TOUT EST DIT

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mardi 25 janvier 2011

La grève des ports reconduite de vendredi à lundi

Le syndicat CGT des ports et docks a annoncé mardi 25 janvier la reconduction de son appel à la grève pendant quatre jours, de vendredi à lundi, pour protester contre la demande du gouvernement de renégocier un projet d'accord sur la pénibilité.
"Nous avons reconduit de vendredi à lundi notre mouvement", a déclaré Tony Hautbois, responsable national à la fédération des ports et docks, à l'issue d'une réunion des délégués régionaux à Paris. Les dockers feront grève vendredi et dimanche, et les agents portuaires samedi et lundi.
La CGT des ports et docks a entamé il y a deux semaines un mouvement de grève alternant arrêts de travail du vendredi au lundi et des modalités plus légères le reste de la semaine (suspension des heures supplémentaires, de certains horaires de nuit, respect "strict" des règles de sécurité, etc.).
PRENDRE EN COMPTE LA PÉNIBILITÉ
Le conflit est né de la volonté du gouvernement de revoir un projet d'accord âprement négocié par les syndicats et le patronat depuis deux ans sur la prise en compte de la pénibilité. Une grève avait déjà touché les ports cet automne à ce sujet avant la conclusion fin octobre d'un projet d'accord, qui nécessitait encore l'aval du gouvernement.
Ce texte prévoyait des cessations anticipées d'activité de quatre à cinq ans avant l'âge légal pour 5 à 6 000 travailleurs portuaires, avec un financement reposant sur la branche mais également sur des fonds publics.
Le secrétaire d'Etat aux transports, Thierry Mariani, arrivé au gouvernement après le départ de Jean-Louis Borloo et de Dominique Bussereau, a fait savoir aux parties concernées que le projet d'accord devait être renégocié "dans le cadre défini par la loi de novembre 2010 portant réforme des retraites". La loi sur les retraites prévoit, dans certaines conditions, des départs anticipés jusqu'à deux ans avant l'âge légal.
"Le gouvernement veut que nous nous remettions autour de la table, nous voulons bien, mais sur les bases de Borloo et non sur celles de Mariani", a commenté Tony Hautbois.
La conclusion d'un accord sur la prise en compte de la pénibilité est l'un des derniers volets d'une nouvelle convention collective qui doit permettre de parachever la réforme des ports de 2008, avec le transfert des agents portuaires (grutiers, portiqueurs) vers le privé.
 

Comme en filigrane


À des années lumières de celle de janvier 2008 avec son tourbillon d'idées mal préparées sur la télé sans publicité, sur les caisses vides de l'État ou sur la vie privée, la conférence de presse élyséenne d'hier n'est pas sortie des clous calibrés à l'avance. « Cette fois c'était, vraiment, du sérieux » a sans doute pensé Nicolas Sarkozy en se remémorant la formule pour midinettes qui lui avait fait tant de mal dans sa première prestation. En imposant les sommets de la présidence française et la politique étrangère, comme sujets uniques de sa rencontre avec la presse, le chef de l'État savait s'épargner l'emballement des questionneurs et éviter ses propres poussées d'adrénaline, tout en s'assurant d'apparaître en décideur sur le pavois du monde.


Avec une modestie sereine, le président de la République a renvoyé à la conclusion du G8 de novembre à Cannes, le résultat de ses ambitions himalayennes sur la taxation des spéculateurs et la régulation des prix des matières premières. Nicolas Sarkozy sait bien que sa moralisation du capitalisme n'est plus très en cours depuis que la crise financière a quitté le devant de la scène et depuis que Obama et Hu Jintao font copain-copain pour rappeler qu'ils tirent les ficelles de la gouvernance mondiale.


Le calendrier sert les visées de Nicolas Sarkozy qui affirme son volontarisme international pour retrouver quelque lustre dans les sondages pour 2012. Tout l'exercice d'hier tendait à cette reconquête. À Fillon le front du mécontentement, au président de la République les valeurs universalistes de la France pourtant peu valorisées par nos erreurs d'appréciation de la désespérance tunisienne.


Les thèmes de la campagne présidentielle se décalquaient, comme en filigrane, sous le propos mondialiste de Nicolas Sarkozy. Le socle de protection sociale commun aux membres du G20, les aides aux pays africains pour contenir les flux migratoires, la fermeté et le courage face au terrorisme en axe de la politique sécuritaire, la maîtrise des prix agricoles pour sauver les agriculteurs, la réforme du FMI pour imposer des règles au marché, la taxation des riches et de la spéculation. Un peu chevalier blanc sans doute, mais en reconnexion avec l'opinion c'est sûr.


Chez les agriculteurs, le taux de suicide est trois fois plus élevé que chez les cadres

"J'avais planqué un fusil et deux cartouches dans une serre. Mon épouse savait que j'étais à bout. Elle me faisait suivre partout par mon fils". Sans le soutien de sa famille, Roger Pessotto, 66 ans, sait qu'il serait passé à l'acte. Le souvenir est encore frais, mais il veut témoigner.
Roger Pessotto a toujours voulu être agriculteur. Une belle carrière de maraîcher avec la fraise pour spécialité. "On est parti de rien. Et on est arrivé à rien". Dans cette aventure, il avait pourtant tout donné, et sa fierté, c'était d'y être arrivé. Sa success-story avait même attiré les caméras d'une émission télévisée, quand son exploitation pesait encore entre "trente à quarante salariés".
Et puis, il y a eu la tempête de 1999. "Six hectares de serres ravagés, 1,5 million de francs rien qu'en pertes occasionnées". L'assurance n'a pas fonctionné. "En 2003, il y a eu la sécheresse et là, on a mis pied à terre". S'ensuivent quatre années de procédures judiciaires. "J'ai tout perdu, ils m'ont tout pris. Toute ma vie. Même ma Renault 19, vieille de 400 000 km, fulmine Roger Pessotto. Ils ont même essayé de saisir la maison de ma belle-mère. Je n'étais plus rien, je n'ai eu droit qu'au mépris."
Si Roger Pessotto s'en est sorti, nombreux sont ceux qui passent à l'acte. "En trente ans, on a recensé près de quarante suicides d'agriculteurs sur un secteur qui compte à peine 2 000 habitants, déplore Jean-Pierre Vigier, conseiller général de Haute-Loire et ancien président de la Mutualité sociale agricole (MSA) d'Auvergne. Et le constat est d'autant plus cruel que le phénomène semble s'accélérer. On a eu trois suicides ces six derniers mois dans un rayon de quinze kilomètres".
TAUX DE SUICIDE TROIS FOIS PLUS ÉLEVÉ QUE CHEZ LES CADRES
Aucune région n'est épargnée. "C'est un problème d'ampleur nationale, que personne ne peut nier, parce qu'il se voit et s'entend sur le terrain. C'est comme un bruit de fond recouvert d'une chape de plomb", s'indigne Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, qui tente depuis des années de briser la loi du silence. "C'est une situation très préoccupante", confirme de son côté Xavier Beulin, nouveau président de la FNSEA, qui en a fait une priorité de son mandat.
Problème, si la surmortalité par suicide chez les agriculteurs est une réalité, l'absence de données la rend difficile à appréhender. "On a parfois des estimations par région, mais elles ne sont jamais consolidées au niveau national", déplore la Coordination rurale.

Seule certitude, le taux de suicide chez les exploitants agricoles est trois fois plus élevé que chez les cadres. C'est la conclusion de la seule enquête officielle qui renseigne sur les suicides d'agriculteurs, réalisée par l'Institut de veille sanitaire (INVS), publiée en 2010 dans la Revue d'épidémiologie et de santé publique. "Nous avons analysé les causes de décès par secteur d'activité de 1968 à 1999", détaille Christine Cohidon, médecin épidémiologiste à l'INVS. Une nouvelle étude est envisagée entre l'INVS et la MSA pour affiner les données.
"Le suicide d'un agriculteur ne fait pas de bruit, mais c'est souvent son ultime manière de dénoncer la situation de crise morale et sociale que vit notre secteur", s'indigne Bernard Lannes. "C'est une forme de désespérance qui s'est installée dans le monde agricole, observe Jean-Pierre Vigier. Ce sont des gens courageux, qui ne comptent pas leurs heures, qui ne prennent jamais de vacances, qui ont parfois dû s'endetter et qui sont contraints de travailler à perte. On ne leur laisse aucune échappatoire".
"IL Y A TOUJOURS EU BEAUCOUP D'ENTRAIDE DANS LE MILIEU"
Aux difficultés économiques et financières et à l'absence de perspectives du secteur, semblent s'ajouter d'autres facteurs, comme l'isolement, le célibat. "La conduite suicidaire est un processus complexe et multifactoriel. Il est très difficile aujourd'hui de faire la part des choses entre les facteurs professionnels et personnels, qui sont dans ce mode d'exercice particulièrement mêlés", remarque Christophe David, médecin du travail en charge des risques psychosociaux à la Caisse centrale de la MSA.
Des groupes de paroles, des numéros de stress assistance, des réunions d'information, des cellules de prévention au suicide ont été mis en place dans plusieurs régions par les syndicats et par la MSA. Des associations, tels que l'Apli (Association des producteurs de lait indépendants), SOS Paysans, ou le Samu social agricole viennent aussi en aide aux agriculteurs les plus en difficultés.
"Il y a toujours eu beaucoup d'entraide dans le milieu, mais aujourd'hui les exploitants sont de plus en plus isolés. Pour recréer du lien social et lutter contre l'exclusion rurale, on essaie de s'organiser entre-nous en réseaux de solidarité", indique Damien Legault, 40 ans, ancien éleveur de veaux qui tente aujourd'hui une reconversion dans le bio, à Vritz, en Loire Atlantique. Lui aussi est "tombé plus bas que terre", le jour où crise oblige, le veau s'est brusquement dévalorisé.
"ILS NE M'AURONT PAS, JE SUIS BLINDÉ"
"On donne treize heures de travail par jour, y compris le dimanche, pour terminer en procédure judiciaire, en prise avec le tribunal, les créanciers, les banquiers, les fournisseurs. C'est très difficile à vivre". Une situation qu'il ne connaît que trop bien, par son activité bénévole depuis plusieurs années au sein de l'Apli et de SOS Paysans. A défaut de le réconforter, cette expérience lui permet de prendre du recul. "Ils ne m'auront pas, je suis blindé. Je sais très bien que je ne suis qu'un dossier parmi tant d'autres".
En dépit du travail de prévention mis sur pied, tous les acteurs sont aujourd'hui contraints d'avouer leur impuissance à toucher un public dont la détresse est souvent dissimulée. "Les agriculteurs n'ont pas l'habitude de demander de l'aide. Si on ne va pas à leur rencontre, ils ne viendront pas nous chercher, souligne Bernard Lannes. Au lieu de dépêcher un huissier quand quelqu'un ne paye plus ses cotisations, il vaudrait mieux lui envoyer une assistante sociale".
Pour Xavier Beulin aussi, il y a des indicateurs qui peuvent alerter. "Quand un agriculteur rencontre une difficulté, dans sa coopérative, auprès de sa banque ou de son assureur, c'est un clignotant qui doit s'allumer".

Quand la lingerie se fait transgressive

Le salon de la lingerie, à Paris, fait la part belle à des créations décomplexées... 

Décomplexer! C’est le mot d’ordre qui souffle sur le Salon de la lingerie ce week-end à Paris. La nouvelle année annonce le retour d’une féminité toute en formes, transgressive et fière de ses courbes. Les égéries comme Lady Gaga, Katy Perry ou Dita Von Teese sont passées par là. Leurs tenues de poupées déjantées et leurs dessous façon strip-tease burlesque ont inspiré les créateurs de lingerie.
"Depuis trois ans, les femmes s’autorisent plus de choses, explique Caroline Le Grelle, directrice artistique du Salon. Avec l’arrivée massive des produits érotico-chics et la banalisation des cours d’effeuillage, la femme n’a plus honte d’acheter des produits qui la mettent en valeur." Le corps se libère et la lingerie accompagne ce mouvement en puisant dans les canons de la beauté des années 1980, ses silhouettes galbées et architecturées à la Thierry Mugler. "La séduction se fait un peu plus agressive, poursuit Caroline Le Grelle. Elle est glamour et théâtrale, mi-guerrière, mi-romantique." Guêpières, culottes-gaines, taille haute sexy façon cabaret réapparaissent chez Lise Charmel, Aubade, et autres Maison close. On voit même revenir… la poitrine "obus", rappelant celles de Marilyn et Madonna.

Les dessous "grande taille" amorcent un tournant

Les poitrines généreuses ont toujours la cote. Et la lingerie "grande taille", longtemps marquée par une image technique et peu sexy, amorce un tournant. La plupart des marques élargissent leurs gammes de couleurs et offrent des modèles plus glamour, comme Wacoal ou Sans Complexe qui affirme que "la taille mannequin, c’est démodé!".
Sexy, écolo, douillette: la lingerie 2011 marie aussi les extrêmes. Les marques osent les mélanges. "L’offre des fabricants permet de recycler et d’associer plusieurs genres de dessous, constate Caroline Le Grelle. On remet les chemises de nuit en dentelle de nos grand-mères en les customisant et on passe à des matières végétales comme le bambou, ou à des mailles onctueuses et agréables." L’idéal pour pratiquer le lounge wear, cette tendance cocooning où l’on ressort les cache-cœurs, les néo-leggings et autres pyjamas confortables…

"Il y a une cassure entre Sarkozy et le peuple"



Après l'attentat de Moscou, les soupçons se concentrent sur le Caucase du Nord

Au lendemain de l'attentat qui a fait 35 morts à l'aéroport de Moscou-Domodedovo, le président russe, Dmitri Medvedev, a rappelé avec force que le terrorisme "reste la menace la plus sérieuse" dans le pays et que les responsables de cette attaque doivent être "liquidés".

Selon les premiers éléments de l'enquête, les autorités penchent pour la piste menant au Caucase du Nord, une région de la fédération de Russie en proie à une rébellion islamiste. Des sources policières, citées par plusieurs agences de presse, soulignent que "l'attentat a été commis selon la technique habituelle qu'utilisent les ressortissants du Caucase du Nord". A savoir une femme, accompagnée d'un complice, se serait fait exploser, possiblement à distance.
Pour étayer cette thèse, les autorités russes rappellent que deux femmes kamikazes originaires du Caucase du Nord s'étaient déjà fait exploser à bord d'un avion, peu après son décollage de l'aéroport de Domodedovo en 2004, faisant 90 morts. La dernière attaque terroriste d'ampleur à Moscou, un double attentat-suicide dans le métro en mars 2010 (40 morts) avait également été revendiquée par l'"émirat du Caucase", un mouvement qui rassemble tant bien que mal depuis 2007 les factions islamistes des différents territoires caucasiens (Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan, Kabardino-Balkarie). Son chef, Dokou Oumarov, avait promis en 2009 que la guerre que les Russes voyaient à la télévision allait "revenir dans leurs maisons".
"MAQUIS RÉGIONAL"
Pour Aude Merlin, chercheuse au Centre d'étude de la vie politique et auteure de Ordres et désordres dans le Caucase, il est encore trop tôt pour accréditer cette thèse. "En l'absence de revendication, de toute information fiable et d'enquête approfondie, la prudence absolue s'impose, estime-t-elle. Même si, en terme de tendance, cela pourrait s'inscrire dans une histoire d'actes terroristes, dont certains ont été revendiqués par le maquis nord-caucasien."
Interrogé par l'AFP, Alexeï Malachenko, spécialiste du Caucase au centre Carnegie, pense que ce type d'attentat est voué à se répéter sur le territoire russe, malgré les promesses et la rhétorique musclée des autorités russes. "Tout cela va continuer, explique-t-il. La crise sociale dans le Caucase du Nord et le fossé qui sépare la société des autorités, multiplié par le facteur religieux, sont les sources du terrorisme. La religion n'est pas à la base de ce phénomène, mais elle joue un rôle de stimulateur".
Entre la première guerre de Tchétchénie (1994-1996) et la seconde à partir de 1999, les rebelles qui s'opposaient à l'armée russe sont passés d'un indépendantisme nationaliste à une inspiration beaucoup plus religieuse. "Le maquis qui existe actuellement dans les montagnes de Tchétchénie s'aligne désormais uniquement sur la phraséologie islamiste. Jusqu'en 2005, il existait encore une résistance tchétchène globalement plus laïque et dans une optique nationaliste", souligne Aude Merlin.
"PAS UNE SEMAINE SANS QU'IL N'Y AIT UNE ATTAQUE"

Moscou : 35 morts et près de 200 blessés
envoyé par euronews-fr. - L'info internationale vidéo.
Cette islamisation a progressivement débordé des frontières tchétchènes pour imprégner les territoires voisins, et notamment le Daghestan. Dans cette région pauvre et reculée du Caucase du Nord, la corruption est endémique et la violence quotidienne. "Il ne se passe pas une semaine sans qu'il n'y ait une attaque contre une figure d'autorité", assure Aude Merlin. Elle explique que la violence est exacerbée d'un côté par les chasses à l'homme permanentes pour débusquer des islamistes potentiels, de l'autre par les attaques et les harcèlements incessants de la guérilla.
Aux petites unités combattantes composées de quelques dizaines d'hommes au Daghestan ou en Ingouchie est venue s'ajouter "une coordination qui les dépasse sur le plan transversal" et une "'organisation plus ou moins coordonnée d'un maquis au niveau régional", pointe Aude Merlin. C'est ce "maquis régional" qui est dans le viseur de Moscou, après avoir revendiqué ou été accusé d'une grande partie des attentats qui ont eu lieu en Russie ces dix dernières années.
Luc Vinogradoff

Se lever ou pas ?

Il est 11 heures hier, dans la grande salle des fêtes de l’Elysée. Un huissier, conformément à la tradition républicaine, lance d’une voix de stentor : « Monsieur le président de la République. » Nicolas Sarkozy s’avance.

Flottement dans les rangs : se lever ou pas à l’arrivée du chef de l’Etat ? Se lèvent spontanément – sur la droite du président – les membres du gouvernement (c’est sans surprise) et les ambassadeurs étrangers (conviés à cette conférence de presse puisqu’il y sera question du G8, du G20, du FMI de DSK, de la montée en puissance de la Chine, des Etats-Unis d’Obama, du risque que se renouvellent demain dans le monde de dramatiques « émeutes de la faim » et aussi de la Tunisie, ce « pays frère »).
Dans la foulée, se lèvent aussi sur la gauche – car il y avait, à l’initiative de l’Elysée, un plan de salle – les journalistes étrangers en poste à Paris : c’est, pour eux, un réflexe ordinaire, logique, normal. On allait dire : banal. Après, à titre personnel, s’il faut mettre les points sur les « i », chacun vote comme il l’entend. Là où le flottement est le plus sensible, le plus durable et finalement le plus drôle, c’est évidemment chez les journalistes français. Une partie d’entre eux se lèvent. Quelques-uns hésitent. D’autres restent assis, ce qui est leur droit. Probablement ceux-là imaginent-ils – à tort – que se lever, par politesse républicaine, ce serait faire acte d’allégeance.
Il y a, en fait, deux réflexes dans la salle. Les uns, en se levant, saluent, à l’anglo-saxonne, le représentant démocratiquement élu d’un pays ami : il occupe une fonction, forcément transitoire. Les autres ont peur, apparemment, qu’on croit que ceci, que cela… Nicolas Sarkozy voit la scène et ne dit rien. Ou plutôt juste ceci : « Vous savez, ce n’est pas obligatoire mais, pour ceux qui l’ont fait, j’apprécie le geste… »
Une saynète très française.

Et si DSK devait jeter l’éponge ?

Si, à gauche, Dominique Strauss-Kahn reste le favori des sondages, la situation, pour lui, se complique énormément.

Du côté de Dominique Strauss-Kahn, ça commence à sentir le roussi. Entendons-nous : en l’état, les sondages le confirment, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) reste – virtuellement – le mieux placé pour porter les couleurs (et les espoirs) de la gauche en 2012. Mais, à force d’entretenir le suspense sur ses intentions réelles, de tergiverser et de réclamer à l’ensemble du PS (par personnes interposées) que chacun calque son « calendrier » (politique) sur le sien, « l’homme de Washington » agace de plus en plus les uns, et sème le doute chez les autres.

Veut-il vraiment « y » aller ? Ne souhaiterait-il pas, au fond, être « nommé » à l’Elysée, en s’épargnant la tâche ingrate et aléatoire de faire campagne ? La droite – qui ne votera pas DSK, en tout cas au premier tour – continue de dire tout le bien qu’elle pense de ce socialiste si convenable. A gauche, en revanche, ça tangue. Que l’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon en tête, mène campagne contre le « mondialiste » DSK, rien d’étonnant. Mais, dans les rangs du PS, où l’on s’était jusqu’ici fait à l’idée que Strauss-Kahn serait l’homme de la situation, c’est plus neuf, et plus préoccupant pour l’intéressé.
 L’humeur de Jospin
Michel Rocard (mercredi sur RMC) et Lionel Jospin (jeudi sur RTL) parlent de sa possible candidature avec une retenue spectaculaire. François Hollande et Manuel Valls répètent sans cesse que le PS a tort de rester l’arme au pied, et qu’attendre encore plus (sous-entendu : le bon vouloir de DSK) devient, pour la gauche, très dangereux. Daniel Cohn-Bendit dit au JDD que, au train actuel, ni Sarkozy ni le PS ne gagneront en 2012. Et il évoque carrément l’hypothèse d’un « suicide politique collectif de grande ampleur ». Mais le plus inquiétant pour Dominique Strauss-Kahn, dont l’étoile brille d’autant plus qu’il est silencieux et lointain, c’est la montée en puissance de Martine Aubry (et, dans une moindre mesure, de l’outsider Hollande). L’institut CSA (pour BFMTV et RMC) indique ainsi que Martine Aubry, si elle était au second tour de la présidentielle, battrait Sarkozy sans coup férir (56 % contre 44 %). Résultat encore plus net obtenu par l’institut BVA (pour L’Express et France Inter) : cette fois, l’écart Aubry-Sarkozy serait de 14 points (57 % contre 43 %).
 Moscovici se contredit
Du coup, les pro-Strauss-Kahn, affectant un sang-froid d’acier, montent précipitamment en ligne. Laurent Fabius (sur radio J) le voit candidat, et même… élu. Et le député PS Pierre Moscovici assure que la popularité de Strauss-Kahn n’est pas « friable » : « C’est le président que les Français attendent. » En même temps, l’intéressé, sans mesurer qu’il nuit ainsi à « sa » cause, n’exclut rien : « S’il renonce, je me lancerai dans les primaires… »

Double évidence : à gauche, tout reste ouvert, et DSK, en continuant à vouloir se situer au-dessus de la « mêlée », joue de plus en plus avec le feu. De toute façon, même si cette décision de ses « camarades » (Aubry incluse) lui a fortement déplu, il n’y peut rien : il sait maintenant qu’il a, au maximum, jusqu’au 13 juillet pour se déclarer ou pas. Pour lui, c’est encore trop tôt. Mais, s’il s’en tient à ce calendrier-là, est-ce que cela ne sera pas en réalité trop tard puisque les socialistes sont en train de prendre conscience d’une donnée importante : il y a, en leur sein, des alternatives, et des alternatives gagnantes.

Le PS a-t-il relancé la machine à perdre ?

Ségolène Royal, Nicolas Hulot, Jean-Luc Mélenchon... Sur son blog, lundi, Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national à l'Europe et à l'International du PS, a fustigé les personnages qui, selon lui, mènent la gauche à sa perte. 

Les derniers sondages en date donnent Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry largement vainqueur face à Nicolas Sarkozy lors du deuxième tour de l'élection présidentielle. Pourtant, certaines voix s'élèvent pour mettre en garde les socialistes contre un excès de confiance. Dernière en date : Jean-Christophe Cambadélis sur son blog qui évoque le retour de « la machine à perdre ». 

Lundi, le secrétaire national à l'Europe et à l'International du Parti socialiste a dressé un constat alarmant. Reprenant l'expression de Ségolène Royal qui évoquait, en 2007, la « machine à perdre » socialiste, Jean-Christophe Cambadélis brocarde différentes personnalités qui plombent – ou plomberont – la candidature socialiste lors de l'élection présidentielle de 2012. Il y a d'abord Jean-Luc Mélenchon,  qui ferait, selon Cambadélis, « de la défaite du PS un choix stratégique ». La semaine dernière, le président du Parti de gauche s'est déclaré candidat à l'élection présidentielle. Une candidature officialisée samedi lors du congrès national du parti. 

Les écologistes sont également attaqués, eux qui pourrait céder à l'appel de Nicolas Hulot. S'il le faisaient, ils s'éloigneraient « d’un pacte à gauche », commente Cambadélis. 
 « La cote d’alerte est atteinte ! »
Autre cible du socialiste : Ségolène Royal qui « mine le respect du calendrier pour mieux sous-entendre que Martine Aubry ou DSK n’ont pas d’appétit, démontrant s’il en était besoin qu’elle ira jusqu’au bout ». L'ancienne candidate socialise en 2007 en prend pour son grade. Ce n'est pas la première fois que Jean-Christophe Cambadélis s'en prend à la présidente de la région Poitou-Charentes. Cette fois, cependant, le secrétaire national accuse directement Ségolène Royal de plomber les seules personnes capables de faire gagner la gauche en 2012 : Aubry ou DSK. « Nous sommes à dix candidats aux primaires socialistes, avec comme conséquence un brouhaha bavard », souligne Cambadélis, avant d'ajouter que « les candidatures se multiplient à gauche, bonjour le deuxième tour s’il y en a un ! ».

Empreints de pessimismes, les mots de Jean-Christophe Cambadélis sont surprenants, d'autant que les derniers sondages sont pour le moins encourageants pour le parti de la rue de Solférino. Selon un sondage BVA-Orange-L'Express-France Inter publié mardi dernier, Dominique Strauss-Khan comme Martine Aubry battraient tous les deux Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection présidentielle. La victoire de l'actuel président du FMI est incontestable : il devancerait le président sortant de 18 points ! (64% des voix contre 36% pour Nicolas Sarkozy). Celle de la première secrétaire du PS est moins grande mais ne souffre, elle non plus, d'aucune contestation, Martine Aubry recueillant 57% des voix, Nicolas Sarkozy 43%. « Les sondages hors normes préparent des baisses déstabilisatrices, et instillent les affres de la division, estime Cambadélis. La cote d’alerte est atteinte ! La gauche, sûre d’elle, mine consciencieusement la victoire, enivrée par des sondages irréels. »

Convaincre

Face à un monde complexe, où « les équilibres ne sont plus les mêmes », Nicolas Sarkozy avance pour sa présidence des G20 et G8 avec de grandes ambitions, dont une réforme du système monétaire international et la mise en place d’un socle de protection sociale universel.
Hier, lors de sa conférence de presse qui a réuni 300 journalistes et plus d’une centaine d’ambassadeurs, il a pourtant aussi montré une modestie assumée quant aux résultats possibles. Au fond, le choix de la méthode pour asseoir « la légitimité du G20 » s’appuie sur l’implication forte et le soutien déterminé de ses partenaires. Il a habilement convoqué Angela Merkel, Hu Jintao, Dmitri Medvedev ou David Cameron dans les divers « chantiers de fond » que la présidence française du G20 prétend ouvrir.
Ce pragmatisme pourrait servir ses ambitions de réformes sur des dossiers aussi difficiles que les monnaies, le cours des matières premières ou l’aide aux pays en développement. « Nouveau monde, nouvelles idées », comme le proclame le logo de cette présidence française ? Peut-être pas. Mais la nécessité de la régulation a gagné beaucoup d’esprits depuis la crise économique et financière, il n’est pas exclu que les ambitions les plus réalistes affichées par le président de la République puissent faire l’objet d’un début de consensus. À l’évidence moins assuré dans son rôle de président du G20 que dans celui de président de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy va en tout cas tenter de faire avancer ces grands dossiers. D’autres continueront la tâche amorcée.
Lors de cette conférence de presse, le président de la République n’a par ailleurs annoncé aucune rupture sur la scène internationale. Bien sûr, pour la première fois publiquement, il a reconnu « une sous-estimation » de la « désespérance » des Tunisiens au moment où la protestation contre le régime de Ben Ali montait. Mais il l’a expliquée en partie par la réserve à laquelle la diplomatie française était « tenue » dans ce pays, plus encore en Algérie ou en Côte d’Ivoire, d’anciennes colonies. Le propos s’est fait plus net sur le terrorisme. « Fermeté et courage » sont les mots d’ordre. Sans doute la seule manière possible de répondre aux menaces adressées à la France.

Viens donc en Allemagne, Pepe !

D’un côté, l’Allemagne qui cherche de la main d’œuvre pour nourrir sa reprise économique. De l’autre, l’Espagne en crise où les jeunes diplômés n’ont pas d’avenir. Comme dans les années 60, une nouvelle immigration pourrait se mettre en place entre les deux pays. 

Du temps de l'acteur Alfredo Landa, pendant la forte émigration espagnole des années 1960 vers l'Allemagne, celui à qui l'on disait "¡Vente a Alemania, Pepe!" [“Viens donc en Allemagne, Pepe !”, titre d'un film de 1971] était un paysan de Galice, d'Estrémadure ou d'Andalousie. Aujourd'hui, ce dont l'Allemagne a besoin, c'est d'un Pepe sans béret, qualifié et diplômé. C'est en tout cas ce qu'affirme un récent rapport allemand, qui pourrait donner un os à ronger aux médias lors du sommet hispano-allemand du 3 février à Madrid.
L’Allemagne souffre d'un déficit de techniciens qualifiés. Mais l'émigration pourrait-elle servir de palliatif au problème du chômage espagnol, comme ce fut le cas dans les années 1960? Ce qui frappe d'emblée, c'est la différence entre ces deux époques.
En 1960, l'Espagne avait signé un accord de recrutement avec le vaste secteur industriel d'Allemagne de l'Ouest, à l'origine du "miracle allemand". Jusqu'en 1973, dans le cadre de ces contrats de travail gérés par l'Institut espagnol d'émigration, plus de 500 000 Espagnols immigrèrent en Allemagne, dont plus de 80% rentrèrent ensuite dans leur pays. Le phénomène fut une importante source de devises pour l'Espagne franquiste, et permit de combler les manques de main-d'œuvre de l'Allemagne de l'époque. Le contexte actuel est bien différent.

Deux axes de travail pour plusieurs millions d'emplois

L'Allemagne d'aujourd'hui ne vit aucun "miracle", même si elle continue d'enregistrer un bon taux de croissance grâce à ses exportations, mais elle souffre, comme il y a 50 ans, d'un important déficit de main-d'œuvre qualifiée. Pour y remédier, l'Agence fédérale pour l'emploi vient donc de publier un plan en dix points. Ce projet repose d'abord sur l'amélioration de l'éducation et la promotion de l'intégration des femmes dans le marché du travail. Ces deux axes de travail, s'ils portent leurs fruits, devraient permettre de pourvoir plusieurs millions d'emplois d'ici à 2025.
Et s’ils ne remplissaient que l’objectif d'intégration des femmes, trois millions de postes à plein temps pourraient être pourvus. Cependant, le problème ne pourra en aucun cas être résolu sans un appel à l'immigration, insiste Raimund Becker, membre du comité directeur de l'Agence fédérale pour l'emploi, dans un entretien donné à la Frankfurter Allgemeine Zeitung : selon lui, il faudra faire venir 800 000 travailleurs étrangers.
Un chiffre qui fait écho à deux impératifs politiques. A Madrid, celui d'un gouvernement en difficulté dont la souveraineté est retenue en otage par les autorités européennes, et qui a besoin d'envoyer un message d'espoir sur le front de sa politique de l'emploi. A Berlin, celui d'un gouvernement décrié à Bruxelles pour sa politique économique égoïste et arrogante, et qui a quelque intérêt à adresser des signaux aux paniers percés du Sud, asphyxiés et en difficulté en raison de l'austérité qu'exige d'eux l'Allemagne. C'est avec ces impératifs en tête que les deux gouvernements vont se rencontrer au sommet de Madrid et, à en croire le Spiegel, le sujet figure en bonne place dans l'ordre du jour du 3 février.

Une offre ouverte à tous les pays européens en difficulté

L'offre d'embauche en Allemagne ne s'adresse pas seulement à l'Espagne, mais à tous les pays européens en proie à des difficultés, y compris les intelligences inexploitées de l'Est de l'Europe. Le gouvernement espagnol, qui ne discute pas le diktat allemand et s'est contenté de formuler de légères objections à Berlin, s'apprête à accueillir son offre comme une manne inespérée. Mais que vaut-elle en réalité?
L'émigration vers l'Allemagne de jeunes Espagnols diplômés de l'Université est déjà une réalité : ils sont des milliers à Berlin, occupant souvent des postes précaires à temps partiel. Ainsi, lorsque le député allemand Michael Fuchs, porte-parole de la CDU, déclare que "de nombreux jeunes sont au chômage dans le Sud et l'Est de l'Europe", il ne fait qu'enfoncer une porte ouverte.
Une chose est sûre, l'Allemagne entend modifier le tableau de son immigration : moins de paysans d'Anatolie (de Pepe turcs, en somme), et plus de diplômés sans avenir venus d'Espagne, de Grèce et de l'Est de l'Europe. Cela fait beaucoup de monde, or il ne s'agira peut-être que de quelques milliers d'emplois à l'horizon 2025. Plus qu'un Vente a Alemania Pepe, c'est peut-être vers un remake du Bienvenue Mister Marshall de Luis Garcia Berlanga [film espagnol de 1953 sur les vaines espérances suscitées par le plan Marshall dans un petit village espagnol] qu'on s'achemine : "Bienvenido Mister Müller".

Vivement le retour de l'inflation... salariale !

Au secours, l'inflation revient ! En 2010, la hausse des prix en zone euro (+ 2,2 %) a dépassé le seuil (2 %) autorisé par la Banque centrale européenne (BCE). Mais cette progression ne traduit pas une flambée de la "bonne" inflation : celle des salaires, liée au plein-emploi et à une économie en surchauffe. Dans un tel cas, il faut bien refroidir la croissance par une remontée des taux d'intérêt pour éviter que la hausse des prix se nourrisse d'elle-même et dégénère en hyperinflation.

A contrario, la "bosse" actuelle d'inflation, terme employé par la BCE, reflète principalement la flambée du cours des matières premières, énergétiques et alimentaires, elle-même en grande partie nourrie par la spéculation et la demande des pays émergents.

Pour le reste, rien ou presque ne bouge : dans la zone euro, la hausse des prix dite "sous-jacente" - hors alimentation et énergie - fut en 2010 de 1,1 %, comme en 2009 Aux Etats-Unis, elle s'est limitée à 0,8 %, son plus faible niveau depuis la création de cette statistique (1958).

"MAUVAISE" OU "BONNE"

Cette "mauvaise inflation", celle des prix alimentaires et énergétiques, est durement subie par les plus pauvres, pour qui il s'agit de la part prépondérante de la consommation. Elle frappe particulièrement les pays importateurs de matières premières, comme en témoignent les révoltes sociales au Maghreb, même si la structure de l'économie y est aussi en cause.

La bonne inflation ne se décrète pas. Mais derrière le tohu-bohu fait aujourd'hui autour d'un éventuel "retour" de la cherté de la vie se cachent plusieurs questions.

La phobie de l'inflation ne risque-t-elle pas de conduire la BCE à tuer dans l'oeuf à la fois la croissance et la hausse des prix ? Ne serait-il pas sain d'accepter davantage cette dernière pour alléger le fardeau de la dette ? Enfin, un nouveau régime de croissance plus inflationniste, moyen de sortir de la crise, n'est-il pas en train de se dessiner ?

Dans les pays développés, lorsque l'inflation est limitée aux matières premières et à l'énergie, les banques centrales surveillent ses effets dits de "second tour" : comment elle est répercutée par les industriels ; comment elle agit sur les salaires.

Il s'agit de guetter l'arrivée de la "bonne" inflation, celle qu'il ne faut pas laisser s'emballer. Mais les salaires - à l'exception du salaire minimum - ne sont plus indexés sur la hausse des prix dans la quasi totalité des pays européens. Et l'Etat du marché du travail ne laisse pas présager une envolée des rémunérations.

La faiblesse de l'inflation sous-jacente valide le choix de la Réserve fédérale américaine (Fed) de maintenir une politique non conventionnelle de "monétisation" de la dette et de refinancement des banques à 0 %. Il s'agit d'éviter un scénario de déflation tel que l'a connu le Japon depuis l'éclatement de sa bulle boursière et immobilière dans les années 1990.

L'injection de liquidités dans le système financier comporte des inconvénients - elle gonfle les bulles spéculatives -, mais elle pare au risque de dépression, le plus grave pour l'économie américaine. "On dit traditionnellement (qu'elle) créée à terme de l'inflation. Cette analyse est insuffisante, voire simpliste. Même si les marchés semblent parier sur une "reflation", la hausse récente des taux d'intérêt à long terme n'est pas due seulement à des craintes inflationnistes. Elle trouve aussi sa source dans l'intégration d'un risque de crédit sur les grands débiteurs publics", c'est-à-dire les Etats très endettés, note Hubert de La Bruslerie, professeur à l'université Paris-Dauphine.

L'ERREUR DE JUILLET 2008

Lors de la dernière réunion de politique monétaire de la BCE, le 13 janvier, ses gouverneurs ont laissé ses taux d'intérêt inchangés, le principal se situant à 1 %. Ils ont indiqué que la hausse des prix, liée aux matières premières, ne changeait pas leur évaluation de la situation, mais qu'ils restaient en alerte.

Lors de sa conférence de presse, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a aussi durci le ton, rappelant par trois fois que la banque centrale n'avait pas hésité à relever ses taux en juillet 2008. Cette décision controversée paraîtrait encore plus incongrue aujourd'hui, alors que la crise de la zone euro est loin d'être réglée.

"Seule une baisse de l'euro peut restaurer la croissance et provoquer un peu d'inflation. La BCE ne doit pas réitérer son erreur de juillet 2008, lorsqu'elle a propulsé l'euro à 1,60 dollar en augmentant ses taux. La hausse des prix est principalement due, aujourd'hui comme à l'époque, aux matières premières. Il serait sain que les entreprises puissent exporter davantage, mais aussi augmenter leurs marges, investir, embaucher, augmenter les salaires", analyse Marc Touati, directeur de la recherche de la compagnie financière Assya.

"Une inflation d'environ 3 % par an ne serait pas un drame. Au contraire, l'augmentation de la croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur - c'est-à-dire en volume augmenté des prix - permettrait de payer les intérêts de la dette publique et stopperait l'effet boule-de-neige de l'endettement. En zone euro, la charge des intérêts de la dette publique absorbe 3,2 % du PIB. Or, cela fait quatre ans de suite que la croissance reste, en valeur, inférieure à la charge des intérêts : même si l'on taxait à 100 % la richesse créée, il faudrait continuer à s'endetter pour payer les intérêts", ajoute M. Touati.

"L'inflation ne menace pas dans les pays du "Vieux Monde". C'est dommage car cela aurait pu faciliter l'apurement de la dette. L'excédent de liquidités va s'investir dans les pays émergents et ne vient pas alimenter une inflation potentielle dans les pays développés", confirme M. de La Bruslerie.

"Même dans les pays émergents, il faut éviter de plaquer mécaniquement l'idée d'une inflation en forte expansion. Si on accepte de regarder au-delà des biens alimentaires, celle-ci reste limitée en Chine (5,1 % en glissement annuel global, en novembre 2010). Le rythme de croissance de la masse monétaire M2 (liquidités plus épargne à terme) et de l'encours de crédits y reste maintenu en dessous de 20 % en glissement annuel, ce qui est raisonnable compte tenu de la croissance économique", ajoute M. de La Bruslerie.

Mais les analystes perçoivent les prémices d'un changement d'environnement : "La hausse du prix des matières premières est généralement considérée comme devant perdurer et ce phénomène, déjà très étendu, touche aussi les matières agricoles à usage industriel, comme la fibre de coton, qui n'avaient que modérément augmenté en 200 8", souligne Véronique Riches-Flores, responsable de la recherche thématique de Société générale CIB.

CHANGEMENT DE PERCEPTION

"Les nouvelles sur les revendications salariales des travailleurs chinois renforcent ce changement de perception sur l'inflation. Enfin, la reprise en zone euro est plus forte qu'attendu et pourrait commencer à avoir des effets sur la croissance des salaires en Allemagne", ajoute-t-elle. Mme Riches-Flores se montre aussi plus optimiste sur la reprise dans les pays développés, car la compétitivité de leurs exportations est renforcée par la revalorisation des devises asiatiques ou du Brésil, et par l'inflation plus forte dans ces pays émergents.

Les enquêtes des directeurs d'achat montrent un allongement considérable des délais de livraison de l'industrie manufacturière dans la zone euro, les pays scandinaves, la Pologne ou la République tchèque.

Ils augmentent aussi dans les régions industrielles américaines comme Philadelphie ou Chicago. "Ces tendances sont inattendues et contraires à ce que suggèrent les statistiques sur le degré d'utilisation des capacités de production, toujours très largement sous-utilisées. Cela indique, sans doute, qu'une partie des capacités de production est obsolète et va disparaître. Les pressions désinflationnistes liées à la sous-utilisation présumée des capacités ne sont donc probablement pas aussi importantes que ça. C'est une bonne nouvelle pour les investissements de capacité et surtout pour l'emploi à court terme", commente-t-elle. Une "bonne" inflation pourrait donc finir, un jour, par se profiler...

Attentat de Moscou : la piste des rebelles caucasiens

L'attaque qui a fait 35 morts lundi dans le principal aéroport russe pourrait être l'oeuvre d'une femme kamikaze. Dmitri Medvedev s'en prend à la direction de l'aéroport.

«L'Emirat du Caucase» en ligne de mire. Au lendemain de l'attaque à l'aéroport de Moscou-Domodedovo (35 morts selon le dernier bilan), les enquêteurs russes estiment que l'attentat a probablement été commis par une femme kamikaze accompagnée d'un complice. Un mode opératoire «habituel» pour les rebelles du Caucase du Nord.
«L'explosion a eu lieu au moment où la terroriste présumée a ouvert son sac. Elle était accompagnée d'un homme, qui se trouvait à ses côtés et a eu la tête arrachée par l'explosion», a déclaré une source policière citée par l'agence officielle russe RIA Novosti. La bombe a pu exploser de manière prématurée alors que les auteurs de l'attentat prévoyaient de la laisser dans la salle, mais elle a aussi pu être «déclenchée à distance», a estimé cette source. Une autre source policière avait affirmé lundi que la tête d'un auteur présumé de l'attentat, «un homme de type arabe âgé de 30-35 ans», avait été trouvée sur les lieux du drame.
Les autorités russes accusent régulièrement des mercenaires arabes de soutenir sur le terrain la rébellion qui mine le Caucase russe depuis que Moscou y a mené deux guerres contre la petite république de Tchétchénie. Baptisé «Emirat du Caucase», ce mouvement islamiste a revendiqué nombre d'attentats en Russie ces dernières années. Mais concernant l'attaque moscovite, aucune revendication n'a pour l'instant été faite.
43 personnes dans un état critique
«Nous devons tout faire pour que les bandits qui ont commis ce crime soient identifiés et traduits en justice, et que les repaires de ces bandits soient liquidés», a déclaré mardi le président russe, Dmitri Medvedev, ajoutant que le terrorisme restait «la principale menace à la sécurité» du pays. Un peu plus tôt, il avait dénoncé une violation des règles de sécurité à l'aéroport de Domodedevo, et exigé que les responsables répondent de cette «tragédie». «Il a vraiment fallu en faire pour apporter, ou faire passer une telle quantité d'explosifs» dans l'aéroport. Dans le cadre de l'enquête, la police et les services de sécurité de l'aéroport vont faire l'objet de vérifications, a indiqué une source citée par RIA Novosti. Suite à cette attaque, la police a renforcé les mesures de sécurité dans les transports publics de la capitale russe, en particulier dans le métro.
Selon des sources policières, un engin d'une puissance équivalente à environ sept kilos de TNT a été utilisé pour perpétrer cet attentat. Le Comité d'enquête de Russie a ouvert une enquête pour «acte de terrorisme» et précisé qu'il s'agissait «a priori» d'un attentat suicide. Huit étrangers, parmi lesquels cinq Européens, figurent dans la liste préliminaire des 35 personnes tuées. Quarante-trois des 110 personnes hospitalisées étaient mardi matin dans un état grave ou critique, selon le ministère russe de la Santé. Des étrangers ont aussi été blessés, parmi lesquels un Français.
L'attentat a été condamné fermement par la communauté internationale qui a exprimé sa solidarité avec le gouvernement russe.

Des nuages à l'horizon pour l'économie mondiale, selon le FMI

Le Fonds monétaire international a dressé mardi une longue liste de menaces que devra conjurer l'économie mondiale en 2011, même si d'après lui la croissance devrait se poursuivre, à un rythme inégal selon les pays.
Crise de la dette publique en zone euro, de l'immobilier aux Etats-Unis, chômage, systèmes financiers vulnérables, pressions inflationnistes dans les pays émergents, spéculation excessive sur certains marchés: les nuages s'accumulent à l'horizon.
 Mais dans la mise à jour de ses "Perspectives économiques mondiales" publiée à Johannesburg, le FMI a relevé ses prévisions. Après 5% en 2010, la planète devrait afficher une croissance de 4,4% cette année.
Par rapport à octobre où il attendait 4,2%, l'institution de Washington a relevé sa prévision, principalement pour les Etats-Unis. Il table sur désormais sur 3% (contre 2,3% auparavant), grâce à la prolongation de réductions d'impôts en vigueur depuis 2001 ou 2003.
S'il a salué la vigueur de la consommation des Américains, il a regretté "le coût budgétaire considérable de la mesure", et a expliqué que la première économie mondiale était toujours confrontée à un chômage élevé, à la fragilité des finances des ménages et au marasme de l'immobilier.
Pour l'Europe, les prévisions restent globalement inchangées: 1,5% en zone, 1,6% en France, 2,2% en Allemagne (contre 2,0% auparavant). La crise de la dette publique devrait perdurer, sans déstabiliser le reste du monde.

Ces projections, a expliqué le Fonds, "supposent que les mesures politiques actuelles parviennent à contenir la tourmente financière et ses effets sur l'économie réelle à la périphérie de la zone euro, pesant seulement d'un poids modéré sur la reprise mondiale".
Le tableau d'une reprise "à deux vitesses" reste inchangé si l'on compare avec la croissance attendue en 2011 dans les grands pays émergents: 9,6% en Chine, 8,4% en Inde ou encore 4,5% au Brésil. Mais pour ces pays, le FMI lance un avertissement face au risque d'emballement.
"Dans beaucoup d'économies émergentes, l'activité reste vigoureuse, des pressions inflationnistes apparaissent, et il y a désormais quelques signes de surchauffe, provoquée en partie par des entrées importantes de capitaux" ou dans certains cas une monnaie sous-évaluée, a relevé l'institution internationale.
Dans la mise à jour de son "Rapport sur la stabilité financière dans le monde", le Fonds s'inquiète de "points chauds" sur les marchés boursiers "en Colombie et au Mexique et, dans une moindre mesure, à Hong Kong, en Inde et au Pérou".
Le FMI apparaît préoccupé par la santé du système financier de la planète.
Les banques des pays développés sont vulnérables à la montée de la dette publique, souligne-t-il. Si la Grèce, l'Irlande ou d'autres pays de la zone euro devaient leur causer des pertes importantes, il imagine la région retomber dans la récession.
L'institution s'inquiète aussi de voir les réformes de la régulation financière montrer des signes de "fatigue".
Plus généralement, "la stabilité financière du monde n'est toujours pas assurée" et "la restructuration des bilans est inachevée et avance lentement", malgré le soutien des Etats et les liquidités injectées par les banques centrales.
Selon le FMI, "il est clair que la politique monétaire et budgétaire peuvent aider à court terme, mais ce soutien ne se substitue pas à des solutions structurelles aux problèmes de long terme", comme l'excès de dette de certains emprunteurs dont des Etats, la sous-capitalisation de certains établissements, ou encore la vulnérabilité face aux retournements des marchés financiers.

"Nicolas Sarkozy s'est contenté de fournir un ordre du jour"

Après la conférence de presse donnée lundi 24 janvier par le président Nicolas Sarkozy, consacrée aux questions internationales, les partis et les figures de l'opposition ont dans leur ensemble critiqué le "manque d'ambition" du chef de l'Etat lors de cet exercice.

"On l'a senti mal à l'aise" a déploré la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry. "La France est présidente du G20 (...) Il faut mettre tout dans la bataille et ne pas y aller à reculons, [mais] c'est un peu l'impression qu'il a donné ce matin", a-t-elle souligné lors de son intervention lundi soir au Grand Journal de Canal+.
Interrogée sur le mea culpa du président sur la Tunisie, qui a déclaré ne pas avoir pris la "juste mesure" de la désespérance sociale, Martine Aubry s'est exclamée : "Comment le président de la République peut-il nous dire qu'il ne savait pas qu'il y avait des problèmes de liberté, des problèmes démocratiques, des problèmes d'injustice en Tunisie, ce pays si cher à notre cœur ?" Critiquant "le silence de la diplomatie française", Mme Aubry a aussi déclaré, communiqués du PS à l'appui, que son parti était intervenu dès le début de la crise pour dénoncer la répression.
"AUCUNE RÉPONSE, AUCUNE STRATÉGIE"
Ségolène Royal, candidate aux primaires socialistes, a pour sa part regretté, lors de son université populaire participative sur la crise de l'euro, n'avoir eu "aucune réponse, aucune stratégie d'action" sur la "question centrale" du "contrôle des banques".
"Cela fait plus de trois ans que Nicolas Sarkozy est en responsabilité. Voilà plusieurs mois qu'il nous répète les mêmes promesses, la taxation des transactions financières. Où en est-on ? Cela avait été promis trois fois déjà. (...) Aucune banque n'a été sanctionnée pour des comportements déviants. Plus le temps passe, moins les banques sont contrôlées" a souligné l'ex-candidate à l'Elysée, tout en soulignant que "le G20 n'est pas une instance de décision. Alors quand Nicolas Sarkozy nous dit 'le G20 va déboucher sur des décisions', il ne dit pas la vérité, parce que le G20 est une instance informelle".
Des mots d'ordre qui ont été également été repris dans le communiqué officiel du Parti socialiste, rédigé par Jean-Christophe Cambadélis (secrétaire du PS à l'Europe et à l'international) et Michel Sapin (secrétaire à l'économie) : "Alors que nous étions habitués à des propos grandiloquents sur la refonte du système monétaire et financier mondial, sur la fin des paradis fiscaux ou des produits financiers 'toxiques', (...) Nicolas Sarkozy s'est contenté de fournir un ordre du jour. Pourtant, nous sommes loin d'être sortis de la crise et le fonctionnement du système monétaire et financier est toujours aussi instable. Il est urgent d'agir."
"DES PISTES INNOVANTES, RÉALISTES ET CRÉDIBLES" POUR L'UMP

Dans son texte diffusé lundi, le Parti de gauche a, lui, fustigé un Nicolas Sarkozy "gardien du désordre libéral en place", qui "annonce d'avance que les mesures nécessaires pour sortir de la crise et en éviter de nouvelles ne seront pas prises sous sa présidence."
Le Parti communiste a pour sa part davantage critiqué l'alignement sur les Etats-Unis : "Stigmatisant hier le poids du dollar, Nicolas Sarkozy promettait de tout changer avec un 'nouveau Bretton Woods'. Aujourd'hui, changement de pied ! (...) Après avoir fait beaucoup d'esbroufe, le président Sarkozy débute sa présidence du G8 en s'alignant sur Washington, tout simplement. Or le G8 et le G20 ne sont des instances ni représentatives ni légitimes. C'est au sein de l'ONU, composée de 192 États, que les défis mondiaux doivent être prioritairement traités dans l'intérêt des populations."
Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem (Mouvement démocrate), a préféré quant à elle pointer la "grande absente à la conférence de presse de Nicolas Sarkozy (...) : l'Europe. En effet, imaginer que l'on pourrait, tout seuls, changer les règles du jeu de la mondialisation grâce à une série de rencontres de haut niveau, et quelques groupes de travail présidés par les 'grands' de ce monde, c'est évidemment raconter des histoires aux Français."
Enfin, alors que le Nouveau Centre s'est "félicité que le président de la République ait placé le G20 (...) sous le signe d'une régulation et d'une moralisation des marchés financiers, en annonçant qu'il défendrait l'idée d'une taxe sur les transactions financières", Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, a indiqué que le parti présidentiel estimait que "Nicolas Sarkozy [avait] ouvert des pistes innovantes, réalistes et crédibles."

JE RESTE INTERDIT DEVANT L'ALACRITÉ DE SA BÊTISE ET SON IGNORANCE DES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES MONDIAUX.

Le commentaire politique de Christophe Barbier



Fin du rêve


Le lancement de la présidence française des G20 et G8 a été parasité par la crise tunisienne. Lors de sa conférence de presse, hier, Nicolas Sarkozy a longuement dû s’expliquer sur la bourde de Michèle Alliot-Marie, sa ministre des Affaires étrangères, qui avait proposé, peu avant la fuite de Ben Ali, le « savoir-faire » français en matière de maintien de l’ordre aux autorités tunisiennes. Dossier brûlant qui vaut au gouvernement français une volée de bois vert exagérée. Certes, Paris n’a pas été clairvoyant dans la crise tunisienne. L’ancienne puissance coloniale qu’est la France a gardé des liens « par le haut » avec le pouvoir en place, négligeant les souffrances de la population. Quant à Michèle Alliot-Marie, elle n’a visiblement pas pris la dimension du Quai d’Orsay, réagissant comme une ancienne ministre de l’Intérieur et non en chef de la diplomatie. Pour une professionnelle de la politique qui collectionne les ministères régaliens, c’est une faute.


D’ici à demander la démission de la ministre, il y un pas... à ne pas franchir. Tous les gouvernements français, de droite et de gauche, ont fermé les yeux sur la dictature de Ben Ali, parce qu’ils privilégiaient la lutte contre l’islamisme à toute autre considération. Surtout, il ne faut pas surévaluer l’influence de la France dans le monde : ce sont les Tunisiens qui ont renversé le dictateur, pas les donneurs de leçons parisiens. Réduire le changement en cours à Tunis, avec ses espoirs et ses difficultés, à une polémique franco-française est affligeant. Nicolas Sarkozy a trouvé le ton juste sur ce dossier, en esquissant une autocritique tout en réclamant une « certaine réserve » vis-à-vis d’un peuple indépendant.


A priori, la Tunisie n’a rien à voir avec les G20 et G8 et pourtant, il y a matière à tirer des leçons utiles de ce dossier, notamment sur les marges limitées des grandes puissances occidentales – dont la France. Les peuples s’émancipent ; les pays émergents refusent de payer les pots cassés par les vieilles nations industrielles au moment où ils « rattrapent » l’Ouest ; Chinois, Brésiliens et Indiens veulent avoir leur mot à dire. En insistant sur « l’humilité » de la présidence française, Nicolas Sarkozy tient compte de cette nouvelle donne. Après la crise de 2008, il rêvait tout haut d’une « révolution financière » mondiale. Il s’aperçoit aujourd’hui que cette révolution ne se décrète pas.

L’humilité de l’altitude

Dans les généralités, il est bon, en général. Il l’a été hier matin dans un exercice relevant davantage d’un exposé de bonnes intentions que d’un discours de politique générale.

Au-dessus du scepticisme qui avait précédé la présentation de sa présidence du G20, le chef de l’État est parvenu, en tout cas, à se hisser à la hauteur des enjeux de ce mandat aux contours indéfinis. Avouons-le : on redoutait un de ces one man show nombrilistes et autocentrés dans lesquels il lui est arrivé de s’égarer. Il n’a pas eu lieu. C’est un chef d’orchestre relativement modeste qui a déroulé une partition aux sonorités justes à défaut d’être percutantes. Une musique douce à l’image de celle, style Disney, qui a introduit la troisième conférence de presse de Nicolas Sarkozy.

Revendiquer «l’humilité» devant 350 journalistes et plus d’une centaine d’ambassadeurs, ce n’est pas vraiment le genre du président, pourtant, mais les vertiges du Nouveau monde - lumière diffuse aperçue par le rideau entrebâillé du fond de décor stylisé de la salle des fêtes de l’Élysée - lui ont laissé des grâces. Lutter contre les spéculations de toutes sortes qui font vaciller les puissances développées, instrumentalisent les matières premières, et étranglent les pays en développement en tuant silencieusement des millions de personnes chaque année : qui pourrait contester que ce mot d’ordre fait bien partie de la liste des urgences planétaires ? On peut bien sourire de l’avenir de la taxe sur les transactions financières dont le chef de l’État a défendu le principe mais, il faudrait être de bien mauvaise foi pour nier qu’elle constituerait à la fois un levier moral et une source de paiements innovants considérables.

Un Nicolas Sarkozy nouveau, millésimé 2011-2012, est apparu, très différent - dans son style, comme dans ses affirmations - du modèle 2007-2010. Celui-là n’a pas clamé sa prétention péremptoire à être le guide d’un directoire mondial mais sa volonté de servir de coach, apôtre d’un jeu collectif qui ne se confondrait pas avec la diplomatie des peuples. Sa gouvernance mondiale prétend faire tranquillement bouger les géants économiques et les autres dans un mouvement de convergence d’intérêts. Belle profession de foi, même si elle a sans doute volontairement sous-estimé la force et le cynisme concurrent du «G2» dans lequel Chine et États-Unis semblent être décidés à assurer le «leadership» du monde.

Sur l’actualité internationale chaude, le président a sonné plus creux. Pour commenter les «événements» en Tunisie il a donné l’impression de ramer avec auto-conviction pour justifier la discrétion stratégique de la France au Maghreb. Avant de condamner un peu plus tard le cercle vicieux de la faiblesse des nations. De petites salves pour des sujets dont on a compris qu’ils étaient, hier, très secondaires.




Sobriété et réalisme

Faut-il l'attribuer aux sondages ? À une pré-stratégie de campagne ? À un mûrissement personnel ? Ou à l'objective complexité du monde multipolaire ? Qu'importe, toutes ces raisons peuvent être bonnes, mais une chose est sûre : c'est un nouveau style que Nicolas Sarkozy a étrenné, hier, lors de la troisième conférence de presse de son quinquennat.

Pas de volontarisme. Pas d'envolée lyrique sur la refondation du monde, de sa finance, de son ordre. Pas de détails people. Pas d'accrochage avec les plumes les plus acides de la presse française. Pas de phrase choc ni de réflexe d'autodéfense. Tous les sujets ont été abordés avec une sobriété inhabituelle. Adaptée à la gravité des sujets.

À commencer par l'économie mondiale. Si, au coeur de la crise, il y a deux ans, Nicolas Sarkozy rêvait de piloter la refondation d'un système monétaire international, il a passablement réduit la voilure. L'ordre du jour est présenté comme une conquête. Surtout, le lexique retenu traduit une volonté d'avancer à pas mesurés. La présidence française du G 20, dont le point d'orgue sera le sommet de Cannes, en novembre, sera ainsi « collective ».

Paris mesure les exigences de Washington et de Pékin, et dit vouloir « faire converger les intérêts ». Nicolas Sarkozy affirme, certes, qu'il va se battre pour la naissance d'une taxe sur les transactions financières, pour une régulation du marché des matières premières, pour la naissance d'un organisme de contrôle des déséquilibres, mais l'époque des annonces grandiloquentes, se chassant l'une après l'autre, semble révolue.

Ce réalisme nouveau valait aussi, hier, pour les sujets les plus brûlants de l'actualité internationale. La Tunisie, notamment. Le Président a fait son mea culpa, affirmant à plusieurs reprises que la France avait sous-estimé les aspirations des Tunisiens. Surtout, il a revendiqué « une certaine réserve » en convoquant la part coloniale de notre histoire. « La puissance coloniale est toujours illégitime à prononcer un jugement sur les affaires internes d'une ex-colonie. » Le propos est risqué, compte tenu des dimensions que furent celles de l'empire colonial français. Il n'en a pas moins le mérite de poser, au plus haut niveau, un thème trop peu débattu et trop souvent refoulé.

Concernant les otages, Nicolas Sarkozy a prôné la fermeté et le courage face au terrorisme. Pesant ses mots. Laissant comprendre le poids de la décision de faire intervenir, sans succès, les forces françaises lors de l'enlèvement des deux jeunes au Niger. Le ton, volontairement grave, était d'autant plus approprié que, moins de deux heures plus tard, l'attentat de Moscou confirmait, dramatiquement, l'actualité de la menace terroriste.

Réserve, prudence, réalisme. Tout cela sied à une posture de Président, et donc de candidat à sa propre succession. Mais les calculs électoraux importent moins que la force des enjeux. Or, la révolution tunisienne, ses répercussions dans le monde arabe, l'appel d'air qu'elle peut éventuellement susciter pour les terroristes, les envolées des cours des matières premières et les émeutes potentielles dont elles sont porteuses, tous ces sujets exigent doigté et réalisme.

En Algérie, au Maroc, au Sahel, en Côte d'Ivoire, au Liban, partout où la diplomatie française est sollicitée par un regain de crise, la nouvelle doctrine du Président va être mise à l'épreuve. Dans un monde indifférent aux postures électorales françaises.

Binaire


L’époque est au binaire. Toujours, il faut être pour, ou contre. C’est l’un, ou l’autre. La pensée binaire donne de beaux débats à la télévision, pleins de bruit et de fureur, avec animateur aiguisant les oppositions et les audiences. Pour la nuance, vous repasserez, ça fait zapper... Parfois, le parlement se prend pour la télévision. Comme aujourd’hui le sénat, qui s’interroge: faut-il être pour ou contre l’euthanasie ? Eternelle question, qui ainsi posée réveille à chaque fois les passions. Difficile alors d’entendre d’autres voix qui suggèrent: c’est plus compliqué, ça dépend des circonstances, la question peut être abordée autrement... Notre Premier ministre l’a fait hier, demandant simplement si la société pouvait s’autoriser à donner la mort. Et s’il ne fallait pas mieux, auparavant, s’occuper de la fin de vie, des soins palliatifs. Imprononçable, ce mot. Invendable, à la télévision.

Les Prêtres mieux que Lady Gaga !

G20 ? Tunisie ? Attentat à Moscou ? Non. Ce qui faisait le buzz - comme l’on dit désormais - hier, c’était le scandale des NRJ Music Awards, samedi soir, à Cannes, en plein Midem.

Les victoires de M Pokora et de Jenifer ont suscité une belle polémique sur la toile et dans les milieux feutrés de l’industrie du disque. “Faut arrêter, c’est bidonné “entendait-on après l’émission, vue par plus de 6 millions de spectateurs sur TF1.

De nombreux internautes, à la limite de la révolte, ont crié leur indignation devant tant de fausses notes. Il est vrai que ces trophées étaient remis à des artistes dont les albums ont connu un quasi échec en 2010, largement à la traîne derrière celui, entre autres, de Mylène Farmer, grande oubliée du palmarès. Les Français, ne supportant visiblement plus la “benalisation” des hit-parades, ont décidé de faire leur révolution musicale de jasmin.

Et le classement publié hier par le syndicat national de l’édition phonographique laisse plus d’un chanteur à paillettes sans voix : “Spiritus Dei” des Prêtres (de Gap) et le “Best of “de Jean Ferrat l’Ardéchois arrivent respectivement… en 2 e et en 5 e place des meilleures ventes d’albums en 2010, loin devant les stars formatées récompensées samedi soir. C’est clair, nous voulons désormais du vrai, du durable, de la musique ou de la chanson qui font sens. Tremble, Lady Gaga…

Le néoprotectionnisme en débat

Lasse d'accumuler des milliards de dollars de réserves de change, en grande partie réinvesties dans l'achat de la dette publique américaine - une dette dont la valeur est érodée par la création monétaire débridée de la Réserve fédérale -, la Chine veut désormais consacrer une part plus importante de ses ressources à l'acquisition d'entreprises occidentales. L'Europe s'en émeut, on commence à parler à Bruxelles d'un contrôle des investissements étrangers, et plusieurs pays, dont la France, plaident pour que l'Union « en finisse avec l'angélisme », selon les mots du ministre de l'Industrie, Eric Besson. Ce discours néoprotectionniste concerne l'ensemble des pays émergents, mais vise essentiellement la Chine. Il se fonde sur des arguments solides : absence de réciprocité (il est très difficile pour un investisseur étranger d'acquérir une entreprise chinoise), concurrence déloyale (les firmes de l'empire du Milieu ont accès à des financements qui sont souvent des subventions déguisées), risques de fuite de technologies (craintes ravivées par l'affaire d'espionnage industriel chez Renault).

Il existe cependant une autre raison, plus rarement invoquée, de cette méfiance à l'égard des investissements chinois. Quand une multinationale américaine rachète une entreprise européenne, on sait que ses objectifs et ses intérêts ne se confondent pas avec ceux du gouvernement des Etats-Unis. Et même quand des groupes indiens réalisent des acquisitions en Europe (Arcelor par Mittal, Jaguar et Land Rover par Tata), il est clair que leurs stratégies ne dépendent pas des visées politiques de New Delhi, ni de préoccupations d'intérêt national. On ne voit pas du même oeil les grandes entreprises chinoises : à cause de l'opacité de leur gouvernance, l'opinion les soupçonne, à tort ou à raison, d'être sous l'influence de Pékin ou, de façon plus diffuse, d'être les instruments d'un projet collectif de domination globale, politique autant qu'économique. Le pays où elles envisagent des acquisitions peut donc légitimement leur demander : pourquoi, et au nom de qui ?

Fringants revenants


Toyota premier, General Motors deuxième. Qui aurait parié sur un palmarès aussi conservateur au firmament de l'industrie automobile ? L'an dernier, le constructeur japonais se débattait encore au milieu d'une désastreuse polémique sur la qualité de ses voitures, ponctuée par une campagne de rappels sans précédent de ses véhicules. Et il s'en faut de peu qu'un autre revenant, General Motors, en faillite à l'été 2009, ne vole au leader japonais la première place du podium 2010. Auteur d'un retour triomphal en Bourse en novembre, le géant de Detroit est la preuve - décidément bien vivante -que toute crise économique, aussi virulente soit-elle, peine à briser la formidable digue dressée devant elle par l'inertie de cette industrie à haute intensité en capital. Belle leçon d'humilité pour tous les commentateurs qui avaient conclu un peu vite à la disparition programmée de la construction automobile à la papa et de ses vieux champions. Dans un secteur où le temps de développement d'un produit vedette est d'au moins cinq ans, où les creux de la gamme succèdent aux bosses de la conjoncture et vice versa, la messe ne se dit pas en un an. Il faudra donc patienter encore quelques années pour savoir si, à part Chrysler absorbé par Fiat, la grande bourrasque de 2008 a fait ou non de nombreuses victimes.

La vengeance des électeurs

Pour l'instant, ils n'ont rien dit. Les électeurs ont encaissé le choc de la plus grave crise financière depuis près d'un siècle sans renverser leurs gouvernements. Mais ils vont désormais commencer à décaisser de l'argent pour payer la facture. Nous entrons dans une ère d'incertitude politique radicale.

A vrai dire, les électeurs ont déjà commencé à s'exprimer l'an dernier, là où ils ont eu l'occasion de voter. Au Royaume-Uni, les travaillistes ont perdu le pouvoir au printemps. En France, l'UMP au pouvoir a conservé la présidence d'une seule région métropolitaine, l'Alsace, lors des régionales. Aux Etats-Unis, les Américains ont dépêché à la Chambre des représentants une escouade de « tea parties » qui feraient passer Ronald Reagan pour un dangereux colbertiste. Et en Allemagne, il a fallu attendre que le scrutin soit passé en Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour mobiliser enfin les milliards d'euros nécessaires au sauvetage de la Grèce.

Mais il ne s'agissait là que de signes avant-coureurs. Car jusqu'à présent, le coût de la crise a surtout pesé sur les finances publiques, avec des déficits qui ont explosé en 2009-2010. Ce n'était évidemment pas tenable -la dette publique va dépasser une année de production (100 % du PIB) dans les pays développés en 2011. Les gouvernants commencent donc à présenter la facture, avec des hausses de TVA, des gels de salaires dans la fonction publique et d'autres mesures tout aussi amères. En conséquence, les électeurs s'approprient un slogan des milieux « alter » vieux de deux ans : « Nous ne paierons pas vos crises ». En Irlande, durement frappée par la crise, l'opposition travailliste mène campagne pour les élections législatives de mars sur un programme simple : pas question de passer à la caisse pour tout rembourser ! Il faut restructurer la dette, il faut que l'Europe et le FMI diminuent le taux de leurs prêts. On n'ose imaginer, en France, le score que ferait l'an prochain une Le Pen ou un Mélenchon s'ils parvenaient à articuler un programme autour de ce genre d'idées. Arnaud Montebourg, qui est loin d'être le plus sot des socialistes, commence déjà à expliquer qu'il faut faire « payer les banques ». En oubliant un peu vite que les banquiers français ont été beaucoup plus prudents que leurs collègues américains, suisses, britanniques, espagnols ou allemands.

Face à cette tentation, les bien-pensants vont naturellement expliquer que ce n'est pas possible. Que tout a été fait au mieux dans la crise. Que beaucoup d'électeurs ont profité auparavant du boom du crédit et de la vague de croissance qui l'a accompagné, ce qui n'est pas faux. Mais le reste n'est pas forcément vrai. Au plus fort de l'incendie, à l'automne 2008, il fallait agir vite. La finance mondiale risquait de s'effondrer, et l'effondrement aurait été une catastrophe, y compris pour les plus pauvres. Dans le sauvetage, les gouvernants des grands pays ont arrosé le système avec des milliers de milliards d'euros ou de dollars. Et ils l'ont fait en concertation avec les financiers, qui étaient certes les incendiaires, mais aussi les plus à même de piloter leur action -dans les flammes, les pompiers sont plus efficaces s'ils ont à leurs côtés quelqu'un qui connaît la maison en feu. Dans l'urgence, il n'était pas possible de consulter les élus. Fin septembre 2008, les représentants américains ont été vilipendés sur toute la planète pour avoir refusé dans un premier temps un plan de 700 milliards de dollars (un montant inventé et non calculé, comme l'a reconnu ensuite l'un des acteurs clefs de l'opération).

Le problème, c'est que ces fortunes engagées dans l'urgence n'étaient pas neutres. Elles ont profité aux uns plus qu'aux autres. On en donnera juste deux exemples. D'abord, le retour des bonus délirants constitue une indication parmi d'autres que la finance n'a sans doute pas payé toute sa part (à moins que les nouvelles réglementations changent radicalement la donne dans les années à venir, ce qui reste à prouver). Ensuite, les gouvernants irlandais ont fait un choix limpide : sauver l'épargnant, et ils font payer ce sauvetage au contribuable. Les transferts portent sur des montants colossaux. L'électeur a parfaitement le droit de remettre ces choix en cause. Il y a là débat politique, au sens le plus noble du terme. Faut-il le rappeler ? Le contrôle de la dépense publique par le peuple, via ses élus au Parlement, constitue l'origine de la démocratie représentative.