TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 30 avril 2011

L'ombre de la pieuvre terroriste

Le retour de la « bombe humaine » en plein cœur de Marrakech marque celui d'un terrorisme aveugle que le Printemps arabe semblait avoir sinon repoussé, du moins désorienté. L'attentat-suicide, s'il est confirmé, a frappé un haut lieu touristique, carte postale quasi mythique, symbole d'une perméabilité aux idées de l'Occident. L'enquête est encore réduite aux hypothèses. Les soupçons mènent pourtant sur la piste des réseaux djihadistes dans un pays, adepte d'un islam modéré, où ils n'ont jusqu'à présent pas trouvé de relais. Le Maroc est un peu l'exception tranquille des révoltes arabes. Il a certes connu la fièvre des manifestations et les slogans d'un peuple en quête d'émancipation politique. Mais il n'a pas subi l'ébullition révolutionnaire, ni la remise en cause de la légitimité du pouvoir. La tragédie de la place Jamâa El-Fna peut être interprétée comme un acte destiné à entraver les réformes lancées par Mohammed VI. Comme une tentative de déstabilisation du royaume chérifien qui s'oriente - doucement, la transition démocratique est encore loin - vers une monarchie parlementaire. Quand bien même les mesures pour assouplir le régime visaient aussi à apaiser la colère citoyenne, à prévenir un effet de contagion. Cet attentat ressemble à un chantage exercé contre les sociétés arabo-musulmanes qui s'ouvrent et aspirent aux libertés, et contre les pays occidentaux qui les soutiennent. Le message est explicite : que les consciences qui s'éveillent se taisent ! Car là où la « rue arabe » a fait tomber pacifiquement des dictateurs, la main fanatique d'Al-Qaida, elle, a échoué. En ce sens, l'ignominie de Marrakech est l'aveu d'une impuissance mais malheureusement pas le signe d'une résignation.

Buckingham plus fort que Disney

Les gardes portant le bonnet à poil d’ours, à peine rentrés de Waterloo, défilèrent sans encombre jusqu’au palais de Buckingham. Il y avait, là-bas, du beau monde au balcon et le baiser réglementaire fut exécuté à l’heure dite. Un peu mécaniquement, d’accord, mais le protocole n’en réclame pas davantage. Et pour la nuit de noces ? “Ferme les yeux et pense à l’Angleterre” recommandaient jadis les ladies de la haute à leurs filles apeurées. Gageons que Kate, princesse moderne, saura garder les siens ouverts.

Sinon, quel impeccable show historico-people ! Le cérémonial, rôdé depuis des siècles, n’a connu aucune anicroche. Pas un anarchiste à l’horizon, ni le moindre chômeur en colère. “Parenthèse enchantée” oblige, l’organisation a glissé la misère sous les tapis. Le carrosse d’or a fendu, en majesté, une foule béate et conquise.

L’aristocratique équipage n’est pas allé au fossé. Roule Britannia ! La Royal Windsor Company règle ses animations au millimètre, la concurrence en pâlit. Chez Eurodisney, par exemple, où les trains touristiques s’abîment parfois dans des décors de carton-pâte.

Le monde peut bien s’écrouler, la Couronne britannique continue de dérouler ses fastes millénaires. En France, au contraire, la course au trône élyséen réclame une débauche d’humilité.

François Hollande vient de se produire au théâtre Rutebeuf de Clichy-la-Garenne. Sarkozy retourne à l’usine et DSK, demain, ira visiter les cités ouvrières. De quoi danser la Carmagnole…

Quotas


La Fédération française de foot encourage des quotas de blancs dans les équipes de jeunes, accuse le site Mediapart… Odieux, scandaleux, pas de ça chez nous, s’indigne le monde du football. Qui reconnaît cependant un problème avec les jeunes binationaux, formés en France avant d’aller jouer pour leur pays d’origine — entendez, l’histoire de la France étant ce qu’elle est, au Maghreb et en Afrique. La Fédération admet aussi vouloir diversifier le recrutement : moins de grands baraqués, plus de petits techniciens. Ce qui ne voudrait pas dire : moins de Blacks, plus de blancs… Dans le tumulte et la confusion, une certitude : cette querelle des quotas trahit un pays en mal d’égalité. Piégé par la logique de la discrimination positive, pour les blacks et leurs beurs dans les grandes écoles, pour les blancs dans les écoles de foot. Si au moins, ça faisait deux réussites…

God save William and Kate !

Il y a cent ans, le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire britannique, avant que les orages du XXe siècle ne ramènent la première puissance mondiale à un rang très ordinaire. Hier, pour un jour, la Grande-Bretagne a rayonné de nouveau sur l’ensemble de la planète par la grâce d’un mariage princier qui a tenu toutes ses promesses. Et au-delà.

Même le monde du Web 2.0, très ironique à la veille de la célébration, n’a pas été insensible, finalement, à l’émotion irrationnelle dégagée par l’événement. Il faut bien le reconnaître : la magie a opéré. L’assemblage réussi de l’apparat d’une autre époque et de la fraîcheur du couple star a su créer un de ces instants de communion dont les Britanniques, mieux que n’importe quel autre peuple, ont le secret.

Les acteurs du spectacle hollywoodien qui a transcendé Londres sont parvenus à donner une touche d’humanité et de rêve à ce qui aurait pu n’être qu’une mascarade costumée. La monarchie britannique en sort revigorée.

Elle qui était apparue à bout de souffle lors des funérailles de Lady Di, en 1997, littéralement épuisée par les frasques des enfants Windsor, le vieillissement de la souveraine, et l’inconséquence d’une famille royale déconnectée de la réalité, a peut-être reconquis sa légitimité évanouie.

La voilà redevenue très nettement majoritaire dans le cœur des sujets de sa majesté. Même un quotidien républicain « par principe » comme le Guardian admet volontiers son utilité et le rôle irremplaçable qu’elle joue dans l’unité aux ressorts complexes de cet État des quatre nations (Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord).

Le symbole de continuité, sécurisant, qu’elle représente — 1 000 ans d’histoire, tout de même — ne peut se passer d’un supplément d’âme qui s’éteignait doucement. C’est précisément lui que William et Kate ont su ressusciter dans une cérémonie ultra-codifiée dont ils ont dépassé, avec autant de simplicité que possible, le protocole de fer et l’inévitable côté compassé.

Malgré le carrosse, les landaus, les Bentley, les toilettes plus ou moins réussies des invitées, les chapeaux extravagants et la présence de Victoria Beckham à Westminster Abbey, ce rendez-vous irréel a évité le pathétique du bling-bling. Ce n’était pas gagné d’avance…

Hormis les dépenses de sécurité, la parenthèse enluminée de ce vendredi qui a offert aux Britanniques une dernière évasion hors du temps avant d’affronter l’austérité programmée par le gouvernement Cameron, n’a presque pas coûté une livre au contribuable. Pas cher, donc, au regard du bénéfice net considérable qu’il rapporte à l’image de la Grande-Bretagne, à ses produits et à son tourisme. God save William and Kate ! L’avenir du mariage-consécration, dans l’air du temps, entre ces deux amants de dix ans — conditionne désormais celui d’une très vieille monarchie. Sauront-ils être ses héros modernes ?


En regardant passer la Reine


Qui donc, en ce jour de réjouissances, voyait dans la Reine passant dans son carrosse la frêle jeune fille qu'elle fut durant la dernière guerre ?

À peu près au même âge que la jeune mariée d'aujourd'hui, elle se dévouait sans relâche au sein des équipes de sauvetage qui volaient au secours des victimes de la ville de Londres cruellement attaquée. Elle était restée dans la capitale avec toute la famille royale et avec les siens qui subissaient stoïquement les pires bombardements.

C'est sur cette force tranquille et sur cette résistance opiniâtre de la famille royale que put s'appuyer l'indomptable Churchill qui, dans la nuit noire de l'Occupation désespérante, faisait briller malgré tout l'espoir. Sans lui, sans eux, la guerre contre le nazisme eût été perdue et l'on sait trop ce qu'il serait advenu alors de nos deux pays et du reste de l'Europe.

C'est dans ce courage tranquille et indomptable que réside la noblesse de cette famille. C'est ce qui enracine et fortifie cette monarchie dont on a vu combien elle a pu aujourd'hui séduire les foules.

Certes, ce faste peut paraître désuet, mais il est apprécié malgré les critiques, et les nouveaux mariés ont séduit par leur jeunesse, leur sourire, leur charme et leur spontanéité. Certes, la monarchie en question a vu diminuer sa puissance et son rayonnement dans le monde, mais ce qu'elle fut durant ce conflit restera dans l'Histoire et doit demeurer dans le souvenir de tous, car notre vie en fut marquée.

Nul ne connaît l'avenir, mais, dans ce présent lui aussi tourmenté, face à l'évolution incertaine d'un monde en plein changement, cette grande Dame apparaît encore aujourd'hui comme le symbole de la liberté que proposent, promeuvent, défendent et donnent en exemple à l'univers les démocraties.

En ce jour heureux, il fallait rendre hommage à la Reine, lui dire, ainsi qu'à tout son peuple, notre reconnaissance.

vendredi 29 avril 2011

Les Windsor sont éternels

Un lien irrationnel, sentimental, absurde - et naturel. Non seulement la monarchie britannique a survécu au 20ème siècle, mais elle demeure le ciment de la nation, s'émerveille le très traditionnel Daily Telegraph, à la veille du mariage du futur roi. 

Il y a à peine plus de cent ans, le 6 mai 1910, les têtes couronnées d’Europe se réunissaient à Londres pour assister au couronnement de George V, grand-père de la reine. En dépit de la magnificence de la cérémonie, de nombreux observateurs étaient convaincus que le régime ainsi mis en vedette n’avait aucune chance de tenir jusqu’à la fin du XXe siècle.
Le dramaturge George Bernard Shaw voyait dans la monarchie une "hallucination universelle" des peuples qui ne tarderait pas à disparaître. H. G. Wells, romancier progressiste, estimait que la monarchie avait autant de chances de survie que "le Lama du Tibet a de chances de devenir l’empereur de la Terre".
Ces prédictions paraissaient parfaitement raisonnables. A l’aube du XXe siècle, les vieilles monarchies d’Europe étaient féodales, absurdes et totalement coupées de l’esprit démocratique de leur époque. En outre, la suite des événements n’allait pas tarder à confirmer la clairvoyance de ces détracteurs de la monarchie. Quelques années après le couronnement de George V, une bonne partie des grandes dynasties furent balayées. Trois ans plus tard, l’archiduc François-Ferdinand, héritier présomptif de la couronne d’Autriche, était assassiné avec sa femme Sophie à Sarajevo. Le cousin de George V, le Kaiser Guillaume II, fut contraint de s’exiler à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En Russie, les Romanov furent massacrés.

Une institution qui paraît anachronique

Cependant, la famille royale britannique a survécu au carnage. Il y a certes eu des moments délicats, notamment la crise de l’abdication en 1936 et les convulsions populaires qui ont suivi la mort de Diana, la princesse de Galles, en 1997. Mais la monarchie s’en est sortie — et elle a rarement paru aussi forte que cette semaine, à l’approche du mariage du prince William et de Catherine Middleton. Alors comment expliquer la survie d’une institution qui paraît à première vue si anachronique ? La question mérite d’être posée.
Tout d’abord, cette survie est le fruit d’un pragmatisme hautement intelligent. La sagesse populaire tient les Windsor pour des idiots. En fait, ils ont toujours eu un sens très sûr de l’adaptation. Les monarques britanniques modernes ont accepté des compromis: la Reine, cédant aux pressions, a accepté de payer l’impôt sur le revenu à partir de 1993; la semaine dernière, elle a donné son accord à une modification des lois de succession dans le sens d’une plus grande parité (même si une mesure visant à autoriser des catholiques à épouser des membres de la famille royale a été abandonnée, l’Eglise d’Angleterre ayant soulevé des objections).
Toutefois, ces tactiques politiques, si astucieuses soient-elles, ne suffisent pas à expliquer la profonde affection des Britanniques pour la monarchie. Nous sommes un pays attaché au cérémonial, aux coutumes, aux traditions. Nous sommes profondément conscients de notre passé tantôt glorieux, tantôt tragique, parfois honteux. La monarchie est l’expression nationale de notre vénération commune de l’expérience.

L'affection pour la reine enracinée dans l'inconscient collectif

Mais la relation entre la reine et ses sujets va plus loin encore. Car la monarchie ne nous définit pas seulement comme nation, elle nous définit comme individus. Notre respect et notre affection pour la reine s’enracinent dans notre inconscient collectif.
C’est irrationnel, c’est sentimental, c’est absurde. Et parfois complètement dingue. Et pourtant, la monarchie fonctionne: elle humanise un Etat qui sans elle pourrait sembler distant et impersonnel. Les gens qui ont beaucoup de mal à se sentir concernés par un loi du parlement, une directive de Bruxelles, un law lord [juge siégeant à la Chambre des Lords] ou un secrétaire permanent [chargé de la bonne marche d’un ministère], tous rouages essentiels de l’Etat, voient très bien quel est le rôle de la famille royale. Nous partageons leurs tragédies, leurs joies et leurs drames familiaux.
Seul un groupe se sent exclu : les intellectuels. Qu’ils soient de gauche ou de droite, ceux-ci ont toujours méprisé l’institution monarchique. Comment pourrait-elle cadrer avec leurs projets grandioses et abstraits de transformation de la société? Tony Benn, le républicain le plus distingué de Grande-Bretagne, se plaît à demander si nous accorderions notre confiance à un pilote de ligne ou à un médecin héréditaires. Il n’y a pas de réponse à cette question. L’institution est illogique.
Mais pour autant, cela ne signifie pas que la monarchie n’ait aucune utilité. Bien au contraire: elle occupe un espace public qui autrement serait capté par les partis politiques. Si le chef d’Etat n’était pas la reine, ce serait une Thatcher ou un Blair, qui l’un comme l’autre diviseraient le pays.
La présence de la famille royale au cœur des affaires nationales est l’une des principales raisons de l’extraordinaire stabilité politique de la Grande-Bretagne depuis deux cents ans. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’écrivain socialiste George Orwell a reconnu cet état de fait, observant que la présence de la famille royale avait contribué à sauver la Grande-Bretagne du fascisme pendant la crise des années 30.

La presse anglaise se moque de la famille royale

Les intellectuels de gauche (et d’extrême droite) ne veulent pas entendre ces vérités élémentaires. C’est pourquoi, ces dernières semaines, à l’approche du mariage princier, une partie de la presse — The Guardian et The Independent en tête — a multiplié les insultes et les moqueries à l’encontre de la famille royale.
Dans le lot, il y a beaucoup de propos choquants que nous ne nous abaisserons pas à répéter. D’autres étaient d’une suffisance ridicule — je pense en particulier à un article déplaisant, plein de mépris et d’invectives, où Joan Smith de The Independent se plaint amèrement qu’un jour "alors que je venais de lui dire un simple ‘bonjour’ sans lui faire la révérence, la reine a fait comme si elle ne me voyait pas".
Mais certains articles sont carrément sinistres. The Guardian a présenté un projet de cours sur la monarchie à l’intention des enseignants, qui comporte des slides [diapositives] PowerPoint, à utiliser en classe en prévision du grand jour. Il s’agit d’une propagande anti-royaliste éhontée, et l’auteur déclare son objectif sans vergogne : "La présentation PowerPoint donne aux élèves le vocabulaire et l’information, tous les éléments dont ils ont besoin pour se faire leur propre idée sur la question et se préparer au défi final : faut-il abolir la monarchie?"
Le mariage de cette semaine sera un grand jour : le prince William et Catherine Middleton laissent présager une ère nouvelle, plus détendue, pour la famille royale. Mais si la bienveillance nationale a de quoi réjouir, le couple princier ne doit pas pécher par excès de confiance. Ses ennemis les plus intelligents ont compris que la cause républicaine restait sans espoir tant que la reine était en vie. Mais quand elle se sera éteinte, ils vont revenir à la charge. La famille royale va alors devoir puiser dans toutes ses réserves de pragmatisme et de sagesse tranquille si elle veut traverser le XXIe siècle.



Reactions

Une opinion publique confuse

Malgré le drapeau royal qui flotte et les plaintes des républicains, les britanniques ne savent que faire du mariage royal, affirme le sociologue Frank Furedi dans Spiked. "Il y a peu de magie dans l'air. Aujourd'hui, l'opinion britannique semble confuse et peu capable d'exprimer ses appartenances culturelle et nationale", écrit-il. "A l'approche du mariage, cette attitude de 'nous ne savons pas quoi faire' se généralise. C'est l'une des raisons qui explique, contrairement à des occasions précédentes, la baisse remarquable de demandes d'autorisation pour organiser des fêtes dans la rue". Un tiers des conseils locaux disent ne pas avoir reçu de demandes; d'autres affirment en avoir reçu seulement quatre ou cinq. Frank Furedi note que la discussion sur les aspects négatifs de la monarchie a été autorisée dans les médias, alors qu'elle brillait par son absence lors du mariage du Prince Charles et de la Princesse Diana en 1981. Mais cela ne signifie pas non plus que la Grande-Bretagne est sur le chemin de la république. "Aucun argument ne trouve un écho dans l'imagination du public. Et l'absence d'enthousiasme public pour les fêtes de rue ne se traduit pas non plus par le soutien de la campagne républicaine."

Réformer Schengen, un geste dérisoire

La France et l'Italie demandent une réforme de la convention sur la libre circulation. Elles ne devraient pas avoir de mal à obtenir ce qu'elles veulent, mais cela ne réglera par le problème de l'accueil des immigrés, estime la Berliner Zeitung. 

Un geste de substitution est un acte effectué à la place d’un autre, non-réalisable. Ce phénomène s’observe dans tous les domaines de l’existence, notamment en politique : on fait n’importe quoi pour ne pas faire ce qui est nécessaire.
La récente offensive menée contre la convention de Schengen en est un bon exemple. Les gouvernements français et italien veulent temporairement rétablir des contrôles à la frontière entre pays européens au cas où l'Europe serait confrontée à un afflux massif de réfugiés. L’Allemagne approuve.
A la Commission européenne, Rome et Paris – sur le principe – jouent sur du velours. Leur proposition ne soulève concrètement aucune objection. Rien ne laisse penser que cette idée met sérieusement en péril le principe de la liberté de circulation en Europe. Seulement voilà: cette initiative n’a strictement rien à voir avec le véritable problème à propos duquel l’Europe fuit systématiquement ses responsabilités.
La vraie question est la suivante : comment l’Union européenne peut-elle mettre en place une politique d’immigration commune et solidaire ? Il est nécessaire pour les Etats membres de se répartir équitablement le travail entre l’accueil et l’intégration des demandeurs d’asile, ce indépendamment d’évènements ponctuels comme le récent afflux de dizaines de milliers de réfugiés en provenance de Tunisie.
L’Europe échoue toujours lamentablement à répondre à cette question importante. Les principaux obstacles sont l’Allemagne et l’Autriche. Ils ne veulent pas des réfugiés qui traversent la Méditerranée pour fuir la misère. Politiquement, la position de l’Europe est complètement au point mort. Alors l’Europe s’agite. Par principe.

Cible des islamistes marocains : les sites touristiques

Pour ces terroristes, les étrangers qui visitent le pays le “pervertissent”.

Depuis toujours, la stratégie des islamistes marocains (mais aussi tunisiens, égyptiens, etc.) liés à la mouvance « salafiste jihadiste », dont al-Qaida est l’avant-garde, consiste à frapper les zones touristiques, afin de déstabiliser les dirigeants « impies » ou apostats liés aux pays occidentaux, d’où viennent la majorité des touristes qui « pervertissent » les pays musulmans, selon les islamistes.

Rappelons que, le 16 mai 2003, une série d’attaques terroristes visant également des touristes fut perpétrée à Casablanca, la plus grande ville du Maroc. Les attentats, qui firent 45 morts (dont 12 kamikazes) et 100 blessés, visaient un hôtel, des restaurants fréquentés par des étrangers et des établissements juifs de la ville. Entre 2001 et 2011, les autorités marocaines ont régulièrement démantelé des cellules terroristes et arrêté des terroristes plus ou moins liés à la mouvance al-Qaida. Ainsi, le 11 mars 2007, un kamikaze marocain trouva la mort en actionnant une bombe dissimulée sous ses vêtements dans un cybercafé de Sidi Moumen, à Casablanca, et, le 13 août 2007, un autre kamikaze marocain se fit exploser avec une bonbonne de gaz, à Meknès, manquant de peu le bus de touristes qu’il visait.

Parmi les terroristes arrêtés par les services marocains, figure Saad Houssaini, soupçonné de liens avec al-Qaida et d’implication dans les attentats de Casablanca en 2003 et de Madrid en 2004.

Saad Houssaini était le chef de la commission militaire du GICM (Groupe islamique combattant marocain). Depuis août 2006, suite au démantèlement de l’organisation terroriste marocaine Ansar al-Mahdi, les autorités marocaines ont multiplié les mesures de sécurité dans les ports, sur les routes et dans les aéroports. Il est clair que le Maroc est l’un des pays musulmans les plus visés par le terrorisme salafiste djihadiste, en raison de ses liens avec les Etats-Unis et l’Occident, de son islam modéré, du fait qu’il abrite une communauté juive importante liée au pouvoir monarchique, et du fait que ce pays mène une lutte sans merci contre les réseaux islamistes maghrébins liés à al-Qaida, notamment à AQMI (al-Qaida au Maghreb islamique). Dans ce contexte, les autorités marocaines n’ont pas seulement procédé à des arrestations de terroristes, mais elles ont également interdit plusieurs partis politiques islamistes qui se disent opposés au terrorisme mais qui entretiendraient des liens avec certains groupes violents. C’est ainsi que le parti islamiste al-Badil al-Hadari fut interdit en raison de l’implication de ses dirigeants dans l’affaire du réseau terroriste Belliraj : un réseau dirigé par un islamiste marocain résidant en Belgique, dont l’argent provenait des braquages, recels et de contributions diverses. Les arrestations visèrent même des membres du respectable Parti islamiste de la justice et du développement, le PJD, du mouvement al-Badil al-Hadari, ou du Hizb al-Oumma.

En fait, l’islamisme marocain est éclaté en trois grandes mouvances. La composante salafiste violente (« djihadiste »), considère le Maroc comme une société « impie » dont il faut se dissocier en s’exilant ou combattre par le terrorisme. D’où le fait que nombre de salafistes quittent les villes touristiques marocaines « terres du péché » pour s’installer dans le Sahel, le Sahara ou les périphéries marginales, comme les banlieues de Sidi Moumen, dont sont originaires les auteurs des attentats de Casablanca. Ainsi, le Groupe islamique des combattants marocains (GICM), fondé en 1997 par des anciens d’Afghanistan, est affilié à al-Qaida, a pris le Sahara, le sud désertique de l’Algérie et la Mauritanie comme bases arrière. Lié aux mouvements terroristes algériens (GSPC) et à AQMI, qui en est l’émanation, le GICM veut créer un Etat islamique au Maroc. L’un de ses fondateurs, Saad Houssaini, encourt la peine de mort pour sa participation aux attentats de Casablanca et de Madrid.

Lady Di, princesse for ever

Près de quatorze ans après sa mort tragique, la princesse Diana reste irremplaçable dans le cœur des Anglais. Un modèle à suivre pour Kate.

Diana fait partie de ces princesses qui ont marqué leur temps. Trente ans après son mariage avec le prince Charles, celle que la presse anglaise surnommait « Shy Di » (« Di la Timide ») garde une place de choix dans le cœur des Anglais. « Diana reste une icône pour nous. Quatorze ans après sa mort, elle est encore régulièrement citée dans les tabloïds et à la télévision. Elle a vraiment marqué de nombreuses générations d’Anglais. On n’est pas près de l’oublier », explique Judith, une étudiante londonienne de 25 ans. N’en déplaise aux mauvaises langues. Telle cette chroniqueuse de la maison royale qui déclarait récemment : « La vérité, c’est que Diana ne fait plus partie de la vie des gens, ici en Angleterre. Allez-les voir, parlez-leur d’elle. Là, bien sûr, ils vous expliqueront combien elle était formidable. Mais en réalité son souvenir a commencé à s’effacer des esprits. Ils n’y pensent plus, c’est tout. » Alors que la fontaine érigée en sa mémoire au milieu de Hyde Park, à Londres, fait débat (fermetures à répétition pour mauvais entretien et négligences) et que le Diana, Princess of Wales Memorial, créé en 1997 afin de soutenir des associations caritatives, fermera définitivement ses portes dans un an, William et Harry apparaissent comme les deux derniers garants de la mémoire de leur mère. « Une mère formidable que je ne remplacerai jamais », confiait le cute and kind (« mignon et gentil ») William en 2010, lors d’un entretien télévisé en présence de Kate.
Pour celle qui souhaitait offrir à ses enfants la vie le plus normale possible, le mariage de William avec une jeune femme issue de la classe moyenne pourrait symboliser une victoire posthume. « Kate et William ont une vie normale, des amis normaux, William cuisine et fait le ménage, c’est un homme moderne, raconte Simone Simonns, une amie proche de Diana. Diana a réussi à lui faire comprendre combien il était important de garder les pieds sur terre. » Quelques mois avant sa mort, la « princesse de cœur » confessait que toutes ses espérances se portaient sur son fils aîné : « Il sera le seul capable d’inventer une nouvelle façon d’être roi au IIIe millénaire. »

Avant… Après…

Evénement royal : Mariage prince Charles et Diana Spencer / Mariage prince William et Kate Middleton

Date : 29 juillet 1981 et 29 avril 2011
Lieu : Cathédrale St Paul / Abbaye de Westminster
Nombre d’invités : 3.500 / 1.900
Age de la mariée : 20 ans / 29 ans
Durée de la relation avant le mariage : Brève / Huit ans
Surnom donné par les Anglais : Shy Di (« Di la timide ») / Waity Katie (« Katie qu’attend »)
Mouton noir exclu du mariage : Barbara Cartland / Sarah Fergusson
Chef d’Etat libyen exclu du mariage : Mouammar Kadhafi / Mouammar Kadhafi
Arrivée de la mariée à l’église : En carrosse / En Rolls-Royce IV
Lieu de la demande en mariage : Buckingham Palace / Un lodge au Kenya
Soirée de veille du mariage : En compagnie de la reine mère / Avec sa famille

Les chiffres

13 C’est le nombre de fois où Lady Di et le prince Charles se sont vus avant leur mariage.
2,3 milliards C’est le montant des recettes engrangées par la vente de produits dérivés lors du mariage de Charles et Diana. Les dépenses en cadeaux souvenirs sont estimées à 181 millions d’euros à l’occasion du mariage de Kate et William.
Destin tragique Lady Di est morte dans un accident de voiture sous le tunnel du pont de l’Alma, à Paris, le 31 août 1997. Elle était âgée de 36 ans.
750 millions C’est le nombre de téléspectateurs qui avaient suivi le mariage de Diana et de Charles, en 1981. Trente ans plus tard, quelque 2 milliards de téléspectateurs devraient suivre le mariage de William et de Kate.
15 ans Diana et Charles se sont mariés le 29 juillet 1981 à la cathédrale St Paul, à Londres. Leur divorce est prononcé le 28 août 1996. Leur mariage aura duré quinze ans.

D.S.KANDIDAT

Depuis plusieurs mois, je l’ai affirmé sans restrictions, Dominique Strauss-Kahn sera candidat aux primaires du Parti socialiste parce qu’il entend être candidat à l’élection présidentielle. Beaucoup en doutaient, à l’extérieur du PS et même à l’intérieur de la famille, pour diverses raisons : choix de confort avec la possibilité ouverte pour lui de faire un deuxième mandat au FMI ou manque d’envie de se battre et de se colleter avec ses concurrents au sein du PS. On lui reprochait volontiers de vouloir être désigné comme candidat par un congrès d’acclamations et de ratification. S’il reste encore aujourd’hui des sceptiques, ils sont de moins en moins nombreux. En fait DSK, qui a envie de l’Elysée, n’aurait déserté la bataille de 2012 que pour deux raisons, un président sortant candidat en grande forme et favori, ou un score médiocre face à ses rivaux dans les sondages et enquêtes de popularité.

C’est tout le contraire et c’est pour cela que M. Strauss-Kahn a entamé le processus de sa candidature avec la stratégie des petits cailloux et l’aide conjuguée d’Anne Sinclair et de son équipe de communication. Il a déjà dépassé la date où il aurait dû annoncer son renoncement et prépare désormais les conditions de son atterrissage. Comme prévu, Martine Aubry, respectueuse du pacte signé, se prépare à un autre rôle en cas de victoire, peut-être Matignon.

Le seul gros obstacle à franchir sur la route des primaires reste François Hollande. Déterminé et compétent, coriace dans la manœuvre, M. Hollande irrite les lieutenants de DSK au point de leur faire perdre leur sang-froid. Le duel DSK-Hollande ne sera pas une partie de plaisir.

Les coucous de l’horloge socialiste

Qu’elles seront longues les saisons, les heures et les minutes qui séparent encore le PS de la désignation de son candidat à l’élection présidentielle.

Elles comptent double dans la durée politique et l’histoire politique mesurera combien elles auront pesé lourd sur le chemin du retour au pouvoir que la gauche a tracé à l’avance : nous ne sommes qu’au printemps 2011 et les germes de rivalités internes, essaimés par les uns et par les autres dans le vent des ambitions individuelles, commencent déjà à donner des pousses qui pourraient s’avérer empoisonnées pour la moisson 2012.

Le grand Léo — Ferré — n’était pas si prosaïque, mais oui, décidément, avec le temps, va, tout s’en va, et avec lui les promesses d’une primaire apaisée et loyale qui auraient pavé la voie vers une victoire facile.

La montée en puissance de François Hollande dérange manifestement le scénario écrit à l’avance d’un retour triomphal de Dominique Strauss-Kahn. Quel effet de teasing restera-t-il au directeur du Fonds monétaire international quand il finira enfin par se déclarer, sans doute en mai ? Que restera-t-il du désir d’avenir qu’auront attisé, des mois durant, son absence et le mystère sur ses intentions présidentielles ?

La stratégie de la rareté montre toutes ses limites avant même que le champion des sondages revienne en France. Lucide, DSK s’attendait lui-même à perdre des points dès lors que son retour le banaliserait. Mais pas si tôt.

Le concept séduisant du candidat virtuel, sorte de héros providentiel des socialistes, est aujourd’hui doublement battu en brèche. L’appétit vient naturellement en mangeant à la première secrétaire du PS : sa fonction fait d’elle une candidate. L’opiniâtre maire de Lille n’est peut-être plus si sûre de vouloir s’effacer devant l’exilé de Washington.

Quant à son prédécesseur, rue de Solférino, il a privilégié une campagne de terrain de longue haleine et elle a entamé officiellement sa course hier soir à Clichy-la-Garenne. L’éternelle histoire de la tortue qui avance, avance, sans se retourner et finit par battre le lièvre ?

Dans une version optimiste, la division du parti dans ce match à 3, 4, 5 ou 6 — puisque Ségolène Royal ne détellera pas — ne sera qu’un épisode. Et les compétiteurs, quelles que soient les amabilités qu’ils s’échangeront, pourraient tous finir par se retrouver derrière le vainqueur à la manière d’un Obama rassembleur des démocrates américains et des supporters d’Hillary Clinton.

Mais le précédent socialiste français de 2007 n’augure pas forcément du dénouement à l’américaine de 2008.

En faisant bouillonner les exaspérations, le faux suspense DSK ne peut que recuire les jalousies, mitonner les petites phrases assassines et provoquer l’indigestion du grand public devant des recettes de communication aussi pesantes.


La monarchie britannique résiste bien

Si l'on en croit les sondages, 70 % des Britanniques se déclarent indifférents au mariage royal de William et Kate. Or la cérémonie devrait être regardée par deux milliards de téléspectateurs dans le monde. Comment ce qui passionne la planète peut-il laisser de marbre les Anglais eux-mêmes ? Ou la réalité est-elle autre ?

Une majorité de Britanniques a beau prendre ses distances avec les festivités d'aujourd'hui, elle n'en déclare pas moins - à plus de 60 % - son adhésion à l'institution monarchique. La reine elle-même n'a jamais été plus populaire auprès de ses sujets.

La monarchie est, pour la Grande-Bretagne, l'équivalent de ce qu'est la République pour la France et la Constitution pour les États-Unis : l'incarnation de l'identité nationale. Et, à l'heure de la mondialisation, l'institution fait mieux que résister. Ce ne sont pas seulement les « vieux Britanniques » qui se reconnaissent en elle. Plus le monde est transparent et interdépendant, plus la volonté de se sentir membre d'une grande famille collective peut apparaître comme une forme de protection.

Les traditions créent un sentiment de continuité rassurante. Elles donnent aussi, parfois, une force plus grande. En 1940, Winston Churchill a pu mobiliser toutes les énergies britanniques pour résister à l'Allemagne d'Hitler parce qu'il bénéficiait du soutien d'une famille royale qui, sous les bombes, avait choisi de rester à Londres. Le protocole et ses rituels d'une autre époque réaffirment à leur façon un lien entre passé et présent, qui reste une des clés de la « démocratie à l'anglaise ».

Rêve ou sagesse ?

Sur le plan démocratique, la monarchie constitutionnelle, parce qu'elle distingue entre le symbole du pouvoir - le souverain - et la réalité du pouvoir - le Premier ministre -, peut apparaître comme un système plus équilibré que la « monarchie républicaine » à la française où tous les pouvoirs sont concentrés sur la présidence de la République.

En l'espace de dix -huit mois, les Britanniques auront ainsi un mariage royal et les Jeux olympiques. L'état de leur économie n'est pas meilleur que celui de la France et pourtant, en dépit des tensions sociales, les Britanniques sont infiniment moins moroses que peuvent l'être les Français. Il serait certes exagéré de considérer que la monarchie, que l'on peut voir comme une « machine à fabriquer du rêve », suffit à expliquer la différence entre les deux nations. Mais la mariée, Kate Middleton, parce qu'elle n'appartient pas à la noblesse et plus encore parce que sa famille, en l'espace de quatre générations, est passée de la mine à la couronne, est l'exemple rêvé de l'ascension sociale dans une société peut-être plus ouverte que la nôtre.

Les Français peuvent regarder avec un mélange d'amusement, de fascination et de nostalgie les rituels monarchiques de leurs voisins. Les Américains, dont le Président est entouré d'une pompe toute monarchique, regardent, eux aussi, avec révérence la couronne britannique. Les deux films anglais qui ont eu le plus de succès aux États-Unis récemment - The Queen et Le Discours du Roi - ne sont-ils pas deux célébrations du système monarchique ?

Aujourd'hui, à Londres, ce n'est pas seulement le rêve romantique ou une romance médiatisée à outrance qui sont célébrés, mais une certaine forme de sagesse politique ancestrale. Moderne d'une certaine façon.



jeudi 28 avril 2011

Populisme, nationalisme et égoïsme


Le succès des « Vrais Finlandais », le seul parti qui progresse aux législatives du 17 avril, marque une nouvelle avancée des populistes. Cette tendance concerne désormais presque tous les pays européens. La crise économique la nourrit ; l'immigration, dont l'Europe est devenue le premier continent d'accueil, l'entretient.

Mais ses racines sont ailleurs. Ce repli identitaire est d'abord un refus de la globalisation, de la liberté de circulation, une angoisse face à une compétition économique internationale plus rude, une peur du déclin. Le vieillissement de la population européenne l'amplifie.

Depuis le tournant du siècle, les partis extrémistes ne cessent d'enregistrer des succès en accusant les élites d'être les artisans d'une mondialisation qui détruit les emplois traditionnels. Ils magnifient l'État-nation comme le seul véritable rempart contre un prétendu « complot mondialiste » qui enrichirait quelques-uns sur le dos des peuples au mépris de leurs racines et de leurs spécificités.

L'immigration est accusée d'être la cause du chômage. Or, l'effondrement démographique de l'Europe n'est même pas compensé par l'immigration nette d'un million de personnes par an, de moins en moins acceptée faute d'une intégration, aujourd'hui en panne. Le discours populiste est aussi un discours anti-immigrés et d'exclusion. Moralement condamnable, il est surtout totalement contraire aux intérêts nationaux et européens. Une étude américaine de Daniel Hamilton explique ainsi que, pour garder la même force de travail, l'Union européenne (moins de 20 millions d'étrangers pour 501 millions d'habitants) devrait tripler le rythme actuel de son immigration.

Parler aux peuples

Le populisme, c'est enfin un euroscepticisme sans nuances, qui accuse la construction européenne d'être le « cheval de Troie » de la mondialisation et l'élément le plus destructeur des identités nationales. Il plaide pour une fermeture des frontières, l'instauration de droits de douane et souvent la fin de l'euro. Autant de contre-vérités que les responsables politiques européens ont du mal à combattre.

Les institutions de l'Union, pour leur part, ne sauraient se contenter de gérer l'ouverture du continent, sans corriger, ou plus exactement sans mieux assumer, leur rôle de promotion et de défense de l'Europe dans le monde. Elles doivent parler aux peuples et pas seulement aux États. La question migratoire doit être abordée franchement et pas seulement sous l'angle technique d'accords de Schengen dont l'application n'est trop souvent contrôlée que sur le seul papier.

En outre, on ne peut sans danger continuer à n'envoyer aux Européens qu'un seul message « punitif », celui de la rigueur, des économies, de la baisse des salaires et des garanties sociales, avec des arguments techniques définitifs. Pour que les disciplines soient acceptées, elles doivent s'inscrire dans des solidarités plus effectives et des objectifs politiques crédibles de redressement économique. Ce message d'espoir fait défaut. Il serait pourtant justifié par les atouts d'une Europe qui garde de puissants leviers d'action sur la scène mondiale, une économie forte, un niveau et une qualité de vie sans équivalent dans le monde développé. Et, surtout, une certaine conception de l'homme et de la société où les libertés, les solidarités et la générosité ont encore leur place.





Deux poids, deux mesures

Au moins 400 morts depuis le début de la répression des manifestations à Deraa, en Syrie, des blindés contre une population désarmée... « C'est inacceptable », comme l'a déclaré Nicolas Sarkozy à Rome, et c'est une situation qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de l'Egypte au début de la révolution et à celle de la Libye avant l'intervention de la communauté internationale à l'ONU.

Dans ces conditions, peut-on envisager un processus analogue, à moins que le mort syrien ne pèse moins lourd que le mort libyen ? C'est malheureusement la seconde attitude, celle du deux poids, deux mesures, qui risque de prévaloir, et pour plusieurs raisons.

– Ecartons d'abord un argument facile et démagogique : on n'interviendrait pas en Syrie parce que ce pays n'a pas, lui, les immenses ressources pétrolières de la Libye.
– On n'interviendra pas en Syrie parce que le vote de l'ONU obtenu à l'arraché par MM. Sarkozy et Juppé n'est pas renouvelable en raison des liens étroits entre la Russie et la Syrie. La Russie, la Chine et même les Etats-Unis n'ont aucune intention de se laisser embarquer dans un nouveau conflit à caractère militaire au Proche-Orient.
– Mais la raison de fond tient à la géopolitique : depuis près d'un demi-siècle, la Syrie est la garante d'un équilibre régional, elle est proche de l'Iran, du Hezbollah libanais et même de la Turquie. Les grandes puissances redoutent un coup de torchon à Damas et ménagent Bachar al-Assad comme elles ont ménagé son dictateur de père, qui fit pourtant assassiner un ambassadeur de France, 241 militaires américains et 58 parachutistes français à Beyrouth en 1983.

Ames sensibles, tournez la tête, car la realpolitik sent souvent mauvais.

Le commentaire politique de Christophe Barbier




mercredi 27 avril 2011

Du bon usage de Jean-Louis Borloo

A quoi servirait la candidature de Jean-Louis Borloo à l'élection présidentielle ? A faire éliminer Nicolas Sarkozy au premier tour, disent les adversaires de cette candidature ; à donner une chance à l'actuel président d'être réélu au deuxième tour, disent les partisans de cette stratégie. A un an de l'échéance, il semble bien que les inconvénients d'une candidature Borloo l'emportent et qu'elle serait une véritable machine à faire perdre Nicolas Sarkozy. Tous les sondages récents donnent le président sortant éliminé par le candidat socialiste et par Mme Le Pen : par exemple, pour Harris Interactive, DSK obtient 30 %, le FN 21 % et Sarkozy 19 %, avec Jean-Louis Borloo à 7 %. La simple arithmétique montre que l'addition Sarkozy-Borloo permettrait au chef de l'Etat d'être au second tour. Sachant toutefois que la politique va bien au-delà de l'arithmétique et que rien ne prouve que les électeurs potentiels de Borloo, jeunes de 25-34 ans écolos, centristes, ouvriers, se rallieraient à Sarkozy, on peut même penser qu'ils trouveraient leur salut ailleurs.

D'où la seconde analyse faite à l'Elysée : rien ne sert de s'activer pour empêcher une candidature Borloo, mieux vaut s'efforcer au contraire de bétonner une candidature Sarkozy bien campée sur son socle de la droite pour dépasser le score de Mme Le Pen qui n'est pas fatalement de 20-21 %. Une fois celui-ci qualifié pour le second tour, les électeurs de Borloo, de 7 à 12 % selon les cas, pourraient revenir vers Nicolas Sarkozy et lui redonner une chance face au candidat socialiste. Ce choix stratégique décisif, seul le Président peut le faire mais le temps commence à être compté, ce devra être avant la mi-mai.

Mais que fait DSK à Paris ?

En visite dans la capitale, le directeur général du FMI rencontre, en toute discrétion, des élus socialistes qui soutiennent sa candidature à la primaire socialiste.
Il est à Paris, il tait ses intentions, mais Dominique Strauss-Kahn met à profit son séjour dans la capitale pour rencontrer les élus de terrain qui s'activent en coulisses pour combler le déficit "de proximité" du patron du FMI dans la perspective de sa candidature à la primaire socialiste. Sa venue discrète à Paris contraste étrangement avec celle hypermédiatisée de février, suivie mi-mars d'un documentaire sur Canal + montrant le quotidien de DSK à Washington.
Eviter les erreurs de Ségolène Royal en 2007

Pendant que François Hollande tisse patiemment son réseau sur le terrain et tient son premier meeting de campagne mercredi, plusieurs élus verront DSK lors de son passage parisien, notamment le député Pierre Moscovici et le député-maire de Grenoble Michel Destot, président du Conseil national du PS et du cercle "Inventer à gauche". Il faut consolider "la liaison entre le parti et DSK car ce sera l'équation gagnante --on doit éviter l'erreur de 2007 avec Ségolène Royal, d'un côté, la candidate et de l'autre, le parti-- et mettre une dimension politique et populaire", explique à l'AFP M. Destot. et ce dernier d'ajouter : "On voit bien les qualités politiques de l'homme d'Etat mais il est nécessaire pour la campagne présidentielle qu'il acquière une dimension de proximité, de terrain qu'il n'a pas encore, étant à l'extérieur. C'est ce qu'on veut amener, nous".
Leur champion ne peut rien dire, statuts du FMI obligent, mais n'a pas fait objection à leurs initiatives. Pour Michel Destot, il s'agit de "toujours privilégier terrain et élus sur la bureaucratie et la petite cuisine politique". Une pique visant deux autres strauss-kahniens, les députés Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen, spécialistes des petites phrases assassines?
Le réseau de grands élus est distinct du réseau "constitué de manière informelle avec Jean-Christophe Cambadélis, Pierre Moscovici, Claude Bartolone, Jean-Marie Le Guen, Vincent Peillon." précise le député-maire de Grenoble.
DSK peut compter sur le maire de Lyon et le Président de la Région Bourgogne
Le 3 mai, se tiendra à l'Assemblée nationale la première réunion du Conseil politique formé du "collège d'orientation politique d'élus" et du collège d'experts ou "plutôt de référents", poursuit Dominique de Combles de Nayves, un proche de Michel Destot, chargé de l'organiser. Cet ancien secrétaire général de la Cour des Comptes et ancien ambassadeur avait coordonné en 2006 la campagne interne de DSK.
Dans le collège d'experts figurent "une dizaine à une quinzaine" de "poids lourds" qui ont "occupé des fonctions" notamment dans le dernier gouvernement Jospin ou "qui en occupent dans des entreprises ou administrations". Et dans conseil d'orientation politique, on retrouve plusieurs maires de grandes villes. Le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb réunira avec Michel Destot le 2 mai "DSK 2012 Rhône-Alpes". Le Président du Conseil régional de Bourgogne François Patriat, et à Marseille Patrick Mennucci assurent eux aussi des relais, alors que dans les fédérations socialistes se montent des "DSK 2012".

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Au théâtre italien

Pour une fois, il faut bien reconnaître que Marine Le Pen a raison sur un point: le sommet franco-italien d’hier «n’a été qu’une perte de temps». Ou plutôt, soyons justes, un aimable divertissement dont les deux comédiens ont orchestré le tempo et les répliques avec la maestria qu’on leur connaît pour enluminer le vide.

Le compromis qu’ils ont trouvé ne changera strictement rien à la réalité de l’afflux d’immigrés légaux et clandestins en provenance de Tunisie. La commission de Bruxelles l’a dit explicitement: le «renforcement» des accords de Schengen, demandé par Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy ne sera, au mieux, qu’une clarification - allez, un petit ajustement - sur l’interprétation des règles de libre circulation dans l’espace européen.

De la pure communication. Le président français et le premier ministre italien ont voulu faire croire que le rétablissement des frontières intérieures était envisageable pour éviter le déferlement d’étrangers indésirables. Ils savent l’un et l’autre que c’est quasiment impossible techniquement, et politiquement dangereux: ce serait enclencher un engrenage de méfiance difficile à maîtriser. Mais l’essentiel ne tenait pas à la crédibilité de leur appel de Rome. Il s’agissait avant tout de faire passer un message de fermeté à leurs opinions respectives, et à un certain électorat qui souhaitait l’entendre.

C’est en vendant de cette façon le concept séduisant d’une Europe à la carte qu’on acclimate le citoyen à des illusions simplistes et qu’on l’habitue à des solutions qui semblaient inconcevables. C’est en gommant d’une phrase ses complexités, ses contradictions et ses exigences, qu’on tue l’idéal européen. Plus grave: sans même parler de morale - le pape Benoît XVI s’en est chargé ce week-end en rappelant les impératifs d’hospitalité d’un continent «riche» - c’est une démarche intellectuelle qui tente d’accréditer des fausses certitudes.

Toutes les études - toutes! - montrent que non seulement l’immigration n’explose pas en France - l’un des pays européens qui accueillent le moins d’étrangers - mais surtout qu’elle ne pèse pas sur les comptes sociaux (y compris la protection maladie et même en prenant en compte les prises en charge de la CMU). Mieux, elle bénéficie positivement - c’est un fait comptable - au financement de la protection sociale et des retraites. Si la proportion de la population étrangère au chômage est plus importante, c’est vrai, que celle des natifs, les immigrés, qui occupent les emplois les plus pénibles, «ne prennent pas le travail des chômeurs» pour autant. Le plus souvent très mal payés, ils contribuent à la compétitivité de nombreuses entreprises... et à la survie du made in France.

On a toujours le droit de trouver qu’il y a trop d’immigrés en France, mais la justification économique de ce sentiment n’est pas valable.

La tentation du repli

Que 25 000 réfugiés nord-africains ébranlent autant l'Europe en dit long sur l'apathie de sa politique migratoire. La demande de Nicolas Sarkozy et de Silvio Berlusconi, hier à Rome, est loin de consolider l'espace Schengen de libre circulation, symbole de liberté au sein de l'Union. Que l'on puisse rétablir les contrôles aux frontières nationales confirme que ce qu'il restait de dynamique est en train de se gripper.

Cet épisode met en lumière la cohabitation d'autant de politiques étrangères qu'il existe d'États. Sous la pression d'extrémismes nourris par les peurs, chaque régime surréagit selon sa proximité historique, géographique et économique avec les pays « menaçants » et selon ses enjeux de politique intérieure. Même un rapprochement propice à une Europe industrielle plus forte - Lactalis qui rachète Parmalat ou LVMH qui s'empare de Bulgari - devient un crime de lèse-souveraineté italienne !

Ces contradictions paralysent l'action et même la parole de Catherine Asthon, chef d'une non-diplomatie européenne depuis près de dix-huit mois. Cette absence de vision commune et dynamique pousse au chacun pour soi et encourage le recours, doublement vain, à la forteresse migratoire.

D'une part, construire des murs valide la thèse du repli - le Front National en France, la Ligue du Nord en Italie, le parti Jobbik en Hongrie, le Parti de la Liberté aux Pays-Bas... - et cautionne les accents populistes des droites traditionnelles, comme au Royaume-Uni. Mais, en vertu de la formule selon laquelle « les peuples préfèrent l'original à la copie », ces thématiques profitent surtout à ceux qui les initient.

Redonner de l'espoir

D'autre part, il n'existe pas de rempart étanche contre l'immigration. On s'effraie que quelques milliers de Tunisiens débarquent en Italie. Qu'opposerait la France comme ligne Maginot si l'Algérie et le Maroc s'effondraient ? Là, nous risquerions d'avoir et le populisme et l'immigration massive.

Réviser les règles de Schengen ne peut pas être une réponse convaincante et durable. À défaut de pouvoir endiguer l'afflux de migrants, on pourrait peut-être, suivant les voeux du pape, organiser juridiquement et financièrement leur accueil provisoire à l'échelle de l'Europe afin que ce ne soient pas les mêmes qui en supportent le poids. Et surtout aider à tarir la source.

Une chose est de saluer de loin les soulèvements populaires contre les dictatures. Une autre est d'aider de près la transition. Les révolutions désorganisent et appauvrissent, au moins provisoirement, les économies. Il faut vite redonner de l'espoir si l'on veut éviter une crise migratoire majeure.

Il est donc vital de pousser à la réconciliation, d'offrir notre expertise pour reconstruire les systèmes politiques, et de multiplier les incitations collectives et individuelles à reprendre les échanges. La fermeté en deçà de nos frontières, y compris par des moyens maritimes de dissuasion, serait d'autant mieux comprise que nous serions coopératifs au-delà.

Car si la chute des dictatures devait être synonyme, pour les peuples, de règlements de comptes, d'effondrement du niveau de vie et d'Europe barricadée, les fleurs du printemps arabe pourraient vite faner. Vue du nord de la Méditerranée, la démocratisation a peut-être un coût. Mais vue du Sud, elle n'a pas de prix.



mardi 26 avril 2011

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Sirène ou Cassandre

La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir ! À un an pile de la présidentielle, on ne donnera pas tort à Pierre Dac. À force de se prendre dans la figure des rafales d'enquêtes sur l'état dépressif des Français, leur peur de l'avenir, leur rejet du président et des partis de gouvernement au profit des extrêmes, la girouette électorale ne sait plus où donner de la tête. Noir s'annonce tellement noir qu'on s'accroche au moindre petit coin de ciel bleu. Une envie de sirènes pour oublier un peu Cassandre.

L'optimisme des industriels est tout de même une heureuse nouvelle. ils prévoient une bonne croissance au premier trimestre et entrevoient une activité dynamique à moyen terme. Et si leur optimisme se fait contagieux jusqu'aux fiches de paie et aux offres d'emploi, nul ne s'en plaindra. « Pourvu que ça doure », disait Maman Napoléon. Ça n'a pas « douré » ! Pour les industriels, et sans jouer les rabat-joie, les signaux positifs doivent être tempérés par les menaces prévisibles, hausses des cours des matières premières et des prix de l'énergie, sans oublier les coups de Trafalgar imprévisibles.

Les incertitudes économiques vont donc brouiller l'horizon. Bien malin qui peut prédire s'il y aura plus ou moins de chômeurs, de précaires ou de pauvres. À ce contexte social très volatil s'ajoutent les multiples inconnues politiques sur les candidats eux-mêmes. Entre ceux qui, à peine partis, ne sont pas sûrs d'aller au bout, comme Hulot, Borloo, Villepin, ceux qui se font attendre, comme DSK, ceux qui vont trébucher en primaires, Marine Le Pen qui fait trembler les autres, y compris Nicolas Sarkozy pas mécontent de son bilan distribué hier, il y a de quoi rendre tout pronostic aléatoire.

Le moral des Français risque ainsi de flotter entre chant des sirènes et discours de Cassandre, entre espoir et grogne, confiance et repli rageur. Face à de tels symptômes d'une société en crise et qui ne sait plus à quel saint se vouer, si ce n'est celui du populisme, la tâche des prétendants à l'Élysée n'en sera que plus complexe et certaines promesses lourdes de périls pour la suite.

Tchernobyl, Fukushima, Fessenheim : même combat ?

Il y a vingt-cinq ans, la catastrophe de Tchernobyl avait frappé le monde de stupeur mais n’avait pas remis en question le nucléaire. Si elle avait joué le rôle d’un test d’effroi – grandeur nature, hélas – son souffle n’était pas parvenu à enrayer la progression irrésistible d’une source énergétique dont les promoteurs parvinrent à imposer l’idée qu’elle était finalement bien plus propre que la plupart des autres. La contestation radicale des années 70 au son de «No nukes» avait perdu la bataille sur le terrain idéologique, en même temps qu’elle avait rendu les armes face au dogme supérieur de l’indépendance énergétique. Si une centrale avait explosé en Ukraine, c’était un accident, après tout : la faute aux effets pervers du bureaucratisme soviétique.

Un quart de siècle après l’explosion, les images de la zone interdite délimitée après le funeste 26 avril 1986 sont aussi irréelles que désespérantes, tant elles mettent en évidence la fuite irréversible de la vie. Mais au rythme des tours opérateurs qui le font désormais visiter, le site fait presque figure de curiosité de la planète.

Le désastre de Fukushima, lui, va frapper l’imaginaire du monde bien plus profondément, instillant le doute jusque parmi les peuples dont les dirigeants rêvaient de posséder la précieuse technologie atomique. Un peu partout, la côte de popularité du nucléaire a perdu des points. Si elle reste globalement majoritaire, c’est désormais de très peu. Même la France, qui l’a toujours approuvée, est en proie au doute.

Cette fois, quelque chose s’est bel et bien cassé dans la confiance que le lobby mondial du nucléaire avait patiemment réussi à imposer dans les esprits. Promettre de «dire la vérité» – comme le réclame en guise d’acte de contrition le président russe Medvedev – ne suffira même plus, maintenant qu’un pays aussi développé que le Japon était incapable de maîtriser un incident.

Au moment même où, de l’autre côté du Rhin, le gouvernement d’Angela Merkel arrête, sans état d’âme, les réacteurs allemands les plus anciens, l’arrogance avec laquelle EDF continue de prétendre qu’une vieille centrale comme Fessenheim est «aussi sûre qu’une neuve», insulte non seulement les promesses faites à plusieurs reprises par l’État, mais aussi le discernement de l’opinion.

Plus qu’une stratégie de rapprochement avec les Verts, le revirement de Nicolas Hulot en faveur d’une sortie progressive du nucléaire est emblématique de l’évolution, encore floue, des mentalités dans une catégorie charnière de la population française. Le discours sécuritaire de l’industrie nucléaire aura désormais d’autant plus de mal à convaincre que le risque n’est plus un fantasme mais une réalité vécue en direct et au jour le jour. Alors qu’importe qu’il soit plus ou moins faible puisqu’il est de toute façon monstrueux.

Fukushima, 25 ans après Tchernobyl

Nous n'en avons pas fini avec Tchernobyl, son sarcophage branlant, ses décombres radioactifs inextricables, ses conséquences sanitaires dans une région entière aux sols gorgés de césium. Vingt-cinq ans plus tard, huit millions de personnes n'ont d'autre choix que de survivre aux côtés du cadavre encombrant de la centrale ukrainienne. À Tchernobyl règne le non-dit. Les conséquences de la plus grande catastrophe du nucléaire civil restent en effet incommensurables.

Tchernobyl, combien de victimes ? Quarante-sept morts selon les Soviétiques. Quatre mille selon les autorités internationales de sûreté nucléaire. Cent mille évaluent les organisations écologistes. Vingt mille à quarante mille victimes estime, quant à lui, Claude Allègre qui ne passe pas pour un antinucléaire échevelé. Et cette tragédie humaine se poursuit. Des milliers de liquidateurs souffrent aujourd'hui encore des conséquences des irradiations : cancers, systèmes immunitaires délabrés. Chez les enfants nés après l'explosion, les médecins relèvent des fragilités osseuses et immunitaires inquiétantes.

La communauté internationale n'a pas fini de régler la facture de Tchernobyl. Car l'Ukraine, seule, ne peut faire face. Sécuriser le site est hors de ses moyens. Depuis 1986, la communauté internationale a dû, cahin caha, mobiliser plus d'un milliard d'euros pour gérer cette crise nucléaire inédite.

Le projet de grand sarcophage, chargé de fermer hermétiquement le site, quinze ans après le premier appel d'offres, n'est toujours pas totalement financé. Les donateurs se font tirer l'oreille. À Kiev, la semaine dernière, un nouveau tour de table a permis de réunir 550 millions d'euros supplémentaires. Il en fallait 740. Le Japon, frappé à Fukushima, a laissé sa chaise vide.

Une période incertaine

Tchernobyl fut le coup fatal porté à l'empire soviétique, si fier de ses réussites technologiques. L'explosion nucléaire - on ne pouvait le comprendre sur l'instant - a, par réactions en chaîne, ébranlé Moscou, fait chuter le mur de Berlin. D'une tragédie naissait une libération. Du coup, la nature même de la catastrophe a été quelque peu escamotée. Ce n'était pas l'énergie atomique qui était remise en cause, mais un modèle d'organisation sociale totalitaire.

Avec le drame japonais, la question resurgit. De quoi Fukushima sera-t-il la fin ? La fin d'une croyance aveugle dans la sécurité nucléaire au Japon, l'archipel de tous les dangers sismiques, c'est certain. La mort du mythe de l'énergie sûre, propre, économique ? Évidence. La catastrophe japonaise, vingt-cinq ans après celle de Tchernobyl, ouvre une période incertaine. En Europe, l'Allemagne et l'Italie se détournent du nucléaire. Aux États-Unis, une compagnie privée annule un projet de centrale. En Inde montent les contestations...

Les normes de sécurité, relevées, vont renchérir le prix du kilowattheure nucléaire. Dans le grand défi énergétique du XXIe siècle - défi économique et climatique - quelle place occupera l'atome ? Nul ne le sait. Nos modes de vie et de consommation vont être bousculés par un surenchérissement de l'énergie. Pétrole, gaz, nucléaire, les prix grimpent. Fukushima et ses conséquences attisent les tensions, accélèrent le débat. EDF et Areva, nos champions mondiaux de l'atome, déjà endettés, en sortiront renforcés ou à jamais affaiblis.

lundi 25 avril 2011

Le dernier lundi

Il faudra bien profiter de ce lundi de Pâques car il y a de fortes chances qu’il soit le dernier jour de congé à peu près tranquille avant longtemps. Chacun a bien compris, en effet, que la campagne électorale allait maintenant s’emballer. Désormais tout sera politique, même la météo, promise à la confiscation. Vent, chaleur, tempête, orage… la métaphore climatique est vorace quand elle chasse sur les territoires des acteurs du pouvoir et qu’elle survole les champs de bataille de leurs conquêtes.

Il ne manquerait plus que la sécheresse qui frappe le nord du pays en ce printemps 2011 s’accentue pour que le premier degré rattrape le second sur le thermomètre des passions françaises. L’inquiétude des agriculteurs et le courage dont ils font preuve pour affronter les âpres défis des lois arides du marché ne devraient pas être le moindre des germes d’interrogation sur cette identité française qui balisera le chemin de l’actualité jusqu’au 22 avril 2012.

Puisqu’une partie de la France urbaine passera ce jour de retour de week-end sur les routes, et parfois à faible allure, la contemplation obligatoire du paysage l’invitera à méditer sur ce monde rural devenu négligeable sur les tablettes démographiques mais qui reste le maître des paysages, ces constructions humaines par définition. Comment préserver son rôle irremplaçable ?

Comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, l’automobiliste fera donc de la sociologie sans le vouloir. Un peu de philosophie, aussi, sur la jouissance de la vitesse que freine forcément l’installation de radars de plus en plus nombreux et de plus en plus sophistiqués. Faut-il accepter avec sagesse cette bride sur le cou de nos désirs instinctifs qui peuvent aussi véhiculer des dangers mortels ? Et si oui, comment dépasser cet obstacle au plaisir du vertige?

L’habitacle confiné de nos autos est plus aérien qu’on ne le croit. Au volant, on peut s’envoler aussi vers la sphère internationale. L’espace français – heureux soit ce pays vaste et varié qui a la plus faible densité de population de tous les grands pays industriels européens ! – pose la question de sa place dans le monde. Son ouverture géographique sur l’océan Atlantique à l’Ouest, sur tout le continent à l’Est et au Nord, sur la Méditerranée et l’Afrique au sud, est une chance qui lui impose à la fois des réalités et des devoirs. Sujet de bac et cas de conscience…

Ce qui nous amène à rouler vers le sport avec le match France-Italie programmé ce mardi et la rencontre Sarkozy-Berlusconi, qui s’annonce musclée. «Silvio» et «Nicolas», deux «amis», disent-ils, aux tempéraments ressemblants. D’ordinaire, ils s’apprécient. Là, ils sont prêts à se lancer les traités européens à la figure ! L’intérêt de l’un, le transalpin, est d’être généreux avec les immigrés tunisiens, l’intérêt de l’autre est de ne pas l’être. Aïe, de la psycho maintenant ! Ca attendra demain…

La démocratie, exigence universelle

Il y a un effort à faire pour tirer des enseignements optimistes de ce qui vient de se dérouler en Côte d'Ivoire et ailleurs en Afrique. Malgré le chaos et les morts, malgré la frénésie médiatique autour de la chute des dictateurs, ces événements renforcent l'idée qu'il existe, non sans soubresauts, une conscience démocratique universelle. L'actualité bat en brèche les idées reçues, fondées sur le complot, le néocolonialisme, la souveraineté d'un territoire ou la nécessité d'un recours à la force pour conserver le pouvoir.

Que n'aurait-on dit si la communauté internationale, c'est-à-dire l'Onu, avait abdiqué devant la détermination de Gbagbo de se maintenir à la tête de son pays ? Qui pense encore que l'Otan est superflue pour participer à neutraliser le « Guide suprême » libyen ?

Le sursaut révolutionnaire dans le monde arabe, dont l'issue positive n'est pas clairement acquise, appelle un accompagnement de la France et de l'Europe. Les médias, malgré leur quête de sensationnel et de course à l'audience, ont leur place dans cet effort. À condition qu'ils fassent l'effort d'expliquer les enjeux et les défis nouveaux. Observons que c'est la télévision que les dictateurs craignent quand leurs propagandes sont, en un instant, débusquées ou ridiculisées. C'est aussi cette même télévision ¯ et les réseaux sociaux ¯ qui, en creux, fédèrent des peuples qui se mettent à croire en une justice internationale. Tout cela est ténu certes, mais irrémédiable.

La « civilisation de l'universel » si chère à l'ancien poète président du Sénégal Léopold Sédar Senghor (relayée, plus tard, par le philosophe Edgar Morin quand il évoque sa « communauté de destin ») est bien là dans les consciences. L'actualité ne se résume pas, en Afrique, au spectacle de la mort. Il se tisse sur le continent noir de quoi espérer. Du côté du Niger par exemple où des élections démocratiques viennent de mettre au pouvoir des civils, avec la bénédiction de militaires fiers de retourner dans leurs casernes. Ou bien au Rwanda : qui sait que ce pays qui revient des enfers a décidé, en 2007, de supprimer la peine de mort ? Que pour la première fois dans l'histoire des pays du Sahel, c'est une femme, respectée pour son intransigeance, qui, ce mois-ci, vient d'être nommée Premier ministre du Mali ?

Reste à l'Union africaine à exister. Quand sa voix portera, on commencera à regarder l'Afrique et les Africains autrement. Alors, les Africains en quête de démocratie pourront sortir du dilemme résumé ainsi par un journaliste congolais, Jean-Jules Lema Landu, « entre la sécurité du passé, le connu, et la peur de l'inconnu, le futur. »

Pour Hulot, sortir du nucléaire est "un objectif prioritaire"

Le candidat écologiste à la présidentielle Nicolas Hulot a déclaré lundi que la sortie du nucléaire était désormais "un objectif prioritaire", soulignant que la catastrophe de Fukushima avait achevé de le convaincre. "Fukushima est une démonstration qui achève de me convaincre que le nucléaire ne peut plus être la réponse à l'avenir énergétique de la planète", a déclaré à des journalistes M. Hulot, qui devait participer à Strasbourg à une manifestation pour réclamer la fermeture de la centrale de Fessenheim.

"L'objectif de sortir du nucléaire est un objectif prioritaire. C'est un changement d'état d'esprit", a reconnu le candidat à la présidentielle. "Je faisais partie de ceux qui accordaient une certaine confiance aux arguments des ingénieurs pronucléaires. Leurs arguments s'émoussent aujourd'hui à l'épreuve des faits", a-t-il poursuivi. "Je chemine. Je ne suis pas un dogmatique. Je suis horrifié par ce qui se passe à Fukushima et horrifié par le désarroi immense des acteurs politiques et scientifiques" face à cette catastrophe, a-t-il poursuivi.
Nicolas Hulot, à qui sa rivale d'EELV Eva Joly avait reproché de ne pas avoir mentionné la question du nucléaire dans sa déclaration de candidature, s'est défendu de prendre position pour faire plaisir à son camp. "Je n'affûte pas mes convictions à l'aune de ce que les militants écologistes ont envie d'entendre. (...) La réalité a fait une démonstration implacable qu'on s'est trompés", a-t-il dit. Il a estimé "envisageable" de sortir du nucléaire en "quelques décennies", tout en mettant en garde contre toute "précipitation" et en plaidant pour le "pragmatisme". "Il faut faire jaillir un mix énergétique digne de ce nom, orienter les investissements en termes de recherche et de développement des énergies renouvelables, favoriser l'efficacité énergétique", a-t-il souligné.

PHOTO PRISE DANS LE TGV QUI ROULE GRÂCE À....L'ELECTRICITÉ....QUI VIENT DE.......? DU NUCLÉAIRE !!!!
ALLONS CONNARD ARRÊTE TON CHAR !!!!!!

«Le régime syrien ne veut pas de témoins»

Malgré la répression des manifestations et en dépit de l'absence de journalistes étrangers sur place, Damas ne peut empêcher la diffusion d'informations, notamment via internet.

La répression se poursuit en Syrie. Damas a expulsé les journalistes étrangers et restreint l'accès aux sites des manifestations. Pourtant, des images, des vidéos, parviennent à échapper à la surveillance des autorités. Souvent relayées par des militants locaux pour les droits de l'Homme, elles permettent d'informer sur la situation sur place.

Dimanche, quatre personnes ont été tuées par les forces de l'ordre à Jableh, près de Lattaquié, dans le nord-ouest du pays. Plusieurs autres ont été blessées. Peu après, environ 3000 habitants de Banias, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Lattaquié, ont organisé par solidarité un sit-in sur l'autoroute reliant Lattaquié à Damas, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, dont le siège est à Londres. Les manifestants ont affirmé qu'ils ne lèveraient pas le blocage de l'autoroute tant que les forces de sécurité ne cesseraient pas leurs tirs à Jableh. Ces quatre nouveaux décès portent à au moins 352 le nombre de personnes ayant péri depuis le début, le 15 mars, du mouvement de rébellion, selon des chiffres compilés par l'Agence France-Presse.
Des milliers d'habitants de la province de Deraa, où est né le mouvement de révolte dans le sud du pays, ont par ailleurs enterré dimanche plusieurs victimes de la répression, après la prière. Une manifestation a suivi sans que les forces de sécurité n'interviennent, a raconté un militant. Les protestataires ont brandi des drapeaux syriens et des pancartes appelant «à la suppression de l'article 8 de la Constitution» sur la suprématie du parti unique Baas, a-t-il ajouté sous couvert de l'anonymat. La majorité des commerces étaient fermés en signe de deuil.

Arrestations d'opposants

Ces derniers jours, les services de sécurité ont fait des descentes dans plusieurs villes, arrêtant des militants hostiles au régime, ont indiqué des témoins et l'opposition. Dimanche, selon des militants des droits de l'homme, une dizaine de personnes ont été arrêtées dans plusieurs villes dont Damas, Homs, Deraa, Lattaquié et Alep. Dans un communiqué, 102 intellectuels et journalistes ont condamné «la pression des autorités syriennes» et ont appelé les journalistes travaillant dans les médias officiels à démissionner.
Des «dizaines d'arrestations» ont eu lieu vendredi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, qui a donné le nom de 15 militants dans l'est du pays. Il a dénoncé «la poursuite de la politique des arrestations arbitraires malgré la levée de l'état d'urgence» et appelé «à une enquête indépendante sur les meurtres commis lors des manifestations».
Des témoins ont indiqué que les routes menant aux «secteurs chauds» proches de la capitale étaient fermées la nuit. Des points de contrôle sont établis pour vérifier les cartes d'identité et n'autoriser que les résidents à entrer dans ces localités théâtre de protestations.
Pour leur part, les autorités syriennes continuent à faire état de morts dans les rangs de la police ou l'armée, tués par «des gangs armés» à qui elles imputent le mouvement de contestation.