TOUT EST DIT

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samedi 22 janvier 2011

Francis Morel débarqué de la direction générale du groupe Le Figaro

Serge Dassault, l'actionnaire du journal, souhaite « donner une nouvelle impulsion au groupe ».  Dans son email de départ, que Les Echos se sont procuré, le directeur général incite ses collaborateurs à ne pas « écouter les Cassandre ».

« N'ayez pas peur de l'avenir ». Francis Morel, dont l'annonce du départ de la direction générale du groupe Le Figaro -dévoilée par challenges.fr-s'est répandue comme une traînée de poudre vendredi en fin de journée, incite ainsi ses collaborateurs au courage dans un email que Les Echos se sont procuré (voir l'encadré ci-dessous).
Cause de ce départ  ? Un désaccord avec l'actionnaire du groupe, Serge Dassault, ont immédiatement avancé plusieurs médias. « Monsieur Serge Dassault souhaite, aujourd'hui, donner une nouvelle impulsion au groupe Figaro, indique vendredi soir le communiqué officiel du groupe Le Figaro. Il a considéré, dans ce cadre, qu'il devait, dès lors, changer la direction du groupe et du titre, ce qu'a accepté monsieur Francis Morel. » Il serait remplacé par Marc Feuillée, du groupe L'Express-Roularta, selon challenges.fr.
Francis Morel, 62 ans, avait rejoint le Figaro en 2004. Il est président du Syndicat National de la Presse Quotidienne Nationale (SPQN) et membre du Conseil d'administration de l'Agence France-Presse. Il collectionnait les responsabilités avec les casquettes de directeur général du Figaro SA, directeur de la publication du quotidien «Le Figaro» et des hebdomadaires «Le Figaro Magazine», «Le Figaro Madame» et du mensuel «Le Figaro Etudiant». Il présidait le directoire de la Société de gestion du Figaro et le conseil de surveillance d'Adenclassifieds (filiale de petites annonces).
Outre la présidence SPQN, Francis Morel est vice-président de la Fédération nationale de la presse française (FNPF) et président du conseil d'administration de la Coopérative de distribution des quotidiens. Gérant de Presstalis (ex-NMPP), il est aussi vice-président du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et administrateur de l'OJD.
Francis Morel avait commencé sa carrière dans la presse à la direction du marketing du quotidien «France Soir» en 1974 avant de rejoindre le groupe Hachette où il est notamment passé par le Journal du Dimanche. Il a été également directeur général des Editions Mondiales (Télé Poche, Nous Deux, Auto Plus, Diapason et Grands reportages) et présidé le groupe Emap France (repris depuis par Mondadori). Francis Morel a également dirigé pendant environ un an TF1 International SA (société de négoce de droits audiovisuels).

Où sont donc passés les amis de Ben Ali ?

Aujourd'hui que le régime est tombé, difficile de trouver un décideur français qui reconnaisse son indulgence envers Ben Ali.
Vae Victis, malheur aux vaincus : le vieil adage romain est plus que jamais d'actualité du côté de l'antique Carthage, même si c'est un chef gaulois (Brennus) qui l'a popularisé vers 390 avant Jésus-Christ. Trouver aujourd'hui un Français admettant avoir, peu ou prou, soutenu le régime de Ben Ali ou avoir fait preuve d'une quelconque indulgence envers lui relève de l'exploit. Le journaliste qui s'aventure sur ce terrain est à peu près dans la même situation que l'infortuné prince de Soubise cherchant son armée à la lueur d'une lanterne après la défaite de Rossbach (1757).

Du bout des lèvres

Les habitués d'Hammamet, les accros de Djerba, ceux qui allaient volontiers colloquer en Tunisie, en évitant les questions grossières qui auraient pu indisposer leurs hôtes, se sont volatilisés. Disparus, envolés, réduits à l'état gazeux.

Quelques-uns reconnaissent, du bout des lèvres, avoir fréquenté les cercles du pouvoir, mais c'était pour de bonnes raisons. Et chaque fois qu'ils ont eu l'occasion de voir Ben Ali ou l'un de ses proches, ils n'ont pas manqué d'insister sur la nécessité de démocratiser, d'ouvrir des espaces de liberté, de mettre un peu moins la main dans le pot de confiture. Si l'on pousse un peu ces téméraires dans leurs retranchements, ils vous susurreront dans le creux de l'oreille qu'ils étaient, en réalité, des sortes de résistants soigneusement dissimulés.

Cécité politique

Soyons sérieux : personne n'avait prévu que le régime de Ben Ali s'effondrerait aussi vite. Et il est légitime que la France ait cherché à préserver ses intérêts dans le pays. Si l'on n'entretenait des relations qu'avec des États démocratiquement irréprochables, on pourrait licencier la moitié des diplomates du Quai d'Orsay. Une politique étrangère n'est fondée ni sur des sentiments ni sur des principes uniquement moraux. Elle s'enracine sur l'histoire, la géographie et les intérêts. Mais cela n'empêche pas d'évaluer la réalité, de cerner les courants qui se dessinent dans la société, de mesurer les changements qui se profilent, les aspirations des nouvelles générations. Or on a la fâcheuse impression qu'il y a eu sur ce plan de sérieuses défaillances.

Et une question subsidiaire surgit : la proximité de nombre de décideurs français avec le pouvoir en place à Tunis n'a-t-elle pas largement contribué à cette cécité politique ?

Et si vous vous mettiez à parler "geek" ?

Un langage, jusqu'ici utilisé par les spécialistes des nouvelles technologies, gagne de plus en plus d'adeptes sur Internet.
Connaissez-vous le Leet Speak ? Ce langage appelé ainsi en référence à "élite speak", langage des élites, était à l'origine réservé aux "geeks", les passionnés de nouvelles technologies, mais il gagne chaque jour de nouveaux adeptes sur la Toile.

Le principe ? Utiliser des symboles alphanumériques graphiquement voisins des caractères usuels, par exemple |_| au lieu de U ou I3 pour B. Cet alphabet alternatif ne tient pas compte des majuscules. Ainsi, "geeks gone wild" s'écrit G33KS G0N3 W!LD.

Révolution... de langage

Au début des années 1980, ce langage était essentiellement utilisé par la crème des informaticiens, qui souhaitaient parler entre eux, à l'abri des "noobs", néophytes en matière de technologie. Mais les allusions se multiplient "dans la vraie vie". Ainsi, pour une photo qui a été utilisée à l'occasion du lancement de la nouvelle box "Révolution", Free montre un appareil dont l'heure affiche 13:37, un clin d'oeil pour les geeks. En effet, ils comprennent "Leet" quand le novice, lui, lit simplement l'heure !

Surtout, il est de plus en plus utilisé par le grand public. Ainsi, Facebook est désormais accessible en version Leet. Il suffit de changer le langage dans la rubrique "paramètres du compte", accessible ici. Et Google s'est même doté d'un moteur de recherche dédié. Il existe plusieurs tableaux de conversion, plus ou moins élaborés, pour faciliter l'apprentissage et la pratique.

Enfin, si vous voulez souhaiter la "bonne année" dans ce langage pour geeks, vous pourrez, par exemple, écrire : )30|\||\|3 4|\||\|é3 !

Steve Jobs, le patron impossible à remplacer

En arrêt maladie, l'homme fort d'Apple va manquer à son entreprise.
 Même s'il a laissé les rênes d'Apple à Tim Cook, Steve Jobs en reste pour l'instant le P-DG. Cela rassure les marchés et une bonne partie des fans de la firme à la pomme. Et pour cause. Dans son style, Steve Jobs offre un cocktail unique en son genre.

Ce dernier se distingue par plusieurs critères :

Son côté ascète
 Alors qu'il était étudiant (peu assidu) dans l'Oregon, Steve Jobs a souhaité participer au Kumbh Mela, grand rassemblement hindou qui se déroule tous les quatre ans au bord du Gange, en Inde. S'il n'est pas resté aussi longtemps qu'il le voulait, son voyage s'est transformé en parcours initiatique. "Je l'ai vu être malade d'indigestion durant plusieurs jours sans se plaindre une seule fois", se rappelle son ami d'enfance Daniel Kottke, rencontré à Reed College. Un autre exemple ?

Sa rémunération
 Certes, Steve Jobs est assis sur une confortable fortune (5,5 milliards de dollars, selon Forbes). Et avec plus de 50 millions d'actions, il est, de loin, le premier actionnaire individuel de la firme à la pomme. Sans parler du cours de l'action Apple (multiplié par 30 depuis 2000 !) qui lui garantit de jolies plus-values à venir sur les stock-options que lui accorde régulièrement le conseil d'administration. Mais, alors qu'Apple est l'entreprise high-tech la plus valorisée en Bourse, Jobs n'est "que" la 136e fortune au monde, loin derrière Bill Gates, Sergey Brin, Steve Ballmer ou encore Michael Dell. En dehors de ses stock-options, son salaire à proprement parler se limite en 2010 d'ailleurs à... un seul dollar. Combien de patrons le suivraient sur cette voie ?

Sa passion pour le design 
 Andy Hertzeld, un des membres de l'équipe Macintosh des débuts et aujourd'hui chez Google, raconte souvent que Steve Jobs passait régulièrement à l'enseigne Macy's pour y étudier l'arrondi ou les couleurs des cafetières qui y étaient vendues. Un épisode également relaté dans Inside Steve's Brain, écrit par Leander Kahney. En 2003, il déclare au New York Times : "Le design, ce n'est pas seulement l'apparence et la sensation, c'est aussi l'utilité." Steve Jobs est par ailleurs un des premiers P-DG à avoir directement rattaché le département du "design" à la direction générale.


Son obsession des détails
Jobs veut tout maîtriser. Le moment exact de l'annonce des produits, ce qui suscite une curiosité folle tant que ceux-ci ne sont pas encore dévoilés, et la manière aussi. Un contrôle qui peut s'avérer... envahissant. Cette responsable de communication en a fait les frais au début des années 1990. Parce qu'elle avait légèrement modifié la typographie recommandée pour une présentation à la presse, elle a été priée de quitter l'entreprise.


Sa volonté d'en découdre
"Au tout début d'Apple, il se réveillait souvent au milieu de la nuit en disant, en brandissant un poing en l'air : je veux conquérir le monde", se souvient Chris-Ann Brennan, qui lui a donné sa première fille, Lisa. Au risque d'agacer. "Rien de plus énervant quand, les baskets sur la table, il vous explique qu'il peut très bien se passer de vous", raconte le patron d'un grand opérateur de télécoms européen. Son énergie n'a que redoublé à son retour chez Apple en 1997. Il n'avait pas supporté d'avoir été évincé en 1985 de l'entreprise qu'il avait lui-même créée neuf ans plus tôt. Qui plus est par John Sculley, un ex de Pepsi qu'il avait lui-même recruté. Durant sa traversée du désert, il avait même peaufiné un plan avec son ami Larry Ellison (Oracle) pour que ce dernier rachète Apple et lui rende les clés...

Alors, on peut se demander qui sera le mieux à même de succéder à Jobs. Le retour de Larry Page à la tête de Google le montre bien : il est difficile pour une entreprise, qui plus est une ancienne start-up, de conserver dynamisme et enthousiasme sans son fondateur. En interne, on évoque les noms de l'ex d'IBM et fidèle Tim Cook, du responsable du marketing Phil Schiller, celui du design Johnatan Ive ou encore Scott Forstall, qui entretient les relations avec les développeurs de l'iPhone ? Le conseil d'administration piochera-t-il à l'extérieur ? Place à l'imagination : pourquoi pas Bill Gates, le meilleur ennemi de Jobs durant trente ans et qui, depuis qu'il a pris ses distances avec Microsoft, ne tarit pas d'éloges sur lui ? Ou bien encore ira-t-on rechercher un compagnon du départ comme le charismatique Steve Wozniak ? S'il reste proche de Jobs, Woz a déclaré à Cnet qu'il ne s'attendait pas à l'annonce du dernier congé médical de son ami. S'il reste encore aux manettes pour une période indéterminée, nul doute que Jobs en personne donnera son avis pour la suite, assignant au futur P-DG la tâche la plus difficile qui soit : lui succéder.

La poudre et le jasmin


La Méditerranée ne s'échauffe pas du seul soleil cher au tourisme. Son Orient rôtit au feu palestinien. Son Sud maghrébin et égyptien couve des jeunesses prolifiques qu'empoisonne le chômage. La tunisienne vient d'exploser. Cette révolution éclate dans la liesse démocratique et le jasmin, mais son odeur de poudre flotte sur toutes les rives.


Premier chef d'Etat arabe destitué par la rue, Ben Ali annonce-t-il d'autres chutes dans la confrérie des despotes ? Quel avenir le Maghreb réserve-t-il à l'Europe et à la France ?


Car le Maghreb pèse lourd dans le souci français. Notre passé y bouge encore. Notre langue y survit, ses fils et petits-fils habitent par millions notre sol. Et cette intimité s'accroît des liens de famille, de cultures qu'entretiennent télés, portables et Internet. Ainsi la Méditerranée est-elle devenue le " quartier sensible " de la France et de l'Europe.


L'onde de choc de la révolution tunisienne déferle sur l'aire arabo-musulmane où les démocraties ne poussent pas. Des despotes plus ou moins éclairés gèrent ici des peuples écrasés de misère, là des monarchies comblées par le pétrole, voire, comme en Algérie, des pays riches à peuples pauvres. Bouteflika règne à Alger depuis onze ans, Moubarak, au Caire, depuis trente, Kadhafi, à Tripoli, depuis quarante. L'islam dispense l'onction du Ciel sur les fatalités d'ici-bas. Or voici que l'expulsion expéditive de Ben Ali donne des idées aux peuples et des frissons aux princes.


Les plus endurcis se rassurent avec cette conviction que Ben Ali fut moins victime du peuple que de son sérail militaire. Ils se disent que, chez eux, une répression massive - celle que l'armée de Tunis refusa - eût maté la rébellion.


Mais de plus avisés pressentent que l'idéal démocratique occidental menace inexorablement leur tutelle. Que le goût des libertés publiques gagnant, chez eux, l'homme de la rue ne pourra être indéfiniment contenu. Que des élections " arrangées " par l'interdiction des opposants et leur exil en Europe ne suffiront plus à maintenir le couvercle sur la marmite.


En Algérie, le suicide du Tunisien de Sidi Bouzid fait déjà des émules. En Egypte, au Yémen, en Jordanie, des audacieux applaudissent dans la rue la révolution de Tunis. Partout ailleurs, son écho se faufile entre échoppes et arrière-cours. Déjà, des pouvoirs, ainsi l'Egypte, soulèvent un peu le couvercle... Douteux répit !


D'autres concluent qu'un développement politique, propre à l'aire arabo-musulmane, doit s'établir hors du droit-de-l'hommisme occidental à prétention universelle. Dans cette voie, l'islam, seul principe unificateur des pays arabes, servirait ce mirobolant dessein. Un islam qui refuserait la violence de ses forcenés mais dont la mission, disons à la turque, conduirait une évolution tempérée sous la tutelle des régimes en place.


Entre une démocratie à l'occidentale et le grand rêve arabo-musulman, la Tunisie donnera le la. Privée des pactoles du sous-sol, elle voit son revenu par habitant défier celui des satrapies pétrolières : belle revanche de l'intelligence d'un peuple sur la loterie géologique. Uniques dans l'univers arabe : sa démographie maîtrisée, sa scolarisation record, le statut de sesfemmes, sa classe moyenne éduquée, laïcisée, bref, sa modernité.


Le choc de la crise mondiale a, depuis deux ans, perturbé une incontestable réussite qui crée des devoirs aux successeurs. Mais le saut brutal d'une crise sociale jusqu'à la crise de régime n'a qu'une seule explication : l'effet ravageur, chez une population éveillée, d'une suzeraineté cramponnée au pouvoir depuis vingt-trois ans. Avec deux grands stigmates : la privation des libertés publiques (la presse était moins libre à Tunis que dans le reste du Maghreb ou que chez les plus démunis des Etats d'Afrique noire) et l'emprise inouïe du népotisme familial. La lassitude du système Ben Ali, quels que soient ses mérites reconnus, et la haine montant contre les pillages du clan Trabelsi, celui de son épouse, allaient trouver, dans le suicide d'un jeune désespéré, l'étincelle du coup de grisou. Un héros martyr, une bastille familiale renversée, Tunis découvrait son " 1789 " ! La suite n'est pas écrite.


L'obsessive défense urbi et orbi de Ben Ali fut de se présenter en rempart décisif contre l'islamisme. Il fut en effet son pourfendeur brutal mais efficace dans une période critique. Aujourd'hui, chacun considère, à Tunis, l'islam sous deux faces. On constate d'abord son absence dans la rébellion démocratique. Et l'on constate aussi qu'un islam modéré, plus moraliste que politique, gagne, depuis plusieurs années, du terrain. Que les voiles chassés par Bourguiba refleurissent et qu'on écoute Al-Jazeera autant que les radios d'Occident.


Alors, nos Tunisiens, dans l'air vif de la liberté, se montreront-ils pieux mais attachés à la laïcité de l'Etat ? Ou bien militants d'une cause nouvelle ? 
Allah reconnaîtra les siens.

Le rêve français de Jean-Pierre Chevènement

Jean-Pierre Chevènement s'est toujours fait une certaine idée de la France : une République glorieuse et souveraine, laïque et socialiste, dirigiste et industrialiste. Au soir de sa vie politique, il médite sur le destin contrarié de cette patrie en péril ainsi que sur le bilan du rôle qu'il a joué lui-même durant plus de quatre décennies au service d'un projet inassouvi. Cela nous vaut un beau livre, de loin le meilleur qu'ait jamais écrit son orgueilleux auteur, un livre dense et sincère, original et informé, notamment à propos de l'Allemagne (1). On y retrouve la grande intelligence et l'ardent sectarisme, la vraie culture et l'immuable bonne conscience, la cohérence et la myopie d'un homme politique de premier plan. Le rêve français de Jean-Pierre Chevènement est ainsi le miroir de son auteur.

L'ancien ministre revisite avec précision et exigence un itinéraire personnel et l'empreinte qu'ont laissée ses idées. Lui qui a puissamment contribué à placer le Parti socialiste dans les mains de François Mitterrand, qui a été la plume officielle des projets du PS de 1972et 1979, qui a occupé les postes ministériels les plus marquants, aboutit à cette conclusion véridique et désenchantée : il n'a pu empêcher le Parti socialiste au pouvoir de basculer irrésistiblement vers le social-libéralisme. Malgré ses combats tumultueux, ses démissions fracassantes, ses ruptures rageuses, il n'a pu infléchir une trajectoire de la gauche qui a épousé la trajectoire de la France.

Tout cela ne serait que l'honorable récit d'un " cocu magnifique " si Jean-Pierre Chevènement ne consacrait l'essentiel de sa réflexion au destin de la France durant ce quasi-demi-siècle. C'est le meilleur du livre. On le voit, on le vit luttant en vain contre le pari pascalien de François Mitterrand " La France est notre patrie, l'Europe est notre avenir ". Et pourtant, ce nationaliste de gauche qui ne conçoit pas que patriotisme et fédéralisme européens soient compatibles ne préconise pas la sortie de l'euro et suspend aujourd'hui l'avenir de la France à une Europe européenne inspirée par Paris et Berlin. Ce rationnel impérieux avoue ainsi une logique buissonnière. Un utile contrepoint à ces réflexions plus stimulantes que convaincantes peut se trouver dans la lecture du livre de Jean-Pierre Rioux, l'un de nos bons historiens, " Les centristes, de Mirabeau à Bayrou "(2). C'est un essai brillant, enlevé (presque trop), sur une famille politique qui, depuis plus de deux siècles, est constamment caricaturée et sous-estimée mais se console en gouvernant ou en influençant bien plus que Jean-Pierre Chevènement n'a jamais pu le faire.

1. " La France est-elle finie ? ", Fayard, 315p., 19E.
2. Fayard, 314p., 18,50E.


PARTI SOCIALISTE - Face à DSK, Aubry gagne du terrain

Plusieurs sondages installent Martine Aubry dans un fauteuil de présidentiable crédible. De là à faire tomber DSK de son piédestal... 

 

"Moi, j'ai une responsabilité, c'est qu'on gagne. Je n'ai pas fait tout ce que j'ai fait depuis deux ans pour autre chose." Martine Aubry, d'excellente humeur ce mercredi 19 janvier froid et ensoleillé, esquive à merveille les questions qui concernent clairement ou de manière allusive sa possible candidature à la primaire PS, la situation de Dominique Strauss-Kahn, leur éventuelle entente... Dans le car qui la mène d'une PME innovante à une autre sur les routes légèrement vallonnées de Haute-Normandie, elle moque ce "pacte" qui serait une pure invention journalistique et se fait un malin plaisir à répéter que, sur ses intentions, elle ne dira "rien".
Soulagée d'avoir fait adopter par le PS le calendrier pour la primaire - désignation du candidat PS en octobre 2011 -, elle se tourne vers les Français en vue des cantonales de mars, car la priorité du PS, dit-elle, doit être de travailler sa crédibilité "sur les questions d'emploi, d'inégalité, d'accès aux soins". Mais Aubry n'ignore pas que, la veille, un sondage BVA pour Orange à paraître dans l'Express et France Inter l'a confortablement installée dans le fauteuil de présidentiable crédible. En cas de second tour face à Nicolas Sarkozy en 2012, elle l'emporterait avec 57 % des voix. Une large avance, loin, certes, de l'avance de qu'obtiendrait Dominique Strauss-Kahn, puisque le président du FMI serait élu avec 64 % des voix, mais une large avance tout de même.
DSK indétrônable ?
Le lendemain de la visite sur les terres de Laurent Fabius, un nouveau sondage paraît. Selon le CSA pour BFM TV/RMC et 20 Minutes, Aubry l'emporterait face à Nicolas Sarkozy (56 %-44 %) - DSK gagnerait toujours avec 64 % des voix. Mais le sondage confirme aussi que Martine Aubry reste la candidate favorite des sympathisants de gauche puisqu'elle serait devant DSK en cas de duel - hautement improbable - au second tour de la primaire (51 %-49 %). DSK arriverait, en revanche, devant François Hollande et Ségolène Royal. Mois après mois, notre baromètre Ipsos-Le Point souligne cette réalité : le patron du FMI accuse du retard dans les sondages chez les sympathisants socialistes. Mais DSK est indétrônable chez l'ensemble des Français.
Aubry, qui a récupéré le parti en 2008 dans une ambiance de guerre civile, finira-t-elle par s'imposer comme une candidate naturelle ? Elle qui met en musique le projet socialiste pour 2012 peut-elle inverser la tendance et faire tomber en douceur le patron du FMI de son piédestal sondagier ? Un de ses très proches, avec toutes les contorsions d'usage, ne l'exclut pas : "Maintenant que les choses deviennent concrètes, que nous avons un calendrier, la situation peut bouger. Il peut se passer énormément de choses entre janvier et juin. Les gens pourront avoir moins envie de quelqu'un et plus de quelqu'un d'autre."
"Le PS, ce n'est pas un bateau avec un héliport !"
Une élue amie d'Aubry l'affirme : "Il y a vraiment une appréciation du travail de Martine Aubry et de sa capacité à ne pas sauter sur les micros sans prendre le temps de la réflexion." Elle poursuit : "Beaucoup de gens que je rencontre pensent qu'elle est déjà candidate, puisqu'elle est la patronne. Et puis ils se demandent : DSK, qu'est-ce qu'il fout ? Il y a une forme d'agacement qui naît de l'attente." Les futurs électeurs de la primaire se lasseront-ils du silence du messie ? "Ce qui est sûr, c'est que Martine a les mains dans le cambouis, elle est aux commandes et dans les soutes du bateau", poursuit l'élue, qui rapporte qu'un militant à qui elle tenait ces propos a rétorqué : "Et le PS, ce n'est pas un bateau avec un héliport !"
Anecdote savoureuse : fin 2007, Jean-Christophe Cambadélis, lieutenant de DSK, confiait au Point alors qu'il était en train de mettre sur pied les reconstructeurs, alliance de proches de DSK, d'Aubry et de Laurent Fabius : "J'ai pour mission de préparer le porte-avions PS pour l'atterrissage de DSK."
"DSK est largement devant"
Quatre ans après, le vol Washington-Paris pourrait-il connaître des turbulences ? Les soutiens de DSK au PS sont convaincus du contraire. "Cela fait longtemps que deux personnalités dominent. DSK et Aubry. Mais DSK est largement devant", relève l'un d'eux qui soutient que "la situation du pays et la crise mondiale" donnent une crédibilité imbattable à la candidature du dirigeant socialiste.
"DSK creuse son sillon", déclare un autre. "Toutes enquêtes confondues, il est la seule personnalité de gauche qui arrive devant Sarkozy au premier tour, avec un score atteignant 31 %, poursuit-il. Psychologiquement, le résultat de premier tour crée une dynamique, il faut prendre les résultats de second tour avec prudence." Le message est clair.
De toute façon, par "sens des responsabilités" et pour préserver "l'intérêt général", les proches de Dominique Strauss-Kahn et de Martine Aubry, qui ont des contacts réguliers, s'accordent à vouloir respecter le calendrier. "Si on lance Aubry ou DSK trop tôt, c'est pas bon, résume un dirigeant socialiste. Aubry est toute à son travail de première secrétaire, DSK prépare le G8 (à Deauville, en mai). À partir de là, c'est silence." Un silence qui n'empêche personne de se mettre en condition.

DSK face à la malédiction des favoris à la présidentielle

Avec 64% des intentions de vote au second tour, le président du FMI atteint des niveaux record. Mais la plupart des candidats favoris à quinze mois des dernières élections présidentielles ont échoué dans leur conquête de l'Elysée.

Où s'arrêtera Dominique-Strauss Kahn ? En deux jours, deux sondages d'instituts différents - CSA et BVA - le donnent gagnant au second tour, en 2012, avec 64% des intentions de vote. Un quasi-plébiscite rarement obtenu par un prétendant au second tour d'une élection présidentielle au suffrage universel direct. Outre Edouard Balladur, en 1994, le général de Gaulle s'en est approché en 1965, alors qu'il sollicitait un second mandat : dans un sondage Ipsos datant du 1er décembre, à 19 jours du second tour, il est crédité de 60% des suffrages, contre 40% pour François Mitterrand. Il est finalement élu avec 55% des suffrages.
Mais rares sont les candidats donnés favoris plus d'un an avant le scrutin qui ont gagné la course à l'Elysée. Un sondage publié en avril 1980 dans Le Point, douze mois avant la présidentielle de 1981, donne ainsi Valéry Giscard d'Estaing vainqueur avec 57 % des voix face à Michel Rocard et 61 % contre François Mitterrand. Lequel parvient à s'imposer contre son adversaire de la «Nouvelle gauche» et l'emporte finalement le 10 mai 1981 face au candidat de l'UDF avec 51,7% des voix…

Le précédent Delors

En 1994, la gauche se cherche un candidat pour succéder à François Mitterrand. Jacques Delors apparaît alors comme l'homme providentiel. Tout comme Dominique-Strauss Kahn aujourd'hui, le président de la commission européenne, ancien ministre de l'économie du gouvernement de Pierre Mauroy, ratisse large, de la gauche de la gauche au centre. Sa popularité grandit au cours de l'année 1994. Dans un sondage Ipsos du 14 janvier, il est déjà donné gagnant face à Jacques Chirac - 51% contre 49% d'intentions de vote - mais reste loin d'Edouard Balladur, qui jouit alors de 64% d'intentions de vote.
En novembre, Jacques Delors se démarque : une enquête d'opinion Louis Harris le crédite de 54% des suffrages contre Jacques Chirac et le donne gagnant pour la première fois contre Balladur par 51% contre 49%. Le chemin semble tracé… Mais le père de Martine Aubry renonce finalement en décembre et Jacques Chirac, à l'issue d'une spectaculaire remontée, s'impose le 7 mai 1995 contre Lionel Jospin, dont la candidature n'a jamais réellement décollé dans les sondages.
Devenu premier ministre à la suite du remaniement de 1997, Jospin croit en ses chances pour 2002. Le 5 janvier 2001, quinze mois avant la présidentielle, il est donné gagnant par 53% à 47% contre Jacques Chirac dans un sondage CSA. Il ne sera finalement pas qualifié pour le second tour. Le 26 janvier 2006, le même institut de sondage voit Ségolène Royal victorieuse au second tour : elle rassemble alors 51% des intentions de vote, contre 49% pour Nicolas Sarkozy.

«Les Français attendent de voir qui est DSK»

Difficile donc de prévoir les résultats d'une élection présidentielle longtemps à l'avance. Aujourd'hui, les sondeurs eux-mêmes admettent qu'il convient de rester prudent face aux scores pharaoniques de Dominique Strauss-Kahn. «Ce sont des indicateurs utiles mais la période est encore très incertaine, explique au Figaro.fr Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l'Ifop. On ne connaît pas encore l'offre au parti socialiste et les sondés réagissent plus sur un rejet de la droite que sur une envie de gauche» Et de s'interroger : «Est-ce que les primaires vont bien se passer ? Est-ce que la campagne sera préparée, unifiée, à la différence de celle de 2007 ?».
«Balladur, Jospin, Royal… Tous on été donnés gagnants plus d'un an avant l'élection. On a vu ce que ça a donné...», prévient de son côté le politologue Pascal Perrineau. «Pour DSK, les Français attendent de voir qui il est, ce qu'il propose quand il aura les pieds dans la glaise», assure-t-il, notant que Nicolas Sarkozy pourrait profiter d'un regain de popularité en 2011, avec le G8 et le G20. «Tout dépend de la manière dont Dominique Strauss-Kahn va gérer son atterrissage dans l'arène socialiste puis électorale, confirme Jérôme Fourquet. La première impression reste la plus marquante pour les électeurs. S'il débarque en France avec un discours macro-économique fumeux de professeur d'université, ce sera hors-sujet». L'histoire l'a prouvé, il en faut peu pour dévisser.


Mélenchon: "Avec DSK, le PS s'enfonce"

Candidat à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon réunit samedi son parti. Il dévoile au JDD sa stratégie, met en garde "les oligarques", les médias, les verts et le PS.
Votre candidature à la présidentielle ne réjouit pas tous les communistes. Est-elle irrévocable?
Le Front de gauche est récent! On a tout à construire. On n’a pas de patrimoine électoral. Le Parti communiste a fait appel à candidatures. Je propose donc ma candidature au Front de gauche, au NPA, aux associations, aux citoyens de métropole et d'outre-mer. Elle est sur la table. Notre projet n’est pas une alternance à la papa, un repatouillage du système pour le rendre moins pénible. Il faut bâtir une implication populaire, ça prend du temps.
Pourquoi ne pas vous inscrire dans le cadre des primaires de la gauche?
Les primaires socialistes ne sont pas celles de la gauche. Sauf le PS, aucun autre parti n’y participe. Le système des primaires correspond au modèle des Etats-Unis: une élection à un seul tour. En France, le premier tour de la présidentielle est la primaire. Là, vous donnez 1 euro, vous signez, vous choisissez la ligne et le candidat, et vous acceptez de vous incliner devant le héros des sondages du moment. Pourquoi le ferais-je? Je me sens le vent en poupe. Les événements me donnent raison. Je n’ai donc pas envie de renoncer. Voyez: je disais "la révolution citoyenne d’Amérique latine viendra en Europe", on me riait au nez. Maintenant elle est au Maghreb. Il faudra attendre combien de temps pour qu’ils comprennent que ça va se passer dans tous les pays. Partout les peuples rejettent les oligarchies.
Vous n’êtes pas candidat à la révolution mais à la présidentielle….
En effet, je ne connais pas d’autres maîtres que le suffrage universel. La révolution doit passer par les urnes. Moi élu, il y aura une constituante, il y aura un changement du régime de la propriété dans plusieurs grands secteurs, la banque, l’énergie, la santé, l’éducation. Moi élu, il y aura la planification écologique. Moi élu, on sortira d’Afghanistan et de l’Otan. Si les gens m’élisent président de la République, nous mettrons fin à la Ve République. Je suis le candidat de la révolution citoyenne.
Vous voulez collectiviser les biens, mettre fin à la propriété privée comme à Cuba?
Je veux la fin de la concurrence libre et non faussée, la fin du règne des marchés, la collectivisation sous la forme d’une socialisation ou nationalisation ou entrée en coopératives de grands secteurs de l’économie du pays. C’est, par exemple, la fin du profit privé sur le savoir, dans l’éducation. Le système de santé sera refondu de A jusqu’à Z pour échapper à la logique du profit. L’énergie: collectivisée et réorientée. C’est pour ça que je parle de révolution, mais citoyenne. Personne ne doit se dire comme en 1981: "Les gars, on vous a élus, maintenant faites-nous le socialisme." Il n’y a pas de changement possible sans implication populaire.
Plutôt la révolution façon 1917 que 1981, donc?
Ce ne sera ni l’une ni l’autre. Mon modèle, c’est un mélange de 1789 et de la Commune de Paris. Les oligarques sont des têtes de pioche, rien ne les fait bouger de leur place. Il faut les contraindre.
Allez-vous porter plainte contre Plantu qui vous dessine au côté de Marine Le Pen?
Non, ce dessin est infâme, mais c’est le débat. Je porterai plainte chaque fois qu’on entrera dans ma vie privée ou qu’on portera atteinte à mes convictions religieuses ou philosophiques.
Dany Cohn-Bendit disait dans nos colonnes la semaine dernière que vous ne foutiez rien au Parlement européen et que vous apparteniez aux élites politiques….
Je suis un bon parlementaire et depuis plus longtemps que lui. Mon taux de présence au Parlement européen est de 60 %, mais je suis le deuxième Français en termes d’intervention. J’en ai assez des donneurs de leçons d’un décomposé comme Cohn-Bendit. Oui, j’appartiens à l’élite du pays! L’élite c’est nous, les ouvriers hautement qualifiés, et moi, je suis un intellectuel. Bien sûr que je suis dans le haut des revenus avec mes 6.000 euros par mois, mais je refuse de me plier à ce "profite et tais toi, t’es des nôtres, donc dis rien".
Vos excès nuisent-ils à votre message?
Merci du conseil! Ce qui est insupportable dans cette vie publique ce sont les leçons de bienséance. Il va falloir vous faire à mes manières. Elles font partie du programme. Vous ne pouvez pas croire un type qui vous dit qu’il va tenir tête à tous les grands du monde s’il ne tient pas tête à un journaliste. Il faut qu’on sache que je ne veux pas céder. Chacun essaie de me réintégrer dans le système, les uns par les leçons de politesse, les autres par l’appât des beaux postes.
Ça, c’est pour vos amis socialistes…
Ce ne sont pas mes bons amis. J’espère prendre la tête du processus et j’enragerai d’être contraint à suivre le convoi. Je les mets en garde, le PS va créer une situation de défaite assurée s’il désigne Dominique Strauss-Kahn. Si c’est pour faire le programme du FMI, il ne faut pas compter sur nous. Nous ne pouvons pas faire campagne contre les suppressions de fonctionnaires ou la destruction du système de santé et choisir DSK, car c’est très exactement ce que fait, en pire, le FMI.
Faites-vous une différence entre DSK et Sarkozy?
Ils ne viennent pas de la même tradition. Dominique Strauss-Kahn appartient à la mouvance de la gauche et Sarkozy appartient à une droite très dure. Son programme, c’est tondre, tondre et tondre. La politique que pratique DSK comme directeur général du FMI est une politique radicalement libérale. Pouvez-vous me citer un seul pays où le FMI a appliqué une politique bienveillante? Et qui ait réussi? L’argument selon lequel il est allé dans cette institution pour en changer le sens, c’est du pipeau. Je redis que le FMI est une organisation internationale vouée à organiser la famine, le désordre et le démantèlement de l’Etat. Avec DSK, le PS s’enfonce dans l’impasse.
Vous avez été traumatisé par le 21 avril 2002, Marine Le Pen est à 18% aujourd’hui, on risque un nouveau 21 avril?
Et alors? Je dois m’en aller? Pourquoi pas eux? Je ne crois pas qu’on s’en sortira par des combines politiciennes. Mme Le Pen doit être décrochée du terrain bouton de veste par bouton de veste. J’ai accepté un débat avec elle, je ne vais pas seulement lui dire "vous sentez le souffre". Elle a commis une erreur, elle est venue sur notre terrain lexical, mais elle ne peut pas être républicaine ou laïque jusqu’au bout, elle est contre les seuls musulmans. Elle ne peut pas être sociale, elle est libérale. 

ENCORE UN CRÉTIN QUI DÉVALORISE LA FONCTION, BANALISE LA POLITIQUE, EN FAIT UN SPECTACLE ET UNE FOIRE.

Nouveaux amis, nouvelles relations

Si l’Europe veut vraiment favoriser de la démocratisation en Tunisie, elle ne peut seulement s’en tenir à des propositions d’aide, écrit un spécialiste du monde arabe. C’est toute sa stratégie de voisinage avec les pays arabes méditerranéens qu’elle doit aujourd’hui repenser. 

La nouvelle est tombée le 17 janvier en fin de matinée : l'Union européenne (UE) est prête à offrir une aide "immédiate" à la Tunisie pour préparer la tenue d'élections libres et démocratiques. Gageons que ce beau geste des "bons Européens" ira droit au coeur des Tunisiens. L'Europe vole aujourd'hui au secours de leur victoire alors même qu'elle se compromettait hier avec le gouvernement Ben Ali dans des négociations en vue de la reconnaissance d'un "statut avancé" de partenariat.
Cet opportunisme "vertueux" ne saurait faire oublier une donnée plus que dérangeante : c'est à l'ombre de l'Europe que l'autoritarisme a perduré en Tunisie. Parmi les pays arabes méditerranéens, la Tunisie, tout comme le Maroc, se distingue par l'antériorité et l'intensité de sa coopération avec la CEE, puis l'UE. Elle a été le premier Etat de la rive sud à conclure un "Accord  euro-méditerranéen d'association". Dans le cadre de ce "partenariat euroméditerranéen" (ou "processus de Barcelone"), elle a notamment bénéficié d'un large soutien financier en vue d'adapter son économie aux conditions du libre-échange.

Les autocrates peuvent compter sur un soutien tacite

En 2004, lorsque l'UE élargie à vingt-cinq puis à vingt-sept a promu la "Politique européenne de voisinage", la Tunisie a été, derechef avec le Maroc, parmi les premiers pays à rejoindre ce nouveau dispositif de coopération bilatérale. Elle s'est arrimée à l'Europe, sans perspective d'adhésion mais suivant une version "light" et à la carte des critères de Copenhague (démocratie, Etat de droit, droits de l'homme, respect des minorités, économie de marché).
La Tunisie de Ben Ali faisait ainsi figure d'un quasi "vingt-huitième" membre de l'UE, exonéré de la contrainte des standards politiques de l'Union. Sans doute, la question de la démocratie, de l'Etat de droit et des droits de l'homme figurait-elle au premier rang des "actions prioritaires" convenues entre la Tunisie et l'UE. Mais elle ne constituait qu'une tête de chapitre parmi une dizaine d'autres, dont notamment "la lutte contre le terrorisme", la libéralisation des échanges, l'investissement direct étranger et "la gestion efficace des flux migratoires". Les actions en matière de démocratisation se limitaient à des réformes d'ordre administratif et judiciaire ainsi qu'à des mises en conformité de la législation avec des conventions internationales.
L'ambiguïté de la situation faisait scandale pour nombre de parlementaires européens et obligeait l'Union à des exercices de contorsion. Malgré son engagement affiché dans la promotion de la démocratie en Méditerranée, l'Union n'a cessé de faire prévaloir ses préoccupations sécuritaires liées à l'islamisme politique, au terrorisme et à la pression migratoire subsaharienne constituant le Maghreb en zone de transit. L'ensemble des coopérations en ces domaines dessine les contours d'un régime transnational de surveillance où démocraties et autoritarismes trouvent tous leur compte, la sécurité des unes passant par des accommodements propices à la longévité des autres.
Le régime Ben Ali était l'archétype de la domination autoritaire enchâssée dans l'Europe de la bienséance démocratique. Pour l'ébranler, le peuple tunisien a dû compter sur ses seules forces. Les soutiens extérieurs ne sont pas venus d'une Europe timorée, encore moins d'un gouvernement français complaisant jusqu'à proposer son savoir-faire policier, mais des mises en garde fermes et répétées des Etats-Unis à l'encontre des auteurs de la répression sanglante.

"La démocratisation est en même temps une école de tyrans"

La Tunisie est entrée dans une phase de transition politique dont le jeu reste ouvert et l'issue incertaine. Le démantèlement du système autoritaire et la concrétisation des aspirations démocratiques sont exclusivement l'affaire des Tunisiens. Si l'Europe désire se montrer solidaire de cette difficile et périlleuse entreprise, elle ne pourra s'en tenir seulement à la proposition d'aides, fût-ce pour la tenue d'élections.
C'est toute sa stratégie de voisinage avec les pays tiers méditerranéens qui devra être reconsidérée. Il lui appartient de tirer la leçon du janvier tunisien, cette onde de choc au sein d'une zone de proximité traitée jusqu'à présent comme le limes de l'espace démocratique européen. Ce n'est pas dans le confinement de fortifications que la démocratie pourra advenir en Tunisie ni, a fortiori, chez ses voisins.
"La démocratisation en Europe", disait Nietzsche, "est en même temps et sans qu'on le veuille, une école de tyrans." Détournons la formule en fonction de notre actualité et de nos convictions démocratiques ; elle offre matière à réflexion pour "nous autres 'bons Européens'" dans nos relations avec la rive sud de la Méditerranée.