TOUT EST DIT

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dimanche 19 décembre 2010

je te reprends assouline !!!!#

Pour saluer Jacqueline de Romilly

 On pourrait s’en tenir à sa qualité de première en tout (première femme reçue à l’Ecole Normale supérieure, première femme élue professeur au Collège de France, première femme élue à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres sans oublier son rang au Concours général, à l’agrégation etc) mais on verserait dans le Livre des records qui n’était pas son livre de chevet. De Jacqueline de Romilly, qui vient de s’éteindre à 97 ans, nous préférons retenir une leçon. Un modèle. Un exemple. Ne jamais plier, ne jamais renoncer, ne jamais abandonner.  Cette helléniste en colère avait une idée fixe et elle s’y est tenue durant toute la seconde moitié de sa vie jusque dans sa nuit au cours de sa dernière décennie : sauver les Humanités coûte que coûte. Marteler encore et encore dans tous les médias qui voudraient bien lui tendre un micro le principe selon lequel les langues anciennes étant le socle des idées contemporaines, pas seulement la démocratie mais le sens même de l’humain, tout honnête homme se doit d’en passer par elles. Mais si son incessante propagande partait bien de la défense du grec et du latin, les langues sans oublier les cultures assorties, elle s’étendait naturellement à celle d’un enseignemderomillyjaqueline2.1292756492.jpgent littéraire de qualité. A chaque nouveau livre, soutenue par son plus fidèle éditeur Bernard de Fallois, on se disait : encore, elle remet ça ? Ce qui s’appelle enfoncer un clou. Souvent avec humour. Dans le bonheur du commerce intime avec ce que la pensée a produit selon elle de plus noble pour l’esprit, dans la souffrance de le clamer dans le désert et l’indifférence, avec la colère qui s’ensuit. La dernière fois, c’était il y a deux ans.
   Au lieu d’en appeler au sauvetage d’un enseignement des humanités au bord de l’abîme, elle a chanté haut et fort la grandeur de la langue grecque. Aidée de Monique Trédé, qui dirige le Centre d’Etudes anciennes de l’Ecole Normale Supérieure, Jacqueline de Romilly poussait à nouveau son cri de guerre sous forme de chant d’amour dans Petites leçons sur le grec ancien (176 pages, 15,50 euros, Stock). La lecture en est passionnante car fluide, légère, ailée même. On en oublierait la densité du propos. D’autant que les auteurs ne résistent pas au plaisir de moquer les précieux ridicules, ces pédants et faux-savants des médias et d’ailleurs, qui mettent par exemple de la “problématique” (art de poser les problèmes) à toutes les sauces, là où “problème” suffit amplement. Tout pour la langue. Ce qui ne fut pas toujours le cas dans l’abondante bibliographie de l’helléniste, plus souvent consacrée à Thucydide, au pathétique dans la tragédie ou à la modernité d’Euripide. J’en ai surtout retenu un chapitre sur la faculté du grec ancien à deromillyjaqueline6.1292756613.jpginventer des mots ou à en composer en les dérivant et en leur adjoignant des préfixes et des suffixes dotés d’une valeur précise. Deux exemples valent d’être rapportés car il s’agit, d’après les auteurs, de deux termes crées par Platon mais oubliés par nos dictionnaires contemporains. “Timocratie” tout d’abord, forgé à partir de “timé” (marque d’honneur) : ainsi désignait-on un régime où ceux qui recherchaient avant tout les honneurs commandaient (La République, 545, B). ”Théâtrocratie” ensuite, qui fait penser à la société du spectacle de Guy Debord, mais c’est un faux-semblant. Il s’agit plutôt d’une démocratie où tout le monde se croit compétent sans avoir rien appris, du théâtre comme des autres disciplines ; ceux qui en sont en tirent le plus souvent une assurance qui les mène à l’impudence; dès lors ils se croient tout permis, refusent l’autorité, les lois, le serment, l’engagement … (Les Lois, 701, A, 3) “Timocratie” et “Théâtrocratie” sont effectivement deux mots introuvables de nos jours. Dans les dictionnaires. Car dans la vie, les réalités qu’ils recouvrent sont aveuglantes et assourdissantes. Il serait peut-être temps d’accorder les uns avec les autres. Grâces soient rendues à Jacqueline de Romilly qui oblige la masse des oublieux à payer la dette de notre culture à la Grèce ancienne   Pour autant, malgré la proximité offerte par le Collège de France, son hellénisme était aux antipodes de celui de l’école des Vernant, Gernet, Mossé, Vidal-Naquet. Disons qu’il était plus classique et, partant, plus accessible au grand public, ce dont elle s’enchantait, n’ayant d’autre but que de transmettre et faire passer le message au plus grand nombre.
   Membre d’innombrables académies étrangères, juive selon Vichy, convertie au catholicisme il y a peu par le prêtre maronite libanais le père Mansour Labaky (« La première communion et la confirmation, à 95 ans, il était temps ! »), elle se vit accorder la nationalité grecque en hommage à son dévouement à la cause. Toutes choses que Jacqueline Worms de Romilly, née David, accueillait avec une grande élégance et une authentique humilité, sans regard et sans famille, ne cessant jamais de rendre hommage à celle à qui elle disait tout devoir : une romancière aujourd’hui oubliée du nom de Jeanne Malvoisin, qui n’était autre que sa mère.
(”Jacqueline de Romilly chez elle en 2004″, photos Olivier Roller)

Jacqueline de Romilly, une vie au service des belles lettres

L'académicienne Jacqueline de Romilly, spécialiste de la civilisation et de la langue grecques, est décédée samedi 18 décembre, à l'âge de 97 ans

Puisse Jacqueline de Romilly, depuis l’autre rive qu’elle a rejointe samedi 18 décembre, pardonner aux plumitifs tels l’auteur de ces lignes, leur superficialité.

L’immense femme de culture que nous connaissions aussi pour son franc-parler avait déclaré un jour à une consœur journaliste ceci, qui devrait nous rendre modeste : «Sachant que je parle à une journaliste, je persiste et signe. Un texte n’est sauvé que par sa qualité d’expression et sa qualité humaine. Par définition, l’article écrit rapidement pour le lendemain n’a aucun de ces deux avantages ». Passant outre ces sévères propos, nous n’avions pas regretté, pour notre part, de publier récemment une longue rencontre avec cette indémodable « Athénienne ».

Une extrême délicatesse de sentiment

L’helléniste passionnée, l’ardente defenseur des lettres classiques (1) que tous admiraient tandis que, curieusement, nul ou presque aujourd’hui ne semble croire aux vertus du grec ancien, s’en est donc allée, à l'âge de 97 ans. « Immortelle », pourtant, puisque membre éminente de l’Académie française depuis 1988.

Immortelle, sûrement, dans le souvenir qu’elle nous lègue. D’abord à cause d’une extrême délicatesse de sentiment. On peut en relever une jolie trace dans son discours de réception à l’Académie, la tradition voulant que l’on prononce l’éloge de son prédécesseur au fauteuil duquel l’on succède : que pouvait-elle bien dire d’André Roussin, maître du théâtre de boulevard, à cent lieux de son univers ?

Elle trouva le propos juste et qui touche au cœur : « Il s’est inquiété, une fois, de ce que le mot «gentil» pouvait avoir de protecteur et de légèrement méprisant. Pour moi, il exprime au contraire un éloge sans réserve. C’est un mot qui rayonne. Associée à l’intelligence, la gentillesse étonne et charme… »

Son pur amour de la richesse des mots

Que nous laisse-t-elle encore ? Justement : son pur amour de la richesse des mots, et, en mémoire, sa légendaire colère contre le pédantisme d’un certain vocabulaire. Écoutons-la plutôt, au fil de sa première chronique publiée dans Santé Magazine en septembre 1998, que lui avait commandé André Giovanni, directeur bien inspiré de cette publication : « C’est, je l’avoue, dans un récit un peu technique, que j’ai buté la première fois sur le mot 'opérationnalisation'. 'Opérer ', oui ! 'Opération', bon ! 'Opérationnel', peut-être. Mais ensuite, on voit l’excroissance monstrueuse et ses huit syllabes qui nous étourdissent ».

Plus loin, Jacqueline de Romilly s’incline devant Racine et sa Bérénice, éblouie par la sobriété du verbe choisie pour exprimer un sentiment si fort : « Depuis cinq ans entiers chaque jour je la vois, et crois toujours la voir pour la première fois ».

L’élégance – si l’on devait tenir compte de sa modestie – voudrait que l’on passât sous silence la litanie de ses nombreux titres. Qu’elle nous pardonne encore : les énumérer donne une idée de son éclectisme. Née à Chartres en 1913, fille de Maxime David, professeur de philosophie mort pour la France en 1914 et de Jeanne Malvoisin, romancière, à qui elle disait tout devoir, elle devient la première femme professeur au Collège de France en 1973, première femme membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1975 et seconde femme à entrer à l’Académie française après Marguerite Yourcenar.

Elle n’a jamais cessé de transmettre généreusement son savoir

« J’ai eu beaucoup de chance, confiait-elle à la Croix. Je suis née dans une société éminemment masculine, mais à toutes les étapes de ma vie, je suis arrivée, comme femme, au bon moment ». Sait-on qu’elle fut aussi membre de la British Academy, des Académies du Danemark, de Vienne, d’Athènes, de Bavière, des Pays-Bas, de Naples, de Turin, de Gênes, et de l’« American Academy of Arts and Sciences » ? Le titre dont elle pouvait être particulièrement fière lui fut attribué en 1995 : cette année-là, Jacqueline de Romilly obtint, en hommage à son œuvre inlassable en faveur de l’hellénisme, la nationalité grecque.

Elle n’appartenait pas à l’école héllénistique inspirée par le structuralisme et incarnée par Louis Gernet, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet ou Claude Mossé. Mais ses travaux, de facture plus classique, entendaient éclairer nos sociétés, d’autant plus que Jacqueline de Romilly, loin de s’enfermer dans une tour d’ivoire universitaire, n’a jamais cessé d’enseigner, de transmettre généreusement son savoir.

Elle résumait ainsi, en 2004, pour le magazine Lire les quelques convictions essentielles qu’elle en tirait : « On découvre dans l’étude de ces langues le point de départ des principales idées contemporaines. C’est vrai pour la démocratie… mais aussi de tous les mots qui aujourd’hui, désignent les grands principes et les grandes valeurs de la vie quotidienne. »

L’idée grecque qui l’aura jusqu’au bout fascinée le plus est « le sens de l’humain. Tous les textes grecs parlent de l’homme et fondent les vertus sur l’idée suivante : 'je suis homme comme lui, et cela pourrait m’arriver'… Ce qui est à l’œuvre ici, ce n’est pas la charité du pardon mais bien le sens de l’humain ».

Son cheminement vers le catholicisme

Ne cherchons pas ailleurs ce qui a motivé le combat de cette grande dame en faveur d’un enseignement littéraire de qualité : « Le progrès scientifique a facilité la vie matérielle, mais les valeurs ont changé et les gens manquent de repères…

L’important est de faire connaître les expériences passées, non pas comme des modèles à imiter mais comme des références pour comprendre le présent. Il faut à tout prix sauver la formation littéraire, qui non seulement apporte aux jeunes des éléments de comparaison leur permettant de juger, mais leur donne aussi une force intérieure », affirmait-elle (Les Échos, 1996).

Cette force dont elle-même donna l’exemple jusqu’au bout, malgré la fatigue, la quasi-cécité : «Avoir traversé le siècle, c’est fatigant. Aujourd’hui j’arrive au terme. Je ne redoute pas la mort, disait-elle au journaliste de la Croix  Laurent Larcher, qui l’interrogeait l’été dernier, mais l’effondrement intellectuel, le « gâtisme », la dépendance. »

Elle lui confiait surtout son cheminement vers le catholicisme et avoir été préparée par le P. Mansour Labaky, prêtre maronite libanais, à la première communion et à la confirmation : « A 95 ans, il était temps ! », concluait-elle avec humour.

(1) Jacqueline de Romilly était engagée dans deux associations qui encouragent l'étude des humanités et le renouveau des valeurs civiques : Sauvegarde des enseignements littéraires ( www.sel.asso.fr ) et L'élan nouveau des citoyens ( www.elandescitoyens.org ).

Bibliographie de Jacqueline de Romilly

Jacqueline de Romilly a écrit ou coécrit plus d’une trentaine de livres dont plusieurs constituent d’importantes références :


La Douceur dans la pensée grecque (Belles Lettres, 1995)

Sur les chemins de Sainte-Victoire (Julliard, 1987). Jacqueline de Romilly possédait une petite maison au pied de cette célèbre montagne provençale.

La Construction de la vérité chez Thucydide (Julliard, 1990). Thucydide, grand historien grec contemporain du monde antique, l’un des premiers à introduire la méthode critique dans l’Histoire, ouvrit la porte de l’Antiquité grecque à Jacqueline de Romilly.

La Modernité d’Euripide (PUF, 1986).

Hector (De Fallois Eds, 1997).

La Grèce antique contre la violence (De Fallois Eds, 2000).

Dictionnaire de littérature grecque ancienne et moderne (PUF 2001).

Sous des dehors si calmes (LGF, 2004).

Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès (LGF, 2004).

Les Roses de la solitude, (Éd. de Fallois, 2006).

Le Sourire innombrable (Éd. de Fallois, 2008).

La flamme de l'hélléniste Jacqueline de Romilly s'est éteinte

La grande helléniste Jacqueline de Romilly, décédée samedi à l'âge de 97 ans, incarnait l'enseignement des études grecques classiques en France ainsi qu'une conception exigeante et humaniste de la culture.
Académicienne, Jacqueline de Romilly a écrit une oeuvre considérable sur cette Athènes du Ve siècle (d'avant JC) d'où «tout est sorti brusquement»: la philosophie, l'histoire, la tragédie, la comédie, les sophistes.
«Emerveillée» par cette époque, elle a ainsi beaucoup travaillé sur l'historien Thucydide (un des «hommes de sa vie», disait-elle), Homère, Eschyle ou Euripide. On lui doit également un livre sur la Provence, un roman et quatre volumes de nouvelles.
«Je regrette que l'on n'oeuvre pas suffisamment pour ce qui développe la formation de l'esprit par la culture, par les textes et l'intimité avec les grands auteurs, perdant ainsi un contact précieux avec ce que les autres ont pensé avant nous», estimait-elle.
Ceux qui ont rencontré cette petite dame pétillante aux cheveux blancs constataient que le grec la rendait heureuse, tant elle se montrait habitée par une profonde tranquillité intérieure, passionnée et pleine d'humour dans ses propos, malgré une cécité des dernières années.
Jacqueline David est née le 26 mars 1913 à Chartres (Eure-et-Loir). Son père, juif, normalien, philosophe, est tué au front quand elle a un an. Sa mère, romancière, l'élève. Elle rencontre un homme «aux trois quarts juif» dont elle divorcera. Sa famille s'appelle Worms et possède «Le Petit Echo de la mode». «Au moment de la Révolution française, dira l'hélléniste, les Worms avaient acheté le château de Romilly, ajouté froidement +de Romilly+ et s'étaient appelés Worms de Romilly».
Elle est tour à tour la première lauréate au Concours général, la première normalienne intégrant la rue d'Ulm, la première femme, en 1973, professeur au Collège de France. Elle ne fut toutefois que la deuxième, en 1989, après Marguerite Yourcenar, à siéger à l'Académie française, après avoir enregistré un premier échec.
La modernité des Grecs anciens l'intéressait plus que la mythologie à proprement parler. Elle admirait cette démocratie qui a eu le mérite d'avoir été inventée là, même si elle excluait nombre de catégories, notamment les femmes et les esclaves.
Jacqueline de Romilly savait parler de la pertinence de cette période historique dans l'Europe actuelle.
«On veut que les enfants sachent ce qui se passe autour d'eux. Mais quelle merveille de découvrir un monde autre pendant une heure. Pourquoi tirerait-on davantage d'une rencontre avec n'importe qui que d'un tête-à-tête avec Andromaque ou Hector ?», demandait-elle.
Elle déplorait que l'ensemble des connaissances soit aujourd'hui miné par l'utilitarisme. Sous-entendu: une société qui néglige Homère finira par oublier Voltaire.
Pour elle, le grec ancien devrait être accessible à tous. Elle a d'ailleurs écrit la préface de la seconde édition de l'Assimil du grec ancien, qui fut un inattendu best-seller.
Grand Croix de la légion d'honneur - seule une poignée de femmes y a eu droit -, Jacqueline de Romilly disait avec malice ne pas avoir eu, «bien sûr», la vie qu'elle souhaitait: «Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais».
Ni nostalgie pourtant, ni pessimisme chez cette grande intellectuelle qui jugeait les années 2000 «inquiétantes et pleines de périls», mais restait confiante dans la «possibilité humaine de se reprendre, de se redresser et, avec l'aide du passé, d'inventer quelque chose de mieux».
Les Grecs contemporains l'adoraient et lui avaient souvent exprimé leur gratitude. Membre correspondant étranger de l'Académie d'Athènes, Jacqueline de Romilly avait obtenu la nationalité grecque en 1995 et avait été nommée ambassadrice de l'hellénisme en 2000.

JACQUELINE DE ROMILLY, 
UNE CERTAINE IDÉE DE LA GRÈCE.


Elle a rejoint ses "chers Grecs", Thucydide, Hérodote, Eschyle, Euripide ou Sophocle. Première femme professeur au Collège de France, l'académicienne Jacqueline de Romilly avait lié sa vie à la Grèce antique, partageant ses émerveillements pour les trésors de sa littérature et la naissance d'idées majeures.


L'immense helléniste s'est éteinte samedi à l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt, selon son éditeur Bernard de Fallois. Elle avait 97 ans.


Toute sa vie, la philologue avait mené un combat en faveur de l'apprentissage des langues anciennes et de la connaissance des mots pour faire barrage à la violence de la société. A ses yeux, l'enseignement des humanités donnait la possibilité de "retrouver l'élan intérieur, la simplicité première et l'éveil".


Sa carrière est jalonnée de nombreux ouvrages sur les auteurs de l'époque classique (comme Thucydide et les tragiques) ou sur l'histoire des idées et leur analyse dans la pensée grecque, particulièrement la loi et la démocratie, la douceur, la psychologie.


En 1995, elle avait reçu la nationalité grecque avant d'être nommée six ans plus tard ambassadeur de l'hellénisme. "J'ai beaucoup plus rencontré Périclès et Eschyle que mes contemporains", confiait-elle au magazine "Lire" à 91 ans. "Ils peuplent ma vie, de mon réveil à mon coucher".


Née à Chartres le 26 mars 1913, la fille de Jeanne Malvoisin, auteur de romans et de contes, et de Maxime David, professeur de philosophie tué pendant la Première guerre mondiale, se passionne très vite pour les lettres classiques. Alors au lycée Molière, elle obtient des prix de grec et de latin au concours général en 1930, première année où les filles peuvent concourir. "Rien par la suite ne m'a jamais rendue aussi heureuse", dira-t-elle plus tard.


Ses études la conduiront à Louis-le-Grand, l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm et la Sorbonne. Et c'est un "hasard" -une lecture d'été- qui l'amènera à travailler sur Thucydide, historien du Ve siècle avant Jésus-Christ. "En phrases denses, chargées de sens, hautaines, subtiles, Thucydide pensait pour moi, en avant de moi", écrira-t-elle dans "Pourquoi la Grèce?" (1992).


Agrégée de lettres (1936), docteur ès lettres (1947), la jeune femme, qui épousera en 1940 Michel Worms de Romilly -dont elle divorcera-, enseigne quelques années durant dans des lycées, puis se voit contrainte d'arrêter, le statut des juifs d'octobre 1940 l'empêchant de dispenser des cours. La guerre finie, elle deviendra professeur de langue et de littérature grecques à l'université de Lille (1949-1957) avant de rejoindre la Sorbonne de 1957 à 1973, date à laquelle elle sera la première femme nommée professeur au Collège de France, où sa chaire s'intitulera "la Grèce et la formation de la pensée morale et politique".


En 1975, Jacqueline de Romilly sera aussi la première femme à devenir membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, qu'elle présidera en 1987. Et huit ans après Marguerite Yourcenar, elle sera la deuxième femme à rejoindre, en 1988, l'Académie française.


"C'est incontestable, j'ai été gâtée", avouait-elle en 2007 au "Point". "J'ai eu la chance d'appartenir à une génération où les femmes accédaient pour la première fois au podium, où les portes s'ouvraient enfin".


Sa connaissance de la Grèce ancienne lui vaudra des honneurs à l'étranger: elle est membre de nombre d'académies et docteur honoris causa de plusieurs universités en Europe, au Canada et aux Etats-Unis. Faite Grand-Croix de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite, elle est également commandeur des Palmes académiques, des arts et lettres. Plusieurs distinctions lui seront décernées, dont le Grand prix d'Académie française (1984) et le prix Onassis pour la culture (Athènes, 1995).


Le grand public la découvrira en 1984 à l'occasion de son passage dans l'émission télévisée "Apostrophes" pour son livre "L'enseignement en détresse". Un cri d'alarme qu'elle ne cessera de lancer, fondant Sauvegarde des enseignements littéraires et Elan nouveau des citoyens, deux associations pour "réveiller les valeurs de la démocratie" et les "remettre au coeur du débat citoyen".


En 2007, cette femme à la formidable énergie avait signé un appel lancé aux candidats à la présidentielle pour dénoncer la "catastrophe éducative". "Pas très optimiste", elle espérait un sursaut, sinon, prévenait-elle, "nous allons vers une catastrophe et nous entrons dans une ère de barbarie".


Invitée à dévoiler son secret de jouvence, Jacqueline de Romilly se disait habitée par la "conviction" et portée par la "force" que cela procure. Mais la vieillesse est un "terrible combat", "tout se dégrade, se défait, pouah, affreux!", lançait la philologue, pratiquement devenue aveugle.


L'helléniste qui "n'aimait l'histoire que dans la mesure où elle explique la littérature", se déclarait passionnée dans les textes grecs par "la rencontre avec la naissance de la pensée raisonnée" et "l'irruption de la lumière" dans "un monde encore confus et obscur".


En marge de ses ouvrages savants, Jacqueline de Romilly avait écrit des livres grand public, des nouvelles et un roman, "Ouverture à coeur", à 75 ans. Dans l'un de ses derniers livres, paru en 2008, le "Sourire innombrable" -des "mémoires pour rire"-, elle évoquait sa mère avec tendresse. Un livre loin de la Grèce Ancienne mais dont le titre même rappelait la puissance des liens qui l'unissaient à ses auteurs. A sa source, un vers d'Eschyle: "le sourire innombrable de la vague marine"...

L'ISLAM RELIGION DE PAIX ?


À l’Est, rien de nouveau…

Impossible de se tromper ! Viktor Loukachenko, président du Belarus (ou Biélorussie) au pouvoir depuis 1994, le « dernier dictateur d’Europe », sera triomphalement réélu aujourd’hui avec sans doute plus de 70 % des voix. Et une présidence à vie en perspective.

Comme les précédentes, cette élection est une mascarade. Elle a les aspects formels de la démocratie en présentant, face à Loukachenko, huit autres candidats… dans l’incapacité de s’exprimer, voire de se faire connaître en dehors des milieux intellectuels. Le KGB - au Belarus, la police secrète n’a même pas changé de nom ! - veille. D’ailleurs, selon l’agence russe Novosti, 18 % des électeurs ont déjà voté en raison d’une curiosité de la loi électorale. Pour Loukachenko, évidemment, car il s’agit surtout de salariés d’entreprises d’État menacés dans leur emploi en cas de mauvais choix, de militaires aux ordres ou d’étudiants qui pourraient être radiés de leurs facultés et résidences universitaires.

Certes, l’Union européenne, après avoir promis des milliards en cas de vraie démocratisation (sur quel budget ?) va s’indigner. Peut-être, via le Parlement de Strasbourg, va-t-elle remettre, comme en 2006 à Alexandre Milinkevitch, un nouveau « Prix Sakharov » à un défenseur de la démocratie. Quelle hypocrisie ! Elle fait rire le « Petit Père », le surnom populaire de Loukachenko : Allemagne en tête, les États européens, même les voisins les plus critiques envers Minsk, font d’excellentes affaires avec le Belarus.

Voilà un pays discipliné, ancienne manufacture de l’URSS avec de grandes compétences en sous-traitance et aux salaires très bas convertis en euros. Un rêve pour capitalistes réticents à des aventures extrême-orientales !

Mais il faut aussi reconnaître l’évidence. Le régime Loukachenko a su éviter au Belarus les errements de la Russie postcommuniste à la Boris Eltsine en gardant des structures héritées de l’ère soviétique. Avec une reconnaissance assurée dans les kolkhozes, avec l’émergence d’une classe moyenne… comme en témoignent les embouteillages à Minsk. Que l’UE l’admette ou non, Loukachenko possède une certaine assise populaire qui s’exprimera aujourd’hui. En ignorant les « suicides » de journalistes et les « disparitions » d’opposants.

Longtemps, les Européens ont espéré que Moscou allait « lâcher » le voisin biélorusse éternellement en conflit avec Gazprom. Il n’en est rien. Medvedev et Loukachenko s’embrassent de nouveau devant les caméras. Une façon de montrer qu’à 18 mois de la présidentielle russe, avec le retour prévisible de Poutine à la tête de l’État, le Kremlin garde la main sur son « étranger proche ». Sur l’Ukraine aussi, retombée dans le giron de Moscou.

Bref, rien de nouveau à l’Est de l’UE, après quelques parenthèses…



Le Louvre en état de Grâces

Quelque 5.000 particuliers ont réuni un million d'euro pour aider le musée du Louvre à acquérir Les Trois Grâces de Lucas Cranach l'Ancien, un chef-d'œuvre de la Renaissance. La souscription publique exceptionnelle s'est terminée vendredi, deux semaines avant la fin de la date-butoir. 

"C'est un magnifique cadeau de Noël!" Interrogé par la presse, Henri Loyrette, le président-directeur du Louvre, ne cache pas son enthousiasme. Il aura réussi l'impossible: trouver un million d'euros pour faire entrer dans les collections de son musée un chef d'œuvre de la Renaissance, Les Trois Grâces, un tableau peint sur bois par Lucas Cranach l'Ancien en 1531
Cette pièce, dont la valeur historique et artistique est exceptionnelle, risquait de disparaître à jamais dans les collections d'un riche inconnu. Découvert en France, le tableau a donc été classé "trésor national", un statut qui permet à l'Etat de refuser temporairement une sortie du territoire de l'œuvre. Ceci fait, le Louvre, qui regroupe l'essentiel des collections d'art publiques, avait jusqu'au 31 janvier pour acheter le tableau. Prix fixé par les experts: quatre millions d'euros (*). Le compte-à-rebours était lancé.

Un trou d'un million d'euros

Des entreprises se sont alors intéressées à cette opportunité. Très tôt, Mazars, le spécialiste français de l'audit financier, a investi dans le projet. "Une entreprise se doit d’être pleinement citoyenne. Mazars est donc heureux d’être pour la troisième fois aux côtés du Musée du Louvre pour aider à l’acquisition d’une œuvre majeure et d'un trésor national", expliquait en novembre son président, Patrick de Cambourg. Dix-sept autres entreprises, dont la fondation Gandur, l'ont imité, apportant trois millions d'euros.
Mais le Louvre avait encore besoin d'un million d'euros, que ni le musée, ni le ministère de la Culture n'arrivait à trouver auprès des entreprises. Aussi les autorités culturelles publiques ont eu l'idée de lancer une souscription publique. Cette procédure exceptionnelle permet à tout particulier qui le désire de faire un don. Au total, 5.000 donateurs ont répondu à l'appel lancé le 13 novembre par le Louvre, qui a créé un site Internet pour l'occasion sur le thème "Tous mécènes".

Une occasion unique

Les donateurs sont essentiellement français, âgés de 8 à 96 ans. Parmi eux, il y a certes des membres de la société des Amis du Louvre, mais surtout des milliers d'inconnus, dont la plupart disent avoir effectué un don pour la première fois. Les sommes vont de 1 euro à 40.000 euros - la moyenne des dons s'élève à 150 euros. Des dons qui, comme la loi le stipule, sont déductibles à hauteur de 66% de l'impôt sur le revenu.
En 1988, sous la précédente direction, le Louvre avait déjà fait appel à une souscription publique afin de pouvoir acquérir Saint Thomas à la pique du peintre lorrain Georges de La Tour. Mais la somme demandée n'était pas comparable. Les détracteurs de cette forme d'appel à la "charité publique" affirmeront sans doute que quatre millions d'euros pour un tableau peut sembler cher. Mais ce n'est pas tous les jours qu'un chef-d'œuvre risque d'échapper à la France.
Les Trois Grâces d'une grande sensualité, représente trois jeunes femmes blondes, vêtues de leurs seuls bijoux en or et, pour l'une d'elle, d'un élégant chapeau rouge à plume blanche. Lucas Cranach l'Ancien, figure du réalisme des peintres nord-européens influencé par l'Italie de la Renaissance, propose une version très personnelle, étrange et volontairement ironique, d'un thème classique. Destiné à l'origine à un collectionneur privé, cette œuvre n'a jamais été exposée au public, malgré les nombreux écrits à son sujet. Ce mal sera réparé du 2 mars au 4 avril au Louvre, où le tableau sera exposé dans une salle dédiée au côté de la longue liste de tous les donateurs. Sans doute l'un des événements culturels de l'année à venir.
(*) Il s'agit d'une estimation basse pour une œuvre aussi importante dans l'histoire de l'art de la Renaissance. A titre de comparaison, le Portrait d’une dame tenant une grappe de raisin, un tableau de Lucas Cranach dont la valeur historique est bien moins importante, s'est arraché pour 3,7 millions d'euros lors d'une vente aux enchères en février 2008.

Mort de l'académicienne Jacqueline de Romilly

Spécialiste de la civilisation et de la langue grecques, elle est l'auteur de très nombreux ouvrages sur cette période, notamment sur l'historien Thucydide, le théâtre d'Eschyle et d'Euripide et la guerre du Péloponnèse.

L'académicienne et helléniste Jacqueline de Romilly est décédée samedi à l'âge de 97 ans. Elle a été la première femme professeur au Collège de France (1973), puis la première femme élue à l'Académie des inscriptions et belles lettres (1975). Spécialiste de la civilisation et de la langue grecques, elle est l'auteur de très nombreux ouvrages sur cette période, notamment sur l'historien Thucydide, le théâtre d'Eschyle et d'Euripide et la guerre du Péloponnèse.
Née le 26 mars 1913 à Chartres (Eure-et-Loir) d'un père professeur de philosophie et d'une mère romancière, Jacqueline David a très vite été première: deux fois lauréate du Concours général, ouvert pour la première fois aux femmes en 1930, elle sera la première femme reçue à l'Ecole normale supérieure en 1933, puis à l'agrégation de lettres en 1936. Professeur de lycée à partir de 1939, elle est nommée maître de conférences (1949), puis professeur titulaire (1951) à la faculté des lettres de Lille,  avant d'être professeur de langue et littérature grecques à la faculté des lettres de Paris (1957-1973). Elle est ensuite titulaire au Collège de France de la chaire "La Grèce et la  formation de la pensée morale et politique" (1973-1984).
En 1988, elle devient la deuxième femme élue à l'Académie française, après Marguerite Yourcenar. Elle était la doyenne de l'Académie depuis la mort de Claude Lévi-Strauss en 2009. L'universitaire a défendu ardemment l'enseignement littéraire et celui des  langues dites "mortes". Après son plaidoyer "L'Enseignement en détresse" (1984), elle fonde en 1992 une association pour la sauvegarde des enseignements littéraires.
Jacqueline de Romilly a notamment publié de savants essais comme "Histoire et raison chez Thucydide" (1956), "La douceur de la pensée grecque" (1979), un Que sais-je? sur Homère (1986), une biographie d'Alcibiade (1995), mais aussi un roman, "Ouverture à coeur" (1990), et des nouvelles qui évoquent ses souvenirs: "Les Oeufs de Pâques" (1993) et "Laisse flotter les rubans" (1999). L'une des très rares femmes à être Grand Croix de la Légion d'honneur, elle est aussi Grand prix de l'Académie (1984) pour l'ensemble de son oeuvre, membre de nombreuses académies étrangères, prix Onassis pour la culture (1995). Jacqueline de Romilly avait reçu la nationalité grecque en 1995. Elle était divorcée de Michel Worms de Romilly, sans enfant.


De Romilly, "un des très grands esprits"
Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a rendu hommage aujourd'hui à l'helléniste et académicienne Jacqueline de Romilly, décédée hier, estimant que "disparaît l'un des très grands esprits de notre temps".

"Maître en ces 'humanités' qu'elle enseignait depuis si longtemps, Jacqueline de Romilly était elle-même l'humaniste par excellence", a déclaré le ministre dans un communiqué. "Sa science du passé en faisait une femme éminemment actuelle", a-t-il poursuivi.

"Jacqueline de Romilly aura gardé jusqu'au terme de son existence presque centenaire, un même enthousiasme, une même passion, une même énergie inlassable pour défendre non seulement l'enseignement du grec et du latin mais aussi celui de notre langue", a souligné Frédéric Mitterrand.

"Elle voulait que les nouvelles générations continuent à disposer d'une langue riche et diversifiée, qu'elles gardent le sens du mot juste, dont dépend la qualité et la justesse de la pensée elle-même", a-t-il ajouté.

Le ministre a rappelé que "sa connaissance, sa pénétration du monde et de la culture grecs étaient si profondes, si complètes, si intimes qu'elles lui avaient valu [...] de recevoir en 1995 la nationalité grecque et d'être, quelques années plus tard, en 2001, nommée Ambassadeur de l'hellénisme".


Jacqueline de Romilly, "phare" (Bayrou)

 Le président du MoDem François Bayrou a salué aujourd'hui la mémoire de l'helléniste et académicienne Jacqueline de Romilly, décédée hier, estimant qu'elle était "un phare" de la pensée.

"Au moment où Jacqueline de Romilly s'en va, nous sommes nombreux à avoir envie de lui dire notre affection et notre reconnaissance", a déclaré François Bayrou. Elle "était un phare, à la fois par l'immense culture, la volonté de se battre sans cesse pour défendre les bases de cette culture à laquelle elle croyait - et en particulier la langue grecque - et aussi une infatigable volonté d'être présente par l'écriture", a-t-il poursuivi.

"Jacqueline de Romilly vivait la culture grecque et aimait la langue grecque comme une langue et une culture vivantes. Pour elle, les Grecs du Vème siècle étaient des contemporains en Humanité. Elle découvrait par eux l'idée que la liberté accomplit la nature humaine et que la démocratie comme projet politique est l'accomplissement de cet épanouissement", a-t-il ajouté.

"Toute la sensibilité de cette femme exceptionnelle et son inaltérable engagement ont été et seront, pour tous ceux qui partagent sa conviction et son combat, un repère et un encouragement", a-t-il conclu.

BAYROU, PAUVRE INCULTE, PARLE-IL SEULEMENT UN PEU LE GREC ? 

Jacqueline de Romilly

JACQUELINE DE ROMILLY EST MORTE,
LA GRÈCE CLASSIQUE AUSSI

Elue à l'Académie française en 1988, Jacqueline de Romilly s'est consacrée à la civilisation et la langue de la Grèce antique, rédigeant de nombreux ouvrages à succès. Elle est décédée à l'âge de 97 ans.


SOUS LE CHOC, J'Y REVIENDRAI PLUS TARD.