TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 31 mai 2011

Halte au machisme politique





Les frontières de l’avenir énergétique

La plus grande épreuve des pays développés, c’est une question élémentaire: où est l’avenir? Les réponses se dérobent à notre rationalisme européen. Car ce siècle est bel et bien orphelin de son futur. Le précédent, au-delà des horreurs de son histoire, pouvaient encore croire, sans trop douter, aux bienfaits du progrès et de la croissance. Mais la crise énergétique et les menaces de réchauffement climatique, confirmées par le record d’émissions de gaz à effet de serre, ont jeté une ombre durable sur ces certitudes optimistes. Elles désorientent l’humanité. Vers où marcher?

La journée d’hier a été révélatrice d’une hésitation aussi radicale que symptomatique. Sur la rive allemande du Rhin, la décision de renoncer au nucléaire en seulement onze ans, annoncée solennellement par la chancelière. Sur la rive française, la certitude, réaffirmée tout aussi solennellement par le Premier ministre à Strasbourg, que cette même énergie était bel et bien celle du futur. Sous nos yeux, une frontière abyssale s’est ouverte entre les deux pays amis à propos de l’essentiel - le moteur de leur développement - sans que ce fait modifie en rien l’équilibre de ces deux piliers du continent. Et c’est bien celà le plus extraordinaire, et le plus inquiétant: l’absence de réaction explosive...

Ainsi l’Europe pourra fonctionner sur deux logiques énergétiques différentes sans que celà pose problème. Faut-il qu’elle avance à ce point en ordre dispersé pour accepter pareille dichotomie? Car c’est bien Nicolas Sarkozy qui, il y a peu, considérait encore que la méfiance à l’égard de l’atome relevait d’un obscurantisme historique: y céder, considérait-il, reviendrait à repartir vers l’âge de pierre.

Allô Angela? Car c’est bien elle, une physicienne, qui a décidé de fermer les centrales allemandes! Elle l’a expliqué: Fukushima a rendu insupportable à sa conscience de chef de gouvernement le doute infinitésimal sur la sécurité que la scientifique avait jusque-là accepté. Pouvait-on bâtir demain sur le risque de l’horreur? Elle a choisi de dire non, quand la France, elle, persiste à dire oui. Peu importe, à la limite, le poids du calcul électoral dans ce revirement puisqu’il comporte assurément une part d’instinct.

Comparaison n’est pas raison? Certes, certes... La France ne peut pas se payer le luxe de tirer un trait du jour au lendemain sur une source d’énergie trois fois plus importante pour elle (plus de 75%) que pour sa voisine (22%). Même les écologistes concèdent qu’il lui faudrait sans doute quarante ans pour sortir du tout nucléaire, imposé depuis tant d’années par tous les pouvoirs politiques au nom de l’indépendance énergétique, consolidé par le retard pris sur les énergies nouvelles, et cadenassé par EDF.

Comme toujours, la facture, elle, est en avance. Car cette politique a un prix exorbitant: l’aliénation durable d’une liberté de choix.

L'audacieux pari d'Angela Merkel


Dans dix ans  demain aux yeux de l'Histoire l'Allemagne devrait avoir tourné le dos à l'énergie nucléaire et fermé ses dix-sept réacteurs. Promesse d'Angela Merkel. Politiquement, ce n'est pas une surprise. Avant l'accident de Fukushima au Japon, l'opinion publique allemande était déjà majoritairement antinucléaire. Depuis, le rejet de l'atome est massif et les Verts d'Outre-Rhin, les « Grünen », engrangent les victoires électorales. Ils s'emparent du pouvoir dans des bastions de la CDU. La Chancelière, mal en point, verdit donc sa tunique.

Au-delà du choix politique et politicien je tue l'atome et je renoue, je l'espère, avec la popularité  Merkel prend une décision majeure pour l'économie la plus puissante d'Europe. Pari audacieux. L'énergie nucléaire fournit encore 22 % de l'électricité allemande. La mise à l'arrêt des sept réacteurs les plus anciens a d'ores et déjà provoqué un surenchérissement du prix du kilowattheure. Certaines industries, fortes consommatrices d'énergie, crient casse-cou. Les patrons du nucléaire envisagent des recours en justice.

Frictions assurées. On ne change pas de politique énergétique sans casse. La Chancelière, en décembre dernier, prônait encore l'exploitation prolongée des réacteurs. Après Fukushima, virement de bord brutal quitte à déboussoler son équipage. Elle n'est pas encore assurée des votes à venir de ses alliés libéraux. Et certains conservateurs regimbent.

Pour audacieux qu'il soit, son pari est cependant calculé. L'Allemagne caracole déjà en tête des énergies nouvelles. Par ailleurs, plus de 40 % de sa production électrique dépend du charbon. Elle en possède en quantité et elle veut croire que les futures centrales de ce type ne rejetteront plus ou très peu  de gaz carbonique dans l'atmosphère. Elle peut aussi compter sur les importations de gaz, notamment russes.

La Chancelière n'est pas isolée

L'Allemagne n'est donc pas à cours de ressources. De surcroît, elle est économe. Elle tourne actuellement avec seulement quatre réacteurs en activité. Contrairement à la situation française  58 réacteurs, 76 % d'électricité d'origine nucléaire sortir de l'atome Outre-Rhin, ce n'est pas vaincre l'impossible. Merkel ne renverse pas la table. D'autant qu'elle dispose d'un plan B.

En cas de difficulté, l'hiver, au plus fort de la consommation d'énergie, elle pourra toujours faire appel à l'électricité nucléaire de ses voisins et s'éviter d'impopulaires coupures de courant. Ce qui fait dire aux tenants de l'atome, que l'Allemagne, l'hypocrite, sera en fait « une passagère clandestine » du nucléaire. Elle en consommera, mais les risques seront à ses frontières. Chez ses voisins. En France, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie. Il lui suffit de tirer des lignes à haute tension.

Quoi qu'en disent les patrons d'EDF et d'Areva, ce changement de cap à Berlin aura des conséquences au sein de l'Union européenne. Angela Merkel n'est pas isolée. L'Italie, l'Autriche, la Belgique se détournent du nucléaire. L'indépendante Suisse également. L'Espagne est attentiste. Le non au nucléaire en sort renforcé, et Paris, qui milite pour que l'atome soit labellisé énergie propre, risque de déchanter. Quant au couple franco-allemand ¯ le moteur déjà poussif de l'Union ¯ il s'est trouvé, avec l'atome, une nouvelle pomme de discorde. Une rivalité supplémentaire.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Le Brésil veut un patron du FMI issu d'un pays émergent

Le Brésil souhaiterait que le prochain directeur général du Fonds monétaire international provienne d'un grand pays émergent, mais il ne prévoit pas de faire pression outre mesure sur ce sujet, a déclaré mardi à Reuters un haut responsable gouvernemental.
"Nous pensons qu'il serait bien venu d'avoir quelqu'un d'un pays émergent. L'Inde et le Brésil seraient de bons choix. Mais nous pensons aussi que l'Europe va probablement conserver son emprise profonde sur ce poste. De ce fait, nous ne prévoyons pas d'insister très fortement sur ce sujet pour l'instant", a déclaré le responsable sous condition d'anonymat.
L'incertitude plane au sommet du FMI depuis l'arrestation samedi à New York de son directeur général Dominique Strauss-Kahn, inculpé d'agression sexuelle, tentative de viol et de séquestration. Le conseil d'administration du FMI s'est réuni lundi mais n'a pas encore décidé de lui retirer ou non son mandat, préférant attendre et "suivre l'évolution de la situation", mais déjà les pays émergents font entendre leur voix.
Les commentaires du responsable brésilien succèdent à un communiqué publié également mardi par le ministère chinois des Affaires étrangères, qui estime que le processus de sélection des dirigeants du FMI devrait reposer sur "l'équité, la transparence et le mérite".
Le ministre des Finances brésilien Guido Mantega avait lui aussi déclaré à un comité du FMI en avril - avant que le scandale n'éclate - qu'il était "grand temps" que les institutions de Bretton Woods rompent avec le statu quo selon lequel la direction du FMI revient traditionnellement à un Européen.
L'ancien ministre turc des Finances Kemal Dervis a été présenté comme un possible candidat issu d'un pays émergent. Ancien directeur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il travaille actuellement au sein du Brookings Institute, un club de réflexion basé à Washington.
Mais la chancelière allemande Angela Merkel a plaidé lundi pour qu'un Européen conserve la direction du FMI, en raison de son rôle dans la gestion de la crise de la dette dans la zone euro.
Mardi, le quotidien allemand Bild a présenté le président du directoire de la Deutsche Bank Josef Ackermann comme l'un des candidats pressentis par Berlin, citant également Thomas Mirow, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).
A Paris, la ministre de l'Economie Christine Lagarde est également citée comme une possible candidate, ce qui ferait d'elle la première femme à diriger cette institution internationale.
Brian Winter, Natalie Huet pour le service français, édité par Danielle Rouquié
© 2011 Reuters - Tous droits de reproduction réservés par Reuters.

L'Allemagne veut faciliter le déblocage de l'aide à la Grèce-WSJ

L'Allemagne envisage de renoncer à sa proposition de rééechelonner la maturité des obligations grecques afin de faciliter le déblocage d'une nouvelle aide pour Athènes, rapporte mardi le Wall Street Journal, ce qui renforce l'euro sur le marché des changes.
En concédant qu'Athènes doit obtenir des prêts supplémentaires, sans que ce nouvel effort soit partagé, du moins sur le court terme, par les porteurs d'obligations, Berlin aiderait l'Union européenne à surmonter la crise de la dette grecque, ajoute le quotidien dans son édition en ligne, en citant des sources proches du dossier.
Sur les marchés des changes, cet article soutient le cours de la monnaie unique européenne, fragilisée ces dernières semaines en raisons d'inquiétudes sur une possible restructuration de la dette grecque.
Vers 5h45 GMT, l'euro avançait de 0,4% face au billet vert à 1,4375 dollar.

Juncker veut solutionner la dette grecque "d'ici juin"

Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro se dit "plutôt optimiste". Il exclut une restructuration de la dette grecque.


Jean-Claude Juncker souhaite que le problème de la dette de la Grèce soit résolu "d'ici la fin du mois de juin", lundi 30 mai, a-t-il expliqué à l'issue d'une entretien avec le président français Nicolas Sarkozy.
"Nous allons essayer de résoudre le problème grec d'ici la fin du mois de juin", a affirmé le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, à la presse.
Sur cette question de la dette grecque, "je suis plutôt optimiste", a-t-il également indiqué.

En attente du jugement de la troïka

Selon lui, "la restructuration totale de la dette grecque n'est pas une option, elle n'est envisagée par personne. Donc il n'y aura pas de restructuration de la dette grecque", a-t-il ajouté, rappelant ainsi la position adoptée par les grands pays de la zone euro, le 7 mai dernier.
Jean-Claude Juncker a également rappelé la présence, actuellement à Athènes, de la troïka formée par le Fonds monétaire international, la Commission europénne et la Banque centrale européenne.
"Nous attendrons leur jugement final (...) au début de la semaine prochaine" et "leur position déterminera en partie la nôtre", a-t-il dit.
Lundi, Athènes était est en voie de conclure ses discussions avec ses créanciers pour le versement de la cinquième tranche du prêt accordé en 2010 par l'UE et le FMI, tout en préparant à la hâte un vaste plan de privatisations pour tenter de rassurer ses créanciers sur l'avenir.

Recours à des partenaires privés

Pendant sa conférence de presse à Deauville vendredi, en clôture du sommet du G8, le président Sarkozy avait réitéré son refus de toute restructuration de la dette grecque, mais sans exclure d'autres pistes, comme la prise en charge d'une partie de la dette grecque par "des partenaires privés".
Cette solution est avancée depuis plusieurs mois par la chancelière allemande Angela Merkel.
Le 17 mai à Bruxelles, Jean-Claude Juncker avait dit que la Grèce devait "rapidement privatiser 50 milliards d'euros d'actifs afin que sa dette à moyen et long terme devienne soutenable".
"L'implication du secteur privé est un problème que nous allons examiner avec toute l'attention requise", a-t-il affirmé lundi.
Interrogé sur l'ambiance de son entretien avec M. Sarkozy, M. Juncker a également affirmé: "avec le président, ca se passe toujours très bien: atmosphère amicale, copinage évolué".

La Grèce attend que le FMI et l'UE "tranche"

La Grèce retient son souffle. Le versement de la prochaine "tranche" du prêt UE-FMI sera ou non confirmé par les deux organisations impliquées mardi 31 mai 2011 ou tout début juin.

Malgré le plan d'aide, de 110 mrds€ octroyés en 2010 par le FMI et l'UE, la Grèce peine à sortir de la crise financière qui la frappe en raison d'un important déficit budgétaire.

Le ministre grec des Finances, Georges Papaconstantinou, se dit confiant quant à l'octroi du plan d'aide. Une déclaration en contradiction nette avec la position du journal allemand Der Spiegel, qui mettait en doute, dimanche 29 mai 2011, le déblocage de la situation et la capacité du gouvernement grec à maîtriser son déficit. Article aussitôt démenti par le FMI et la Grèce.

L’Irlande, le Portugal bénéficient d'un plan d'aide de l'UE et du FMI, l'Espagne devrait suivre bientôt.

Les banques coulent avec la Grèce

"Les banques portugaises sont les plus exposées vis-à-vis de la crise grecque", titre le Jornal de Negócios, qui cite la Banque des règlements internationaux, selon laquelle, le système bancaire portugais a une exposition de plus de sept milliards d'euros vis-à-vis de l'économie grecque, ce qui correspond à 4,2% du PIB du Portugal, un record. Le quotidien économique lisboète rapporte également l'avertissement lancé le 26 mai par Bruxelles, qui a menacé de suspendre l'aide à la Grèce et au Portugal si les deux pays n'atteignent pas les objectifs trimestriels en matière de consolidation fiscale. Le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker a souligné que le FMI pourrait geler immédiatement la prochaine aide financière à la Grèce si le pays ne remplissait pas les objectifs établis par la Troika. La même chose s'applique au Portugal, a confirmé au quotidien une source de la Commission européenne: la libération des fonds est soumise à l'analyse trimestrielle des objectifs [mis en place pour l'économie portuguaise] qui sera annoncée la semaine prochaine par la mission du FMI, lorsqu'elle rentrera au Portugal. Jornal de Nogocios avertit que pour le Portugal et la Grèce, si les écarts sont grands et qu'il n'y a pas de mesures supplémentaires pour rattraper les mauvais résultats, le fond sera même "gelé".

Osons l’Europe 2.0 !

Au Nord, les riches régions industrielles alliées aux pays de l’arc alpin. Au Sud, une confédération méditerranéenne de plus de 100 millions d’habitants. Si elle se réinventait selon ce schéma, l’Union se porterait beaucoup mieux, assure le sociologue allemand Gunnar Heinsohn. 

En 2011, seuls 40% des Allemands voient leur avenir au sein de l’Europe, et seuls 25% ont encore confiance en leurs institutions. Ces résultats sont la réponse aux 25 milliards d’euros accordés par Berlin aux riches propriétaires des banques grecques, et non l’expression de l’étroitesse d’esprit du pays: le Sud de l’Allemagne, notamment, répugne tout autant à mettre la main à la poche pour ses compatriotes de Brême ou Essen que pour les étrangers d’Athènes, Dublin ou Lisbonne.
Seul le spectre menaçant du nationalisme maintient encore l’Union européenne en vie. La ponction de nos ressources financières est de toute façon préférable à la guerre, nous serinent nos leaders. Et pourtant, pour la première fois depuis un demi-siècle, les Européens ont la possibilité de voir au-delà de l’Etat-nation. Depuis l’effondrement des taux de natalité, nous ne sommes de toute façon plus assez nombreux pour continuer à nous tomber mutuellement sur le râble. La construction européenne n’est pas un instrument conçu pour éviter la guerre, mais plutôt l’expression sympathique de notre incapacité à la faire. Le redécoupage de l’Europe porte l’espoir d’un avenir au-delà des nations, des religions et des traditions.
C’est ainsi que, dès 2009, l’historien suédois Gunnar Wetterberg proposait de ressusciter l’Union de Kalmar [qui réunît entre 1397 et 1523 les trois royaumes scandinaves de Danemark, Suède et Norvège sous un même roi] dans les pays nordiques. Cette nouvelle union réunirait l’Islande, le Danemark, le Groenland, la Norvège, les îles Svalbard, la Suède, la Finlande et éventuellement l’Estonie. Cet espace de 3,5 millions de kilomètres carrés pour 26 millions d’habitants deviendrait la huitième puissance économique mondiale. Les Pays-Bas et la Flandre pourraient s’y rallier ultérieurement. Une alliance avec la Grande-Bretagne – détentrice de l’arme atomique – transformerait la mer du nord en Mare Nostrum et ouvrirait la porte d’un partenariat avec les Etats-Unis et le Canada qui rendrait l’Atlantique nord invulnérable.

La Suisse au coeur d'un nouvel espace économique et monétaire

Les regards sont tournés vers la Suisse, en tant que pays issu d’une volonté politique qui fonctionne: les Genèvois ne sont pas français, les Tessinois ne sont pas italiens et les Zurichois ne sont pas allemands. Les voisins qui ne veulent plus être voisins peuvent participer avec les Confédérés à la construction d’un espace économique et monétaire de premier plan qui résorbera le déficit des naissances en attirant une main d’œuvre motivée du monde entier.
Aucun système de transferts n’existe pour combler l’écart entre les régions riches et les régions plus pauvres. Ainsi, tandis qu’à Brême ou à Berlin, les partisans des transferts financiers sont toujours en quête de nouveaux moyens de ponctionner les portefeuilles de leurs voisins, les cantons suisses n’ont d’autre choix que d’attirer des entreprises innovantes et une main d’œuvre de qualité s’ils veulent accroître leurs revenus. Or, ils parviennent eux aussi à aider les plus démunis et font d’ailleurs généralement mieux que les meilleurs élèves de l'Etat fédéral allemand.
D’après l’OCDE, la Suisse était déjà en 2009 la championne du monde de l’innovation, et le pays décroche la première place de l’Indice de compétitivité mondiale pour l’année 2010-2011. Le Sud-Ouest de l’Allemagne rejoindrait ce nouvel espace, ainsi que le Nord de l’Italie, et l’on tendrait la main en direction de Florence et d’Urbino. A l’Est, la Slovénie déjà polyglotte complèterait la fédération. Avec 70 millions d’habitants sur 450 000 kilomètres carrés, l’ensemble occuperait la quatrième place mondiale en termes de puissance économique – derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon.

Une fédération méditerrannéenne au sud de l'Europe

La création d’une union nordique et d’une fédération alpine aurait également le mérite d’accorder une seconde chance aux régions jugées sans espoir. Au lieu de les perfuser à coups de milliards, on remettrait à ces pays des notices leur permettant de construire le matériel de pêche avec lequel chacun pourra ramener son propre poisson à terre. Après les dépôts de bilan auxquels ils ne pourront pas échapper, le Portugal, l’Espagne, le Sud de l’Italie, les pays slaves riverains de l’Adriatique et la Grèce pourraient constituer une fédération méditerranéenne de plus de 100 millions d’habitants, qui ferait toujours recette grâce à l’énergie solaire, aux produits biologiques et aux charmes de sa culture. En associant Israël au projet, la fédération s’adjoindrait un partenaire militaire utile au vu de la proximité immédiate de l’arc islamique.

Les autres pays de la Baltique et la Pologne, associés à la Biélorussie et l’Ukraine – deux aspirants à l’entrée dans l’UE – forment un ensemble analogue en superficie au grand empire lituano-polonais qui fut partagé en 1795 entre Berlin, Vienne et Saint-Pétersbourg. Une nouvelle version de la Rzeczpospolita [la République des Deux nations qui entre 1569 et 1795 réunissait le royaume de Pologne et le Grand-Duché de Lituanie], forte de quelque 110 millions d’âmes, n’aurait plus peur d’une Russie dont la population vieillit d’ailleurs encore plus vite.
La France pourrait faire cavalier seul, ou bien, de conserve avec le reste de l’Allemagne, transformer cette Eurabie qui fait si peur en titre honorifique. Dans un pays comme dans l’autre, entre 20 et 25% des jeunes éprouveront des difficultés à se former et à recevoir une bonne instruction . Des super-crèches devront donc être créées pour remédier à ce problème dès le plus jeune âge. Si cette promesse de faire de tous les enfants des forts en math était honorée, l’axe Berlin-Paris entrerait dans l’Histoire.
Placé sous la bannière rouge-verte-rouge-verte fédérant marxistes, écologistes, socialistes et disciples du prophète, ce nouvel espace multiculturel high-tech deviendrait la lumière des peuples.
Il ne faut plus malmener ceux qui n’y croient pas, car ils ont presque toutes les options devant eux. L’Etat-nation devrait être toutefois la dernière des solutions. Ceux qui se trouvent encore sous son emprise sont essentiellement des exaltés de droite comme de gauche, les uns rêvant d’une puissance révolue, les autres de transferts financiers ad vitam æternam.

Crise de l'euro

Le schisme Nord-Sud

La crise de l’euro est également une crise entre l’Europe du Sud et l’Europe du Nord
, estime le Jyllands-Posten. Alors qu’en Grèce et en Espagne, les citoyens protestent contre l’absence de perspectives d’avenir, les Finlandais et les Allemands ont démontré lors des dernières élections qu’ils ne veulent plus payer pour les pays du Sud surendettés. C’est pourquoi, explique le quotidien danois "la crise de l’euro n’est plus juste une question de dette publique, mais elle révèle le schisme entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud – avec cette dernière dans le rôle du méchant".

La Grèce n’ayant pas été capable de respecter l’accord conclu avec l’Union européenne et le FMI sur la réduction de son déficit, il est difficile pour les gouvernements des pays du nord d’expliquer aux citoyens contribuables qu’ils doivent à la fois accepter des réductions budgétaires sévères et garantir des emprunts colossaus aux pays les plus endettés.
 C’est pourquoi la sortie de la Grèce de la zone euro, "même elle est officiellement politiquement inacceptable, pourraît être la solution la moins pire". 


Le commentaire politique de Christophe Barbier




lundi 30 mai 2011

L’axe franco-russe confirmé au G8

Le G8 a été un succès diplomatique pour la France et son président au travers notamment de l’axe Paris-Moscou.
Le sommet du G8 de Deauville, qui a été clôturé samedi, a été éminemment géopolitique. Par la voix de son président, toujours plus à l’aise sur les questions de politique internationale, la France a été confirmée dans son rôle de championne des révolutions démocratiques arabes. A cet égard, le fait que le président russe, Dmitri Medvedev, ait signé la déclaration finale du G8, affirmant que le dictateur libyen Mouammar Kadhafi a « perdu toute légitimité », n’est pas anodin. Il s’agit en fait d’un réel succès diplomatique. Car en envoyant des émissaires à Benghazi et à Tripoli et en renonçant à soutenir jusqu’au bout ses anciens alliés dictatoriaux du temps de la guerre froide, Moscou a donné des gages de bonne volonté. Surtout, la Russie pourrait jouer un rôle crucial dans l’abdication prochaine de Kadhafi, en négociant une sortie acceptable pour sa famille. De même qu’il avait convaincu Barack Obama – au départ réticent – d’intervenir en Libye, Nicolas Sarkozy a réussi à convaincre Medvedev de lâcher le colonel Kadhafi, son ancien allié stratégique, de plus en plus isolé. Et Moscou pourrait jouer un rôle crucial en Syrie ou ailleurs encore dans le contexte actuel de chaos révolutionnaire. Car des solutions de sorties de crises seront toujours plus difficiles sans l’accord de la Russie et la Chine. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a eu raison de déclarer, en marge du G8, que la Russie n’est pas une « menace » pour l’Occident, en dépit des discours parfois provocateurs de Vladimir Poutine, qui cultive en fait son électorat populaire. Car la Russie nouvelle est incarnée par Dmitri Medvedev, désireux de moderniser son pays et de construire un nouveau système de défense russo-occidental et un ordre multipolaire, conditions sine qua non pour enterrer définitivement la hache de la guerre froide. C’est pourquoi Paris appuie l’adhésion de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle Moscou est candidate depuis 1993. C’est également la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy a rappelé à Deauville que la Russie est « une ami, une alliée et une partenaire »… En défendant depuis le début de son quinquennat le rapprochement entre la Russie et l’Union européenne, le président français poursuit en fait une tradition diplomatique française multiséculaire. En dépit du retour de la France dans le commandement militaire de l’Otan, fustigé par les anti-atlantistes viscéraux, il a ainsi montré qu’il est plus fidèle qu’on ne le croit à la vison stratégique du général de Gaulle.

Pas de DSK à l’UMP !

Nul n’ignore, désormais, où se situe son talon d’Achille. Le fétichisme de l’homme Tron se porte sur le pied des femmes. Et alors ? Le tripotage de la voûte plantaire, entre adultes consentants, ne relève pas des tribunaux. Mais la main du maire de Draveil, à croire deux ex-collaboratrices, remontait beaucoup plus haut. Le badinage, ici, céderait le pas au harcèlement et bientôt à “l’agression sexuelle”. Les victimes se déclarent, la vague médiatique déferle. Une nouvelle affaire de mœurs secoue le paysage politique français. De New York District à l’Essonne, c’est la loi des séries…

De manière immédiate, bien que niant les faits, le secrétaire d’État se trouve discrédité. Hier après-midi, “afin de mieux se défendre”, il a fini par démissionner. François Fillon salue alors “son courage, son sens de l’intérêt général”. La formule polie du Premier ministre ne trompe personne. En vérité, aucun choix ne fut offert à Georges Tron. Pour le soutenir, le gouvernement n’a pas mis l’ardeur jadis déployée en faveur d’Éric Woerth ou de Michèle Alliot-Marie. Évoquant une “question d’éthique”, Alain Juppé l’invita ainsi très vite “à prendre ses responsabilités.”

En d’autres temps, le “masseur chinois” – son surnom à l’Assemblée – aurait pu bénéficier d’une légitime présomption d’innocence. Le scandale DSK, boulet de la gauche, ne le permet plus. À l’opinion publique, qui risque de voir des “pervers” partout, la droite donne des gages d’intransigeance.

Les parents et les « transparents »

Il n'est guère de semaine qui ne nous apporte une nouvelle technique de contrôle, de surveillance et de fichage au nom de la sécurité. J'ai ainsi découvert avec étonnement que mon appareil photo était équipé d'un GPS qui pourrait permettre de me suivre au gré de mes clichés. Aujourd'hui, presque toutes les entreprises de transport utilisent la géolocalisation. Et à terme, des puces électroniques placées sous la peau pourraient faire franchir une nouvelle étape dans le contrôle des individus. Déjà les nanotechnologies permettent d'envisager des dispositifs aussi gros qu'un grain de poussière, capables de voir, d'entendre et de communiquer à distance !

Quant à la vidéosurveillance en pleine explosion, nous en sommes, en France, à 600 000 caméras dont 45 000 publiques, loin, il est vrai, derrière la Grande-Bretagne dont les habitants sont filmés 300 fois par... jour. La tâche de surveillance par 4,5 millions de caméras est telle, que les particuliers sont invités à y participer moyennant prime, s'ils détectent des anomalies ou infractions.

Mais le plus inquiétant, c'est que cela paraît, aux yeux de beaucoup, et en particulier des jeunes nés dans cette culture, presque naturel et donc normal voire banal. Et pour trois raisons. Il y a, d'abord, le postulat selon lequel ce qui est commode est utile et donc bon. Ainsi du Pass Navigo, grâce auquel on entre dans le métro sans avoir à sortir sa carte, mais au prix d'un enregistrement du passage. Ainsi de la puce placée sous la peau, dans certaines boîtes de nuit, qui permet de consommer sans payer. Il suffit de passer l'avant-bras devant un lecteur.

Deuxième raison : l'axiome « Rien à se reprocher, rien à cacher », au nom duquel tout devient possible. Et enfin, ce qui inquiète le plus Alex Türk, le président de la Commission Informatique et libertés (1) : la perte du sens de la vie privée.

Dans la vie la plus ordinaire, conversations au portable infligées au voisinage dans les transports, avec les textes et images mis sur Facebook, Myspace ou Twitter. Un jeune sur cinq reconnaît s'être exhibé par « sextos », sur le Net ou par téléphone portable. 80 % des élèves de CM1 - CM2, soit 10-11 ans, sont usagers réguliers de Facebook.

Jean-Marc Manach, journaliste spécialisé dans les technologies de l'information et auteur de La vie privée, un problème de vieux cons ?, trace une ligne de partage entre les parents nés avant 1980 et les « transparents », les moins de 20 ans.

Comment expliquer les différences de perception ? D'abord par le fait qu'aujourd'hui, la vie intérieure et le retour sur soi ne sont guère encouragés ; l'extérieur et les séductions de l'apparence sont privilégiés. De surcroît, la vie privée est désormais tenue pour une vie sans contrôle - sous-entendu des parents et enseignants -, en sorte que l'espace public de Facebook apparaît plus « privé » que tout le reste, au prétexte qu'on peut s'y défouler. À ceci près, que les jeunes oublient, comme l'a souligné Bill Thompson, qu'« ils partagent plus de données, avec plus de gens, que le FBI de Hoover ou la Stasi, n'auraient jamais pu en rêver ».

Pour limiter la fracture entre la génération des parents et celle des « transparents », Alex Türk préconise une « instruction civico-numérique ». On ne peut que l'approuver.

(1) La vie privée en péril. Des citoyens sous contrôle, Odile Jacob, 2011.

Le remplacement de Lagarde à Bercy pourrait virer au casse-tête

La question se posera si la ministre part au FMI. La durée limitée de la mission pourrait freiner certaines ambitions.

Ils devront patienter jusqu'à la fin du mois de juin. Ce n'est en effet qu'à cette date que l'on connaîtra le nom du successeur de Dominique Strauss-Kahn à la direction générale du FMI. Si Christine Lagarde devait être élue, elle quitterait alors ses fonctions de ministre de l'Économie pour rejoindre Washington.
« En attendant, elle fait consciencieusement son job à Bercy. Pour préparer sa candidature à Washington, elle fait des heures supplémentaires », explique son entourage. Et si elle ne l'emportait pas ? « Elle serait ravie de poursuivre son travail à Bercy », indique diplomatiquement cette même source.
Toutefois, compte tenu des chances importantes de succès de Christine Lagarde de décrocher la direction générale du FMI, les prétendants à Bercy doivent commencer à faire valoir leurs arguments en coulisses s'ils veulent avoir une chance de briguer l'un des postes les plus prestigieux du gouvernement.
Distillés avec soin par l'Élysée, qui tranchera, des noms, des profils de candidats parfaits, alimentent les rumeurs. Au gouvernement, elles bruissent fortement. François Baroin ferait figure de grand favori. Si le ministre du Budget devait être choisi, il en serait fini de la structure bicéphale mise en place depuis 2007, qui séparait les finances publiques et leurs dossiers techniques (budget, fiscalité...) de l'Économie au sens productif du terme (industrie, commerce extérieur, PME...). Les noms de Valérie Pécresse, la ministre de la Recherche et de Bruno Le Maire, le ministre de l'Agriculture sont aussi cités. Reste à savoir si ces transferts au sein du gouvernement ne seraient pas plus déstabilisants qu'autre chose. À un an des élections présidentielles, la question mérite d'être posée.
La nomination d'une personnalité issue de la société civile est également envisageable. Cité quasiment lors des sept remaniements qui ont émaillée l'actualité politique depuis 2007, le nom d'Anne Lauvergeon peut encore apparaître. Mais cette éventualité se heurte au fait qu'elle mène une campagne active pour rester à la tête d'Areva, ainsi qu'à la durée limitée de cette mission à Bercy (jusqu'à la présidentielle). Cette faible durée pourrait d'ailleurs rebuter d'autres candidats.
Des experts réputés
La solution parlementaire pourrait être la solution la plus confortable. Le Parlement compte en effet un certain nombre d'experts réputés qui pourraient assurer l'intérim jusqu'aux prochaines échéances électorales, parmi lesquels Hervé Mariton. Il fut ministre des Dom Tom de mars à juin 2007 lorsqu'il remplaça François Baroin nommé ministre de l'Intérieur en remplacement de Nicolas Sarkozy parti faire campagne pour les élections présidentielles.

Martine Aubry peut voir la vie en rose

Début avril, le PS avait déjà affiché son unité lors d'un conseil national approuvant le projet socialiste. DSK était alors absent sur la photo à cause de ses responsabilités au FMI. Hier, lors de la validation définitive, et tout aussi unanime du document pour la présidentielle 2012, l'ex-homme providentiel - hors jeu depuis sa résidence à 35 000 dollars/mois - était encore présent dans les esprits. Mais pas au point de gâcher la liesse de ses camarades. Cette journée euphorique parachève une séquence parfaite pour Martine Aubry. En faisant approuver un programme partagé par tous (à défaut d'être vraiment innovant), elle clôt de belle manière ses deux ans et demi à la tête du Parti socialiste. Arrivée au pouvoir de la pire des façons après le congrès de Reims - déjà plus par « devoir » que par « désir » - la maire de Lille a réussi à redonner une identité collective minimale à une formation qui s'était réduite, pendant la décennie où François Hollande occupait son poste, à une simple addition d'ambitions personnelles. Dans ce contexte, sa référence au François Mitterrand de 1981 n'est pas totalement infondée. Jusqu'au 28 juin, date du lancement des primaires (et des luttes qui pourraient être du même niveau…), Martine Aubry peut peaufiner sa nouvelle stature d'« Angela Merkel à la française ». Pas forcément le plus mauvais profil pour affronter ses adversaires au sein du PS puis, peut-être, un Nicolas Sarkozy relancé et qui a d'autres raisons de voir, lui aussi, la vie en rose.

Vie publique, vie privée

Il n’était que 27 e dans le rang protocolaire du gouvernement. Pas un poids lourd assurément puisque pour prix de sa désertion du camp Villepin, il n’avait obtenu, en mars 2010, qu’un strapontin, et pas le plus glamour ni le plus enviable.

D’ordinaire, reconnaissons-le, le destin d’un modeste secrétaire d’État à la Fonction publique n’empêche pas la nation de dormir. Celui-là s’écrivait «en deuxième division!» raillent volontiers, et fort aimablement ses anciens collègues pour minimiser la portée du congédiement.

Mais la «démission» de Georges Tron a bien plus de poids que le portefeuille qu’il détenait. Elle s’est même déjà installée dans le top 5 des scandales. Ceux dont on se rappelle longtemps après quand l’actualité a fini par tout recouvrir du limon de l’histoire immédiate.

Il y a bien sûr le fond de décor - celui, inédit, de l’affaire Strauss-Kahn - et puis il y a cette extravagante histoire de fétichisme des pieds et de réflexologie plantaire débridée qui aurait dégénéré. Un scénario tellement invraisemblable qu’on n’aurait jamais imaginé l’inventer.

Franchement cette sixième démission d’un ministre en exercice en un an pourrait faire rire si aucune victime ne prétendait avoir souffert des assauts du démissionnaire. Elle fait tout de même désordre car elle crée un vrai malaise dans une société qui vit mal le déficit d’exemplarité de ses élites politiques, exaspérée qu’elle est par le faites-ce-que-je-dis-pas-ce-que-je-fais.

La République irréprochable promise aux Français en 2007 tord son béret entre honte et indignité devant ses propres manquements. A ce rythme, dans quel état arrivera la crédibilité du personnel politique quand s’élancera la campagne ?

On en tremble d’avance, car le feuilleton Strauss-Kahn a, comme il fallait s’y attendre, ouvert la boîte de Pandore.

Il y a fort à parier désormais que d’autres épisodes de ce genre, restés bien enfouis pendant des années, vont maintenant remonter à la surface, délivrés par une parole libérée.

Les affaires Tron et DSK ont ceci de commun que l’une et l’autre ne sont pas des histoires de sexe mais de harcèlement et d’agression.

Pas des histoires de bagatelles clandestines sur lesquelles la presse doit fermer les yeux si elles restent dans le cadre légal, mais de vrais crimes sévèrement punis par la loi. Pas de pudibonderie mais de respect de la personne humaine totalement bafoué par la désinvolture des puissants. On y retrouve, dans la voix de l’accusation, le même abus de pouvoir de celui qui détient l’autorité et le prestige. On y retrouve aussi la même passivité des partis, au courant de comportements limite, et même plus que limite. Ils ont laissé faire par commodité, par indifférence au nom d’un droit à la vie privée qui n’était que le paravent d’une coupable irresponsabilité.

dimanche 29 mai 2011

Au radar

Il y avait bien l’affaire Tron, effet boomerang de l’affaire DSK. La baisse du chômage. La crise européenne qui dure. L’avancée de la coalition en Libye. Mais on a peine à le croire: le sujet principal dans les couloirs de la convention UMP, c’est l’affaire des radars.
Les parlementaires sont assaillis de courriers. Des électeurs déçus menacent de ne plus voter pour eux. Ils font pression contre l’enlèvement des panneaux de signalisation des radars fixes. Et pour la limitation de leur nombre. La bagarre est relayée par le nouveau lobby des routes départementales, la Droite populaire - celle dont certains membres assimilent homosexuels et animaux…

À un an des élections, le gouvernement a choisi de manière courageuse - intrépide? - d’accélérer le combat contre la mort au volant. Des pandores seront à tous les coins de rue pour traquer le chauffard. On parle, ce qui est plus critiquable, de limiter les réseaux communautaires d’alerte. Tout cela s’est décidé de manière technocratique, après avoir laissé entendre que les mesures précédentes (permis à points) seraient desserrées. La répression mise en avant accroît l’impression de surflicage de la vie privée et d’une police de moins en moins de proximité.

Ah, le beau temps où un président de la République roulait en Porsche et demandait qu’on "arrête d’emmerder les Français avec leurs bagnoles" (Pompidou). Aujourd’hui, la France ne fait que rattraper son retard pour limiter la vitesse et réprimer la consommation d’alcool des conducteurs. Elle avait toléré pendant des années des comportements meurtriers au nom des vertus du vin national et de la voiture reine. Après quelques couacs dans son gouvernement, le Premier ministre a maintenu le cap. Tant mieux. Quand les gouvernants prennent des mesures antidémagogiques, ils méritent d’être soutenus. La politique ne peut se conduire au radar

Invisibles

Elles sont cinq familles en France, entre l’Yonne et l’Ariège, qui ne touchent plus d’allocations familiales. Peu s’en soucient, dans le bruit des actualités que l’on sait. On ignore qui elles sont, on devine simplement le manque financier qui doit s’ajouter à tant de détresse.
On sait juste que ces familles sont coupables des absences scolaires de leurs enfants. On connaît aussi l’auteur de leur disgrâce : Éric Ciotti, député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui a réintroduit dans notre droit cette punition financière. Une loi efficace, jure-t-on en haut lieu, qui aurait ramené 7.000 enfants à l’école, par peur, et tant pis pour ces cinq familles – 20 personnes, 30 ? – chassées de la bénévolence nationale.

Éric Ciotti est un personnage de notre République, qui fait du bruit à la droite de la droite, et réalise le rêve de tous les politiques : changer la vie. Éric Ciotti n’est pas un réformateur social, qui rendra notre société un peu moins insupportable ; mais il change la vie des faibles, qu’il pourchasse et stigmatise avec une constance remarquée. L’été dernier, il proposait, dans ce journal, d’envoyer en prison les parents des jeunes délinquants. Ce joli mois de mai, il vient de lancer une « brigade antifraudeurs », financée par son conseil général, qui traquera ceux qui abuseraient du RSA.

Un département, en charge de l’aide sociale, qui se proclame policier et y consacre 16 fonctionnaires : véhémente gabegie ! Le soubassement idéologique et l’effet de propagande – les chômeurs sont des tricheurs en puissance – ne sont pas inédits ; Patrick Buisson et Laurent Wauquiez les avaient installés, mais avec moins de sens pratique. Les incorruptibles de Ciotti feront rendre gorge aux miséreux, c’est plus commode que de taxer les fortunes. Ainsi s’installe une République brutale au prétexte de l’équité, où les mêmes paient toujours et encore. Victimes absolues, cibles anonymes qui n’existent que pour être blessées.

Dans l’horreur de l’affaire DSK, on redécouvre – l’avait-on oublié ? – l’abîme social qui sépare un gouvernant du monde d’une immigrée africaine à New York. Certains en tirent des leçons de morale faciles et odieuses. Ce n’est pas la richesse d’Anne Sinclair qui devrait intriguer, qu’elle n’a volée à personne, et qui n’a jamais influé sur les positions publiques de l’homme de gauche Strauss-Kahn. Mais il est bon de se rappeler ce qu’est l’existence des oubliés de l’actualité, que réveillent les seules tragédies.

La vie des peuples invisibles, là-bas, et ici aussi. Immigrés de nos chambres d’hôtel ; femmes brutalisées que les bruits médiatiques, entre DSK et Tron, renvoient à ce malheur qu’elles n’osent exprimer ; naufragés de la vie, éperdus de chômage et qui ne tiennent plus leurs gosses, et que tous les Ciotti du monde ne rateront pas. Invisibles de tous les pays, pardonnez-nous.

Zapatero a un héritier contre son gré

"Voie libre pour Rubalcaba", annonce La Vanguardia. Le ministre de l'Intérieur sera le candidat à la succession du Premier ministre José Luís Rodríguez Zapatero, qui ne se représentera pas en 2012. Sa principale rivale, la ministre de la Défense Carmen Chacón "très blessée, jette l'éponge" et ne se présentera pas aux élections primaires du Parti socialiste (PSOE), alors qu'elle était soutenue par Zapatero, explique le quotidien. Après une semaine de crise au sein du PSOE, provoquée par la lourde défaite aux élections locales du 22 mai, Chacón est "la dernière victime politique" de Zapatero, estime José Antich, le directeur de La Vanguardia. Le premier ministre "risquait une épitaphe politique de dimensions colossales : son parti fracturé et une démission forcée de son poste de secrétaire général". Un prix trop élevé, "même pour un politicien qui a demontré avoir plus de vies qu'un chat". Alfredo Pérez Rubalcaba est désormais "le seul filet de sauvetage des socialistes" face à l'opposition conservatrice, conclut le journal.

Après Mladić, une chance à saisir

En arrêtant le responsable du massacre de Srebrenica et du siège de Sarajevo, les autorités de Belgrade tournent une page sombre de l'histoire de leur pays. Mais elle ne doivent pas gâcher l'occasion de normaliser sa situation, prévient un éditorialiste serbe. 

Les services de sécurité serbes ont arrêté Ratko Mladić dans la maison de son cousin, à Lazarevo, un village près de Zrenjanin, dans le nord de la Serbie. Plus exactement, ils ont arrêté un citoyen qui se présentait comme Milorad Komadic, ce qui n’est pas sans rappeler l’arrestation en 2008 d’un certain Dragan Dabić, plus connu sous le nom de Radovan Karadžić.
La Serbie a ainsi tourné une page importante de son histoire en se dégageant – bien que lentement – de son passé guerrier. Un passé qui n’a plus d’héritiers politiques légaux, mais qui a fait de nombreuses victimes et engendré bon nombre de bourreaux. La Serbie a aussi soldé ses comptes avec la justice internationale.
Tandis que ce feuilleton macabre arrive à son terme, de nombreuses questions restent sans réponse. Pourquoi toute cette histoire a-t-elle duré si longtemps ? Pourquoi Mladić n’est-il pas depuis plusieurs années déjà à La Haye ? Pourquoi les gouvernements précédents n’ont-ils pu l’arrêter, pourquoi la “traque”, si tant est qu’il y en ait eu une, avait-elle toujours deux ou trois jours de retard par rapport au fugitif ? Qui, au sommet de l’Etat, notamment dans l’armée, aidait Mladic pendant toutes ces années ? Les responsables seront-ils poursuivis ? Les institutions de l’Etat, certaines, du moins, savaient-elles où se cachait Mladic et ne se livraient-elles pas à des calculs et à des marchandages inavouables ?
On peut se demander aussi si, pendant le mandat des gouvernements précédents, surtout celui de Vojislav Kostunica, il existait une véritable volonté d’arrêter Mladić et de l’envoyer à la prison du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye. Et si l’absence de volonté politique dans ce sens ne représentait pas une violation grave de la loi passable de poursuites judiciaires.

Mladić n'est pas le seul problème de la Serbie

Ce sont des questions légitimes et importantes, auxquelles le pouvoir actuel doit donner des réponses crédibles. Toutefois, ce qui importe aujourd’hui, c’est l’acte qui a permis de mettre fin à cette longue traque, l’acte qui donne une grande occasion à la Serbie de sortir d’un cercle vicieux. Il serait trop facile de croire que Mladić et Hadžić [le dernier fugitif, accusé lui aussi de crimes de guerre] constituent le seul et le plus grave problème de la Serbie sur le chemin qui mène aux institutions euro-atlantiques.
Mais, sans la résolution de ce problème, il ne pouvait y avoir de progrès substantiel, d’autant plus que la politique du gouvernement concernant le Kosovo se trouve de nouveau dans l’impasse, et en contradiction avec sa volonté de rejoindre l’Union européenne.
Quoi qu’il en soit, la nature de l’homme fait que les erreurs du passé s’effacent des mémoires devant les réussites d’aujourd’hui. En mettant fin à la cavale de Mladić, le président Boris Tadić et sa coalition politique [conduite par le Parti démocrate] ont prouvé leur détermination à tourner la page de la manière le plus éclatante possible. Cette arrestation est un aussi un coup porté à la droite nationaliste, qui va certainement donner de la voix : quelques manifestations auront lieu.
Mais cela s’arrêtera sûrement là, car la Serbie n’a plus de forces politiques capables de rassembler des foules autour d’un “héros serbe” comme Mladić. Rappelons-nous que Karadzic a été arrêté la veille de la scission du Parti radical serbe (ultranationaliste), qui a donné naissance à une nouvelle formation nationaliste, le Parti serbe du progrès. Celui-ci flirte désormais avec des idées proeuropéennes, certes de façon contradictoire et brouillée, mais qui excluent une confrontation avec la justice internationale.

Pas de sortie du cauchemar sans solution au Kosovo

L’arrestation de Mladić va aussi renforcer la position de la Serbie dans la région, car l’incapacité du pays – ou son manque de la volonté – à respecter ses engagements à l’égard de la justice internationale était son talon d’Achille, et pour les pays voisins le prétexte idéal pour ne pas respecter les leurs.
Aujourd’hui cette histoire est finie, la Serbie est presque définitivement sortie des années 1990. Je dis presque, car il ne peut y avoir de sortie définitive de ce cauchemar sans une solution durable au problème du Kosovo. S’il renonçait à faire sortir définitivement la Serbie de l’ornière, le pouvoir actuel aurait raté une occasion historique. Encore une fois, sa chance est là.

samedi 28 mai 2011

DSK : pourquoi ils n'ont rien dit

Ceux qui savent ne parlent pas. Ceux qui parlent ne sont pas entendus. Connivence ? Autocensure ? Légitime respect de la vie privée et de la loi ? Le «cas DSK» pose la question de l'omerta à la française.
Quinze jours après l'annonce de l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn par la police de New York, la stupéfaction a laissé place à la polémique. Pour la grande majorité des Français, c'est une certitude: journalistes et politiques savaient et n'ont rien dit. Ils ne pouvaient ignorer les pulsions de DSK mais, comme d'habitude, ont refusé d'en parler dans leurs médias, dans le seul but de le protéger. La réalité est évidemment plus complexe.
Cette censure volontaire de la presse n'est pas uniquement liée à une volonté de protéger les puissants. Elle est dictée par la nécessité de respecter la loi. L'article 9 du Code civil est souvent brandi pour empêcher la parution d'articles ou de livres dévoilant des secrets intimes: «Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.» De quoi faire réfléchir plus d'un directeur de rédaction ou d'un éditeur avant de faire tourner les rotatives.
Ainsi, pour Dominique Strauss-Kahn, les rédactions n'ont-elles pas souhaité franchir le pas. Si le journaliste Jean Quatremer a publié sur son blog un article où il explique que «le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement», c'est parce que son journal, Libération, n'a pas voulu le faire, «au nom de la loi sur la protection de la vie privée», explique Laurent Joffrin, son directeur à l'époque. Quand Le Nouvel Observateur veut raconter en 1998 l'histoire du passage de DSK à une soirée particulière dans un club échangiste de la capitale, l'hebdomadaire prend bien soin de ne pas publier de nom. Mais procède par allusions : «Ce soir, il y a un plus: le ministre doit venir. Un vrai ministre. (...) soudain il arrive. C'est bien lui. Un léger frémissement parcourt les troupes. Deux femmes l'accompagnent, jeunes, grandes et minces. "Il fait plus gros qu'à la télé, tu trouves pas?" Son sourire est presque électoral. Il entre dans le salon, serre quelques mains, l'habitude sans doute. Une blonde d'une cinquantaine d'années le salue par son prénom. Il fait semblant de la reconnaître puis, sans plus s'attarder aux mondanités, s'engouffre dans la pièce du fond, traînant derrière lui ses deux compagnes, dont une qu'il commence à lutiner chaudement, dès le couloir. (...) "Tu crois qu'il peut vraiment devenir président?" murmure une des spectatrices à sa voisine.» Le Tout-Paris politique et médiatique comprend immédiatement. Le lecteur, c'est moins sûr.
Bien sûr, les couloirs des journaux bruissaient des rumeurs d'infidélité chronique qui couraient sur le compte de DSK. Bien sûr, les journalistes qui côtoyaient les services de police revenaient régulièrement avec des «tuyaux» un peu particuliers. DSK aurait été surpris par une patrouille en mauvaise posture un soir dans un endroit fréquenté par des prostituées. Rien d'illégal, même s'il s'agit d'un comportement peu compatible avec celui que les Français peuvent attendre d'un prétendant à l'Elysée. Mais comment vérifier une telle information? Comment être sûr qu'il ne s'agit pas d'une manipulation politique ? Officiellement, personne n'est au courant d'une telle histoire. Impossible d'avoir une confirmation de l'événement.
Jusqu'à son arrestation à New York, DSK a toujours su ou pu éviter le grand déballage. Grâce à ses communicants bien sûr, mais aussi à son réseau et ses amis. Il suffit de voir comment BHL, Jean-François Kahn et les autres se sont immédiatement mobilisés, cette semaine, pour le défendre, négligeant la victime présumée, une simple femme de ménage.
Dans leur ensemble, les médias français refusent de s'engager dans la voie des tabloïds anglo-saxons pour lesquels la vie privée peut s'afficher en une. Au fond, même les journaux people de France n'ont pas cherché à enquêter sur la vie secrète des hommes politiques en général et de DSK en particulier. Tout le monde s'en tient à la ligne rappelée la semaine dernière par Le Canard enchaîné : «DSK courait les jupons et les boîtes échangistes. La belle affaire! C'est sa vie privée et elle n'en fait pas un violeur en puissance. Pour Le Canard, l'information s'arrête toujours à la porte de la chambre à coucher.»
L'affaire Tristane Banon aurait certes dû alerter davantage. Quand ce jeune écrivain a raconté l'agression dont elle assure avoir été la victime, peu de journaux ont relayé son histoire. Elle l'a racontée dans l'émission de Thierry Ardisson sur Paris Première en présence de journalistes politiques, mais au fond, elle-même ne souhaitant pas porter plainte contre DSK, comment embrayer sur ses attaques? D'autant qu'en face, les équipes de Strauss-Kahn ont su habilement déminer l'affaire. Grâce à ses communicants, DSK réussit à passer entre les gouttes.
«On est resté sur l'idée que ce n'était pas une pathologie et que le comportement de DSK correspondait à l'image d'Epinal de l'homme politique, le séducteur», analyse un spécialiste en communication. Anne Sinclair, l'épouse de DSK, a elle-même mis fin aux débats en répondant à L'Express, qui lui demandait en 2006 si elle ne souffrait pas de la réputation de séducteur de son mari: «Non, j'en suis plutôt fière! C'est important de séduire, pour un homme politique. (...) Je suis un peu blindée sur le pouvoir de la rumeur.»
Une rumeur qui ne l'a pas épargnée. Comment celle qui a été au cœur de la vie politico-médiatique pendant plus de vingt ans pouvait-elle ignorer ce qui se disait ou s'écrivait sur DSK? En 2000 sort le livre de deux journalistes, Vincent Giret et Véronique Le Billon, Les Vies cachées de DSK. Les auteurs racontent dans un chapitre qu'«un soir de septembre 1992, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur, et Martine Aubry, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, sont les invités d'honneur d'une réception donnée par l'ambassadeur de France à Tokyo. (...) Ces deux-là s'adorent. (...) Ils distillent un même humour vachard, se relaient sans temps mort dans les karaokés de la capitale nippone jusqu'aux premières lueurs du jour et rejettent avec le même dédain l'esprit de sérieux de leurs aînés. Ils savourent la douce insouciance de ceux qui savent que l'avenir leur appartient. De cette folle équipée naît une rumeur colportée dans toutes les salles de rédaction: Martine et Dominique filent le parfait amour...»
DSK se situe dans la lignée des grands hommes politiques français qui arborent leurs conquêtes féminines comme les généraux leurs médailles. Après tout, pour ne parler que des présidents de la Ve République, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac n'ont-ils pas aussi une réputation de grands séducteurs? Bernadette Chirac a expliqué dans son livre Conversation, paru en 2001, à propos de son mari, qu'«il avait un succès formidable. Bel homme, et puis enjôleur, très gai. Alors les filles, ça galopait (...). Mon père m'avait dit: "Vous êtes son point fixe." La suite lui a donné raison. Mon mari est toujours revenu au point fixe.»
Et François Mitterrand? L'homme qui a collectionné les conquêtes et réussi à cacher pendant des années l'existence de sa seconde famille. Cette histoire est emblématique du fonctionnement des médias. Tant que c'est l'extrême droite et sa presse, comme Minute, qui évoque ces sujets, aucune reprise n'est tolérée. Ce système a de nouveau fonctionné quand Marine Le Pen a mis en cause le comportement de Frédéric Mitterrand pendant ses voyages en Thaïlande. Au lieu de s'intéresser aux faits, la plupart des commentateurs se sont insurgés contre les attaques de l'extrême droite et ont sommé les politiques comme les médias de ne pas les suivre.
Concernant François Mitterrand, les journalistes se sont retranchés derrière ce prétexte de la vie privée pour justifier leur refus de publier des informations sur l'existence de sa fille Mazarine. Occultant totalement le fait que le Président utilisait allègrement les moyens de l'Etat, donc l'argent des contribuables, pour loger sa seconde famille. Et qu'il a été jusqu'à mettre sur écoute téléphonique des journalistes, notamment Edwy Plenel, alors au Monde, voire des artistes comme Carole Bouquet, totalement étrangère à cette histoire...
Seul moyen de contourner l'obstacle, le roman. Françoise Giroud publie en 1983 Le Bon Plaisir, où elle raconte l'histoire d'un président amené à cacher sa double vie à la presse. Toute ressemblance avec des personnages existants est-elle fortuite? La maison d'édition, Mazarine, est-elle une clé de l'énigme? Difficile d'imaginer que Françoise Giroud, très introduite dans les cercles du pouvoir, ignorait totalement la situation de Mitterrand. Sa biographe, Laure Adler, assure que ce roman n'est pas inspiré de la vie du Président mais raconte une histoire similaire vécue par un dirigeant socialiste encore en activité. Mais son nom ne sera pas dévoilé. Au nom du respect de la vie privée...
Faute de pouvoir donner les informations, on s'en remet alors aux humoristes. Des «Guignols de l'info» à Nicolas Canteloup, de Laurent Gerra à Stéphane Guillon, ceux-ci s'en donnent à cœur joie. Puisant leur inspiration au cœur même des salles de rédaction, à l'affût de tout ce que peuvent leur raconter les journalistes. Ils sont d'autant plus drôles que tout le monde devine que sous leurs exagérations perce un morceau de la vérité. Le 28 mars, Nicolas Canteloup-DSK explique qu'«au FMI, on (lui) a donné une mission en trois points: sauver le monde, aider les pays émergents et repeupler la planète en fécondant les femmes. C'est comme ça, je n'y peux rien, c'est ma mission». Eclats de rire dans le studio de la rue François-Ier. A RTL, Laurent Gerra n'est pas en reste. Le 26 avril, l'humoriste met en scène le directeur du FMI le jour de Pâques. «J'ai beau être directeur du FMI, je suis un homme comme tout le monde. Le week-end de Pâques, je m'emmerde car le FMI est fermé et les secrétaires aussi. Alors j'attends mardi, la réouverture des bureaux, car il y a des stagiaires, des interprètes à talons...» Là encore, les rires éclatent dans le studio de la rue Bayard.
Les humoristes à la place des éditorialistes? En février 2009, Stéphane Guillon n'hésitait pas à endosser ce rôle, quand il officiait sur France Inter le matin. Juste avant l'arrivée de DSK, invité de la matinale, au lendemain des révélations sur l'affaire Piroska Nagy, l'humoriste écrit un billet qui fera date: «Dans quelques minutes, Dominique Strauss-Kahn va pé-né-trer (silence) dans ce studio. Evidemment, des mesures exceptionnelles de sécurité ont été prises au sein de la rédaction. Pardon, sein est un mot que je n'ai pas le droit de prononcer aujourd'hui pour ne pas réveiller la bête. Cinq seuils d'alerte sont prévus dans cette matinale. Le dernier étant l'évacuation pure et simple du personnel féminin d'Inter vers d'autres étages...» DSK est en route vers la station quand il entend la chronique. Son premier réflexe est de faire demi-tour et d'annuler sa participation. Finalement, le directeur général du FMI se rend à la radio mais commence par cette déclaration : «J'ai assez peu apprécié les commentaires de votre humoriste. Les responsables politiques comme moi ont le droit, même le devoir, sans doute, d'être critiqués par les humoristes. Mais l'humour, c'est pas drôle quand c'est principalement de la méchanceté.»
«S'irriter d'un reproche, c'est reconnaître qu'on l'a mérité», écrit Tacite dans les Annales. Est-ce pour cette raison que la réaction de DSK est aussi virulente? En tout cas, il ne se contente pas de cette remarque et décide de ne plus répondre aux invitations de la station publique. Même quand les journalistes lui proposeront de l'inviter les jours où Stéphane Guillon n'officie pas à l'antenne. Refus catégorique. Pas question de revenir tant qu'il sera employé par la radio.
Cette stratégie du boycott est un moyen de pression relativement classique pour contraindre les médias à éviter les sujets qui fâchent. Quand L'Express a publié la lettre de Piroska Nagy, son directeur, Christophe Barbier, a dû affronter la colère des communicants de DSK. Pressions sur les actionnaires, pressions par l'intermédiaire de la publicité, toutes les armes sont utilisées par les politiques pour contraindre un média à être plus compréhensif. Le contact direct est aussi efficace. Avant d'accéder à l'Elysée, quand Nicolas Sarkozy rencontrait un jeune journaliste, il ne manquait pas de lui dire sur un ton parfaitement courtois qu'il connaissait très bien son directeur de la rédaction, voire son actionnaire. Mais il n'était pas le seul à user de cet artifice pour impressionner les journalistes.
Lors de son dernier passage à Paris, dans le but de préparer sa prochaine candidature à l'Elysée, DSK a déjeuné avec les rédactions de trois journaux: Libération, Le Nouvel Observateur et Marianne. Son objectif était clair, ainsi que Denis Jeambar l'a raconté dans Marianne la semaine dernière: DSK «dit que Mariannen'a pas d'autre choix que de le soutenir dans ce combat. Il se découvre peu soucieux à cet instant précis de l'indépendance des journaux, pas du tout menaçant, mais pressant. Il est clair que son propos est délibéré et pas du tout improvisé. (...) Si la requête est choquante, elle a le mérite d'être claire et de montrer la conception qu'a Dominique Strauss-Kahn de la presse: c'est un rapport de soumission qu'il sollicite, un engagement militant.» En fin de compte, DSK demande à ces journaux de ne pas entrer dans les polémiques que pourrait lancer la droite pendant la campagne présidentielle, même si elles pouvaient être fondées sur des vérités, au nom de leur volonté commune de se débarrasser de Nicolas Sarkozy !
Et, pour les convaincre d'adhérer à sa stratégie, DSK leur révèle, à en croire les propos off qui lui sont attribués, qu'effectivement il en a «sans doute fait un peu trop dans le passé» avec les femmes. Mais qu'au fond, ce n'est plus le sujet. Comme le confirme un dirigeant d'Euro RSCG: «Les études montraient que les Français savaient. Il n'y avait pas tromperie sur la marchandise puisqu'on n'a jamais cherché à montrer DSK comme un homme vertueux.» Les amis politiques de DSK brossaient le portrait d'un séducteur certes compulsif, mais jamais violent. L'un d'eux assurait même récemment qu'il s'était «calmé» depuis l'affaire Piroska Nagy. «La vraie question, pour un spécialiste en communication, est de savoir pourquoi personne ne lui a conseillé de se soigner si ces pulsions atteignaient de telles proportions.» «Cette page est tournée», assurait DSK. Comment, dès lors qu'il ferme lui-même la porte, entrer dans sa part d'ombre sans le froisser?
A André Rousselet, qui estimait connaître 30 % de la vie de François Mitterrand, l'ancien Président répondit: «30%, c'est beaucoup!» Pour un ami du couple, Anne Sinclair ne connaissait «que 40% de ce que faisait DSK».

La personne : une imprenable citadelle


Prisonniers oubliés dans des geôles qui sont soit d'un autre temps, soit ultramodernes et qui, trop souvent, dans les deux cas, ne respectent pas la dignité de la personne. Disparus, faussement recherchés, parfois par ceux-là même qui les ont éliminés.

Individus arrêtés qui ne savent même pas ce qui leur est reproché et qui croupissent dans des culs-de-basse-fosse en attendant des mois, des années que leur procès ait lieu et qu'ils puissent enfin se défendre.

Torturés, massacrés, parce qu'ils sont d'une autre ethnie, d'un autre parti.

On pourrait ainsi poursuivre la litanie des malheurs infligés à l'homme par l'homme et cela malgré la déclaration des droits de l'homme ratifiée par presque tous les gouvernants du monde. Comme il est vaste, l'écart entre les droits proclamés et les faits, les tristes faits vécus...

« Les prisonniers oubliés », c'était le titre de l'article qu'un avocat britannique, Peter Benenson, publiait, le 28 mai 1961, dans le journal The Observer. L'auteur y demandait l'amnistie (suppression d'une peine pénale) pour deux étudiants portugais emprisonnés sous la dictature de Salazar, pour avoir porté un toast à la liberté. Ce jour-là, la célèbre organisation Amnesty International était née. C'était il y a cinquante ans. C'est cet anniversaire qui est fêté aujourd'hui par les quelque trois millions de sympathisants et d'adhérents, qui militent dans plus de 150 pays.

Amnesty International, qui s'est vu décerner le Prix Nobel de la Paix en 1977, a rendu quelque 20 000 rapports et mené plus de 3 000 missions. Protestations, campagnes publiques de soutien, manifestations, lettres aux autorités font partie de l'arsenal de l'association, mais la médiatisation n'est pas toujours la meilleure méthode, car elle peut accroître le péril pour les personnes concernées.

Le champ d'actionreste immense

Aussi, Amnesty International recourt également à la médiation, aux négociations diplomatiques. Le résultat est, globalement, que de nombreux prisonniers d'opinion ont été libérés grâce à ses actions. Rappelons-nous Sakharov, le dissident soviétique, ou Rigoberta Menchu, porte-parole des Indiens du Guatemala. Aujourd'hui, ce sont les 172 prisonniers restant à Guantanamo, ce sont les prisonniers politiques en Syrie, en Libye ou les massacrés de Côte d'Ivoire sur lesquels se porte l'attention.

Le champ d'action reste immense : l'abolition de la peine de mort dans le monde entier, la défense de la liberté d'expression, l'exigence de réparations pour les victimes, l'obligation de rendre des comptes pour les gouvernants qui commettent des exactions, etc.

Aujourd'hui, Amnesty International rassemble, en France, plus de 400 groupes et antennes qui militent aux quatre coins du pays pour faire avancer les campagnes menées au national ou à l'international.

La mondialisation, qui crée tant de problèmes, appelle aussi cette mondialisation des intelligences et des coeurs. Amnesty International fut parmi les premières organisations à savoir rassembler ces bonnes volontés, ces lucidités, ces courages qui permettent à l'indignation, non seulement de s'exprimer, mais aussi de rétablir cette dignité qui fait de chaque personne une « imprenable citadelle ».
François Régis Hutin

Imposer la liberté

Les transitions démocratiques ne sont jamais simples, l'Irak, l'Iran, l'Afrique en sont les témoins sanglants. Dans les pays arabes, sans croissance et sans classes moyennes, l'aide des Occidentaux est indispensable pour faire triompher l'émancipation des peuples et la justice sociale. En quittant l'incantation pour proposer la construction de nouveaux équilibres, les chefs d'État ont, à Deauville, écarté les principales menaces qui pèsent sur les jeunes démocraties. Ils ont aussi envoyé un message clair de soutien à ceux qui luttent en Syrie, en Libye et au Yémen. Les escarmouches diplomatiques et la raideur des relations franco-américaines n'ont pas entravé la très concrète priorité accordée au soutien des printemps arabes. Il n'y a pas de meilleur moyen pour rendre la liberté contagieuse.

En stabilisant la situation des pays fragilisés par les révoltes, les aides permettent de limiter les dysfonctionnements inévitables. De nombreux facteurs peuvent faire évoluer ces sociétés ? qui viennent de se libérer et sont donc vulnérables ? vers des situations incontrôlables. Les Occidentaux n'aiment pas l'inconnu. On l'a bien vu avec l'assistance qu'ils apportaient aux tyrans en les considérant comme leurs alliés sûrs. L'intérêt des soutiens est de résorber le plus rapidement possible les difficultés et de relancer les mécaniques démocratiques.

Le pire pour ces populations serait de faire le douloureux constat qu'elles ne vivent pas mieux qu'avant et qu'elles n'ont rien gagné dans une révolte qui a coûté beaucoup de vies. Si le désordre politique rejoint l'insatisfaction économique, le danger est réel d'une fuite en avant qui peut ramener ce que l'on a voulu « dégager ». Ceux qui se sont battus et ont vu tomber leurs compagnons ne doivent jamais avoir le sentiment qu'on leur vole leur révolution.

Il y a une vraie noblesse de la part du G8 à se ranger du côté de la liberté et à favoriser le passage à une ère nouvelle. Mais les pays donateurs cherchent aussi à s'exonérer de leurs hésitations et des soutiens aux régimes dictatoriaux. La France devra multiplier les chèques pour faire oublier la visite de Kadhafi, Bachar al-Assad au 14 juillet et l'avion de Ben Ali.

Un leadership qui se perd

Franchement, à quoi aura servi ce G 8 à Deauville, peut-être un des derniers car Barack Obama serait réticent pour organiser une prochaine rencontre aux Etats-Unis ? A un grand show politique où les puissants de ce monde s’offrent en spectacle après avoir confronté leurs positions bien connues ? L’aide au printemps arabe a-t-elle vraiment été décidée après de fébriles palabres en Normandie ?

Il s’agit pour l’essentiel de prêts multilatéraux et bilatéraux depuis longtemps négociés et auxquels s’ajoute la contribution des pays du Golfe. Pour l’après-Fukushima et la sûreté du nucléaire, que de généralités ! Et sur la Libye, rien de vraiment nouveau en exigeant le départ de Kadhafi…

L’importance très relative de ce club des puissants se mesure également au nombre des manifestants. Par exemple, au G8 - G7 de Gênes en 2001, les antimondialistes se comptaient par dizaines de milliers dans des affrontements meurtriers avec les forces de l’ordre. En 2007, pour la rencontre de Heiligendamm, l’Allemagne du nord avait été placée en état de siège. A Deauville, les policiers étaient beaucoup plus nombreux que les manifestants… Parce que le vrai gouvernement du monde, dans ses pouvoirs économiques, financiers et même politiques, se situe désormais au niveau du G 20 où siègent aussi la Chine et les « émergents ». Et la prochaine réunion de cet aréopage en novembre à Cannes ne passera pas inaperçue aux yeux des opposants au néolibéralisme régissant la planète !

Les statistiques économiques confirment aussi ce glissement. Dans les années 1980, les pays du G 7 (sans la Russie) accaparaient à peu près les deux tiers du Produit intérieur brut mondial. Aujourd’hui, beaucoup, beaucoup moins…

Certes, la « puissance » réelle ou supposée ne relève pas seulement des performances économiques. Elle repose aussi sur l’organisation des Etats, sur la démocratie et les libertés. Des valeurs que Deauville a célébrées en constatant que le printemps arabe veut les faire siennes. Le « modèle occidental », bien que cette évocation soit taboue, triompherait-il ? Curieusement en association avec la Russie, une grande démocratie comme chacun sait…

A l’heure où de nombreux théoriciens dissertent de nouveau sur le « déclin de l’Occident », ne faut-il pas voir en le G 8 un club qui se hérissonne pour défendre ses valeurs sous l’impulsion d’une avant-garde idéologique… anglo-saxonne ? Le discours de Barack Obama mercredi au Westminster Hall à Londres est significatif. Dans une véritable ode à l’Angleterre qui a donné au monde les droits de l’homme, la démocratie et la libre entreprise, il a célébré le modèle anglo-saxon en décrivant un axe Washington-Londres « indispensable à ce moment de l’Histoire », le Royaume-Uni étant « le plus important et le plus fidèle allié des Etats-Unis »…

Pour Obama, avec une exception polie pour la France (« notre plus ancien allié »…), l’Europe continentale et institutionnelle passe visiblement au second plan politique derrière ce leadership anglo-saxon. Il est vrai qu’à Deauville, l’Europe a une fois de plus étalé ses divisions en la personne de la chancelière Merkel opposée à l’intervention en Libye et faisant cavalier seul dans la question nucléaire.

Bref, l’UE reste un conglomérat flou autorisant même un comble de la part du président des Etats-Unis, le pays le plus endetté de la planète : Français, Allemands et Italiens ont surtout été priés de régler le problème de la dette grecque pour éviter une nouvelle tourmente monétaire sous le signe de l’euro…

Recherche en Grèce d'un consensus politique sur la rigueur

Le Premier ministre grec, George Papandréou, a réuni vendredi les représentants des partis politiques pour tenter de dégager un consensus sur les mesures d'austérité nécessaires pour sortir le pays de la crise.

Ce consensus est jugé indispensable avant le déblocage d'une nouvelle tranche de l'aide allouée par l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), soit 12 milliards d'euros.

L'opposition s'est pour l'heure déclarée hostile aux mesures proposées par le gouvernement pour sortir de la crise résultant d'un endettement massif. Après les avoir rencontrés un par un, le Premier ministre a demandé au président Karolos Papoulias de convoquer les chefs de file de tous les partis.

Le conservateur Antonis Samaras, dirigeant de la Nouvelle démocratie, qui a voté contre le plan sauvetage adopté l'an dernier, a déjà fait savoir qu'il continuerait à s'opposer au plan d'austérité.

Ses homologues de la Coalition de gauche et du Parti communiste, qui n'hésitent pas à boycotter ce genre de rencontres, ont également accepté l'invitation du Premier ministre, tout comme le dirigeant du LAOS, formation d'extrême gauche.

Selon le quotidien Kathimerini, le Premier ministre envisage de remanier son équipe et pourrait inviter des personnalités de l'opposition à y siéger moyennant leur soutien au plan d'austérité.

Le gouvernement a démenti mercredi avoir l'intention de procéder à un référendum sur les nouvelles mesures d'austérité ou sur l'euro.

Les syndicats du personnel des entreprises publiques menacées de privatisation ont par ailleurs annoncé une grève de 24 heures le 15 juin.

Athènes a annoncé lundi une série de nouvelles mesures budgétaires visant à économiser plus de cinq milliards d'euros et à ramener le déficit public à 7,5% du produit intérieur brut (PIB) en 2011.

Les marchés financiers continuent toutefois à douter de la crédibilité du plan d'assainissement d'Athènes. Ceci alimente les spéculations sur la possibilité d'un nouveau plan d'aide et d'une restructuration de la dette publique qui pourrait forcer les prêteurs à renoncer à une partie de leurs créances.

Le FMI pourrait décider de ne pas verser sa contribution à la prochaine tranche d'aide que doit recevoir la Grèce s'il n'a pas l'assurance que les pays européens tiendront leurs engagements sur les douze prochains mois, a averti jeudi Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe. (

vendredi 27 mai 2011

L'incendie DSK

L'affaire DSK, et sa mécanique à suspense, ne quittera pas de sitôt l'imaginaire national. Disons, sans se payer de mots, qu'elle aura imposé le trépan d'une tragédie moderne.

Ce traumatisme public qu'elle dispense incendie l'opinion. On y voit poindre de brûlantes introspections. Ainsi la protestation des femmes françaises contre la jactance d'un machisme sûr de lui et dominateur. Ainsi encore la découverte, dans la justice américaine, du poids culturel de nos deux pays sur leurs institutions. Ainsi enfin du populaire et populiste procès intenté aux connivences élitaires, de la politique et de la presse.

Il y a, dans ces divagations, à boire et à manger. Mais le signe d'une société qui bouge en ses tréfonds. Et d'un "mai rampant", dans les reins et les coeurs.

La tragédie se repaît toujours de la chute d'un "grand". Et foudroyé, ce coup-ci, par le sexe, champion de l'inconscient humain, rôdeur des souterrains où les interdits sociaux le confinent.

"Grand", DSK l'était. Par sa direction brillante d'un aréopage suprême, le FMI. Par sa candidature bien accueillie à la présidence de la France. Par le rayonnement et l'immense fortune d'Anne Sinclair, son épouse, journaliste vedette, longtemps plus célèbre que lui.

Nul ne sait encore ce qui s'est réellement passé au Sofitel. Mais la disgrâce de DSK aura d'emblée semé à tous vents sa réputation d'homme à femmes. Elle ne fait pas de ce don Juan un "grand seigneur méchant homme". Mais l'indulgence empressée d'amis fidèles de DSK aura suffi pour réveiller, chez nombre de femmes, une indignation significative : elles veulent que la compassion pour le "présumé innocent" s'accompagne d'une égale compassion pour la "présumée victime". Elles dénoncent le refus d'entendre la plainte "ancillaire" des femmes.

Accès d'un féminisme militant ? Non ! Réaction plutôt naturelle de leur émancipation ! Elles ont conquis la maîtrise des naissances. Bronché contre la soumission conjugale. Revendiqué une parité de traitement dans l'entreprise ou la Nation. Comme les Italiennes de Berlusconi, les Françaises en ont assez du spectacle avantageux des coqs de basse-cour. Elles vivent comme un malaise le soutien préjugé du "maître et seigneur". L'oubli effarant de l'employée du Sofitel dans le babil éploré des mâles dominants leur donne le bourdon. Leur protestation n'est que le "marqueur" d' une évolution qui, bien au-delà de l'alcôve, investit tous les foyers.

Fruit d'une culture et de moeurs pour nous étrangères, la justice américaine impose à tout prévenu, puissant ou misérable, un parcours avilissant. Ces menottes infligées à un homme non encore jugé ont choqué la France. Je me réjouis qu'on en ait, chez nous, interdit le protocole. Même si nous savons qu'un prévenu célèbre - pourvu qu'il eût été, chez nous, mis en examen - eût certes échappé au corridor infamant, mais nullement au déferlement médiatique. La même procédure américaine nous choquera encore lorsque l'opulence de la défense déchaînera, contre la plaignante, une inquisition propre à démolir son témoignage.

Conclusion ? Il n'y en a pas. La justice et la vérité ne font nulle part un couple idéal. Aucune justice n'est parfaite. L'américaine a ses travers, la nôtre aussi.

Une censure de connivences entre journalistes et politiques ? L'univers médiatique défie toute généralité. L'audiovisuel d'abord, puis le Net - avec ses foules de ragoteurs mais ses bons sites professionnels - ont explosé l'"écrit". Aucune déontologie ne régente ce pandémonium.

Chaque média aborde la vie privée selon ses critères. Certains en font commerce, d'autres refusent d'y toucher. Le droit français la protège bien plus strictement que l'anglo-saxon. Pour la presse d'information, on tient que c'est mépriser la politique que de la traquer dans les draps de lit.Le Canard enchaîné, peu suspect de ménager les caciques, répète qu'il ne fouillera pas les alcôves. Dieu merci, il ne sera pas le seul !

On dira que, chez un homme public, une dépendance à l'alcool, à la drogue, au sexe, et qui menacerait la dignité de sa charge, mérite d'être rapportée. C'est à chaque journaliste d'en décider selon sa conscience. Des livres, des journaux ont, ces derniers mois, mentionné le goût affiché de DSK pour les femmes. Mais, sans plainte ou délit, ni le droit français ni l'éthique française n'autorisaient des dénonciations de trou de serrure et des diffamations de surcroît délictueuses.

Il est possible que les remous de l'affaire DSK, la prolifération de l'image et des images volées, la personnalisation croissante des hommes de pouvoir importent, peu à peu, chez nous, les usages américains. Qu'y faire ? Les médias évoluent au gré de leurs lecteurs. Et les démocraties au gré de leurs citoyens.