TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 12 février 2011

En plein séisme politique au Moyen-Orient, François Fillon est à Ryad

Le Premier ministre effectue la première visite d'un chef de gouvernement français en Arabie saoudite depuis 1994.


Le Premier ministre français François Fillon devait évoquer samedi à Ryad avec les responsables saoudiens le séisme politique vécu par le Moyen-Orient avec la démission, vendredi, du président égyptien Hosni Moubarak, que la monarchie du Golfe a soutenu jusqu'au bout. Dans la matinée, François Fillon, arrivé vendredi soir à Jeddah (ouest), doit tout d'abord se rendre sur le porte-avions à propulsion nucléaire Charles de Gaulle, fleuron de la marine française qui participe actuellement à un exercice conjoint avec l'armée saoudienne en mer Rouge. Le navire est sur le chemin du retour après une mission de plusieurs mois dans l'océan Indien.

Au large de Jeddah, François Fillon, qui effectue la première visite d'un chef de gouvernement français en Arabie saoudite depuis 1994, assistera notamment au décollage et à l'appontage d'avions de chasse Rafale, que Paris cherche - jusqu'à présent sans succès - à exporter. Mais ce volet de son séjour saoudien risque fort d'être éclipsé par ses entretiens bilatéraux prévus dans l'après-midi à Ryad.
En l'absence du roi Abdallah, en convalescence au Maroc, François Fillon évoquera inévitablement la démission vendredi de Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, avec le prince héritier et ministre de la Défense, Sultan ben Abdelaziz, et le prince Nayef, ministre de l'Intérieur. Jusqu'au bout, la monarchie ultraconservatrice, qui craint une déstabilisation de la région, a soutenu explicitement Hosni Moubarak. Samedi matin, Ryad n'avait toujours pas réagi au départ du président égyptien. François Fillon a, de son côté, estimé samedi qu'une "page nouvelle s'ouvr(ait)" en Égypte.
Ben Ali à Ryad
Ryad héberge depuis mi-janvier le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, lui aussi chassé par la rue. Jeudi, de Rabat, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, s'était déclaré "choqué" des "ingérences de certains pays" dans les affaires de l'Égypte. Il n'avait pas précisé de quels pays il s'agissait, mais ses propos avaient paru viser les États-Unis. De son côté, à l'image d'autres capitales occidentales, Paris, critiquée sur la Tunisie, a, depuis fin janvier, commenté avec prudence la révolte égyptienne.
Vendredi soir, Nicolas Sarkozy, qui avait choisi Hosni Moubarak pour coprésider l'Union pour la Méditerranée (UpM), a salué la décision "courageuse et nécessaire" du président démissionnaire. "La France appelle tous les Égyptiens à poursuivre sans violence leur marche vers la liberté, qu'elle soutient avec amitié et à laquelle elle est prête à apporter tout son concours", a encore noté l'Élysée. Au sujet du déplacement de François Fillon, une source diplomatique française avait indiqué qu'il s'agissait d'"écouter la partie saoudienne afin de savoir comment elle perçoit les mouvements en cours" et d'"exposer notre position, qui est connue : nous soutenons les aspirations démocratiques des peuples sans pour autant faire de l'ingérence".
Inauguration de "La Sorbonne Abou Dhabi"
En matière de politique intérieure française, François Fillon, Premier ministre depuis bientôt quatre ans, tient là l'opportunité de réaffirmer sa nouvelle stature au sein du couple exécutif qu'il forme avec Nicolas Sarkozy. Ce séjour, qu'il achèvera dimanche aux Émirats avec l'inauguration des nouveaux locaux de l'université "La Sorbonne Abou Dhabi" et la visite de la base militaire française dans l'émirat, intervient en outre dans la foulée d'une polémique dont il a été le principal acteur.
Le chef du gouvernement a été chahuté par l'opposition après des révélations sur ses récentes vacances égyptiennes, en partie prises en charge par le régime de Hosni Moubarak. Cette visite vise enfin à renforcer les liens commerciaux entre la France et l'Arabie saoudite. François Fillon devrait soulever la question de contrats en cours de négociations, notamment celui du projet de TGV Jeddah-La Mecque-Médine estimé à 10 milliards d'euros.

Querelle de pouvoir à Téhéran

Quand le régime et l'opposition surfent sur la révolution égyptienne. 

Il devait en faire le cœur de son discours. S’appesantir au-delà des cent minutes. Finalement, Mahmoud Ahmadinejad a préféré jouer profil bas vendredi, et n’évoquer la situation en Egypte qu’à la fin de son allocution célébrant le 32e anniversaire de la Révolution iranienne.
Le départ tardif d’Hosni Moubarak, vendredi en fin d’après-midi, n’aura donc guère été utile au régime iranien. Profitera-t-il à l’opposition? "Nous avons été piqués au vif, plaisante cet habitant de Téhéran. On dit toujours que les Perses se croient supérieurs aux Arabes!" Alors la blogosphère a repris du service, très vite, et les deux leaders de la contestation iranienne, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, ont appelé à une contre-manifestation lundi, en soutien aux révoltes tunisienne et égyptienne. L’opposition a également refusé toute participation aux différents défilés organisés par le pouvoir à Téhéran et en province à l’occasion de cette commémoration de la Révolution islamique de 1979.

Arrestations et fermeture des moyens de communication

Un pouvoir qui ne lâche rien et qui a encore une fois serré la vis. Mehdi Karoubi est ainsi placé en résidence surveillée depuis jeudi soir. Seule sa mère est autorisée à le voir. Ses téléphones ont été coupés, y compris la ligne terrestre, ce qui est du jamais-vu. "S’il est assassiné dans sa maison, on n’en saura absolument rien", s’indigne cet Iranien. La BBC en farsi est également brouillée depuis jeudi. Les serveurs Internet ont déjà prévenu les usagers: plus de service à partir de dimanche soir. Plus de portables non plus. Une dizaine de membres ou proches de l’opposition iranienne ont aussi été arrêtés mercredi et jeudi.
Les autorités ont clairement fait savoir que l’autorisation de défiler sera refusée lundi. Comme c’est invariablement le cas depuis dix-huit mois. Mais l’Egypte a bousculé la demi-torpeur des manifestants iraniens. Et réveillé leur sens de l’humour. Sur une page Facebook d’un manifestant, une proposition: "Au lieu de hurler 'Allah akbar' sur les toits la veille de la manifestation comme à chaque fois, célébrons la Saint-Valentin qui tombe justement lundi et à nous les bises dans les rues de Téhéran!"

Ahmadinejad a senti le vent tourner

Il y a une semaine, le "guide suprême" de la révolution, Ali Khamenei, croyait voir dans la révolte égyptienne "un mouvement de libération islamique". Rival de l’Egypte, l’Iran considère le départ de Moubarak comme une occasion en or pour asseoir son hégémonie dans la région. Selon le Begin-Sadat Center for Strategic Studies, qui siège à Tel-Aviv, la république des mollahs aurait d’ailleurs déjà essayé de déstabiliser le pays des pharaons il y a deux ans, en envoyant des terroristes du Hezbollah via le Hamas de Gaza.
Ali Khamenei s’est aussi dit persuadé que le grand jour était arrivé, que les Etats-Unis allaient enfin subir "une défaite irrémédiable". Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est le retour à la surface des opposants – les siens, ceux qui le tourmentent depuis l’élection présidentielle de juin 2009 et contestent son poulain, le président Ahmadinejad: les partisans du "mouvement vert". Qui s’emparent eux aussi de la révolution en Egypte, mais au nom du peuple et de la démocratie.
Ahmadinejad a senti vendredi le vent tourner. Il a parlé, dans son habituel discours-fleuve, de la grandeur de l’Iran, de l’envoi d’un Iranien dans l’espace (cela fait sept ans qu’il le dit) et du "nouveau Moyen-Orient" qui, selon lui, est en train de se dessiner. Symbolique aussi, l’absence du très conservateur ayatollah Ahmad Janati, qui devait conduire la prière du vendredi, au cas où Moubarak aurait démissionné. Ce que le raïs égyptien a fini par faire. Mais trop tard pour l’agenda des mollahs.

Méfiances

Ce n’est pas de leur faute si les Français ne parlent que d’eux-mêmes, et il ne faut pas blâmer l’échantillon de peuple offert sur TF1 à la réassurance présidentielle: les souffrances sont réelles et nul ne peut se sentir responsable des autres, si on ne l’y provoque pas.
Délibérément, Nicolas Sarkozy a joué un entre-soi gaulois le soir où l’Egypte basculait, et ce renoncement est tristement significatif: notre pays est bien hors du monde, et sa population invitée à s’en désintéresser ou à le craindre.

Qu’exprime la France quand l’espérance démocratique renverse le monde arabe? Rien, sinon la gêne ou la peur. Seule parole saillante jeudi soir, l’inquiétude présidentielle d’une bascule islamiste en Egypte, à l’instar de l’Iran des années 1970… C’est un risque possible et un raccourci supputatif. Lancé à l’emporte-pièce sur un plateau télé, il transforme la parole d’Etat en un commentaire express façon chroniqueur médiatique. Sauf si cette rapidité dévoile une idéologie.

Cela fait un moment que la France n’aime pas que bougent blocs et peuples. Elle préférait le glacis de l’URSS au chaos de 1989; elle s’accommodait mieux des raïs arabes, partenaires stables et hôtes généreux, que des inorganisés de la place Tahrir. On nous fait croire que la France éclairait le monde? Elle n’a fait que tenir la chandelle pour des gouvernants autoritaires: Giscard relayant Brejnev envahissant l’Afghanistan, Mitterrand reconnaissant les putschistes anti-Gorbatchev en 1991, et aujourd’hui, Moubarak et Ben Ali…

Ce conservatisme au long cours rejoint le pessimisme profond de Nicolas Sarkozy sur l’affrontement global entre l’Occident et le monde de l’islam. Spontanément, sur l’Egypte, il est plus proche des craintes de Netanyahou que des audaces – même calculées – d’Obama. C’est une ligne, constante. Elle n’est pas indifférente à la situation française, où l’inquiétude autour de l’islam est organisée par le pouvoir.

Ainsi, cette sortie présidentielle sur le "multiculturalisme qui a échoué", et ses considérations sur "nos compatriotes musulmans", validés à prier, mais sans ostentation ni burqa et dans le respect des femmes. Comme si la burqa ou le machisme ou les prières de rue étaient des phénomènes dominants chez les musulmans français, méritant d’être mis en balance avec la liberté de conscience?

L’observation est fascinante à force d’être biaisée. Mieux encore. La France, contrairement au Royaume-Uni, n’a jamais pratiqué le "multiculturalisme" ou de relativisme culturel, inventant au contraire des lois laïques inédites en Europe! Et enfin: s’il est un homme politique ayant approché le multiculturalisme, c’est Sarkozy lui-même, quand il tâtonnait la modernité, valorisait l’islam et l’église et secouait une laïcité qu’il jugeait fermée…

Toutes audaces enterrées, il tient désormais un discours de méfiance, séparant la France de toujours, laïque ou chrétienne, des nouveaux venus musulmans qui devraient faire leurs preuves. Méfiance intérieure, méfiance extérieure… S’il s’agit juste de contrer Marine Le Pen, quel dommage.

Une armée ambivalente et divisée prend les rênes

Voici l’armée, déjà pilier du régime et poids lourd de l’économie égyptienne, officiellement en charge du destin du pays. Depuis le coup d’Etat militaire de 1952, tous les présidents sont issus de ses rangs. Leur pouvoir est garanti par les militaires, qui sont les vrais maîtres du jeu. Malgré cette place centrale, l’institution, sorte d’angle mort du régime, est assez mal connue. 

Les chars sont descendus dans les rues le soir du 28 janvier, deuxième jour de mobilisation massive. Ils ont immédiatement été acclamés par la foule. "L’armée est là pour protéger le peuple, contrairement à la police qui torture et réprime les gens", affirmait le lendemain Omar, un jeune manifestant. "Les soldats sont des conscrits, ils peuvent être nos frères, nos amis", renchérissait son ami Mustafa. La population a globalement une très bonne image de ses soldats, présentés comme des héros, notamment pour leur rôle dans la guerre de 1973 contre Israël, perçue comme une grande victoire en Egypte.
Mais depuis le début de la révolution, leur attitude a été ambiguë: ils n’ont jamais tiré sur la foule, mais n’ont pas non plus protégé les manifestants de la répression policière ou des attaques des baltaguis, les hommes de main payés par le pouvoir. "Ils sont en train de nous tirer dessus là-bas, venez nous protéger!" criait ainsi un jeune à un soldat monté sur un tank le 1er février, quand les policiers tiraient à balles réelles sur les manifestants devant le ministère de l’Intérieur. Sans provoquer d’autre réaction qu’un sourire désolé.
Les déclarations officielles de l’armée, depuis le 25 janvier, n’ont pas permis de déterminer si l’institution prenait parti pour le régime ou pour le peuple. Les militaires ont répété qu’ils ne tireraient pas sur la foule et qu’ils reconnaissaient le droit des Egyptiens à manifester librement; mais ils ont les aussi appelés à rentrer chez eux et à reprendre une vie normale.

Des divisions au sein de l'armée

La confusion qui a régné jeudi était symptomatique. Alors que plusieurs chefs militaires avaient laissé entendre que la démission de Moubarak était imminente, et que le Conseil suprême des forces armées s’était réuni sans le président égyptien, ce dernier a simplement annoncé un transfert de ses pouvoirs à son vice-président. Ce "faux départ" de Moubarak pourrait être le signe de divisions au sein de l’armée: une partie de l’appareil militaire souhaitait que le raïs quitte le pouvoir, tandis qu’une autre frange l’aurait soutenu jusqu’au dernier moment.
C’est un militaire, le vice-président Omar Souleiman, qui a annoncé vendredi qu’Hosni Moubarak quittait son poste. "Souleiman et Moubarak, ce sont les deux faces d’une même pièce", affirme Ibrahim, un manifestant de 38 ans. L’armée est-elle prête à s’engager sur la voie d’une vraie transition? "La démocratie n’est pas dans la culture des Egyptiens pour l’instant", déclarait Omar Souleiman dans une interview à la chaîne américaine ABC il y a quelques jours.
Propriétaire de nombreuses grandes entreprises égyptiennes – dans l’agriculture, la construction, le tourisme –, l’armée a aussi beaucoup à perdre à démanteler le système en place. Selon certains politologues, il est plausible que ses hiérarques aient sacrifié Moubarak pour mieux sauver le régime.

Egypte : l'armée ne dissout pas dans l'immédiat l'exécutif actuel

Le conseil suprême des forces armées égyptiennes, chargé du pays depuis la démission vendredi du président Hosni Moubarak, a promis samedi 12 février une "transition pacifique" qui "préparera le terrain à un pouvoir civil élu en vue de construire un Etat démocratique libre".

Par un communiqué lu à la télévision publique, l'armée a toutefois chargé le gouvernement actuel d'assurer la gestion des affaires courantes en attendant la formation d'un nouveau cabinet. "Le gouvernement actuel et les gouverneurs continueront de travailler jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit formé", a ajouté le conseil. Aucun calendrier de transition n'est toutefois fourni.
Le conseil suprême des forces armées est dirigé par le ministre de la défense, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, désormais l'homme fort du pays. Le gouvernement actuel a été nommé le 31 janvier par l'ancien président Moubarak, et est dirigé par l'ancien ministre de l'aviation, le général Ahmad Chafic. (Lire notre éclairage sur le rôle que peut jouer l'armée dans la transition et les attentes du peuple égyptien)
RESPECT DES TRAITÉS INTERNATIONAUX DÉJÀ SIGNÉS
Le conseil suprême précise que l'Egypte est toujours liée aux traités régionaux et internationaux signés par le passé : "La République arabe d'Egypte restera engagée envers tous ses traités régionaux et internationaux", selon le quatrième communiqué de l'armée en 48 heures. Cette déclaration devrait rassurer Israël et les Etats-Unis, l'Egypte étant l'un des rares pays arabes, avec la Jordanie à avoir conclu un traité de paix avec Israël, en 1979.
La Maison Blanche avait appelé vendredi soir les nouvelles autorités en Egypte à honorer les accords de paix avec Israël conclus en 1979, après la démission de M. Moubarak. "Il est important que le prochain gouvernement en Egypte reconnaisse les accords qui ont été signés avec Israël", déclarait le porte-parole de la présidence américaine, Robert Gibbs. Israël a exprimé à plusieurs reprises ces derniers jours la crainte qu'ils ne soient mis à mal en cas de départ de Hosni Moubarak, qui a fait de la paix avec Israël un axe fondamental de sa politique étrangère.
L'armée se dit enfin "confiante dans la capacité de l'Egypte, de ses institutions et de son peuple à surmonter la délicate situation actuelle". Le conseil demande enfin "à notre grand peuple de coopérer avec ses frères et ses fils de la police civile afin que règnent l'entente et la coopération".

Faut-il avoir peur des intégristes musulmans ?

L'Occident s'est souvent appuyé sur les fondamentalistes, et certains régimes arabes "modérés" s'en accommodent. 

  Frères musulmans, wahhabites saoudiens, salafistes nord-africains, mollahs iraniens, islamistes turcs : le citoyen français, même raisonnablement informé, a bien du mal à déchiffrer ce salmigondis. Alors, pour simplifier, on classe tout ce petit monde dans la catégorie générique des intégristes. Et ceux-ci, à n'en pas douter, sont identifiés comme des djihadistes forcenés, ennemis de l'Occident. Commode et reposant pour l'esprit, mais totalement faux !
L'Arabie saoudite est l'un de nos plus fidèles alliés au Moyen-Orient. Or, la monarchie saoudienne, gardienne des deux lieux saints de La Mecque et Médine, puise sa légitimité dans une vision pure et dure du Coran : le wahhabisme. Mohammed ibn Abd al-Wahhab vivait au XVIIIe siècle. C'était une sorte de Luther musulman qui prêchait un retour aux sources de l'islam. Il fit alliance avec un chef de guerre, Mohammed Ibn Saoud, ancêtre des actuels souverains saoudiens. Or, en Arabie, les femmes bénéficient de beaucoup moins de droits qu'en Iran. Exemple : les Iraniennes peuvent conduire leur voiture, contrairement à leurs soeurs saoudiennes. À Riyad ou à Djedda, à l'heure de la prière, la mutawa - la police religieuse - oblige les magasins à fermer et veille à ce que les fidèles se rendent à la mosquée.
En Afghanistan, les groupes fondamentalistes, plus ou moins inspirés par les Frères musulmans, ont été puissamment aidés par les Occidentaux dans les années quatre-vingt pour combattre les Soviétiques. Erreur fatale, fulminent aujourd'hui les spécialistes de la prophétie rétrospective ! Est-ce bien sûr ? Le danger que représentait jadis l'URSS était infiniment supérieur à celui que revêt l'islamisme aujourd'hui. Il était, pour nos sociétés, existentiel. Le communisme avait une vocation universaliste, même si ce côté missionnaire s'est étiolé au fil du temps. La moitié de l'Europe vivait sous la botte d'une Armée rouge dotée d'une puissance considérable, notamment nucléaire.
Un défi limité à la sphère arabo-musulmane
L'islamisme, lui, concerne avant tout le monde musulman. Il peut nous créer de considérables soucis, y compris, marginalement, parmi les minorités issues de l'immigration. Mais il est peu probable que les milliards de Chinois, d'Indiens, d'Européens, de Sud-Américains se convertissent massivement à l'islam... Le défi se situe donc au sein même de la sphère arabo-musulmane. Et là, les choses sont moins simples qu'il n'y parait.
En Égypte, les Frères musulmans ont été tantôt pourchassés, tantôt courtisés quand il s'agissait de faire pièce à l'extrême gauche, tantôt tolérés. En Jordanie, ils siègent au Parlement. En Turquie, le parti (AKP) du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan se veut "démocrate-islamiste" comme on dit "chrétien-démocrate". Malgré des tensions, Ankara, membre important de l'Otan, reste un allié stratégique d'Israël. D'ailleurs, l'État hébreu a, lui aussi, dans le passé, joué à Gaza ou en Cisjordanie la carte des Frères musulmans pour contrer le Fatah.
En fait, il faudra s'habituer à vivre avec le fondamentalisme musulman. Si la démocratie finit par s'imposer en Égypte, en Tunisie ou ailleurs, ils auront fatalement une représentation politique. Mais ce sont les sociétés tunisienne ou égyptienne qui décideront, in fine, de leur place et de leur degré d'ouverture.

François Fillon estime qu'une "nouvelle page s'ouvre" en Égypte

Le Premier ministre français François Fillon a estimé samedi qu'une "page nouvelle s'ouvr(ait)" en Égypte, au lendemain de la démission du président Hosni Moubarak, sous la pression de la rue. "Avec le départ du président Moubarak, une page nouvelle s'ouvre pour l'Égypte", a-t-il déclaré à bord du porte-avions à propulsion nucléaire Charles de Gaulle, fleuron de la marine française qui participe actuellement à un exercice conjoint avec l'armée saoudienne en mer Rouge. "Je tiens à rendre hommage à cette décision courageuse de quitter le pouvoir, qui répond aux fortes aspirations du peuple égyptien à la démocratie, à la dignité, à la liberté", a-t-il affirmé.
La veille, le président français Nicolas Sarkozy avait déjà salué la décision "courageuse et nécessaire" de Hosni Moubarak. "C'est aux Égyptiens qu'il revient d'apprécier l'action de Hosni Moubarak et la trace qu'il laissera dans l'histoire de son pays. Mais personne ne pourra contester la contribution qu'il a apportée à la cause de la paix dans la région", a encore dit François Fillon. Il a par ailleurs déclaré que le "courage" du peuple égyptien "force l'admiration et le respect". La France souhaite que "la transition engagée aille jusqu'à son terme, qu'elle soit démocratique, pacifique et crédible, et qu'elle aboutisse à des élections libres et transparentes", a-t-il ajouté.

L'Egypte entre euphorie et incertitudes au premier jour de l'après-Moubarak

Les Egyptiens fêtaient samedi la démission d'Hosni Moubarak, chassé la veille par la rue, même si de lourdes incertitudes pèsent sur l'avenir du plus peuplé des pays arabes, dont les rênes ont été confiées à l'armée.
Quelques milliers d'Egyptiens euphoriques étaient encore rassemblés en début de matinée sur la place Tahrir au Caire, épicentre de la révolte lancée le 25 janvier, dont beaucoup avait passé la nuit sur place.
L'armée commençait à enlever les barricades et barbelés autour de la place, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les militaires s'attelaient notamment à retirer les barricades érigées à côté du Musée égyptien.
L'armée, assistée dans ses efforts par des civils qui nettoyaient la place, retirait également les carcasses de voitures brûlées, traces des affrontements ayant opposé forces de l'ordre, pro et anti-Moubarak au plus fort de la révolte, qui a fait au moins 300 morts, selon l'ONU et Human Rights Watch.
Certains chars stationnés au milieu des rues ont commencé de se ranger sur les côtés, mais d'autres étaient encore en position.
Sur le pont menant à l'une des entrées de la place Tahrir, un groupe de jeunes dansaient, arborant des drapeaux égyptiens et arrêtant les voitures pour féliciter les conducteurs.
Certains avaient la voix enrouée tellement ils avaient crié de joie après l'annonce que M. Moubarak, 82 ans, démissionnait et remettait les pouvoirs à l'armée.
La presse gouvernementale égyptienne, qui affiche d'ordinaire un soutien sans faille au régime, saluait samedi la "Révolution des jeunes".
"Le peuple a fait tomber le régime", "Les jeunes d'Egypte ont obligé Moubarak au départ", titrait ainsi en une Al-Ahram, poids lourd de la presse gouvernementale.
L'annonce de la démission de M. Moubarak est intervenue au 18e jour de révolte populaire, alors que plus d'un million de personnes manifestaient contre le raïs à travers l'Egypte.
Le Parti national démocrate de M. Moubarak avait indiqué un peu plus tôt que le chef de l'Etat avait quitté Le Caire pour Charm el-Cheikh, dans le Sinaï, où il dispose d'une résidence.
La puissante armée égyptienne, désormais maître du jeu dans le pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants, a assuré qu'elle ne souhaitait pas se substituer à "la légitimité voulue par le peuple".
"Tenant compte des revendications de notre grand peuple qui souhaite des changements radicaux, le conseil suprême des forces armées étudie (ces revendications) et publiera des communiqués qui préciseront les mesures qui vont être prises", a-t-elle indiqué vendredi soir.
Vendredi matin, alors que M. Moubarak était encore président, mais qu'il avait délégué ses prérogatives à son vice-président Omar Souleimane, ce conseil avait assuré qu'il garantirait "une élection présidentielle libre et transparente". Il avait aussi promis de mettre fin à l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, "dès la fin des conditions actuelles".
Le nouvel homme fort du pays est désormais le ministre de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui. Agé de 75 ans, il est à la tête du Conseil suprême des forces armées, une commission de dirigeants militaires qui a pris la direction de l'Egypte.
L'annonce de la démission de M. Moubarak a provoqué une explosion de joie en Egypte, mais aussi dans plusieurs pays du Moyen-Orient et au Maghreb, notamment à Tunis, où un mouvement de contestation similaire avait provoqué la chute le 14 janvier du président Zine El Abidine Ben Ali.
"L'Egypte d'aujourd'hui est une nation libre et fière", s'est félicité la figure la plus en vue de l'opposition, Mohamed ElBaradei, sur Twitter.
"Mon message au peuple égyptien est que vous avez gagné la liberté (...) Faisons-en le meilleur usage", avait-il déclaré plus tôt sur Al-Jazeera.
Les Frères musulmans ont de leur côté salué "l'armée qui a tenu ses promesses".
Le président américain Barack Obama a affirmé que l'Egypte "ne sera plus jamais la même", et appelé l'armée à assurer une transition "crédible" vers la démocratie.
L'armée est confrontée à la tâche colossale de restaurer la stabilité tout en répondant aux aspirations au changement démocratique.
L'incertitude règne sur la manière dont l'institution militaire, adepte du culte du secret, s'y prendra. Pour l'instant, elle ne s'est exprimée que par trois brefs communiqués lus à la télévision d'Etat.
Appréciée -à l'inverse de la police- par la population qui a souvent fraternisé avec la troupe lors des manifestations, l'armée n'a pas dit non plus quel processus concret elle comptait instituer pour réformer un système dont elle est l'épine dorsale.
Sur la place Tahrir, Mohamed Rida, un manifestant de 26 ans, espérait la formation rapide d'un "gouvernement civil". "Nous attendons un nouveau communiqué de l'armée. Nous ne voulons pas être gouvernés par des militaires. Nous aspirons à un gouvernement de coalition avec des gens expérimentés".
Le journal gouvernemental Al-Goumhouriya demandait de son côté que "le futur président (soit) transparent". "Il est de notre droit de connaître sa fortune avant et après sa prise de fonctions".

Elle fait le ménage en tenue sexy: un service désormais disponible à Lyon

Après Montpellier, Lille et Paris, on peut désormais réserver à Lyon, sur le site sensualcleanservice.com, une jeune femme de ménage en tenue "soubrette" ou "lingerie". Le tarif? De 75 à 150 euros l'heure selon la prestation.
Selon le fondateur du site, Johann Blazy, 29 ans: "On peut comparer cette activité à du spectacle". Il assure prendre "toutes les mesures" pour garantir la "sécurité" des jeunes filles embauchées "en CDI".
C'est "scandaleux, consternant, sexiste", s'insurge en réponse la maire communiste de Vénissieux (Rhône), Michèle Picard. Elle dénonce une "insulte à l'image de la femme" et une "forme d'exploitation de l'humain, qui rappelle étrangement celui de la prostitution".

"Il est strictement interdit de toucher" les "lady clean" 

Le profil requis pour les candidates? Etre "souriantes, sérieuses, au physique agréable", selon les offres d'emplois publiées sur divers sites. "Je reçois trois à quatre demandes par jour" pour chaque ville, explique Johann Blazy qui assure que les quatre candidates recrutées à ce jour "trouvent ça fun".

 Les "conditions" de vente stipulent toutefois "qu'il est strictement interdit de toucher" les "lady clean" et d'utiliser un "appareil d'enregistrement vidéo".
Des garanties jugées "insuffisantes" pour Mme Picard selon laquelle "ces jeunes femmes se retrouvent avec un homme qui peut avoir un comportement violent ou déviant".

Quel avenir pour une Egypte entre les mains de l'armée ?

L'armée égyptienne, à laquelle ont été confiées les rênes du pays après le départ de Hosni Moubarak, vendredi 11 février, est confrontée à la tâche colossale de restaurer la stabilité du pays tout en répondant aux aspirations démocratiques des Egyptiens. Jusqu'à présent, les militaires n'ont pas exposé en détail leurs projets et l'Egypte avance en territoire inconnu.

  • Quel rôle précis a été confié à l'armée ?
Le Conseil suprême des forces armées est désormais chargé de "gérer les affaires du pays", a déclaré vendredi le vice-président Omar Souleiman à la télévision, après avoir fait état de la démission du président Hosni Moubarak. Ce conseil est dirigé par le ministre de la défense, le maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, qui a fait une apparition devant le palais présidentiel à Héliopolis, près du Caire, pour saluer la foule.
Vendredi matin, l'armée avait déclaré qu'elle serait garante d'élections "libres et transparentes", et assuré qu'elle mettrait un terme à l'état d'urgence en vigueur depuis près de trente ans, dès que la situation serait redevenue normale. Elle a promis "une transition pacifique du pouvoir menant à une société démocratique libre", mettant en garde cependant contre toute atteinte à la sécurité du pays. En fin de journée, elle a assuré qu'elle ne voulait pas se substituer à la "légitimité voulue par le peuple" et promis des "mesures" à venir pour répondre aux demandes de "changements radicaux" des manifestants.
  • L'armée est-elle populaire ?
    Forte de près de 470 000 hommes, l'armée égyptienne, est appréciée par la population qui a souvent fraternisé avec les troupe lors des manifestations.  "Dès le début [du mouvement], l'armée s'est abstenue d'intervenir pour empêcher les manifestations, elle n'a pas joué le rôle que Moubarak aurait sans doute voulu qu'elle joue. Elle a préféré rester neutre et préserver sa position d'arbitre", commente Mustapha Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'université du Caire. "L'armée est perçue comme un garant, comme un médiateur, entre un pouvoir absent et la révolte de la rue", fait valoir Amr al-Chobaki, de l'institut Al-Ahram d'études politiques et stratégiques.
  • Peut-elle incarner le changement ?
L'incertitude règne sur la manière dont l'institution militaire, adepte du culte du secret, s'y prendra pour gérer le pays. Pour l'instant, elle ne s'est exprimée que par trois brefs communiqués lus à la télévision d'Etat. Le chef du Conseil militaire est un pilier de l'ancien régime : ministre de la défense, Mohamed Hussein Tantaoui, 75 ans, est qualifié par ses détracteurs de "caniche" de Moubarak. L'avenir d'Omar Souleiman est lui-même incertain. Cet ancien chef des services de renseignement, âgé de 74 ans, est contesté par les manifestants, en raison de son soutien à Hosni Moubarak.
L'armée n'a pas indiqué par quel processus concret elle comptait réformer un système dont elle est l'épine dorsale. Depuis le renversement de la monarchie en 1952, l'armée a donné à l'Egypte tous ses présidents. Expert du Proche-Orient au Center for American Progress de Washington et proche de la Maison Blanche, Brian Katulis souligne que la chute de Moubarak ne marque que le début du processus de transition : "Officiellement aujourd'hui, si ce n'est de fait dans la rue, ceux qui dirigent l'Egypte depuis 1952 sont toujours les mêmes, issus du même cadre de l'élite militaire."
  • Quels signaux la population égyptienne attend-elle ?
L'armée pourrait envoyer un signal positif en limogeant le gouvernement formé à la hâte par Hosni Moubarak après le début du soulèvement populaire. Elle pourrait par exemple le remplacer par un cabinet "qui représente le peuple, les forces d'opposition et les forces qui ont déclenché la révolution", estime Hassan Nafaa, professeur de sciences politiques à l'université du Caire. D'autres analystes espèrent une dissolution du Parlement issu des élections législatives de novembre, considérées comme frauduleuses.
  • Et ceux attendus par la communauté internationale ?
Le président américain Barack Obama a réclamé vendredi soir "la levée de l'état d'urgence, une révision de la Constitution et d'autres lois permettant de garantir le caractère irréversible de ce changement, et la définition d'un trajet clair vers des élections libres et justes". Son vice-président américain Joe Biden a prévenu que les jours à venir seraient "délicats et lourds de conséquences". Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé de ses vœux "l'établissement prochain d'un régime civil", tandis que la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a souhaité la mise en place d'un gouvernement "largement représentatif".
  • A quels autres défis devra répondre l'armée ?

"On ne sait pas comment l'armée va gérer l'interim"
envoyé par lemondefr. - L'actualité du moment en vidéo.

Quel que soit le futur gouvernement, il sera confronté à d'importants défis sociaux et économiques dans un pays sclérosé par trente années d'un pouvoir autoritaire et corrompu. L'économie égyptienne a par ailleurs été durement affectée par dix-huit jours de crise, par la désertion des touristes, la fermeture de sa Bourse et par les réticences des investisseurs étrangers.
L'armée devra par ailleurs clarifier son attitude face aux Frères musulmans, bête noire de l'ancien régime, avec qui le pouvoir agonisant de M. Moubarak avait toutefois engagé une ébauche de dialogue.

Game Over : Moubarak démissionne. Le Proche-Orient dans l’instabilité.

Tremblement de terre en Égypte : Après plus de deux semaines de violentes manifestations, le président Hosni Moubarak a démissionné à l’instant même. C’est le vice-président Omar Suleiman qui l’a annoncé dans une brève apparition à la télévision vendredi. Les masses populaires et islamistes exultent.
Suleiman n’a pas fourni de plus amples détails.
Plus tôt vendredi, al-Jazeera a rapporté que Moubarak a quitté Le Caire et se dirige vers la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh. Plus tard, le bureau présidentiel avait prévenu qu’il avait l’intention de publier une déclaration importante. Ce qui s’est avéré être l’annonce du départ de Moubarak.
Tout se joue donc maintenant : ou El Baradei prend le pouvoir et c’est une catastrophe pour la région. Ou les frères musulmans le font et c’est une catastrophe également. Ou enfin Suleiman garde la main, au moins pour les prochains mois, et tout peut redevenir normal.

« Compte tenu des conditions difficiles que traverse le pays, le Président Mohammed Hosni Moubarak a décidé d’abandonner le poste de Président de la République et chargé le conseil suprême des forces armées de gérer les affaires du pays », a déclaré Omar Suleiman dans son allocution télévisée.
Les centaines de milliers de manifestants réunis place Tahrir au Caire ont explosé de joie à l’annonce de cette démission après trente ans au pouvoir.
Plus tôt dans la journée, Obama a publié un communiqué pour dire que « le départ de Moubarak du Caire est une première étape positive ». Voilà comment l’Oncle Sam traite un ami de 30 ans.  Avec de pareils amis, Moubarak n’avait vraiment pas besoin d’ennemis.
Ce vendredi matin, Hosni Moubarak avait quitté Le Caire en compagnie de sa famille pour se réfugier dans l’une de ses résidences, dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, dans le Sinaï. L’avenir de Moubarak avait été annoncé un peu plus tôt par la démission de Hossam Badrawi. Connu pour être plus ouvert à l’opposition que les caciques du parti, le secrétaire général du parti au pouvoir a cédé son poste, estimant que sa tâche était remplie, la délégation des pouvoirs de Moubarak à Suleiman ayant été achevée.
L’armée égyptienne a annoncé ce matin qu’elle se portait garante des réformes promises par le Président Hosni Moubarak, en appelant à un retour à la normale dans le pays et en mettant en garde contre toute atteinte à la sécurité de l’Egypte. Dans “le communiqué numéro deux” du conseil suprême des forces armées, lu à la télévision publique par un présentateur, l’armée a également assuré qu’elle garantirait des « élections libres et transparentes », au lendemain de l’annonce par Hosni Moubarak qu’il déléguait ses prérogatives à son vice-président.
Le conseil de défense assure qu’il garantira la tenue d’ « élections présidentielles libres et transparentes à la lumière des amendements constitutionnels décidés » et « met en garde contre toute atteinte à la sécurité de la nation et des citoyens ». Il souligne enfin « la nécessité d’un retour au travail dans les établissements de l’État et le retour à la vie normale ».
Une chose est sûre, avec le départ de Moubarak, c’est tout le Proche-Orient qui tombe dans l’instabilité.

De la fête au dégrisement


La pression de la rue, certes, mais aussi celle de capitales amies, ont fini par avoir raison de l’obstination de Hosni Moubarak à mettre des formes à son départ.


Il aurait voulu aller au bout de son mandat, en septembre, et transmettre solennellement les clés de la présidence à son successeur, comme cela se fait dans la cour de l’Élysée. Mais il aurait fallu tenir encore sept mois. Trop, dans un contexte aussi bouillonnant que celui du Caire, d’Alexandrie ou de Suez. Trop aussi, quand les anciens partenaires se détournent, comme s’ils ne devaient rien au raïs. Vis-à-vis de l’Amérique et de son allié favori, Israël, le dirigeant égyptien aura maintenu le cap de la paix et du dialogue fixé par son prédécesseur Anouar el-Sadate, qui paya ce choix de sa vie. Pour récompense de cette loyauté, dénoncée par les radicaux de tous les Orients, l’armée égyptienne, longtemps russifiée, a été développée par les États-Unis.


Avec la France, Moubarak a joué le jeu de l’Union pour la Méditerranée, qu’il coprésidait avec Nicolas Sarkozy. Pour solde de tous comptes, il aura réussi - hier au moins - à éviter la fuite précipitée hors d’Égypte, l’exil nocturne auquel dut se résoudre son ex-homologue tunisien. Charm el-Cheikh sera-t-il un refuge durable pour le démissionnaire ? Ce n’est pas sûr. Mais pour l’histoire, ce n’est pas ce qui compte.


Le départ de Hosni Moubarak débouche sur l’incertitude intégrale. Comment le maréchal septuagénaire, pilier du régime précédent, pilotera-t-il la transition vers de nouvelles élections ? Dans quelles conditions celles-ci seront-elles préparées et tenues ? Les forces politiques, unies dans la rue et sur la place Tahrir par le zèle contestataire, ses cris et ses slogans, sauront-elles s’organiser pour gouverner, sans tomber dans le double piège de l’émiettement ou d’un unanimisme qui peut conduire au parti unique ? Et qui perpétuerait les entorses à la démocratie. Des manifestants hésitaient, hier soir, quant à la conduite à adopter.


Les révolutions ont un côté festif qui peut passer pour un but en soi. Mais l’Égypte doit aussi réussir son dégrisement.

Cette nuit, la liberté…

La nuit était tombée sur Le Caire mais c’est la lumière qu’elle a apportée. Celle d’une liberté qui apparaissait hier soir aux yeux de la foule de la place Tahrir comme le dernier trésor, inestimable, d’une Égypte millénaire. Et partout, sur toutes les images, dans tous les témoignages, cette impression de délivrance. Fallait-il que ce peuple ait accumulé à l’intérieur de lui-même une si longue souffrance pour qu’il exulte à ce point à l’annonce du départ de son président honni, Moubarak ?

Le spectacle de ces millions d’hommes et de femmes chavirant dans une même euphorie est une leçon pour tous les procureurs, de plus en plus méprisants du «droit-de-l’hommisme», ce néologisme dévalorisant qui voudrait assimiler les défenseurs des libertés fondamentales à d’idéologues utopistes.

Hier soir, les Égyptiens nous ont rappelé combien l’aspiration à pouvoir s’exprimer, manifester, contester librement était plus forte que tout le reste. Plus forte que la raison géopolitique. Plus forte, même, que l’exigence de survie économique dans un pays dont les familles ne pouvaient guère se payer le luxe de sacrifier leurs ressources touristiques à un soulèvement.

Ce peuple a pris des risques - beaucoup - pour conquérir ce qu’il considérait comme un affranchissement. Il voulait commencer par se débarrasser de celui qui incarnait une forme de servitude dans laquelle il ne voulait plus se reconnaître. Il y est parvenu à force d’opiniâtreté et de confiance dans son propre destin. Sa victoire est un triomphe contre le scepticisme d’une époque calculatrice qui ne croit même plus au romantisme d’un mouvement de libération nationale.

«Nous l’avons faite», disent-ils avec fierté, cette révolution que les Frères musulmans n’ont pas réussi à leur confisquer. Car les jeunes ont échappé, au moins pour le moment, à l’alternative entre un pouvoir musclé et un ordre islamiste. C’est le combat d’une génération qui n’a connu que le raïs et ses sbires, mais qui n’intègre pas dans ses schémas les guerres israélo-arabes, ni ne veut assumer le prix d’une paix laborieuse.

Une autre histoire commence ce matin dans les brumes des ambiguïtés. Moubarak a renoncé mais le pouvoir réel reste encore entre les mains de ceux qui l’ont soutenu depuis trente ans. Obama a bien réclamé une transition complète vers la démocratie, mais pour l’heure, Washington semble se contenter d’un compromis inespéré : omnisciente, cette armée aux soldats débonnaires n’a-t-elle pas multiplié des gages de sa bonne volonté ?

Le Caire, c’est vrai, a des airs du Lisbonne de 1975, quand les officiers se prenaient pour des révolutionnaires. Le papyrus a le parfum des œillets qui exhalaient cette même insouciance provisoire avant d’être happé par l’inconnu politique. Il flotte ce matin dans un vent contrariant. Celui de toutes les incertitudes.


Explosion de joie en Égypte

La révolution pacifique (elle a cependant coûté 300 morts...) l'a emporté enfin sur le pouvoir qui, depuis trente ans, imposait sa férule au peuple égyptien. Il aura fallu trois semaines de manifestations persistantes pour aboutir à ce résultat, manifestations animées d'abord par une jeunesse qui a montré son sens des responsabilités et a su éviter la violence. On comprend la joie de ceux qui, depuis des jours et des nuits, demandaient sans relâche le départ du raïs.

La tragédie redoutée, celle d'une répression policière ou celle d'une guerre civile, a été écartée. Le vent de la liberté a soufflé assez fort pour éviter les violences et la fraternité s'est donné libre cours dans les rues du Caire, d'Alexandrie, dans cette Égypte qui se trouve, aujourd'hui, à la croisée des chemins.

Comme on pouvait s'y attendre, c'est l'armée qui se trouve propulsée à la tête de l'État. Le Conseil suprême des forces armées va donc devoir assurer la sécurité du pays et de la rue. Mais quel chemin ce conseil va-t-il emprunter désormais ? Va-t-il maintenir les institutions ? Va-t-il avancer nettement vers une forme de démocratie ? Va-t-il procéder à des élections réellement libres ? Va-t-il reconnaître et admettre l'existence des partis politiques ? Va-t-il rétablir la liberté de l'information ? Quelle sera son attitude vis-à-vis des Frères musulmans, restés discrets jusqu'à présent ? L'armée sera-t-elle tentée de garder le pouvoir ? Et puis les gens vont-ils rentrer chez eux et reprendre le travail comme l'armée le demande depuis plusieurs jours ?

L'histoire est en marche, a dit Obama, avant-hier. Mais l'histoire en marche, c'est le peuple en marche, avec ses espoirs, ses attentes, sa soif de liberté. Et cela peut conduire, de sa part, à exiger de l'armée qu'elle n'assume qu'une transition avant de retourner à court terme dans ses casernes.

En route vers la démocratie ?

C'est cela que l'on peut souhaiter. Mais bâtir une authentique démocratie ne se fait pas en un jour. De vieilles habitudes ont marqué ces militaires qui sont directement au pouvoir aujourd'hui. Sauront-ils se libérer de leurs vieux réflexes ? Et puis, l'armée n'étant sans doute pas unanime, quelles tendances l'emporteront en son sein ? Les plus traditionnelles ou les plus modernes ? Les plus autoritaires ou les plus libérales ? Les choses, on le voit, ne sont pas encore clarifiées, mais, sans attendre, il va pourtant falloir faire repartir l'économie égyptienne pour combler les pertes accumulées, ces jours derniers, et aussi des retards et des inégalités qui ne seront plus supportés.

Ce qui se passe en Égypte, dans le plus grand pays du monde arabe, va avoir inévitablement d'importantes répercussions dans tous le Moyen-Orient. Déjà, on vibre à Tunis où l'on manifeste son allégresse. Il en est certainement de même dans de nombreux pays de la région où vibrent aussi les coeurs, mais également bien au-delà du monde arabe, partout où les libertés sont opprimées et l'on pense, par exemple, à l'Iran.

Souhaitons que la joie extraordinaire des Égyptiens qui nous émeut profondément, aujourd'hui, et que l'espérance qu'elle exprime, celle de la construction d'un État démocratique et laïc ne soit pas déçues, demain, comme on l'a vu, hélas, dans certains pays qui ont replongé dans l'autoritarisme après des évolutions qui paraissaient si favorables. Il faut donc rester vigilant. Souhaitons aussi que la paix avec Israël ne soit pas compromise et que, au contraire, ces événements permettent une avancée dans le règlement des problèmes qui empoisonnent les relations entre pays dans cette région du monde.

Ben Ali, Moubarak : ils ont dégagé, engagez-vous


Ben Ali avait dégagé de Tunis dans un avion. Hosni Moubarak a dû s’envoler dans un hélicoptère et dans l’urgence quand la foule s’est avancée vers son palais, quand la tourelle du char qui gardait l’entrée a détourné le canon du peuple pour l’orienter vers la résidence, quand Barack Obama furieux est monté à la tribune pour dire à son tour : « dégage ». Face à la jeunesse égyptienne assoiffée de liberté et au peuple affamé, face à la pression de Washington et à l’armée sans qui rien n’est possible dans les pays arabes, le Raïs a piteusement prolongé la pathétique agonie de son pouvoir dépassé, usé, corrompu. Ces charges baroques et barbares de chameliers lancés sur la foule du Caire comme à l’époque de Lawrence d’Arabie et les matraquages de journalistes comme si au XXI e siècle, celui de Facebook et du smartphone, un pouvoir pouvait encore dissimuler l’information et la répression, racontent combien ce vieux dictateur et ses séides n’ont rien compris à leur époque et à leur peuple. A Tunis et au Caire, travailleurs et chômeurs n’ont plus supporté de vivre avec 40 euros par mois quand ceux qui les gouvernaient confisquaient les richesses et entassaient leurs magots loin du pays.


Ce crépuscule des dictateurs millionnaires illumine le ciel du monde arabe de deux questions brûlantes : A qui le tour ? Et après ? La réponse appartient à ces jeunes peuples de l’autre rive. Mais pas seulement. Jusqu’à présent, l’Amérique, Israël et plus marginalement l’Europe ont bâti la paix dans cette région avec des despotes. Ils étaient également bien pratiques pour repousser le péril islamiste qui peut tout aussi bien venir des urnes. Les grandes démocraties devront s’accommoder d’un monde arabe...démocratique. C’est la seule voie acceptable sur laquelle peuvent s’engager ceux qui ont dégagé Moubarak et Ben Ali. En attendant les prochains.

Avec l'Egypte à l'esprit, les Etats-Unis accusent l'Iran de redouter son peuple

La Maison Blanche a établi vendredi un lien entre la révolte populaire qui a emporté le président égyptien Hosni Moubarak et la situation en Iran, en estimant que le régime islamique ennemi des Etats-Unis paraissait "redouter la volonté de son peuple".
Rebondissant sur les événements en Egypte, le porte-parole de la présidence américaine, Robert Gibbs, a estimé que la façon dont les autorités de Téhéran y réagissaient était "remarquable".
"Il y a une semaine environ, (les responsables iraniens) ont fait des déclarations outrancières sur la signification de ces manifestations" dans les grandes villes égyptiennes, a remarqué M. Gibbs.
En pleine révolte populaire au Caire, le guide suprême iranien Ali Khamenei avait appelé le 4 février à l'instauration d'une république islamique en Egypte, à l'exemple de l'Iran en 1979.
Vendredi, qui marquait aussi le 32e anniversaire de la révolution islamique, le régime iranien avait estimé que les Egyptiens avaient obtenu une "grande victoire" avec la démission de M. Moubarak.
Plus tôt, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait annoncé un Proche-Orient "débarrassé" des Etats-Unis et d'Israël.
"Nous savons maintenant comment ils (les responsables iraniens) réagissent aux images de la place Tahrir" au Caire, épicentre des manifestations contre le régime de M. Moubarak pendant 18 jours, a remarqué M. Gibbs: "ils arrêtent des gens en Iran. Ils bloquent les médias étrangers. Ils sont en train d'interrompre l'accès à internet".

"Donc, malgré toutes ces déclarations vides de sens sur l'Egypte, (...) le gouvernement iranien devrait permettre aux Iraniens de profiter des mêmes droits de se rassembler pacifiquement, de manifester et de communiquer leurs aspirations", a ajouté le porte-parole de M. Obama.
Etant donné la réponse des autorités iraniennes jusqu'ici, "je pense que ce à quoi nous avons assisté dans la région, c'est à un gouvernement iranien, très franchement, (qui semble) redouter la volonté de son peuple", a assuré le porte-parole.
Une dizaine de membres ou proches de l'opposition iranienne ont été arrêtés mercredi et jeudi, a rapporté vendredi le site iranien Rahesabz. Ces interpellations sont intervenues après que des leaders de l'opposition eurent demandé l'autorisation d'organiser une manifestation de soutien aux Egyptiens et aux Tunisiens.
Les autorités ont clairement fait savoir qu'elles refuseraient cette autorisation, comme elles le font toujours depuis les grands rassemblements de protestation ayant suivi la réélection contestée de M. Ahmadinejad en juin 2009. Ces manifestations avaient été réprimées par le régime.
Selon M. Gibbs, si le gouvernement iranien était si confiant dans la solidité du soutien dont il bénéficie, ses responsables "n'auraient rien à craindre de manifestations pacifiques comme celles que l'on a vues au Caire et dans toute l'Egypte".
Avant lui, le président Barack Obama n'avait pas directement fait référence à l'Iran dans son allocution consacrée aux conséquences de la révolte en Egypte, mais il avait cherché à en tirer les leçons pour le monde musulman.
"Les Egyptiens ont été une source d'inspiration pour nous, et ils ont réalisé cela en faisant mentir l'idée que la violence est la meilleure façon de parvenir à la justice", avait-il estimé.
"Pour l'Egypte, cela a été la force morale de la non-violence, pas du terrorisme, pas des meurtres insensés, mais de la non-violence, qui a détourné la trajectoire de l'histoire une fois de plus vers la justice", avait-il insisté.

LE CAIRE EN DIRECT




Video chat rooms at Ustream