif de Tchernobyl ne pouvait bifurquer en abordant le Rhin. Cette crainte, légitime et justifiée, doit être le socle d’une indispensable lucidité devant une énergie qui ne pourra jamais être banale.

Il est normal que Fukushima réveille les inquiétudes de Fessenheim. Et même sain. Aucune société responsable et soucieuse de laisser à ses enfants un monde durable ne peut s’affranchir d’une remise en question fondamentale de la dangerosité potentielle de ses choix. Le mythe de la sûreté nucléaire, qui a prospéré sur un passé récent sans incident majeur, ne saurait être admis à la faveur de l’usure sans remise en question permanente.

Si l’Allemagne hésite depuis le milieu des années 90 sur la fermeture de ses centrales, comment la France pourrait-elle faire la sourde oreille à une remise en question de sa stratégie nucléaire, qui, jusqu’au Grenelle de l’environnement, a si longtemps étouffé tout volontarisme pour promouvoir les énergies nouvelles ?

Outre les périls des émissions dans l’atmosphère, la question de l’enfouissement des déchets suffirait à engager un débat dans les profondeurs du pays, et de notre conscience politique. Mais pour l’heure on serait bien avisé de se dépouiller de toute polémique pour être tout entier au côté des Japonais.



La grande colère du peuple

Après un an de rigueur, le gouvernement de Georges Papandréou est toujours confronté au risque de faillite, à la méfiance des marchés et au manque de solidarité de certains pays européens. Quant aux citoyens, ils manifestent de plus en plus leur défiance en la politique, s'inquiète un éditorialiste. 

La plupart des Grecs sont en colère. Colère contre les reponsables politiques "qui se sont foutus de nous" et ont plongé le pays dans la situation actuelle uniquement parce qu'ils ont protégé leurs intérêts par la corruption, le népotisme et la gabegie des deniers publics. Colère contre les responsables politiques qui, depuis tant d'années, voient les scandales éclater un a un sans rien faire, sans que personne ne soit condamné, comme s'ils appartenaient à un club garantissant leur immunité. Colère contre les responsables politiques, qui sans y participer, encouragent la grande arnaque d'une économie qui fait payer ceux qui produisent et préfèrent encourager les profiteurs qui vivent avec l'argent de l'Etat ou brassent du vent. 
Colère contre le gouvernement et le PASOK (le Parti socialiste au pouvoir) qui, même en cette période de crise, ne sont pas à la hauteur des attentes des gens et ne sont pas capables d'expliquer la véritable ampleur du problème. Ils se bouffent entre eux et la plupart du temps sont paralysés face aux problèmes qu'ils ont a gérer.
Colère contre l'opposition conservatrice qui, alors qu'on est au bord du gouffre, continue de vendre des promesses mensongères et s'écroule dans un crescendo d'irresponsabilité. Colère peut-être contre la gauche qui a choisit la voix facile du "non à tout" sans proposer de solution.
On pourrait se demander pourquoi, puisque nous sommes tellement en colère, nous ne changeons pas de responsables politiques. Mais la réalité ne fonctionne pas ainsi. Ce qui reste stable, en revanche, ces dernières années, c'est l'impossibilité de nous changer, de moderniser notre système politique, la répétition des mêmes problèmes, du même comportement encore et toujours. La colère demeure donc mais devient l'une des pires conseillères.
Beaucoup comprennent que les sacrifices sont inévitables. Mais encore plus nombreux sont ceux qui, tout en étant d'accord avec les mesures de rigueur, espèrent également que justice sera faite, que les responsables paieront, du moins ceux qui sont pointés du doigt [principalement l'ancien Premier ministre Costas Karamanlis]. Qu'on le veuille ou non, le besoin de rigueur et celui de justice coexistent et il faut reconnaître que l'un ne peut  être le prétexte pour oublier l'autre.

C’est Merkel qui a les clés

Le 11 mars, les dirigeants de la zone euro se réunissent à Bruxelles pour trouver une issue à la crise économique. Une seule personne semble capable d'empêcher l'UE de se scinder en deux blocs concurrents. Mais Angela Merkel est-elle à la hauteur de la tâche ? 

La chancelière allemande Angela Merkel tient l’avenir de l’Europe entre ses mains. L’Allemagne est le plus puissant des pays créanciers et à ce titre, c’est elle qui est à même de résoudre la crise de la dette souveraine dans la zone euro. En tant que géant économique du continent, c’est surtout elle qui détermine les orientations de l’Union Européenne. Or, l’Europe est peut-être en train de s’engager aujourd’hui dans une voie qui pourrait détourner l’Union du libéralisme, au prix d’une rupture, voire, au bout du compte, d’un retrait du Royaume-Uni.
On a l’impression que Merkel avance comme une somnambule inconsciente de ce danger. En dépit de son instinct robuste et de tout son talent politique, elle n’a semble-t-il aucune vision claire de l’UE. Elle a fait preuve d’une regrettable lenteur quand il s’est agi de faire face aux problèmes de la zone euro, essentiellement parce que les électeurs allemands ne veulent pas renflouer des pays faibles comme la Grèce, l’Irlande et, potentiellement, le Portugal. Et en cherchant à prouver à ses concitoyens qu’elle impose une discipline toute germanique à ces pays périphériques extrêmement prodigues, elle permet à la zone euro de jouer un rôle de plus en plus marquant dans la politique économique de l’UE.
Cette semaine, deux réunions  [le 11 mars] illustrent ce développement inquiétant. Un sommet des 27 chefs de gouvernement de l’UE sera suivi d’un sommet de la zone euro dont sont exclus dix Etats-membres. Peut-être n’est-ce là que le résultat de la logique impénétrable qui préside aux décisions de Bruxelles. Mais les historiens, eux, pourraient bien y voir le moment où l’UE s’est scindée, entre une zone euro dominante et corporatiste, et une zone extérieure moins importante et plus libérale. Merkel est assez intelligente pour le comprendre et ne pas approuver cette évolution, mais elle n’a pas le courage d’y mettre un frein.

Le centre de gravité de la zone euro est dans la frange la moins libérale

En quoi une Europe ouvertement à deux vitesses importerait-elle ? Les Britanniques défendent leur passivité en soulignant que nombre de politiques et d’institutions européennes ne fonctionnent que parce qu’elles n’incluent pas tous les membres — l’espace Schengen, la coopération en matière de défense, le projet de brevet européen. Ils ajoutent que la Commission européenne et la Cour de justice de l'Union européenne empêcheront tout groupe de la zone euro de bricoler le marché unique. Et si ceux qui "en sont" tentent quoi que ce soit, ceux qui "n’en sont pas" disposent toujours d’un droit de veto sur des questions comme la fiscalité et les prestations sociales. Si la zone euro réclame un gouvernement économique, dit David Cameron, qu’elle en crée un, cela ne nous affectera pas.
C’est manquer de vision à long terme. L’histoire du projet européen abonde en exemples de politiques développées par un petit groupe, puis imposées au plus grand nombre, de la politique agricole commune et du budget au chapitre social et à la charte des droits fondamentaux. Certains de ceux qui "n’en sont pas", en particulier la Suède, la Pologne et le Danemark, en sont davantage conscients que le Royaume-Uni, et ont réagi avec colère à la suggestion (à laquelle Merkel était opposée à l’origine) que les dirigeants de la zone euro aient plus de poids dans les décisions politiques et qu’ils se rencontrent plus souvent.
Ce n'est pas seulement une question de pouvoir, mais aussi de philosophie. L'"euro-groupe" des 17 est moins libéral que l'UE des 27. La distinction n'est pas toujours bien nette : la zone euro comprend des libéraux comme les Néerlandais, les Irlandais et les Finlandais, tandis que les Etats hors zone euro comprennent des pays moins libéraux comme la Hongrie et la Roumanie. Mais le centre de gravité de la zone euro est situé dans la frange la moins libérale.

Des sommets qui doivent rester exceptionnels

Le "pacte de compétitivité" (devenu le “Pacte pour l'euro”) que promeuvent Merkel et Nicolas Sarkozy, par exemple, prévoit notamment d'harmoniser l'impôt sur les sociétés, ce qui serait certainement une étape vers une harmonisation des taux d'imposition. Un gouvernement économique de la zone euro aurait-il tenu compte des objections britanniques à un réglementation plus stricte des fonds spéculatifs en 2010 ? Aurait-il résisté à la proposition qu'avait faite M. Sarkozy de suspendre les aides régionales de l'UE aux pays qui pratiquent la "concurrence fiscale dommageable" ? Se battrait-il autant pour défendre la liberté de circulation de la main-d'œuvre ? Et défendrait-il aujourd'hui une directive plus contraignante pour lever les barrières douanières dans le secteur des services.
Tout cela placerait peut-être les pays hors zone euro face à un choix douloureux. Certains d'entre eux pourraient se pincer le nez et essayer d'entrer dans l'euro pour retrouver de l'influence. Mais le Royaume-Uni irait sans nul doute dans la direction opposée. De fait, un club moins libéral, dominé par les pays de la zone euro, pourrait même pousser le Royaume-Uni à quitter l'UE, à la plus grande joie des euro-sceptiques ; mais si le royaume veut alors bénéficier tant soit peu des avantages d'un marché unique, il devra toutefois se plier à la plupart des règles de l'UE (comme le fait aujourd'hui la Norvège).
Par le passé, Merkel s'est opposée à la tenue régulière de sommets de la zone euro, afin justement de faire en sorte que les Britanniques, les Polonais et les Suédois aient leur place autour de la table. En cédant aujourd'hui, elle pourrait apaiser les craintes actuelles de ses électeurs à propos de l'euro, mais le prix à payer sur le long terme pourrait être élevé. Si la zone euro s'oriente vers une plus grande harmonisation de sa fiscalité et de ses politiques économiques, cela pourrait rendre le club dans son ensemble moins sympathique aux yeux des libéraux — et moins attrayant y compris pour ceux qui, au Royaume-Uni, veulent rester, parmi lesquels M. Cameron.
Le projet européen, au cours de son histoire, a toujours été tiraillé entre un libéralisme économique privilégiant l'ouverture sur le monde et un nationalisme économique retranché derrière sa forteresse.The Economist a toujours été dans le premier de ces deux camps, au même titre que Mme Merkel, sauf exception. En tant que responsable politique la plus puissante d'Europe, elle devrait affirmer clairement que le sommet réunissant cette semaine les pays de la zone euro n'est qu'une urgence, qu'il devra rester exceptionnel et non devenir la règle — ce qui aurait des conséquences néfastes.

Vu de Prague

Soutenons Angela Merkel !

Il faut soutenir Angela Merkel, assure Respekt. Dans l'hebdomadaire tchèque, la journaliste Kateřina Šafaříková considère que le pacte de compétitivité proposé par la chancelière allemande et Nicolas Sarkozy constitue “l'embryon d'un gouvernement économique européen”. Le message qui vient de Bruxelles est clair : "Admettons, que nous, les Européens, avons succombé à l’illusion que nous pouvons devenir de plus en plus riches sans changement douloureux."
D'ailleurs, remarque Respekt, les marchés financiers sont là pour nous rappeler que la faillite d'un riche pays occidental est tout à fait possible. Certes, "la proposition franco-allemande va probablement se diluer dans la mer des mots 'changement' et 'compromis'. Elle risque de devenir une nouvelle stratégie édentée comme d'autres anciens ‘projets d'action’ de l'Union censés permettre de devenir le meilleur des tigres économiques au monde." Mais "dans le Festival de l’inertie de la politique européenne, Merkel, au moins, essaie de faire quelque chose". Pour éviter de faire une "erreur stratégique", la République tchèque devrait soutenir l'Allemagne car a) "elle ne risque rien", et b) “n'a pas meilleure offre que d’être la bienvenue à Berlin”.


Haro sur les primaires !

Les deux sondages qui ont dominé la semaine politique, celui d'Harris Interactive mettant Mme Le Pen au second tour face à DSK et celui de l'Ifop pour notre journal, plaçant Dominique Strauss-Kahn comme le seul socialiste largement devant Nicolas Sarkozy au premier tour (29 contre 23), tombent à pic pour le directeur du FMI.

Il apparaît dans ces sondages comme l'homme providentiel, le sauveur du PS face à Nicolas Sarkozy et à la menace d'un Front national déjà au-dessus des 20 %. Mais cette situation est volatile, car en attendant les primaires socialistes de l'automne, ce parti donne l'exemple de la cacophonie, aucune voix ne s'y fait entendre plus fort que les autres, aucun chef ne domine et ne dirige. Les tentatives de Martine Aubry de reprendre la main n'ont pas été concluantes, et le programme flou fait flop. Le moment paraît donc opportun pour les partisans de DSK pour faire un véritable putsch contre les primaires en surfant sur les inquiétudes de la gauche.
Le président socialiste de la région Paca, Michel Vauzelle, a le premier demandé l'annulation des primaires, remplacées par un congrès extraordinaire, et l'ancien ministre Alain Moscovici fait de même. La pression pour l'annulation des primaires sera proportionnelle aux scores annoncés du FN. Pour l'heure, Martine Aubry et – surtout – François Hollande et Ségolène Royal s'accrochent au système, et il est difficile de défaire ce qui paraissait la meilleure méthode de sélection il y a deux ans. Mais la situation a changé et les primaires lointaines ont du plomb dans l'aile.

Le syndrome du divorce

Côte d'Ivoire, Belgique... Deux pays paralysés. Deux situations bloquées, apparemment sans issue. Et si une séparation valait mieux qu'un long conflit ?
Après avoir participé à l'infructueux sommet d'Addis-Abeba (Ethiopie), Alassane Ouattara aura sans doute des difficultés à retourner dans son pays. Son adversaire Laurent Gbagbo a décrété vendredi une interdiction de survol de son pays par les vols des Nations unies. Le blocage est complet. Depuis novembre, les combats entre sudistes, en majorité chrétiens et pro-Gbagbo, et nordistes, majoritairement musulmans pro-Ouattara, ont fait des centaines de morts et ont provoqué l'exil de 500.000 Ivoiriens. Comme tous les embargos, celui qui frappe la Côte d'Ivoire n'a pas obligé Gbagbo à céder, mais pénalise surtout les civils. La Côte d'Ivoire ne peut plus exporter ses matières premières. Les coûts de transports des marchandises ont triplé à cause des primes d'assurances. Le départ de banques occidentales empêche les Ivoiriens de faire des transactions. Des millions de marchandises pourrissent. La misère progresse et il n'y a plus assez de médicaments pour soigner les blessés et les malades. L'embargo n'a fait que plonger encore plus le pays dans la violence et la paralysie.
Nord et Sud

En Europe, la paralysie frappe aussi la Belgique, privée de gouvernement à cause de la division du pays entre un Nord nationaliste flamand riche et un Sud francophone socialiste plus pauvre (Bruxelles est prise en otage entre les deux). Le cas belge est certes moins dramatique que le cas ivoirien : le pays fonctionne presque bien sans gouvernement et l'humour prévaut : une sénatrice flamande a appelé les femmes de politiciens à faire la « grève de sexe » afin de les obliger à s'entendre... Mais les décisions importantes sont bloquées. La morale de l'histoire est que, depuis l'indépendance du Timor-Oriental en 1999, du Kosovo en 2008, du Soudan en janvier 2011, ou encore de l'indépendance de facto de la Catalogne (Espagne), les nations se comportent comme les couples : elles divorcent de plus en plus.

Documentaire : DSK, ira, ira pas ?

Pendant près d'un an, les caméras de Canal+ ont suivi le patron du FMI. Un portrait intimiste diffusé dimanche à 12 h 45. Attention, révélations à prévoir...

Dominique Strauss-Kahn se présentera-t-il à l'élection présidentielle ? C'est la question, alors que la cote de popularité du patron du FMI est au plus haut dans les sondages. C'est également celle à laquelle le documentaire qui lui est consacré essayera d'apporter des éléments de réponse. Pendant près d'un an les journalistes Nicolas Escoulan et François Lescalier ont suivi le quotidien du « banquier du monde ». Les téléspectateurs le suivront ainsi dans tous ses déplacements : du Kenya en Corée du Sud, en passant par l'Afrique du Sud, la Zambie, la Pologne, la Roumanie ou encore la Grèce. L'occasion, également, de découvrir une autre facette de cet homme qui apparaît souvent lointain, inaccessible.

Filet de bœuf

Pour la première fois, Dominique Strauss-Kahn a ainsi accepté de lever le voile sur une part de son intimité. S'il refuse de parler de « sa prétendue » liaison avec l'une de ses subordonnées, expliquant que cela appartient à sa vie privée, il a ouvert les portes de son appartement à Washington. On le verra ainsi cuisiner un filet de bœuf en compagnie de son épouse Anne Sinclair, décrite comme son « principal conseiller » par le journaliste Nicolas Escoulan. Mais aussi se laisser aller à quelques confidences. Un portrait intimiste mais aussi, par la même occasion, un sacré levier de communication.