TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 30 juin 2011

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Deux hommes, trois femmes, quatre possibilités

«Qu’est-ce que c’est doux !» Prononcée doctement en caressant le poussin jaune d’un élevage de volailles, hier à Sablé-sur-Sarthe, l’immortelle parole présidentielle fait figure d’antithèse modèle dans une campagne où la brutalité n’épargnera rien ni personne. Une merveilleuse surprise à l’image de cette visite du couple de l’exécutif – miracle de l’agenda élyséen – sur les terres du chef du gouvernement. De bien belles images bucoliques qu’on aimerait voir plus souvent, destinées à montrer comment ces deux-là, dont on dit qu’ils s’agacent souvent, forment, en définitive, un duo de choc. Une trouvaille de communication pour occuper un peu de terrain médiatique en ce jour qui devait laisser la part du lion à la très solennelle déclaration de candidature de la première secrétaire du PS.

Si on se place dans cette perspective, Martine Aubry n’aura pas eu de chance. Il faut dire qu’elle ne l’a pas forcée non plus avec ses… 13 (aïe !) minutes de discours sans originalité, ni inspiration, débitées laborieusement sans passion ni flamme. Des formules standard, des images éculées et un réquisitoire attendu contre le régime de Nicolas Sarkozy. Des mots, des phrases, des concepts qu’on aurait pu entendre il y a cinq, dix ou dix-sept ans tant ils étaient prévisibles, hélas. Le train-train de la fin du XX e siècle politique – dans une vieille gare du nord superbement réhabilitée tout de même – quand le suivant est déjà passé depuis onze ans. On soupire. La rhétorique électorale de celle que ses adversaires hautement spirituels persistent à nommer finement « la dame des 35 heures » est semblable à la mécanique d’une Pacific 231: bien huilée et souvent efficace mais pas franchement moderne. Ses amis, eux, l’auront complimentée, c’est humain. Mais au fond – lui dira-t-on ? – c’est une occasion ratée à laquelle nous avons assisté. Et la tentative d’ignorer l’obstacle des primaires pour parler directement aux Français avait la légèreté d’un char d’assaut AMX 30 (d’ancienne génération, donc).

Une autre femme lui aura même – un peu – volé la vedette. Un luxe à saluer dans une France politique qui demeure si sexiste. Christine Lagarde élue à la tête du FMI par 24 administrateurs masculins, c’est tout de même une bonne nouvelle en espérant qu’elle mettra «moins de testostérone» (l’expression est d’elle) que tous ses prédécesseurs dans les traitements de choc que son institution administrera aux pays en difficulté. Mais hier, c’était bombance à Paris avec une troisième femme en passe de forcer la main à l’actualité : Eva Joly, qui serait sur le point de l’emporter dans la primaire écologiste, face à Nicolas Hulot. Une probabilité qui, si elle se vérifiait, rendrait bien service à Jean-Louis Borloo. Addition, additions: l’addiction générale pour 2012?


La remplaçante

Un insoutenable suspense s’est achevé hier avec la déclaration de candidature de Martine Aubry aux primaires socialistes. L’adversaire de Nicolas Sarkozy sera donc Mme Aubry ou François Hollande. Hier, en treize minutes, la candidate s’est efforcée de gommer ses deux principaux déficits : l’envie et la carrure.
Le déficit d’envie est lié aux circonstances : il y a deux mois, la question était tranchées, Dominique Strauss-Kahn serait le candidat et Martine Aubry sa suppléante, son numéro deux, son futur Premier ministre en cas de victoire. Aujourd’hui, par nécessité et par devoir politique, Martine Aubry remplace Dominique Strauss-Kahn au pied levé. L’obligation va-t-elle engendrer l’envie forcenée, la rage de vaincre, celle qu’ont eue en leur temps Giscard, Chirac, Mitterrand et Sarkozy, et que n’ont pas su avoir MM. Barre, Balladur, Rocard et Delors ? On le verra très vite : si l’opinion répond à son appel, si une dynamique se crée, Martine Aubry aura de plus en plus l’envie de gagner 2012.
Le déficit de carrure et de « présidentialité » est une autre affaire : outre les 35 heures, Martine Aubry est très marquée comme un apparatchik socialiste et, même s’ils n’étaient pas sur l’estrade, les éléphants du PS n’étaient pas loin d’elle. Saura-t-elle s’en dégager et démontrer que le bon maire, la bonne ministre des années 1990 peut être une présidente de la République crédible, une femme d’Etat au service des Français ? Autrement dit : même portée par l’antisarkozysme ambiant, peut-elle faire le poids face au président sortant ? Voyons d’abord si elle est capable de rattraper et de battre François Hollande.

Un vote sur des charbons ardents

Ces 29 et 30 juin, les députés grecs doivent voter le plan d'austérité réclamé par l'UE et le FMI pour éviter la faillite du pays. Un choix sans précédents dans l'histoire de la démocratie grecque, qui alimente les tensions dans le pays. 

La petite Grèce – dont le produit intérieur brut représente une toute petite part du PIB européen – peut-elle provoquer une "alerte" en Europe et menacer l'intérêt mondial? Et bien oui, a en croire les déclarations des dirigeants européens et la pluie de correspondances et d'analyses des journalistes étrangers qui s'intéressent aux deux votes des députés grecs, aujourd'hui et demain [le premier vote*, le 29 juin, porte sur une loi cadre fixant à la Grèce un objectif d'économies de 28,4 milliards d'euros entre 2012 et 2015 et de réaliser 50 milliards d'euros en cessions et privatisations. Le second vote, le 30 juin porte sur la loi d'exécution].
Nous avons vécu et nous vivons, en tout cas jusqu'à demain soir, 48 heures d'incertitude. Pour la Grèce et pour la zone euro. Même si le scenario d'un rejet du plan d'austérité par les députés semble s'éloigner, il ne faut rien exclure.
C'est la première fois qu'une telle situation se produit depuis le retour de la démocratie dans le pays [en juillet 1974]. Parce que nous sommes arrivés à la limite. C'est ce qui ressort de la pression qui pèse sur les députés qui sont appelés à se prononcer sur le plan d'austérité.
Bien entendu, le gouvernement se trouve confronté à une crise imprévisible. Parce que même si le plan d'austérité est voté (et ce sera grâce aux voix des députés de l'opposition vu la réticence des députés de la majorité socialiste), l'équilibre du gouvernement sera remis en cause.
Et ça, les députés du PASOK [le Parti socialiste au pouvoir, qui dispose d'une majorité de 155 députés sur 300] le savent bien. Ils sont sous pression : avec d'un côté leurs électeurs qui refusent les mesures drastiques prévues par le plan d'austérité, de l'autre ils ont le devoir de soutenir le gouvernement.
On sait cela aussi au siège du gouvernement, d'où est partie l'entreprise de persuasion du nouveau ministre des Finances Evangelos Venizelos pour convaincre la majorité parlementaire par la promesse d'un dialogue social.
Mais le problème grec perturbe aussi les centres du pouvoir européen. Tous concentrent leur attention sur la place Syntagma [où se déroulent les principales manifestations contre le plan d'austérité]. Les déclarations de Van Rompuy ou Barroso, d'Olli Rehn ou Wolfgang Schäuble expliquant que notre pays "n'a pas d'autre alternative" et qu'il "n'y a pas de plan B" peuvent comporter un élément de chantage. Mais aussi accroître l'incertitude.
D'un côté, il y a les dénégations catégoriques de responsables institutionnels que "il n'y a pas de plan B" pour la Grèce. De l'autre, des initiatives naissent comme en France et en Allemagne, sans que l'on en connaisse les détails, ni que l'on puisse déterminer quelle sera la réaction des marchés, que tout le monde craint.
Dans ce climat d'incertitude, et de retenue, les députés sont invités à dire simplement oui ou non…

Commentaire

 Bruxelles ne plaisante pas

Bruxelles ne plaisante pas
"L'Union européenne ne plaisante pas et met sur la table un dilemme de taille. Ce sera soit l'adoption du nouveau plan de rigueur, soit la faillite. Un danger de taille", écrit To Ethnos. L'heure est importante et le vote crucial.
"Mais les tensions dans la rue continuent et s'intensifient et les Grecs sont décidés à s'insurger contre l'injustice des mesures imposées dans le deuxième plan de rigueur", écrit le quotidien.

Le Parlement grec adopte le nouveau plan d'austérité

Athènes, correspondant - Le Parlement grec a adopté, mercredi 29 juin, le nouveau plan d'austérité proposé par le gouvernement sur l'insistance du FMI et de l'Union européenne. Le texte a obtenu 155 voix pour, 138 contre et cinq abstentions.

Un seul député Pasok, le parti socialiste au pouvoir, a fait défaut. Panayotis Kouroublis, qui a refusé de cèder au "chantage" de la zone euro. Son retrait a été compensé par la voix de la députée de Nouvelle Démocratie, Elsa Papadimitriou qui a voté en faveur du plan, contrairement aux consignes de son parti.
Les députés ont voté à main levée, égrénant chacun un "oui" ou un "non", dans une ambiance silencieuse au début, qui est devenu plus chahutée quand l'un des principaux opposants au plan, Alexandros Athanasiadis, est revenu sur son choix et a pris la parole pour annoncer qu'il votait oui, sous les applaudissements de ses collègues. (Retrouvez le récit du vote en direct)
"Faisons tout pour éviter au pays ce que signifie un défaut de paiement" avait demandé le premier ministre Georges Papandréou avant le vote. Plusieurs responsables européens avaient prévenu que la Grèce ne toucherait pas la prochaine tranche de 12 milliards d'euros, début juillet, si le plan de rigueur était rejeté.
Les députés doivent voter demain sur les lois d'application de ce plan à moyen terme qui prévoit de dégager 28 milliards d'euros d'économie d'ici 2015. Nouvelle Démocratie pourrait voter en faveur des lois mettant en œuvre les privatisations qui suscitent des réserves au sein du Pasok.

mercredi 29 juin 2011

Le PS passe du « nous » au « je »

La question n'était plus de prédire si Martine Aubry, comme son père Jacques Delors en 1994, refuserait l'obstacle. Elle était de savoir si le 28 juin serait la date à laquelle sa candidature ferait entrer les socialistes dans leur vie sans Dominique Strauss-Kahn

En passant du « nous » au « je », la première secrétaire du PS - pour quelques heures encore - a créé un non-événement bruyant. Mais une déclaration de candidature a beau être un exercice convenu, il y avait autant de risques de la rater que de chances d'en faire un moment tremplin.

Candidate, non pas à la primaire, mais à la victoire en 2012, elle tourne la page DSK et situe d'emblée son niveau d'ambition. Raisonnable dans ses promesses - « tout ne sera pas possible tout de suite » - elle intègre la crise et évite tout propos qui viendrait dégrader la notation de la France. Ponctuelle, émue, rassembleuse et, pour une fois, synthétique, Martine Aubry, aux yeux de l'opinion socialiste, a plutôt réussi la première épreuve de l'examen.

Il le fallait, car elle s'élance avec quelques handicaps. Elle avait conquis le parti dans des conditions discutables et discutées. Elle est devancée dans les sondages par François Hollande qui affiche, depuis près de deux ans qu'il y travaille, une motivation à toute épreuve et un projet réfléchi. Et elle risquait d'apparaître comme une solution de secours depuis la disparition politique de Dominique Strauss-Kahn.

Elle dispose aussi de quelques atouts. Elle tire sa légitimité d'un parti qu'elle a réformé et remis au travail. Elle dispose d'une expérience politique diversifiée, même si les 35 heures continuent de lui être reprochées, lundi encore par Nicolas Sarkozy, comme une erreur économique majeure. Et elle a la trempe d'une patronne, parfois rugueuse, sectaire disent ses détracteurs.

Mais entre elle, Ségolène Royal et François Hollande, la différence ne se fera pas forcément sur des considérations objectives.

Sauf si les entourages décident de lancer la machine à perdre, la primaire ne devrait pas tourner à l'affrontement brutal. Le Parti socialiste a adopté, à l'unanimité, un socle programmatique de nature à limiter le débat à des nuances de contenu ou de calendrier. Chacun veut faire de la démocratie, de la justice sociale, de l'Europe autrement... Cette similitude des projets est si vraie que Martine Aubry, souvent cataloguée plus à gauche, s'apprêtait à soutenir Dominique Strauss-Kahn.

Sorte de premier tour d'une présidentielle qui en compterait trois, la primaire s'arbitrera plutôt autour de la relation que chaque prétendant saura plus ou moins bien nouer avec l'électorat socialiste d'abord, de gauche ensuite.

Car, pour l'opposition, y compris pour les écologistes et pour les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, la question primordiale sera de choisir celui ou celle qui peut atteindre le second tour. Qui peut gagner contre Nicolas Sarkozy. Qui peut faire un bon président après dix-sept ans de pouvoir de droite.

Même si le risque de dérapage n'est jamais loin, et au-delà de la polémique lancée par l'UMP sur la publicité des listes, la réussite de la primaire serait un facteur de dynamique politique et une expérience de démocratie partisane dont toutes les formations auraient à tenir compte. Les socialistes disposent de 110 jours pour en faire la démonstration.



Le commentaire politique de Christophe Barbier




Femmes


La femme est le présent de l’homme. C’est l’actualité qui nous le dit, de Washington à Paris. Christine Lagarde devient la première femme directrice générale du FMI. Martine Aubry, qui fut la première femme à diriger le Parti socialiste, est maintenant sa favorite pour la candidature présidentielle. En concurrence avec une autre femme, Ségolène Royal, et certes un homme, François Hollande. Jusqu’à Eva Joly, dont tant se moquèrent, qui pourrait bien supplanter Nicolas Hulot chez les Verts... Oui, la femme est bien le présent de l’homme - mais pas encore son égale. Dans la réalité quotidienne, c’est toujours papa lit et maman coud, a constaté hier une conférence d’experts. Et sous le sapin de Noël, c’est voiture de course pour les garçons et chariot de ménage pour les filles... Ne nous y trompons pas: l’émancipation de quelques-unes ne fait pas l’égalité de toutes.

Soyons réalistes avec Pékin

La crise de la dette européenne ouvre une voie royale aux investissements chinois. Voilà pourquoi il est nécessaire de comprendre quelle puissance est en train de devenir la Chine, affirme Timothy Garton Ash. 

Il fut un temps lointain où l’Europe colonisait la Chine petit bout par petit bout. Aujourd’hui, c’est la Chine qui colonise l’Europe de la sorte. Le tout de façon informelle, bien sûr, et avec infiniment plus de politesse que quand la balle était dans l’autre camp. L’ascension de la Chine jette une lumière crue sur le déclin relatif de l’Europe autant qu’elle en profite.
Le Premier ministre Wen Jiabao vient de se rendre en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Hongrie. Pourquoi la Hongrie ? En partie parce que c’est Budapest qui assure la présidence tournante de l’Union Européenne, mais aussi parce que Pékin y a considérablement investi et compte continuer — comme ailleurs en Europe du Sud et du Sud-Est. Une étude qui devrait bientôt être publiée par le Conseil européen des relations étrangères (ECFR) estime que 40 % des investissements effectués par la Chine dans l’UE sont à destination du Portugal, de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce et de l’Europe orientale.

L'Europe a besoin de l'argent chinois

Pourquoi un tel intérêt pour la périphérie ? Eh bien, on peut y réaliser des investissements prometteurs, et ces économies périphériques, plus modestes, offrent un moyen plus aisé d’accéder au marché unique et à ses 500 millions de consommateurs. Le marché de l’UE est beaucoup plus ouvert aux investisseurs de Pékin que son équivalent chinois ne l’est aux Européens. Et il est également rentable sur le plan politique d’investir vigoureusement dans ces pays. Ce n’est pas faire preuve de trop de cynisme que de supposer que la Chine se constitue une sorte de lobby au sein des structures décisionnelles de l’Union, où les Etats les plus petits ont, du moins en principe, autant de poids que les plus grands.
Disposant des plus grandes réserves de devises étrangères de la planète — soit, actuellement, environ 3 000 milliards d’euros —, la Chine pourrait racheter la moitié des actifs publics grecs privatisables d’un claquement de doigt. Les Grecs devraient-ils se méfier de ces cadeaux chinois ? Ma foi, à cheval offert, on ne regarde pas les dents. Comme l’a déclaré, avec une exquise délicatesse, un spécialiste chinois de la géostratégie à l’un des auteurs du prochain rapport de l’ECFR : "Vous avez besoin de notre argent."
Toutefois, il ne faut pas non plus basculer dans la paranoïa. Quand on défend le libre échange et la loi des marchés, alors, il faut pratiquer ce que l’on prône. Il ne fait cependant aucun doute que la puissance économique chinoise a déjà atteint le cœur de l’Europe, et qu’elle s’y traduit par une influence politique.
Quelques-uns des voisins asiatiques de Pékin ont éprouvé à la dure l’ascension de la Chine. Si, en Europe, certains rêvent encore d’un monde postmoderne fait de souveraineté partagée, et où l’UE deviendrait le modèle d’une gouvernance planétaire, en Asie, la géopolitique ressemble de plus en plus à celle de l’Europe à la fin du XIXe siècle — plutôt qu’à celle de la fin du siècle suivant. Des puissances souveraines impatientes jouent des coudes pour la suprématie, se dotent de marines et d’armées, se disputent le contrôle de territoires (comme le Cachemire) et d’espaces maritimes. Les intérêts et les passions nationales passent avant l’interdépendance économique.
Si le rayonnement émergeant de la Chine a des facettes économiques et militaires, il compte aussi une dimension politique, culturelle, celle d’une "puissance douce". Yan Xuetong, un des principaux auteurs chinois dans le domaine des relations internationales, vient de publier un nouvel ouvrage fascinant intitulé Pensée chinoise antique, puissance chinoise moderne. Il y analyse les leçons de la pensée politique d’avant les Qin, autrement dit, antérieure à 221 avant notre ère, pour les adapter au rôle de la Chine dans le monde moderne. Yan affirme que l’on peut dégager deux images opposées de la puissance de l’Etat chez ces penseurs chinois antiques : l’hégémonie ou ce qu’ils définissaient comme "l’autorité humaniste". Avec cette dernière, la sagesse, la vertu et la bienveillance des dirigeants non seulement satisfont leur propre population, mais en attirent d’autres, diffusant du même coup leur vision des choses au-delà de leurs frontières.

Wen Jiabao, un homme réfléchi, "authentiquement séduisant"

S’il ne semble pas totalement hostile à l’hégémonie pure et simple, Yan suggère que la Chine devrait aspirer à cette version plus ambitieuse du pouvoir politique en s’efforçant, entre autres, de "rénover constamment le système politique". Si sa formulation paraît un rien elliptique sur ce point, il avance par ailleurs que “la Chine doit faire du principe moral de la démocratie un de ceux qu’elle défend”.
Disons-le, en 2011, la Chine est bien loin de cette "autorité humaniste". Elle peut prétendre, en remontant au grand réformateur Deng Xiaoping, avoir arraché à la misère des centaines de millions de ses habitants. Aux yeux des pays en développement de par le monde, son modèle de capitalisme d’Etat représente un défi idéologique pour le modèle désormais ravagé par la crise du capitalisme de marché.
En la personne de l’homme qui se rend en Europe, Wen Jiabao, elle dispose d’un numéro deux réfléchi, authentiquement séduisant, qui fait preuve d’une remarquable ouverture d’esprit pour débattre des questions critiques avec les étrangers, et qui est populaire même auprès de la jeunesse chinoise, extrêmement critique. Mais depuis deux ans, le parti communiste se montre nerveux.
A la veille de la passation de pouvoir de 2012, il est revenu à une forme d’autorité qui n’a rien d’humaniste — du traitement réservé aux minorités ethniques du pays à la détention de l’artiste Ai Weiwei. Face au spectre du Printemps arabe, il a manifesté une inquiétude a priori injustifiée, si l’on en croit la plupart des observateurs.
Il est impossible de dissocier les trois facettes, économique, militaire et politique, de la puissance chinoise. Toutes évoluent. Des relations critiques, comme David Cameron et Angela Merkel espèrent en établir avec l’admirable M. Wen, sont souhaitables. Mais soyons réalistes, l’influence extérieure sur le développement de cette superpuissance émergeante restera limitée. Par conséquent, autant mettre de l’ordre chez nous, garder l’œil ouvert, et ne pas perdre espoir.

Crise de la dette

Les milliards de Pékin n’ont pas de prix

"Il n'y a pas si longtemps, la visite d'un Premier ministre chinois était synonyme de protestations et de débats sur les droits de l'homme et sur la répression au Tibet", observe El País. Or, note le quotidien espagnol, "ces jours-ci, la présence en Hongrie, au Royaume-Uni et en Allemagne de Wen Jiabao n'est vue pratiquement qu'à travers le prisme de l'importance qu'a le géant asiatique pour l'économie européenne. Et l'invité a même pris la liberté de sermonner son hôte sur les risques de vouloir imposer la paix en Libye avec les armes. Prévoyants, les Chinois ont libéré plusieurs dissidents, dont l'artiste Ai Weiwei à la veille de la visite".
"Lorsque Wen Jiabao a visité le Royaume-Uni pour la dernière fois, en 2009, un jeune lui lança une chaussure alors qu'il tenait une conférence à l'Université de Cambridge. Aujourd'hui, deux ans et une crise plus tard, Wen a promis à Budapest que la Chine ne laissera pas tomber l'Europe, il s'est promené dans une usine de voitures chinoises à Birmingham comme s'il était chez lui et il devait discuter ce 28 juin avec Angela Merkel des vicissitudes de l'euro. Tout cela, garni de plusieurs milliards d'euros de contrats".
Le rachat par Pékin de titres de la dette des pays de la zone euro en difficulté, comme l'Espagne, l'Irlande, le Portugal ou la Grèce, ainsi que sa soif de technologie suscitent la sympathie et le sens des affaires de l'Europe, ajoute El País. Voilà pourquoi, conclut-il, "elle est enchantée de l'aider. Même si elle doit se boucher le nez et se tourner de l'autre côté à chaque fois que cela sera nécessaire. Cela s'appelle le pragmatisme, et ça existe depuis toujours".

A quoi tient l'avenir de la Grèce?

Le Parlement grec doit adopter d'ici jeudi le nouveau plan de rigueur pour débloquer la dernière tranche d'aide internationale. S'il vote non, il sera dès juillet en défaut de paiement. Les différents scénarios.

  L'austérité ou la faillite. Voilà l'alternative peu alléchante qui devrait convaincre le Parlement grec de voter oui d'ici jeudi au plan de rigueur. Le programme pluri-annuel prévoit 28,4 milliards d'euros de mesures d'économies et 50 milliards d'euros de privatisations. La majorité des Grecs n'en veulent pas et ont entamé mardi une grève générale de 48 heures pour le faire savoir. Sauf que si le projet de loi budgétaire ne passe pas, le pays n'obtient pas la dernière tranche de l'aide de l'UE et du FMI et ne peut donc pas faire face à ses prochains remboursements de dette. En somme, il fait défaut. Voici les différents scénarios qui pourraient se dérouler dans les prochains jours, décisifs pour l'avenir de la zone euro.

Le Parlement vote le plan... Plus rien ne s'oppose au versement des 12 milliards d'euros permettant à la Grèce de faire face à ses échéances de remboursement à court terme. Mais cela ne fait que repousser le problème de son insolvabilité à plus tard : la dette du pays s'élève à 340 milliards d'euros, soit plus de 150% du PIB. Avec les marchés qui exigent des taux d'intérêt à 10 ans record de plus de 17%, l'Etat grec n'est pas près d'y retourner pour se refinancer. D'où la décision de la zone euro d'accorder une rallonge d'environ 110 milliards d'euros, dont les grandes lignes doivent être bouclées le 3 juillet. Encore faut-il toutefois que les dirigeants européens s'accordent sur les modalités du nouveau prêt. Berlin n'en démord pas : les créanciers privés doivent participer. Or la BCE s'oppose catégoriquement à un rééchelonnement, craignant qu'il soit considéré par les marchés comme un événement de crédit, dont les conséquences seraient aussi dévastatrices qu'imprévisibles.
... Et les créanciers privés adoptent la proposition française de restructuration Une autre solution a été proposée lundi par le Trésor et les banques françaises. Elle se traduirait par un renouvellement sur 30 ans de la moitié des engagements des créanciers privés. De quoi laisser du temps au pays pour redresser ses finances publiques.
Concrètement, les établissements français réinvestissent, chaque fois qu'une obligation grecque est remboursée au cours des trois prochaines années, 70% de la somme qui leur est restituée. Sur ces 70%, 50% seulement vont directement dans des obligations à 30 ans de l'Etat grec. Les 20% restants sont investis dans des obligations à zéro coupon achetées auprès d'un ou plusieurs Etats, institutions supranationales ou agences européennes, notés AAA. Le taux des nouvelles obligations grecques est proche de ceux obtenus par le Fonds de stabilité européen (FESF), qui bénéficie d'une notation "AAA".
Toute la difficulté est d'éviter que la formule adoptée ne soit interprétée comme un défaut de paiement. Il faut pour cela qu'elle soit perçue comme vraiment volontaire de la part des banques. Ce qui est loin d'être garanti.
La France souhaite que ce plan serve de modèle pour les autres pays. Les représentants de plusieurs banques mondiales et des responsables gouvernementaux l'ont évoqué lundi lors d'une réunion à Rome, mais n'ont pas pris de décision. Les ministères des Finances allemand et néerlandais ont salué l'initiative, mais les banquiers allemands ont fait savoir qu'ils préféreraient des échéances plus courtes, de 10 ou 15 ans.
La proposition française comprend aussi une autre possibilité selon Reuters: les participants investiraient un minimum de 90% - un taux de 100% est souhaité - du montant qu'ils recevraient dans de nouvelles obligations de l'Etat grec d'une échéance de cinq ans et portant un intérêt de 5,5%.
Dans les deux cas, un accord avec les banques ne résoudrait qu'une partie du problème. Car les banques commerciales ne détiennent que 27% de la dette grecque, 43% étant détenue par d'autres types d'investisseurs, 14% par la BCE et 16% par l'UE et le FMI, selon le Financial Times.
Le Parlement rejette le planAlors l'UE et le FMI ne versent pas les 12 milliards d'euros prévus, Athènes ne rembourse pas les 2,4 milliards d'euros dus le 15 juillet prochain, et la Grèce est en défaut de paiement. Et là le pire est à craindre. Le parallèle avec la faillite de Lehman Brothers est d'ailleurs souvent évoqué pour mettre en garde contre les effets de contagion planétaire qu'aurait la faillite de l'Etat. Car non seulement les banques grecques s'effondrent, mais les banques européennes détentrices de dette grecques subissent aussi de lourdes pertes. Et les banques américaines qui avaient assuré, via des CDS, leurs consoeurs européennes contre le risque de défaut, se retrouvent également exposées. Surtout, les investisseurs craignent que les autres maillons faibles de la zone euro fassent défaut aussi et se mettent donc à vendre en masse leurs obligations publiques portugaises et irlandaises mais aussi espagnoles et italiennes. Cela fait exploser les taux d'intérêt exigés à ces pays, qui ont par conséquent plus de mal encore à se refinancer. Le FSFE est insuffisant pour renflouer tous les pays à la fois. Plus rien ne les empêche de faire défaut et de quitter la zone euro pour retrouver une monnaie plus compétitive.
Le Parlement rejette le plan, mais il y a un plan B Officiellement, il n'y en a pas. Mais d'après le Financial Times, Berlin aurait poussé pour un plan alternatif qui procurerait suffisamment de liquidités à la Grèce pour éviter le défaut de paiement en juillet au cas où le vote grec serait négatif. Parmi les options possibles pour répondre à une telle situation, il y a "la question de la réactivation du FESF", qui peut prêter de l'argent à un Etat en grande difficulté, indique un diplomate européen. Mais, selon lui, il serait difficilement imaginable que les partenaires de la Grèce acceptent de mettre au pot sans le FMI et sans contrepartie de la Grèce sous forme d'un nouveau plan d'austérité. Une autre solution serait d'utiliser ces fonds publics pour racheter à bas prix des obligations grecques aux banques. Ce qui revient à une restructuration volontaire de la dette.

Christine Lagarde à la tête du FMI

Actualisé à 20h. Les Etats-Unis soutenaient la candidature de la Française Christine Lagarde au poste de directeur général du Fonds monétaire international. Ce soir, dans un communiqué, l'Elysée indiquait que Christine Lagarde était désignée à la tête du FMI, considérant qu'il s'agissait d'«une victoire pour la France».

Libérale pragmatique, adepte d’une certaine régulation, Christine Lagarde, désignée ce soir à la tête du FMI, est surtout une négociatrice hors pair qui devrait approfondir les chantiers déjà engagés, du renforcement des outils anti-crise à l’ouverture vers les pays émergents.
En tant que ministre française de l’Economie, puis pendant sa campagne, celle qui devient la première directrice générale du Fonds monétaire international a plaidé pour un «libéralisme tempéré».
«Le libéralisme est une affaire de règles bien appliquées», aime-t-elle aussi théoriser.
Selon un ancien collaborateur à Bercy, Christine Lagarde se situe à mi-chemin entre les défenseurs d’une dérégulation totale et ceux d’une économie ultra-réglementée.
«Sa vision a gagné du poids avec la crise. Elle garde un certain recul sur le modèle américain, qu’elle connaît bien et auquel elle adhère en grande partie», dit-il.
L’ex-avocate d’affaires n’a pas de formation académique en économie. Certains voient là sa principale faiblesse, au moment où elle devient le médecin et le gendarme d’une économie mondiale convalescente.
«Elle n’a pas vraiment une capacité autonome de réflexion sur ces questions», estime Charles Wiplosz, directeur du Centre international d’études monétaires et bancaires de Genève.
A ses yeux, ce n’est pas un défaut: «Christine Lagarde a une capacité remarquable à absorber ce que son staff lui dit et un talent unique pour le vendre à qui il faut. C’est très bien pour le FMI.»
«Fine diplomate»
«Fine diplomate» et «négociatrice incroyable» sont des qualificatifs qui mettent tout le monde d’accord, y compris ses détracteurs, lorsqu’il s’agit de décrire la Française.
«Une de ses grandes qualités consiste à trouver des consensus là où ça paraissait impossible», explique Agnès Bénassy-Quéré, directrice du Centre français d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii).
Christine Lagarde va donc surtout s’appuyer sur les équipes «très qualifiées» du Fonds qui, relève Charles Wyplosz, «ont pour l’essentiel été mises en place par Dominique Strauss-Kahn».
Si le patron démissionnaire a infléchi la doctrine de l’institution de Washington, lors de la crise, en faveur d’une intervention publique accrue, Christine Lagarde devrait donc suivre ses pas.
«J’ai le sentiment qu’elle poursuivra les réformes entreprises, elle a l’autorité nécessaire», confirme Eswar Prasad, économiste à la Brookings Institution.
D’autant qu’avec la crise, «les différences dogmatiques se sont beaucoup atténuées», souligne Agnès Bénassy-Quéré, le gouvernement de droite dont Christine Lagarde était membre en France s’étant distingué par «une intervention très forte de l’Etat pour relancer l’économie».
Sa déclaration de candidature résume ses positions: elle n’annonce pas de révolution mais entend «renforcer» la «légitimité» du FMI, avec une meilleure représentation des puissances émergentes, son «efficacité», notamment en matière de «surveillance» des déséquilibres mondiaux, et enfin «sa capacité à répondre aux besoins des pays membres».
«Elle devra gagner la confiance des pays émergents en mettant en oeuvre les réformes de son prédécesseur et en allant plus loin», prévient Eswar Prasad. La marge de manoeuvre est étroite, car il lui faudra «convaincre les Européens» au moment où, avec la sortie de crise, «l’élan réformateur faiblit».
Sur la régulation, les flux de capitaux ou le système monétaire, le FMI et la présidence française du G20, incarnée jusqu’ici par Christine Lagarde, sont plus ou moins au diapason.
Mais c’est le dossier brûlant de la crise de la dette en Europe qui l’attend dès sa prise de fonctions. Alors que le Fonds est en première ligne en Grèce, celle qui revendique «un rôle clé» joué en tant que ministre écarte tout risque de «bienveillance» vis-à-vis de la zone euro.
Selon Charles Wyplosz, la Française devrait «prendre ses distances par rapport aux Européens», justement pour faire oublier ses origines à des pays émergents agacés de voire l’Europe monopoliser la direction du FMI. «Beaucoup trouvent que la zone euro n’a pas bien géré la crise de la dette», relève-t-il.

Christine Lagarde félicitée pour sa nomination

Dès les premières minutes qui ont suivi sa nomination à la tête de la FMI, de nombreuses personnalités ont félicité Christine Lagarde.

Egalement en lice pour succéder à Dominique Strauss-Kahn, Agustin Carstens, gouverneur de la banque centrale du Mexique, a adressé ses vœux de réussite à Mme Lagarde. "Je salue le choix de Christine Lagarde comme directrice générale du FMI ; je lui souhaite le meilleur et elle a tout mon soutien", a-t-il dit dans un communiqué.
Le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, estime qu'il s'agit "d'une fierté pour la France" et "une chance pour l'Europe". Dans un communiqué, M. Copé rend hommage à la "femme exceptionnelle qui a toutes les qualités et les compétences requises pour faire une remarquable directrice générale du FMI".
Côté socialiste, François Hollande s'est félicité de la nomination de Christine Lagarde, l'invitant à s'inspirer de son prédécesseur. "Christine Lagarde est une Française, elle a des qualités", a déclaré le candidat à la primaire socialiste. "Je devrais donc me féliciter, mais elle n'est pas de la même orientation que son prédécesseur et il faut qu'elle comprenne qu'elle n'est plus ministre de Nicolas Sarkozy." "Nous aurons à travailler avec elle après 2012. Je lui dis 'travaillez avec le souci de la continuité'", a-t-il ajouté.
Le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, a jugé que la nomination de la Française était "un excellent choix". L'Allemagne avait apporté son soutien à la candidature de Mme Lagarde à la tête de l'institution internationale, affirmant notamment qu'elle était "une personne dotée d'une grande compétence".
Le président de la Commission européene, José Manuel Barroso, a salué un "excellent choix" pour le FMI. "Par cette nomination qui fait de vous la première femme à la tête de cette institution, le Fonds monétaire international a fait un excellent choix, celui de l'expertise, de l'expérience et du talent", a affirmé M. Barroso dans un communiqué. M. Barroso a également salué le "rôle décisif" joué selon lui par la ministre française de l'économie sur "les dossiers économiques et monétaires européens" au cours de ces cinq dernières années, "qui ont vu l'éclatement de la plus grave crise financière et économique qu'ait connu le monde depuis un siècle". Le ministre des finances britannique, George Osborne a estimé qu'il s'agissait d'une "bonne nouvelle pour l'économie globale et pour la Grande-Bretagne". "C'est la personne la plus qualifiée pour le poste, et c'est la raison pour laquelle la Grande-bretagne a été l'un des premiers pays à proposer son nom", a-t-il poursuivi.
Le président de la Banque mondiale, l'Américain Robert Zoellick, a rendu hommage à Mme Lagarde avec qui il a eu "grand plaisir de travailler en tant que ministre française de l'économie, des finances et de l'industrie, et en tant que présidente du G20 finances". "Le groupe Banque mondiale et le FMI ont travaillé en collaboration de plus en plus étroite ces dernières années pour soutenir les pays qui se remettent de la crise économique mondiale et prévenir des crises à l'avenir", a-t-il souligné.

Christine Lagarde nommée directrice du FMI

Sans surprise, le conseil d'administration du Fonds monétaire international (FMI) a désigné la Française Christine Lagarde directrice générale du FMI, mardi 28 juin, pour un mandat de cinq ans. Elle devient ainsi la première femme à occuper ce poste.

Après les annonces successives des soutiens de la Chine, de la Russie, du Brésil et des Etats-Unis, le choix de Christine Lagarde par le conseil d'administration du Fonds était quasiment acquis. Restait à savoir quand ce choix interviendrait, les vingt-quatre membres du conseil – parmi lesquels une seule femme – ayant jusqu'à jeudi pour se pononcer.
Christine Lagarde, 55 ans, a été préférée "par consensus", selon le communiqué du FMI, au gouverneur de la Banque du Mexique, Agustin Carstens, 53 ans. Celui-ci lui a adressé ses vœux de réuLa Française, qui prendra ses fonctions le 5 juillet, a fait part sur Twitter de son "honneur" et de sa "joie" d'être désignée directrice du FMI.

>> Lire l'analyse de Sylvie Kauffmann, directrice éditoriale du Monde, sur les forces et faiblesses de la candidature de Christine Lagarde et les réactions à sa désignation.
  • Les dossiers qui l'attendent au FMI
C'est le dossier brûlant de la crise de la dette en Europe qui attend Christine Lagarde dès sa prise de fonction. Interviewée sur TF1 peu après l'annonce de sa désignation, Christine Lagarde a notamment insisté sur l'action du FMI en Grèce, et a appelé les partis politiques grecs à "l'entente nationale" alors que le Parlement examine l'adoption de nouvelles mesures de rigueur.
Une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro "est un scénario du pire", qu'il faut "impérativement et par tous les moyens éviter", a ajouté Mme Lagarde. "Il faut que tous les prêteurs se penchent au chevet de la Grèce, mais il faut que la Grèce se prenne en charge de manière responsable", a relevé la nouvelle responsable du FMI. Cela implique toutefois de rester "attentif" aux "plus démunis".
Sur la régulation, les flux de capitaux ou le système monétaire, le FMI et la présidence française du G20, incarnée jusqu'ici par Christine Lagarde, sont plus ou moins au diapason. La Française devra également se pencher sur la question de la gouvernance du FMI, les pays émergents y réclamant plus de poids. Sa déclaration de candidature résume ses positions : elle n'annonce pas de révolution mais entend "renforcer" la "légitimité" du FMI, avec une meilleure représentation des puissances émergentes, son "efficacité", notamment en matière de "surveillance" des déséquilibres mondiaux, et enfin "sa capacité à répondre aux besoins des pays membres".
  • Un remaniement ministériel en vue
Le départ de Christine Lagarde pour Washington entraîne la nomination d'un nouveau ministre de l'économie à Bercy. Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont entretenus mardi soir pendant une vingtaine de minutes, juste après que Mme Lagarde eut été nommée au FMI, ce qui laisse augurer l'imminence d'un remaniement de l'équipe gouvernementale. Christine Lagarde participera toutefois au conseil des ministres, mercredi matin à 10 heures ; l'annonce du remaniement ne devrait donc pas intervenir d'ici là, comme l'a d'ailleurs confirmé Matignon à l'agence Reuters.
Les noms de trois poids lourds de la majorité circulent pour lui succéder. Ceux de l'actuel ministre du budget, François Baroin, et de sa collègue de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, reviennent régulièrement dans les cabinets ministériels ; celui du ministre de l'agriculture Bruno Le Maire est aussi souvent cité, mais ce proche du président est déjà très sollicité pour organiser la future équipe de campagne en vue de la présidentielle de 2012 et devrait donc passer son tour.
Selon plusieurs sources à l'UMP, M. Baroin aurait la préférence à présent du tandem exécutif, après que Mme Pécresse a tenu longtemps la corde.
Le remaniement sera aussi l'occasion de pourvoir le portefeuille des anciens combattants, vacant depuis le remaniement de novembre dernier, et celui de la fonction publique, après la démission fin mai du secrétaire d'Etat George Tron, inculpé pour viol et agression sexuelle. Le remaniement pourrait intervenir dès mardi soir ou mercredi matin, juste avant le départ du premier ministre, François Fillon, qui quitte Paris dans la soirée de mercredi pour un déplacement au Cambodge et en Indonésie.
>> Faites le bilan de l'action de Christine Lagarde à Bercy avec le blog Contes publics.
  • Les démélés judiciaires auxquels elle doit encore faire face
Malgré sa nomination à la tête du FMI, Christine Lagarde n'en a pas pour autant terminé avec ses ennuis judicaires en France, même si Mme La. La menace la plus immédiate concerne l'enquête pour "abus d'autorité" que pourrait lancer le 8 juillet la Cour de justice de la République (CJR) contre elle, dans le cadre de l'affaire Tapie. Le parquet général reproche notamment à Mme Lagarde d'avoir recouru à un arbitrage en faveur de Bernard Tapie dans la vente litigieuse d'Adidas par le Crédit lyonnais en 1993, alors qu'il s'agissait de deniers publics. S'il y a enquête aboutissant au renvoi de Mme Lagarde devant la CJR, elle sera longue et, le cas échéant, la ministre ne serait pas jugée avant plusieurs années.
Parallèlement, Mme Lagarde pourrait être éclaboussée par l'enquête ouverte mi-juin par le parquet de Paris sur le rôle de hauts fonctionnaires qui ont conclu l'arbitrage favorable à Bernard Tapie. Cette enquête pour "abus de pouvoirs sociaux" ne la cible pas directement, mais vise implicitement Jean-François Rocchi, le président du Consortium de réalisation (CDR), la structure publique où étaient cantonnés les actifs douteux de l'ex-Crédit lyonnais.
>> Lire notre éclairage "Comment l'affaire Tapie a rattrapé Christine Lagarde" et un décryptage des pressions judiciaires sur la future directrice générale du FMI.

Aubry n'est pas candidate à la primaire

Martine Aubry a annoncé ce mardi qu'elle était candidate... à la présidentielle. L'analyse de Christophe Barbier.




Le président de l’intérêt général

A l’occasion de sa conférence de presse sur le grand emprunt et les programmes d’investissements d’avenir, Nicolas Sarkozy s’est félicité du fait qu’en dix-huit mois 20 milliards d’euros ont déjà été engagés sur 400 projets et pôles d’excellence car il s’agit de préparer la France au défi du XXIe siècle et de la mondialisation. Mais au-delà de ce premier bilan, en filigrane, le président de la République a subtilement brossé le portrait du futur candidat qu’il sera. Il estime que son devoir est de gouverner jusqu’au bout du mandat, mais cela ne l’empêche pas de tacler ses futurs adversaires. Aux socialistes, qui veulent revenir sur la diminution du nombre des fonctionnaires et sur la réforme des retraites, il rappelle l’erreur des 35 heures, prédit l’explosion de la dette et des déficits et rappelle qu’il n’y a pas d’alternative au nucléaire. A l’usage du Front national et de Mme Le Pen, il qualifie d’insensé et de folie le projet de sortie de l’euro. Entre ces politiques de la gauche et de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy se positionne comme le président du bon sens, du juste milieu, garant de l’intérêt général et des intérêts supérieurs de la nation. Il se présente comme le président protecteur qui a su éviter la pire des catastrophes de la crise, maintenu notre modèle social et qui a préservé le pouvoir d’achat, même celui des fonctionnaires. Certes, il ne nie pas la déception et les souffrances liées au chômage et se déclare choqué par les salaires faramineux des patrons « qui vivent dans un autre monde ». Lui, Nicolas Sarkozy, a déjà un pied dans le monde de 2012 !

mardi 28 juin 2011

Il n'y a pas de plan B pour la Grèce, affirme la Commission européenne

L'adoption par le Parlement grec cette semaine du plan d'austérité est "le seul moyen" pour le pays d'éviter une faillite immédiate, a prévenu mardi la Commission européenne, en affirmant qu'il n'y a "pas de plan B". "Le seul moyen d'éviter un défaut [de paiement] immédiat est l'adoption par le Parlement du programme économique révisé", a indiqué le commissaire aux affaires économiques, Olli Rehn, dans un communiqué. "Il doit être approuvé pour que la prochaine tranche du plan d'assistance financière soit versée", souligne-t-il."A ceux qui spéculent sur d'autres options, je dis clairement, il n'y a pas de plan B pour éviter un défaut", ajoute Olli Rehn.


Ce programme d'austérité pluriannuel (2012-2015), dont Athènes a finalisé les derniers détails la semaine dernière avec ses bailleurs de fonds internationaux, prévoit 28,4 milliards d'euros de mesures d'économies et 50 milliards d'euros de privatisations. L'examen au Parlement a lieu cette semaine, et son adoption d'ici à jeudi est une condition sine qua non pour que le pays obtienne des Européens et du Fonds monétaire international l'argent frais dont il a un besoin urgent pour faire face à ses remboursements de dette. Les mesures d'austérité "doivent être approuvées pour que la prochaine tranche d'assistance financière soit versée", à savoir 12 milliards d'euros sur les 110 milliards promis l'an dernier à Athènes par les Européens et le FMI, a martelé Olli Rehn. "Il n'y a pas de plan B pour éviter un défaut", a insisté le commissaire, réfutant des déclarations faites ces derniers jours par quelques responsables européens.
"L'Union européenne reste prête à aider la Grèce. Mais l'Europe peut seulement aider la Grèce si la Grèce s'aide elle-même", a indiqué Olli Rehn, qui "appelle les dirigeants politiques grecs à assumer leurs responsabilités". "Le peuple grec et ses représentants démocratiques font face à un choix critique : réformer l'économie est certainement un défi, mais cela reste une bien meilleure solution qu'un défaut, qui frapperait le plus durement les plus vulnérables", a-t-il souligné. "C'est aussi une question de justice sociale. Un défi crucial consiste à combattre l'évasion fiscale et à encourager le vrai entreprenariat, qui soutient le travail honnête", a encore dit le commissaire.
La Grèce tourne au ralenti, mardi, au premier jour d'une grève de 48 heures comprenant coupures d'électricité et annulations de vol, alors que les députés poursuivent l'examen d'un projet de loi budgétaire d'austérité, crucial pour l'obtention d'un nouvelle aide financière. Mardi, le gouvernement socialiste a reçu une critique à peine déguisée de la bouche du gouverneur de la Banque de Grèce, Georges Provopoulos, qui estime que le plan d'austérité — que le premier ministre a appelé solennellement à voter lundi soir en faisant appel à l'esprit patriotique des députés — contient trop de hausses d'impôts et pas assez de réductions de dépenses. "Continuer d'empiler plus d'impôts sur les épaules des contribuables a atteint ses limites", a-t-il dit dans une interview au Kathimerini.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Aubry, sur le coup de midi

La “dame des 35 heures” parlera sur le coup de midi. Aujourd’hui, brisant un insoutenable suspense, Martine Aubry va se porter candidate à la candidature. Elle s’exprimera depuis Lille, en un lieu baptisé “Saint-Sauveur”, comme pour mieux convoquer les miracles électoraux. Pourquoi pas Lourdes, carrément ? Il s’agit, en fait, d’une ancienne gare ferroviaire transformée en centre culturel. Voyez le symbole : pour gagner l’Élysée en 2012, cheminots et “bobos” devront se donner la main.

Voici donc le PS en ordre de marche pour la bataille présidentielle. Enfin, presque. Certes, le système de “la primaire citoyenne” constitue une avancée démocratique. Le peuple de gauche désignera directement son champion. Mais la compétition interne pourrait bien diviser les prétendants. Entre Aubry, Hollande, Royal, Valls, Montebourg et consorts, le débat risque de tourner au vinaigre. De la confrontation d’idées au déchirement durable, il n’y a qu’un pas.

Les incorrigibles “socialos”, en somme, retomberaient dans l’ornière des querelles fratricides. À droite, beaucoup ricanent déjà sur leur nouvelle “machine à perdre”. Comment expliquer, alors, que l’UMP s’acharne à la démonter ? Jusqu’à y renifler un parfum quasi pétainiste : “Attention danger, fichage politique !” Confondre la rue de Solférino et la rue Lauriston, quand même… Tant d’outrance laisse à penser que la primaire du PS, finalement, inquiète le camp sarkozyste davantage qu’elle ne le réjouit.

Le volontarisme du grand emprunt


C'est entendu, le grand emprunt de Nicolas Sarkozy ne fera pas oublier les errements contre-productifs du paquet fiscal de la loi Tepa (travail, emploi, pouvoir d'achat) appliquée à contre temps de la crise ; et que le gouvernement aura finalement détricoté dans l'urgence.

Il ne fera pas non plus un sort aux dérives parfois inconséquentes et clientélistes de la dépense publique qui a connu de belles heures ces dernières années. Il n'empêche : Nicolas Sarkozy aurait eu tort de se priver d'un bon coup de promotion sur la mesure économique qui restera peut-être le meilleur marqueur de son volontarisme économique. Même s'il en trouvait l'idée « absurde » à l'origine.

S'il y a un bon argument à valoriser dans une politique économique pas toujours lisible, il est là, dans cet emprunt un peu exagérément qualifié de « grand ». Réellement branché sur l'avenir ¯ l'innovation, l'université, la recherche ¯ il traduit, pour une fois, une évidente capacité présidentielle à lever le nez du guidon, du conjoncturel. Il offre peu de prise à une opposition solidement argumentée.

Pas de vrai procès en saupoudrage possible, contrairement aux pôles de compétitivité il n'y a pas si longtemps. Pas de confusion, comme dans tous les plans de relance servis depuis vingt ans, entre dépenses courantes et vrais investissements. Pas de primes aux chasseurs de primes et aux lobbies du bâtiment. Pas non plus de grosse critique étayée sur le coût de la dépense. Bien piloté par René Ricol ¯ un orfèvre ¯ l'emprunt ne fonctionne pas comme un robinet à subventions : cela aussi est un peu nouveau dans la culture française.

Impasse européenne

Et pourtant, il manque sans doute deux dimensions essentielles dans l'emprunt Sarkozy. La première concerne la continuité de l'effort. L'avenir ne se limite pas à l'horizon des quelques années d'impact du plan. Il est affaire de persévérance et d'investissements dans la durée. Le grand emprunt mise sur un coup : 35 milliards, circulez. Et pour cause, en quête de vertu budgétaire pour éviter un mauvais coup (coût) des marchés, l'État dépensier n'a plus la moindre marge de manoeuvre. La cigale ayant dépensé tout l'été se trouva fort dépourvue, n'est-ce pas...

La seconde interrogation tient à l'évidente impasse européenne du grand emprunt. Comment ne pas être frappé du cavalier seul de la France, au moment où toute l'Europe fait le forcing pour souder les rangs dans le sauvetage de la Grèce ? Face au risque d'implosion de l'euro, l'Union européenne (France en tête) est capable de rameuter toutes les énergies pour sauver les meubles, pour se sauver. Sur la défensive, elle s'en tire toujours, ou presque, collectivement. Mais, toujours ou presque, elle semble incapable de passer à l'offensive, de projeter une ambition commune.

Il y a quarante ans, l'Europe osait investir dans la « folie » collective de l'Airbus. Au dernier Salon aéronautique du Bourget, elle en tirait encore de solides dividendes. Le lancement d'un programme comme Airbus n'est sans doute plus de saison. Et pourtant ! Si seulement l'esprit d'Airbus pouvait souffler un peu sur cette Union brinquebalante...

Envie 

Tu veux ou tu veux pas ? La chanson est dans l’air depuis des mois, et Martine Aubry répond enfin aujourd’hui : elle veut, elle sera candidate. Mais en a-t-elle vraiment envie ? Ce n’est pas lui faire injure que de poser la question. Car elle a tant paru hésiter, prête à s’effacer devant son camarade Dominique Strauss-Kahn, qui lui-même ne manifestait pas vraiment une grosse envie — enfin, pas de ce côté-là. Le facteur Besancenot, lui, a déjà dit non, pas envie, comme la jeune Cécile Duflot. Jean-Louis Borloo se tâte, Pierre Moscovici s’interroge, François Bayrou temporise, Nicolas Sarkozy joue les déjà servis… Il faut certes laisser du temps au temps. Mais tout de même, si les candidats veulent que nous allions voter, il faudra bien à un moment qu’ils nous montrent leur envie. Qu’ils nous la prouvent, la crient et la proclament, pour nous donner l’envie d’avoir envie d’eux.

Hugo Chavez, un révolutionnaire du passé ?

Depuis quelques jours, des rumeurs sur l’état de santé de Hugo Chavez, opéré d’un abcès pelvien le 10 juin à La Havane, alors qu’il effectuait une visite officielle à Cuba chez son parrain, Fidel Castro, circulent sur le Net. Les médecins cubains restent muets et le président vénézuélien – habituellement omniprésent dans les médias – brille par son absence. Ainsi, les déclarations de ses ministres assurant que Chavez « récupère » et « donne des ordres depuis Cuba » n’ont pas convaincu l’opposition de droite latino-américaine, qui le tient pour le plus dangereux des extrémistes rouges et rêvent de sa mort. Il est vrai que la disparition subite de « Hugo Boss », qui a financé la plupart des leaders de gauche du continent latino-américain depuis dix ans (Evo Morales en Bolivie, Rafael Correa en Equateur, Hollanta Humala au Pérou, etc.), aurait des conséquences géopolitiques importantes. Rappelons que Chavez est à l’origine de l’« Alternative bolivarienne pour les Amériques » (ALBA, dont sont aussi membres la Bolivie, Cuba, le Nicaragua, l’Equateur, etc.), dans le cadre duquel le Venezuela, riche en pétrole, octroie de nombreux prêts et dons aux voisins « anti-impérialistes ». Dans ce même contexte tiers-mondiste, l’homme à la chemise rouge (qui s’est fait voter les pleins pouvoirs) a noué des relations stratégiques avec la Libye de Kadhafi (recevant le prix Kadhafi des Droits de l’homme) et l’Iran du président Mahmud Ahmadinejad, dont il soutient les projets nucléaires. Certes, d’autres leaders latino-américains poursuivront la « revolucion ». Mais aucun successeur n’a son charisme et son culot démagogique parfois proche de la folie. Egalement surnommé « fléau de l’oligarchie et héros des pauvres », ou même « El Comandante », en référence à Che Guevara, Hugo Rafael Chavez Frias fait figure de héros des antimondialisations lorsqu’il réclame la disparition du Fonds monétaire international, ou appelle les pauvres à prendre les biens des riches…. Idolâtré au sein d’une certaine gauche tiers-mondiste comme d’une certaine extrême droite anti-américaine, il développe régulièrement dans son émission « Alo Presidente », le thème du « complot des oligarchies financières » pro-américaines et le Satan israélien, d’où son succès dans le monde islamique. Pour le président iranien, Ahmadinejad, ou le Hamas palestinien, Hugo Chavez est « le champion de la lutte anti-impérialiste ». Depuis 2005, l’Iran et le Venezuela ont passé 200 accords de commerce portant sur 25 milliards de dollars. A l’occasion de la réélection d’Ahmadinejad contestée de 2009, Chavez fut le premier chef d’Etat du monde à souhaiter « bonne chance » à son « frère ». Concernant les révolutions arabes, il a soutenu les pires dictateurs (Bachar al-Assad en Syrie, Kadhafi en Libye) qui, comme Ahmadinejad, matent dans le sang les révolutionnaires. Comme ses alliés dictatoriaux syrien, iranien ou libyen, Chavez en est resté aux schémas de la guerre froide et il n’a pas compris que les nouveaux révolutionnaires réclament un ordre nouveau et de nouvelles figures.

Le rôle des créanciers privés de la Grèce se précise

Nicolas Sarkozy a confirmé ce lundi que le gouvernement ainsi que les institutions financières françaises avaient proposé un plan pour la participation des créanciers privés de la Grèce au sauvetage du pays. Des précisions ont par ailleurs été apportées au cours de la journée. Paris attend maintenant de savoir si les autres banques européennes seraient prêtes à adopter ce schéma, tandis qu'un "plan B" serait en préparation.

Le président Sarkozy a confirmé ce lundi que le gouvernement ainsi que les institutions financières françaises allaient proposer un nouveau plan pour la participation des créanciers privés de la Grèce au sauvetage du pays. L’accord porterait sur les titres de dettes arrivant à échéance entre 2011 et 2014 et prévoirait la mise en place d’une structure de défaisance, selon Reuters. Il permettrait, via cette structure, de réinvestir seulement 70% des sommes reçues lors des remboursements des emprunts grecs arrivés à échéance. Au total, 50% des encours seraient alloués à l’achat de nouveaux emprunts grecs, émis à 30 ans et les 20% restants dans des titres dits "zéro coupon", émis par une entité supranationale notée AAA, le Fonds européen de stabilité financière ou la Banque européenne d’investissement par exemple.
Concrètement, cette structure ou "special purpose vehicle" (SPV) aurait l'avantage de faire sortir les titres de dette grecque des bilans des banques, a expliqué cette source. Pour 100 de dette portée, les institutions financières participantes recevraient 30 en cash et le SPV investirait 50 dans de nouvelles obligations grecques à 30 ans et 20 en obligations zéro coupon notées AAA d'une durée comparable.
Le chef de l’Etat a en outre précisé qu’il espérait voir ce plan adopté par les autres partenaires européens. Les banques françaises ont en effet indiqué qu'elles n'adopteraient pas de telles mesures de manière unilatérale. Réuni à Rome, le principal lobby bancaire mondial, l’institut de la finance international (IFF), a discuté de ce sujet avec des représentants de la zone euro.
En Allemagne, la fédération des banques privées (BdB) n’a pas officiellement réagi à l’accord français. Des discussions sont en cours avec le ministère des Finances afin de parvenir à une participation volontaires des banques allemandes au plan d’aide à la Grèce. Mais la BdB souhaite des "incitations", comme des garanties du gouvernement, ce que Berlin refuse, estimant que c’est dans l’intérêt des banques d’éviter la banqueroute d’Athènes. Néanmoins, l’accord français pourrait hâter les négociations. "Je pense que chacun mettra du sien pour sortir de cette situation", a ainsi indiqué le président de la BdB, Michael Kemmer. Le ministre néerlandais des Finances Jan Kees de Jager, a soutenu le plan français pour la participation des créanciers privés au plan de sauvetage de la Grèce, mais a estimé qu'il devrait être étudié dans le détail avant d'être adopté par les banques néerlandaises.
Les discussions vont maintenant se poursuivre jusqu’au 3 juillet, date de la réunion extraordinaire sur la Grèce entre les ministres des finances de la zone euro.
Par ailleurs, la zone euro a accéléré la préparation d'un plan de secours en cas de vote négatif du parlement grec sur de nouvelles mesures d'austérité, ce qui couperait Athènes de tout soutien financier international, ont indiqué ce lundi trois sources au fait de ces préparatifs à l'agence Reuters. Selon ces sources, les pays de la zone euro et le Fonds monétaire international ne sont pas disposés à aider la Grèce plus avant si les députés grecs rejettent les mesures. Ils planchent donc désormais sur un plan anti-contagion en cas de défaut de la Grèce sur sa dette, ce qui pourrait intervenir dès juillet si la prochaine tranche d'aide de 12 milliards d'euros n'est pas versée.

La zone euro travaille à un plan B sur la Grèce

La zone euro travaille à un "plan B" pour éviter la faillite de la Grèce et une contagion à d'autres pays au cas où le nouveau programme d'austérité du Premier ministre Georges Papandréou serait rejeté cette semaine au Parlement. 

La zone euro travaille à un "plan B" pour éviter la faillite de la Grèce et une contagion à d'autres pays au cas où le nouveau programme d'austérité du Premier ministre Georges Papandréou serait rejeté cette semaine au Parlement, selon un responsable européen.
Les modalités d'un deuxième plan d'aide pour la Grèce seront discutées "dans les deux semaines à venir", a indiqué lundi 27 juin un porte-parole de la Commission européenne, alors que le Parlement grec entame en session plénière un débat sur le projet de budget pluri-annuelle d'austérité. "Les contours (du 2e plan d'aide à la Grèce) sont en train encore d'être discutés et vont continuer à être discutés dans les deux semaines à venir", a indiqué Amadeu Altafaj, le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn, lors d'un point de presse. Il a notamment évoqué les consultations "informelles" en cours avec les acteurs du secteur financier afin de déterminer les "options" envisageables pour leur participation à ce plan d'aide.

Réunion des ministres le 3 juillet

Les ministres des Finances de la zone euro se retrouvent dimanche 3 juillet pour une réunion extraordinaire sur la Grèce, qui "sera très centrée sur la cinquième tranche" des 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans promis l'an dernier à Athènes par les Européens et le Fonds monétaire international, a indiqué Amadeu Altafaj. Les propos du porte-parole laisse planer le doute sur une possible solution à cette occasion. "Je ne peux pas anticiper", a-t-il dit.
Le versement est conditionné au vote dans la semaine par le Parlement grec d'un plan d'austérité très impopulaire très attendu en Europe.
Mais Athènes a parallèlement demandé officiellement la semaine dernière aux Européens et au FMI un deuxième plan d'aide, qui devrait atteindre un montant "similaire" à celui de l'an dernier, selon son Premier ministre Georges Papandréou.
Une autre réunion des ministres des Finances est prévue de longue date pour le 11 juillet.

La zone euro pas en danger

Pascal Lamy minimise quant à lui les risques des difficultés de la Grèce sur l'ensemble de la zone euro. "La Grèce, c'est (seulement) 5% de l'économie européenne", a indiqué le directeur de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) sur France Info, lundi. "Je ne crois pas que cela puisse contaminer l'ensemble de l'économie européenne", a-t-il ajouté.
Pascal Lamy a par ailleurs indiqué qu'il n'était pas "encore tard" pour sauver le pays du défaut de paiement. "C'est une histoire classique d'un petit pays qui, pendant longtemps, a dépensé plus qu'il n'en a gagné parce qu'il a emprunté à des taux très bas".
Déplorant l'insuffisance de discipline au moment de l'intégration d'Athènes à la zone euro, Pascal Lamy a estimé que l'Europe payait "des décennies de laxisme" envers certains pays.
Lors d'une conférence de presse, Nicolas Sarkozy a confirmé que le gouvernement et les banques françaises allaient proposer un nouveau plan pour la participation des créanciers privés de la Grèce au sauvetage du pays, "espérant" qu'il serait adopté par l'Union européenne. Cette proposition élaborée par le Trésor français et des banques françaises, permettrait aux créanciers privés de ne réinvestir que 70% des dettes remboursées par Athènes. Elle a été au menu des discussions organisées lundi à Rome entre responsables européens et représentants des banques.

lundi 27 juin 2011

La retraite à 60 ans aura disparu vendredi

La réforme Sarkozy-Woerth entre en vigueur: l'âge légal passe à 60 ans et 4 mois et atteindra 62 ans en 2018.
C'est la fin d'une exception française controversée. L'effacement d'un symbole majeur de l'ère Mitterrand. Un trophée politique pour Nicolas Sarkozy. Une pierre angulaire de son quinquennat, comme droite et gauche ne manqueront pas de le rappeler lors de la campagne 2012, chacun à sa façon. Vendredi, 1er juillet, la retraite à 60 ans, instaurée il y a presque trois décennies, appartiendra au passé. Les Français doivent travailler quatre mois de plus avant de toucher une pension, première étape sur le chemin de l'âge légal à 62 ans.
 La mesure la plus visible de la réforme des retraites, votée à l'automne après des semaines de bataille parlementaire et une douzaine de grosses journées de manifestations, entre en vigueur. Elle se traduira par 100.000 départs en retraite en moins en 2011 rien que pour le régime général, selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav, salariés du privé).
Si ce changement a fait beaucoup parler, il ne contribuera que pour une petite part à la baisse du déficit des retraites, espérée cette année après le record de 2010. L'essentiel proviendra des hausses de prélèvement inscrites dans la même réforme: début d'alignement de taux de cotisation des fonctionnaires sur celui des salariés du privé, nouveau mode de calcul des exonérations de charges, relèvement à 41% de la tranche supérieure d'impôt sur le revenu, alourdissement de la taxation sur les stock-options, les retraites-chapeau, les dividendes, les plus-values mobilières et immobilières, augmentation du «prélèvement social» sur les revenus du patrimoine… S'y ajoutera, en 2015, une hausse des cotisations vieillesse, censée être compensée par une baisse des cotisations chômage.
Le tout doit permettre de ramener les comptes à l'équilibre en 2018 - année où l'âge légal aura atteint 62 ans. Car c'était la priorité absolue des rédacteurs du projet de loi (Nicolas Sarkozy, François Fillon, Éric Woerth et leurs conseillers): présenter un plan bouclé financièrement à 100%. Demander un effort aux Français mais leur assurer que cet effort réduirait à néant le déficit, à un horizon raisonnable (entre-temps, les brèches auront été colmatées en utilisant le Fonds de réserve des retraites de Lionel Jospin, au rythme de 2 milliards d'euros par an). Et pouvoir clamer que la retraite par répartition est sauvée.

Le plus dur a été fait

Certes, le schéma pourrait présenter des faiblesses: opposition et syndicats l'ont jugé bâti sur des hypothèses économiques trop optimistes. Et surtout, la reforme ne garantit l'équilibre que jusque 2020 ou 2021. Le rapport cotisants/retraités continuera à se dégrader et il sera probablement nécessaire de repousser encore le moment de la retraite. Les concepteurs de la réforme l'avouent. Mais ils ont le sentiment que le plus dur a été fait en faisant sauter le verrou des 60 ans.
Nos voisins et les marchés financiers partagent cette idée. C'est l'explosion des déficits provoquée par la crise, la peur de voir la dette française dégradée et ses taux d'intérêt flamber, qui a poussé le chef de l'État à lancer la réforme, en juin 2009, lors de son discours au Congrès de Versailles. Deux ans plus tard, la tempête que traverse la zone euro semble lui donner raison. «On ne connaît pas du tout ce que connaît la Grèce, pour plusieurs raisons: la première, c'est qu'on a commencé à faire des réformes très importantes, la plus emblématique étant celle des retraites, et donc on a montré qu'on était capables de faire les efforts nécessaires pour rétablir les finances publiques», constatait vendredi sur RTL Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France.


Ce que la réforme change pour vous :

62 et 67 ans : les nouvelles bornes
L'âge à partir duquel il est possible de toucher une pension de retraite, couramment appelé «âge légal», passera progressivement de 60 à 62 ans : quatre mois supplémentaires dès vendredi, puis quatre mois par an à partir du 1er janvier 2012. Les 62 ans seront ainsi atteints pour les assurés nés en 1956 et après. Pour les mêmes générations, l'âge permettant d'obtenir automatiquement une retraite à taux plein passera de 65 à 67 ans. Mais il reste possible d'atteindre le taux plein avant cette limite, à condition d'avoir validé suffisamment de trimestres. De ce point de vue, la réforme Sarkozy-Woerth ne fait que confirmer la réforme Raffarin-Fillon, qui pose le principe d'un allongement de la durée de cotisation selon l'espérance de vie. Cette durée sera ainsi bientôt portée à 165 trimestres.
Régimes spéciaux et fonction publique
Dans la fonction publique aussi, l'âge de la retraite passera progressivement à 62 ans. Toutefois, des exceptions importantes demeureront. Les agents en «service actif» (policiers, gardiens de prison, pompiers, contrôleurs aériens…) pourront partir à 52 ou 57 ans, soit deux ans plus tard qu'actuellement. La borne passera de 55 à 57 ans pour les infirmières ayant choisi de rester en «catégorie B», mais elle sera fixée à 60 ans pour celles qui bénéficieront de salaires plus élevés en passant en «catégorie A» (les infirmières en exercice qui ont opté pour cette possibilité et toutes celles qui n'ont pas encore commencé leur carrière). Les militaires conserveront la possibilité de partir à tout âge, mais au bout de 17 ans de service au lieu de 15 (27 au lieu de 25 pour les officiers). Enfin, les âges de départ en retraite seront décalés de deux ans également dans les régimes spéciaux mais à partir de 2017 seulement, c'est-à-dire au terme de la réforme lancée en 2008 à la SNCF et à la RATP.
• Pénibilité, carrières longues : les possibilités de départ anticipé
C'est la principale innovation: il sera possible de partir en retraite avant les autres (à 60 ans et à taux plein) au titre de la pénibilité du travail. Le dispositif sera ouvert automatiquement aux ressortissants du régime général et de la MSA atteints d'une incapacité de 20% ou plus, découlant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail: intoxication, irradiation, électrocution, traumatisme…, mais pas accident de la route. Les assurés en incapacité de 10% à 20% pourront aussi en bénéficier mais à la condition d'avoir été exposé au moins 17 ans à des facteurs de pénibilité (port de charges lourdes, vibrations, produits chimiques, températures extrêmes, bruit, travail de nuit ou en 3×8…). Dans ce cas, ils devront apporter la preuve de cette exposition - par des bulletins de salaire ou contrats de travail par exemple - et une commission examinera le lien avec leurs lésions.
Le dispositif «carrières longues», qui permet de partir en retraite entre 56 et 60 ans, a aussi été prolongé et étendu aux personnes ayant commencé à travailler à 17 ans. La durée de cotisation nécessaire a cependant été allongée.
• Mères de 3 enfants et parents d'enfants handicapés
La retraite à taux plein restera définitivement fixée à 65 ans pour les parents d'un enfant handicapé. Elle est aussi maintenue à titre provisoire (jusqu'à la génération 1955) pour les parents de trois enfants et plus ayant interrompu leur carrière pour élever au moins l'un d'entre eux. Il faudra pour cela avoir travaillé au moins deux ans avant la naissance ou l'adoption et s'être arrêté au moins deux à trois ans après. En théorie ouverte aux pères, la mesure concernera en pratique quasi exclusivement des mères.
Extinction du «15 ans- 3 enfants»
Les mères de 3 enfants ayant travaillé 15 ans dans la fonction publique pouvaient jusqu'ici partir en retraite à tout âge. Le dispositif demeure pour celles qui réunissaient ces deux critères fin 2010 et avaient alors déjà 55 ans (50 ans pour les catégories actives). Celles qui atteindront les 15 ans et 3 enfants avant fin 2011 pourront toujours partir quand elles le souhaitent, mais à des conditions financières bien moins avantageuses dès vendredi. Enfin, cette possibilité sera supprimée pour les personnes ne remplissant pas encore les deux conditions fin 2011. Ce qui explique que la réforme se soit provisoirement traduite par… une envolée des départs en retraite! «18.880 départs de mères de 3 enfants sont intervenus au 1er semestre, soit le double des années précédentes», note Gérard Perfettini, directeur de la caisse de retraite des hôpitaux et collectivités locales. Idem chez les fonctionnaires d'État, où le nombre de départs anticipés devrait être de 10.000 à 11.000, soit deux fois plus que la normale.
Les règles des caisses complémentaires évoluent aussi
Transposer aux régimes de retraite complémentaire «toute la réforme, rien que la réforme» votée à l'automne. C'est le principe adopté par les syndicats et le patronat, qui cogèrent l'Arrco (caisse obligatoire des salariés du privé) et l'Agirc (caisse des cadres). Jusqu'ici, pour toucher une pension complémentaire sans décote, il fallait soit attendre 65 ans, soit liquider sa retraite à partir de 60 ans et avoir tous ses trimestres. Ces deux bornes seront ainsi repoussées jusqu'à 62 ans et 67 ans, au même rythme que pour le régime de base. Première étape, donc, vendredi. Les dérogations prévues par la loi (pénibilité, carrières longues…) seront aussi transposées.
Dès vendredi également, la valeur du point de retraite augmente. Outre un rattrapage pour les trois derniers mois (les hausses annuelles ont d'habitude lieu début avril), la revalorisation du point Arrco sera de 2,11%, compensant l'inflation. Celle du point Agirc, en revanche, n'atteindra que 0,41%. Il s'agit d'aligner le rendement du régime des cadres sur celui de tous les salariés, pour qu'il consomme ses réserves moins vite. Les rendements seront ensuite stabilisés de 2013 à 2015, mettant fin à vingt ans d'érosion presque interrompue. Une donnée importante, sachant que la retraite complémentaire représente 57% de la pension totale d'un cadre (29% pour un non-cadre)!
Les bonus pour familles nombreuses modifiés
Si la réforme Sarkozy-Woerth ne modifie aucun avantage familial ou conjugal (bonus de pension pour enfants, trimestres «gratuits» à la naissance, pensions de réversion pour les veufs…), l'accord entre partenaires sociaux remet, lui, à plat les majorations Agirc-Arrco accordées aux parents de familles nombreuses. Elles prendront désormais la forme d'un supplément de 10%, accordé à chaque parent de trois enfants et plus, dans la limite de 1000 euros à l'Arrco et autant à l'Agirc. La modification fera beaucoup de gagnants et de rares perdants chez les cadres à très hauts revenus et/ou à la tête d'une famille d'au moins quatre enfants. Jusqu'ici, en effet, l'Arrco accordait +5% aux parents de trois enfants et plus ; l'Agirc, +8% pour trois enfants, +12% pour 4 enfants, et ainsi de suite jusqu'à +24% pour sept enfants. Le changement ne sera pas brutal: il concernera les pensions liquidées à partir de 2012 et les points acquis avant cette date seront majorés selon les anciennes règles.
Enfin, la majoration de 5%, non plafonnée, accordée par l'Arrco aux salariés ayant encore un enfant à charge lorsqu'ils partent en retraite, est étendue à l'Agirc. Elle ne peut pas être cumulée avec celle pour famille nombreuse.