TOUT EST DIT

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vendredi 9 juillet 2010

En attendant la rigueur

C'est hélas dans l'indifférence générale que l'acte I du prochain budget s'est terminé hier avec le débat d'orientation au Sénat. L'acte II de la préparation de la loi de Finances la plus cruciale depuis longtemps ne sera joué que dans quelques semaines : le gouvernement tranchera alors sur les fameuses niches fiscales à raboter ou à supprimer. Mais d'ores et déjà une question se pose. Tel qu'il se présente pour l'instant, ce budget permettra-t-il de ramener le déficit public au niveau annoncé pour 2011 et les années suivantes ? La vérité est que la réponse n'est pas évidente du tout.

Côté face, un certain nombre de vrais et sérieux efforts sont faits pour redresser la situation des finances publiques la plus grave que la France ait connue depuis les années 1950. La poursuite de la diminution du nombre de fonctionnaires en est un. En cinq ans, des réformes de structure auront permis de réduire de 160.000 les effectifs publics de l'Etat. Si quelques astuces et transferts vers des opérateurs ont réduit la réalité de ce chiffre, l'absence, dans l'ensemble, de drame montre à quel point l'exercice était possible ! La réforme des retraites apporte un autre levier qui contribue directement à la baisse du déficit public dès l'an prochain avec une montée en puissance jusqu'en 2018. Enfin, le gel des salaires constitue un signal politique et financier nécessaire. Habituel dans les entreprises quand elles sont en difficulté, il est toutefois beaucoup plus relatif dans la fonction publique, compte tenu des automatismes qui sont les siens.

Côté pile, plusieurs incertitudes menacent toutefois la crédibilité des efforts annoncés. La plus évidente et la plus commentée concerne la prévision de croissance. Pour 2011 et les deux années qui suivent, le gouvernement parie sur 2,5 % ; le FMI, dont l'horizon s'arrête à l'an prochain, la voit limitée à 1,6 %… L'écart représente des milliards d'euros. Deuxième zone d'ombre, il est peu probable que les dépenses des collectivités locales ralentissent d'elles-mêmes comme par miracle comme il l'est écrit dans la feuille de route officielle. Troisième point, et c'est le plus important, le hiatus entre un discours dramatisant et le nombre limité d'économies concrètes annoncées cette semaine sur les dépenses dites d'intervention (aides économiques et sociales) est un mystère. Alors que l'enjeu à moyen terme est bien de transformer un Etat providence trop généraliste en un Etat providence ciblé sur ceux qui ont vraiment besoin de lui. Il faut espérer que la « séquence niches fiscales » sera plus convaincante. En attendant la rigueur
C'est hélas dans l'indifférence générale que l'acte I du prochain budget s'est terminé hier avec le débat d'orientation au Sénat. L'acte II de la préparation de la loi de Finances la plus cruciale depuis longtemps ne sera joué que dans quelques semaines : le gouvernement tranchera alors sur les fameuses niches fiscales à raboter ou à supprimer. Mais d'ores et déjà une question se pose. Tel qu'il se présente pour l'instant, ce budget permettra-t-il de ramener le déficit public au niveau annoncé pour 2011 et les années suivantes ? La vérité est que la réponse n'est pas évidente du tout.

Côté face, un certain nombre de vrais et sérieux efforts sont faits pour redresser la situation des finances publiques la plus grave que la France ait connue depuis les années 1950. La poursuite de la diminution du nombre de fonctionnaires en est un. En cinq ans, des réformes de structure auront permis de réduire de 160.000 les effectifs publics de l'Etat. Si quelques astuces et transferts vers des opérateurs ont réduit la réalité de ce chiffre, l'absence, dans l'ensemble, de drame montre à quel point l'exercice était possible ! La réforme des retraites apporte un autre levier qui contribue directement à la baisse du déficit public dès l'an prochain avec une montée en puissance jusqu'en 2018. Enfin, le gel des salaires constitue un signal politique et financier nécessaire. Habituel dans les entreprises quand elles sont en difficulté, il est toutefois beaucoup plus relatif dans la fonction publique, compte tenu des automatismes qui sont les siens.

Côté pile, plusieurs incertitudes menacent toutefois la crédibilité des efforts annoncés. La plus évidente et la plus commentée concerne la prévision de croissance. Pour 2011 et les deux années qui suivent, le gouvernement parie sur 2,5 % ; le FMI, dont l'horizon s'arrête à l'an prochain, la voit limitée à 1,6 %… L'écart représente des milliards d'euros. Deuxième zone d'ombre, il est peu probable que les dépenses des collectivités locales ralentissent d'elles-mêmes comme par miracle comme il l'est écrit dans la feuille de route officielle. Troisième point, et c'est le plus important, le hiatus entre un discours dramatisant et le nombre limité d'économies concrètes annoncées cette semaine sur les dépenses dites d'intervention (aides économiques et sociales) est un mystère. Alors que l'enjeu à moyen terme est bien de transformer un Etat providence trop généraliste en un Etat providence ciblé sur ceux qui ont vraiment besoin de lui. Il faut espérer que la « séquence niches fiscales » sera plus convaincante.

Marseille : la députée PS Sylvie Andrieux mise en examen

La députée PS des Bouches-du-Rhône, Sylvie Andrieux, a été mise en examen, jeudi à Marseille, dans le cadre d'une affaire de détournements présumés de fonds de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (Paca), dans laquelle 23 personnes étaient déjà mises en cause.

L'élue socialiste a été mise en examen pour «complicité de tentative d'escroquerie et complicité de détournement de fonds publics», au terme d'environ cinq heures d'audition comme témoin assisté par le juge d'instruction Frank Landou.
Elle a été placée sous contrôle judiciaire avec interdiction de rencontrer les autres protagonistes de l'affaire.

Sylvie Andrieux, 48 ans, députée depuis 1997 et ancienne vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, est la première élue impliquée dans ce dossier au long cours.

Une «diversion» selon la députée

L'élue des Bouches-du-Rhône a quitté très rapidement le palais de justice à l'arrière d'un scooter. En soirée, elle a qualifié, dans un communiqué, sa mise en examen de «diversion», indiquant avoir demandé à deux reprises à être entendue par le magistrat instructeur dans l'affaire. «J'ai pu aujourd'hui (..) pendant plus de quatre heures, apporter au magistrat instructeur les premiers éléments permettant de démontrer la fausseté des accusations dont je suis l'objet», écrit-elle.

Le bureau de l'Assemblée nationale avait validé, le 7 avril, une levée partielle de son immunité parlementaire, autorisant son placement sous contrôle judiciaire en cas de mise en examen, mais écartant la possibilité d'une garde à vue, au motif, notamment, que la députée avait elle-même demandé, de longue date, à être entendue.

Sa délégation retirée à cause de l'enquête

En mai 2009, le président PS du conseil régional, Michel Vauzelle, avait retiré à Mme Andrieux sa délégation à la politique de la Ville en raison de l'enquête. Un mois plus tard, la députée quittait le conseil régional où elle siégeait depuis 1992, officiellement pour cumul de mandats. Mariée et mère d'une fille, Sylvie Andrieux appartient à l'une des dynasties du defferrisme.

Ses démêlés se sont immiscés mardi dans la bataille politique qui se joue autour de l'affaire Woerth-Bettencourt. «Occupez-vous de Marseille», a lancé le député UMP Claude Goasguen à l'Assemblée nationale.

Jeudi à Marseille où il était en déplacement, le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a estimé que «la droite se trompe complètement» en faisant de l'affaire Andrieux «une contre-attaque à l'exigence de vérité qu'il y a à gauche» dans l'affaire Woerth-Bettencourt.

Parallèlement, l'UMP des Bouches-du-Rhône a écrit à Martine Aubry pour réclamer la démission du président PS d'une intercommunalité des Bouches-du-Rhône, Bernard Granié, condamné en janvier dans une affaire de corruption et qui a fait appel du jugement.

«La lutte contre la corruption n'est pas une lutte partisane mais doit rassembler tous les bords politiques», affirme cette lettre dont l'AFP a eu copie, en faisant le parallèle avec l'affaire Woerth-Bettencourt.

Parmi les mis en examen, un fonctionnaire territorial qui réceptionnait les demandes de subventions, Rolland Balalas, ancien secrétaire général du groupe PS au conseil régional et ex-assistant parlementaire de Sylvie Andrieux. Il a déclaré aux enquêteurs que les détournements visaient à acheter les services de responsables associatifs dans des quartiers populaires du Nord de Marseille, où l'élue a son fief, pour la campagne des législatives de 2007. Deux ex-cadres de la région, Franck Dumontel et Jules Nyssen, ont aussi été mis en examen.

Monaco, quand la dorure s'effrite

Cinq ans après son couronnement, Albert II peine à endosser le costume de prince. Les aléas de la crise économique sont venus s'ajouter à l'indécision chronique du souverain et aux querelles de cour. Les fiançailles annoncées suffiront-elles à relancer une machine à rêves qui a perdu de son éclat?

Il était une fois une bonne nouvelle. En annonçant ses fiançailles avec Charlene, Albert, 52 ans, s'est souvenu qu'il régnait sur un royaume de conte de fées. Le Rocher et son maître envahissent à nouveau les Unes de la presse people. Et il était temps. Cinq après son avènement, les Monégasques finissaient par s'impatienter. Habitués au faste du couple Rainier-Grace, ils en venaient à douter de l'héritier. Et à craindre que leur principauté de 2 kilomètres carrés ne soit plus le nombril du monde.

Il y a quelques mois, l'ex-journaliste reconverti dans le conseil en images Jean-Luc Mano avait été appelé à la rescousse. Sa mission: redonner du lustre au costume princier un brin effiloché. Aujourd'hui, ces fiançailles tombent comme un cadeau du ciel. "Monaco s'apprête à être champion du monde du glamour, du bonheur et de la joie de vivre. Ça n'a pas de prix!" s'enflamme ce spin doctor (conseiller) de plusieurs ministres du gouvernement Fillon, de Michèle Alliot-Marie à Christian Estrosi.

Tout avait pourtant bien commencé, ce 12 juillet 2005. Presque trop bien. En ce jour d'avènement, Son Altesse sérénissime Albert II sort de sa gangue. Le garçon effacé, timide, toujours dans l'ombre de son père, se mue en chef charismatique. Les accents prophétiques d'un discours plein d'élan touche les Monégasques au coeur. Citant pêle-mêle Socrate, Descartes, Léonard de Vinci, Theodore Roosevelt et Martin Luther King, le souverain leur parle d'une ère nouvelle. La promesse d'un âge d'or où la prospérité économique le disputera aux innovations écologiques, sa dernière marotte.

Cinq ans plus tard, les grands projets du 12 juillet 2005 sont toujours dans les cartons. L'extension du territoire grâce à un programme immobilier gagné sur la mer? Ensablé. La transformation de Monaco en une véritable place financière capable d'attirer les fonds d'investissements et plus seulement les riches déposants? Pas gagnée. La faute à la crise, bien sûr. Mais aussi au caractère velléitaire d'Albert et aux vaines querelles qui secouent la cour, là où Rainier imposait son pouvoir d'un gant de fer. "Le prince est un garçon plus intéressé par son plaisir que par l'Etat", déplore Didier Laurens, ancien rédacteur en chef de Monaco Hebdo (3000 ex-emplaires), la gazette de référence sur le Rocher.
Monarque absolu signant chaque décret de la formule consacrée "Nous, Albert II, prince de Monaco par la grâce de Dieu", le souverain est omnipotent. Il a toujours le dernier mot. Enfin normalement. "Lorsqu'une décision est prise, une autre vient toujours après dans l'autre sens", regrette une familière des affaires monégasques.

Ainsi, quand, en 2008, une énième crise de gouvernance mine l'Association sportive de Monaco (ASM), l'enfant chéri d'un prince passionné de football, le président du club, Jérôme de Bontin, est aussitôt convoqué au palais. Homme d'affaires américain, ami personnel d'Albert, il est sommé de s'expliquer sur la faillite sportive des Rouge et Blanc. Il y va comme à l'abattoir. Il en ressort vivant et confirmé à son poste. L'après-midi même, alors qu'il fête la bonne nouvelle avec ses collaborateurs, il reçoit un coup de fil d'un conseiller du palais: "Vous êtes viré!"

La cour d'Albert II n'a rien à envier à celle des Médicis et ses querelles florentines. On y empoisonne non pas ses ennemis, mais l'atmosphère. Les vieilles familles du Rocher ferraillent pour gagner la faveur du prince, mais savent aussi se liguer dès qu'un nouveau venu menace leurs intérêts.

Ancien n°2 du groupe Lagardère, Jean-Luc Allavena débarque sur le Rocher quelques semaines avant le couronnement d'Albert, à la demande expresse du souverain. Nommé directeur de cabinet, cet ancien camarade de classe du prince rédige avec lui le fameux discours d'avènement. Allavena marque d'emblée son territoire en stigmatisant les prébendes -fini, les petits cadeaux et les grands crus offerts aux hauts fonctionnaires du Palais en échange de services- et clame haut et fort qu'il veut remettre la principauté au travail.

Eddy Merckx a remplacé Claudia Schiffer

Au royaume de l'indécision, ce volontarisme passe mal. Très vite, des courtisans demandent sa tête. On cherche contre lui des dossiers compromettants. Ironie de l'histoire: c'est l'un de ses ennemis, Franck Biancheri, conseiller du gouvernement (l'équivalent d'un ministre) pour l'Economie, qui sera poussé à la démission. Il tombe pour l'achat dans Monaco d'un terrain constructible à un prix très avantageux. Mais les détracteurs du directeur de cabinet ne désarment pas. Ils finissent par trouver l'arme fatale, en le rebaptisant dans les journaux "Albert III", comme si la couronne avait changé de tête. Le 2 novembre 2006, sept mois après son arrivée, le directeur de cabinet quitte la principauté. Ce départ sonne comme la fin de l'état de grâce pour le nouveau souverain. En 2008, Franck Biancheri, réhabilité, retrouve un ministère. Retour à la case départ.

Mais Monaco, son casino, sa plage, et sa belle insouciance doivent aussi affronter la crise mondiale. Avec l'affolement des Bourses et la récession économique, la machine à rêves s'est détraquée. Albert, le discret, n'a pas l'aura de ses parents. Et les stars se font rares entre le Country Club et l'hôtel Ermitage. Les sportifs ont remplacé les vedettes du cinéma et de la mode. "On ne voit plus de célébrités, comme il y a dix ans", constate une journaliste. Naguère, Claudia Schiffer, la reine des top-modèles, incarnait l'image de la principauté. Aujourd'hui, le plus glamour des nouveaux résidents est un ancien coureur cycliste, Eddy Merckx.

Les appartements avec vue peinent à trouver preneur

Les fortunes anonymes, elles aussi, n'ont plus le clinquant des belles années. Le recul inhabituel du chiffre d'affaires de la Société des bains de mer (SBM), tiroir-caisse de Monaco, témoigne de la désaffection des joueurs et de la clientèle des palaces. Là où, il y a quelques mois encore, les appartements avec vue imprenable sur le port s'arrachaient, ils peinent aujourd'hui à trouver preneur. Or les ressources fiscales de l'Etat confetti dépendent à plus de 70% de la TVA et des droits de mutation. "L'action Monaco est attaquée! s'alarme Laurent Nouvion, un des chefs de file de l'opposition parlementaire. Notre salut, ce serait de devenir une sorte de Genève-sur-Mer." En attendant, il refait les comptes du nouveau règne. Pendant les années Rainier, à partir de 1964, un fonds de réserve avait été constitué pour faire face aux périodes de vaches maigres. "Longtemps, nous avons dissimulé le magot, qui ne cessait d'enfler, pour ne pas vexer la France, reprend Nouvion. Ces trois dernières années, il a fondu de 2,4 milliards d'euros à 1,9 milliard." Vu de Monaco, c'est quasiment la banqueroute.

Face à cette situation inédite, Albert peut s'appuyer sur son ministre d'Etat, fraîchement nommé. Ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, Michel Roger a succédé à Jean-Paul Proust, mort d'un cancer le 8 avril 2010. Ce dernier avait été désigné avec l'aval de Rainier III. Il regardait son fils Albert avec un brin de condescendance, finissant par susciter son ire en s'emparant de dossiers relevant du palais. "Proust transformait le prince en reine d'Angleterre", décrypte un ancien conseiller.

La convention passée avec la France, en 2004, autorise pourtant Albert à choisir un Monégasque pour diriger le gouvernement. En portant son choix sur Michel Roger, il s'est prémuni contre les risques de conflits d'intérêts, une spécialité locale. "Le prince a besoin d'un ministre qui le conseille de manière objective et honnête, afin de l'aider à décider des grandes orientations pour l'avenir de Monaco", explique le ministre d'Etat, qui rencontre Albert deux fois par semaine en tête à tête.

Pour ce poste de chef du gouvernement, les vocations ne manquaient pas dans l'entourage princier. On lui susurrait des noms à l'oreille. Mais, à Monaco, la tradition impose des Français à la plupart des fonctions stratégiques. André Muhlberger, ex-commissaire à Toulouse, commande la police et ses 700 caméras de vidéosurveillance. L'aide de camp du souverain, Bruno Philipponnat, un ancien de l'armée française, a accompagné Albert jusqu'au pôle Nord. Et Christiane Stahl, une intime de Claude Chirac, a la haute main sur la communication du Palais.

Dans un univers clos rongé par la tentation permanente du clientélisme, la présence des Français apparaît comme la seule garantie d'indépendance et de professionnalisme. "Monaco, c'est une machine à détruire, un village où tout le monde connaît tout le monde et où les intérêts croisés suscitent la malveillance et la méchanceté", assure l'opposant Laurent Nouvion.

Ce n'est donc pas un hasard si l'une des premières mesures de Michel Roger a consisté à aller voir ailleurs si des idées y étaient. Les Monégasques expatriés loin du Rocher ont été sollicités pour réfléchir aux solutions d'avenir. Ainsi le chef du gouvernement s'apprête-t-il à rencontrer Pierre-André Chiappori, un économiste nobélisable de l'université Columbia, à New York, tête pensante de la globalisation des marchés. A Monaco, un groupe de jeunes fonctionnaires locaux s'est également constitué sous l'égide de Michel Roger. Des séances de brainstorming sur tous les sujets les confrontent à des personnalités de premier ordre, tel Marco Piccinini, administrateur de Ferrari et accessoirement ambassadeur de la principauté en Chine.

Le monde n'est pas une affaire étrangère pour Albert. Le prince a toujours revendiqué sa part américaine. Il adorait sa mère, Grace Kelly, star hollywoodienne, mais également fille d'une grande famille de Philadelphie. Il a aussi suivi des cours de science politique à Boston, creuset de l'intelligentsia de la côte Est. Une jeunesse et un parcours loin des frontières du micro-Etat, dont il a tiré une conviction: Monaco ne peut plus vivre replié sur lui-même.

A l'écoute de ses sujets, presque trop parfois, Albert s'est forgé une réputation de prince humaniste, attentif aux préoccupations du siècle naissant. Son goût pour l'écologie n'est pas qu'une façade. La fondation qu'il a créée à son nom en fait foi. Il s'est engagé à signer le protocole de Kyoto, visant à limiter l'effet de serre. Mieux : il a promis à ses concitoyens un Monaco vierge de toute pollution à l'horizon 2050. En janvier dernier, pour sauver le thon rouge, il a haussé la voix contre la France, l'adjurant d'"interdire le commerce" de cette espèce "menacée d'extinction".

Si cette politique ne remplit pas les caisses de l'Etat, elle lui vaut au moins le soutien indéfectible de quelques fidèles. Franck Nicolas, 48 ans, jardinier du stade Louis-II, est de ceux-là. Il a été l'un des compagnons de bobsleigh du prince. Pour l'intimité, on ne fait pas mieux. Naturalisé par la grâce d'Albert II, ce costaud volubile donne ses rendez-vous dans un salon de thé renommé, à deux pas du Casino et de l'espace Beauté Prestige d'Eric Zemmour. "Le prince est toujours très disponible, il se montre d'une extrême gentillesse, insiste-t-il. Je lui dois déférence et respect en tant que souverain, mais aussi en tant qu'homme." Rien n'inquiète Franck Nicolas, pas même les soubresauts de la conjoncture. Il a su déceler dans les virages des pistes verglacées le calme et la ténacité d'un vrai guide. "De toute façon, le bob, une fois que vous êtes parti, vous ne pouvez plus l'arrêter! Vous êtes obligé d'aller au bout..."

Le pilote de la principauté a déjà su prouver sa bravoure par quelques décisions à forte connotation symbolique. Persona non grata d'un pays dont il était l'enfant, le chanteur et musicien anarchiste Léo Ferré (1916-1993) a désormais une place portant son nom. Une tardive reconnaissance à laquelle Albert ne s'est pas opposé. Pas plus qu'il n'a mis son veto lorsqu'il s'est agi de priver de carte de séjour le fils de la dame de fer, Margareth Thatcher, ex-Premier ministre du Royaume-Uni. Mark Thatcher avait été impliqué en 2004 dans une tentative de coup d'Etat en Guinée équatoriale et condamné à une amende. Assez pour le rendre indésirable dans le Monaco de 2010.

Cette intransigeance inhabituelle en cette terre d'asile du gotha international, Albert l'applique à ses propres amis. Copain de bringue, autrefois qualifié de "meilleur pote", Jean-Christophe Moroni a été frappé de bannissement par la justice monégasque. Il était soupçonné d'avoir joué un rôle dans une escroquerie, dont ont été les victimes plus de 400 investisseurs de la principauté.

Albert a-t-il vraiment le niveau?

Dans ce microcosme, impitoyable théâtre d'intrigues et de trahisons, le prince s'efforce de ne pas être dupe. L'une de ses maximes favorites, il l'a trouvée dans les Pensées de Blaise Pascal: "Peu d'amitiés subsisteraient si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'y est pas." Avec les ennemis, bien sûr, c'est encore pire.

Cinq ans après son couronnement, l'éternelle question de ses détracteurs n'a pas trouvé de réponse: Albert a-t-il vraiment le niveau? "Il n'a pas l'envergure du rôle. Celle qui est formidable, c'est Caroline, mais une loi stupide lui interdit de monter sur le trône", proclame Bernard Vatrican. Ce Monégasque de naissance, opposant historique, a été brisé par l'aristocratie du Rocher. Privé d'emploi, réduit au revenu minimum -1400 euros, certes, mais le loyer de son studio s'élevait à 2000 euros- il a dû se résoudre à l'exil à Prats-de-Mollo, dans les Pyrénées-Orientales. De son village catalan, il continue de moquer les travers d'un régime d'opérette. "Sous prétexte que l'écologie est l'un des dadas du prince, ses zélotes ont cru bon de mettre des faux pingouins partout, y compris sur la scène de l'Opéra!"

En gravitation perpétuelle autour du monarque de droit divin, Monaco en oublie parfois les anonymes qui assurent la prospérité du Rocher. Car on ne fait pas que jeter son argent sur les tapis verts, à Monaco: on y travaille aussi. Chaque jour, environ 36 000 personnes viennent trimer dans les ateliers de l'usine Mecaplast, aux guichets des banques ou sur les chantiers de Michel Pastor, le prince de l'immobilier monégasque. Ils n'y perdent pas au change. Ici, le salaire médian s'élève à 2300 euros mensuels, contre 1500 euros dans la France voisine. En contrepartie, les chefs d'entreprise sont tout-puissants ou presque. "Il n'y a pas de Code du travail et les lois sociales ne sont pas toujours appliquées, affirme Alex Falce, l'un des dirigeants de l'Union des syndicats monégasques [USM]. En outre, les patrons peuvent licencier sans motif quand ils veulent..."

Le premier d'entre eux, Philippe Ortelli, ne voit pas où est le problème. Président du patronat local, il ne manque pas de rappeler que Monaco verse 1 milliard d'euros de salaires à ses travailleurs français. "Chez nous, les gens ne sont pas pourris par les 35 heures", se réjouit ce propriétaire d'une entreprise de transport de 170 employés. Il rencontre régulièrement le prince, notamment pour réciter son credo, le projet Monaco 2029, fondé sur la priorité au mérite. "Trop de gens progressent à l'ancienneté, dit-il. Je prône la reconnaissance du travail et des compétences."

En attendant, 54 manifestations ont eu lieu au cours des dix-huit derniers mois. Une sorte de record à la française. La règle monégasque oblige à défiler sur les trottoirs, mais, depuis peu, les cortèges ont envahi la chaussée, et la rue Grimaldi s'est mise à ressembler à la place de la Bastille un 1er Mai. La grogne s'est propagée jusque dans les sanctuaires feutrés du casino et des palaces. A l'hôtel Fairmont Monte-Carlo, le personnel en grève ne veut plus négocier qu'avec le prince. Et au casino, même les huit croupiers du baccarat, l'aristocratie des métiers du jeu -ils gagnent, dit-on, près de 20 000 euros mensuels entre salaire et pourboires- ont raccroché le smoking.

Du haut de son Rocher à marée basse, le prince Albert entend le clapotis des critiques, mais ne s'en émeut guère. La révolution n'est pas pour demain. Même par temps de crise, Monaco reste un havre doré à l'abri des aléas de la vie quotidienne. "L'insécurité est une préoccupation générale, observe le ministre d'Etat, Michel Roger. Ici, c'est aussi contre le sentiment de sécurité que nous devons lutter." Les rares vols de Ferrari ou de Jaguar adviennent parce que le propriétaire a laissé les portières ouvertes.

Même le plus critique des opposants, Laurent Nouvion, se refuse à déchirer la carte postale. Lorsqu'il rencontre le souverain, il le rassure d'emblée: "Je me battrai toujours pour qu'on ne touche pas à tes prérogatives." Des hauteurs du Country Club aux limites de cap d'Ail, le républicain est une espèce inconnue. Albert est là pour toujours. "Sinon, tranche Nouvion, on devient Menton."

Sous le soleil exactement

Peut-on ne pas « en » parler ?
Allez, on va quand même essayer... Et si, pour changer, on s'intéressait, par exemple, au travail de fond du parlement pendant ces jours étouffants à tous points de vue ? Non, non, rassurez-vous, Claire T. n'a pas rôdé, de l'autre côté de la Seine, du côté de l'Assemblée nationale et du Sénat. Mesdames et Messieurs les député(e)s et sénateurs (trices) étaient donc tout à fait à l'abri pour examiner très sérieusement le projet de loi sur le dialogue social au Palais Bourbon, et la réforme des collectivités territoriales au palais du Luxembourg.
Était-ce l'électricité dans l'air de Paris ? Ou le parfum de vacances d'une session parlementaire sous le soleil exactement ? Ils se sont étonnamment lâchés. Pendant que la presse avait l'esprit ailleurs (on ne dira pas où), les députés UMP ont donc mis en minorité le gouvernement en rejetant un de ses amendements « progressistes » puisqu'il prévoyait l'introduction de commissions paritaires dans les très petites entreprises (TPE, moins de onze salariés). Sans faire de mauvais esprit, on trouvera la situation cocasse, puisque le texte en question était défendu par le ministre du Travail (chut ! Pas de polémiques...) et - pour faire court - soutenu par la gauche contre une grande partie de la droite. Ça va, vous suivez toujours ? Alors on continue.
Bien sûr, toute ressemblance et toute incidence avec d'autres événements du moment ne pourraient être que fortuites... Mais on ne sait plus trop s'il faut se réjouir d'une séquence qui pourrait faire honneur à l'indépendance du parlement - pour une fois audacieux, on ne s'en plaindra pas - ou s'inquiéter de la petite fronde décomplexée d'une majorité livrée à ses velléités rebelles qui n'hésite plus à contredire la volonté du gouvernement ? C'était pourtant le moment de montrer sa solidarité avec une équipe qui subit les offensives « fascistes » des médias déchaînés, non ? Mais bon, ce n'est sans doute qu'un point de vue de journaliste simpliste, forcément simpliste, qui voit le mal partout.
Pendant ce temps, les sénateurs, eux, ont été à deux doigts de retoquer cette réforme des collectivités territoriales qui, décidément, leur donne des aigreurs d'estomac. 6 petites voix seulement, sur 324 votants !, ont permis une adoption a minima. Les UMP n'ont pas été avares de critiques sur « l'incohérence » de la nouvelle architecture institutionnelle qui leur est imposée. Mais, braves soldats, ils ont quand même avalé la couleuvre toute crue, pour « ne pas ajouter de la crise à la crise » disent-ils. Un esprit de sacrifice qui force l'admiration, tant il semble se faire rare, semble-t-il dans d'autres sphères du pouvoir que, par pudeur et retenue - restons dignes ! - l'on s'abstiendra de nommer.

Olivier Picard

L’espion de proximité

Le démantèlement d’un réseau de renseignement travaillant aux États-Unis pour le compte de la Russie — affaire dont la phase judiciaire a été court-circuitée, hier soir, par l’annonce d’un échange d’agents « à l’ancienne » — a, de prime abord, un parfum suranné. D’aucuns ont pu s’étonner, même, que les pratiques de l’espionnage — pour recourir à un vocable traditionnel — aient survécu à la désintégration de l’Union soviétique, à la décommunisation de la Russie et, avec elles, à la fin de la Guerre froide, déjà largement amorcée sous la présidence de Mikhaïl Gorbatchev. Le cinéma, la littérature et des cas retentissants bien réels avaient accrédité l’idée que les espions étaient intimement liés à la rivalité entre l’Est et l’Ouest, l’URSS et les États-Unis, le communisme et le capitalisme. C’était oublier que le renseignement est de toutes les époques. Les historiens soulignent ainsi que la victoire de Jules César sur Vercingétorix devait beaucoup à un réseau qui informait le généralissime romain de l’état et des mouvements des forces gauloises.

On a aussi pu croire que les techniques très évoluées de capture des données rendraient superflu l’espion en chair et en os : satellites, avions ou drones obtenant, parfois depuis plusieurs centaines de kilomètres d’altitude, des images optiques ou des relevés au radar montrant des détails de quelques décimètres ; oreilles terrestres ou orbitales qui captent les communications tout autour de la Terre ; capteurs de chaleur qui détectent les vols de fusées et d’avions, les sous-marins en plongée, mais aussi des mouvements de troupes et des activités industrielles…

Mais ni les changements politiques de la fin du XX e siècle, ni cette panoplie n’ont sonné la fin de l’espion. À l’heure où la compétition entre puissances est technologique, économique et financière, et sachant qu’il est de bonne guerre d’anticiper les actions d’un concurrent avant qu’elles ne soient visibles ou audibles de loin, il faudra toujours des professionnels sachant lire une planche à dessin, décrypter un disque dur, tendre l’oreille durant un dîner ou inspirer confiance entre deux draps. On le dit dans divers domaines, mais c’est vrai dans le renseignement aussi : la proximité est irremplaçable.


André Schlecht

Surchauffe

Plus c'est gros, plus ça passe. Frédéric Lefebvre se prend pour Emile Zola, lance un « J'accuse » contre la subversion trotskiste d'extrême droite - et pourquoi pas des sous-marins radicaux valoisiens ? Eric Raoult nous rejoue la Guerre froide, envoie tous ses adversaires à Cuba. En face, le socialiste Jean-Christophe Cambadélis n'est pas loin d'exiger la démission du Président et la suppression du 14 juillet... On aimerait n'y voir que les premières atteintes de la canicule, un simple coup de chaud à soigner d'une bonne douche froide. Mais non, ces Messieurs sont très sérieux, à défaut d'être très responsables, ils traduisent l'état du débat politique aujourd'hui en France. Et ils peuvent faire pire, n'en doutons pas. Pendant ce temps, l'ex-comptable des époux Bettencourt raconte tranquillement les distributions d'enveloppes d'argent à droite et à gauche... Vivement les vacances. Surchauffe
Plus c'est gros, plus ça passe. Frédéric Lefebvre se prend pour Emile Zola, lance un « J'accuse » contre la subversion trotskiste d'extrême droite - et pourquoi pas des sous-marins radicaux valoisiens ? Eric Raoult nous rejoue la Guerre froide, envoie tous ses adversaires à Cuba. En face, le socialiste Jean-Christophe Cambadélis n'est pas loin d'exiger la démission du Président et la suppression du 14 juillet... On aimerait n'y voir que les premières atteintes de la canicule, un simple coup de chaud à soigner d'une bonne douche froide. Mais non, ces Messieurs sont très sérieux, à défaut d'être très responsables, ils traduisent l'état du débat politique aujourd'hui en France. Et ils peuvent faire pire, n'en doutons pas. Pendant ce temps, l'ex-comptable des époux Bettencourt raconte tranquillement les distributions d'enveloppes d'argent à droite et à gauche... Vivement les vacances.

La canicule et la tempête

Imaginons, allez, cela ne coûte rien. Imaginons un Français parti il y a un mois compter les statues de l'Ile de Pâques ou partager la vie des tribus papoues de Nouvelle-Guinée. Loin. Loin de tout.

Et imaginons-le de retour aujourd'hui. Débarquant à Roissy ou à Saint-Exupéry. Assommé par une vingtaine d'heures de voyage et tombant sur les unes des journaux français. Le Tour de France : ok. La finale de la Coupe du monde sans les Bleus : normal. Sans le Brésil : ah bon ? Et Woerth et Bettencourt, dans un même et gros titre. Pas pour la réforme des retraites, ni pour le procès Banier, non, pour l'Affaire. Cette affaire qui secoue chaque jour un peu plus l'Etat. Et que personne n'a vu venir. Personne. Ni à droite ni à gauche. L'une des crises politiques les plus fortes du mandat est donc tombée, comme ça, à la veille des congés payés, alors que beaucoup pensaient voir le gouvernement vaciller sur le dossier des retraites. "On redoutait la canicule, on s'est pris la tempête", lâchait hier, en Isère, un militant UMP. Personne ne l'a vue venir et qui peut dire comment ça finira ? Quand tous les jours, un nouvel élément vient ébranler le pouvoir. "Et maintenant, on fait quoi ?" La question, et le silence qui va avec. S'expliquer, gagner du temps, croire en l'accalmie ou aux vacances, lâcher son ministre, remanier...

Partir à l'Ile de Pâques, en Nouvelle-Guinée. Ou au Cap Nègre.
La canicule et la tempête
Imaginons, allez, cela ne coûte rien. Imaginons un Français parti il y a un mois compter les statues de l'Ile de Pâques ou partager la vie des tribus papoues de Nouvelle-Guinée. Loin. Loin de tout.

Et imaginons-le de retour aujourd'hui. Débarquant à Roissy ou à Saint-Exupéry. Assommé par une vingtaine d'heures de voyage et tombant sur les unes des journaux français. Le Tour de France : ok. La finale de la Coupe du monde sans les Bleus : normal. Sans le Brésil : ah bon ? Et Woerth et Bettencourt, dans un même et gros titre. Pas pour la réforme des retraites, ni pour le procès Banier, non, pour l'Affaire. Cette affaire qui secoue chaque jour un peu plus l'Etat. Et que personne n'a vu venir. Personne. Ni à droite ni à gauche. L'une des crises politiques les plus fortes du mandat est donc tombée, comme ça, à la veille des congés payés, alors que beaucoup pensaient voir le gouvernement vaciller sur le dossier des retraites. "On redoutait la canicule, on s'est pris la tempête", lâchait hier, en Isère, un militant UMP. Personne ne l'a vue venir et qui peut dire comment ça finira ? Quand tous les jours, un nouvel élément vient ébranler le pouvoir. "Et maintenant, on fait quoi ?" La question, et le silence qui va avec. S'expliquer, gagner du temps, croire en l'accalmie ou aux vacances, lâcher son ministre, remanier...

Partir à l'Ile de Pâques, en Nouvelle-Guinée. Ou au Cap Nègre.

Sur la corde raide

Le Parlement vient de désavouer le gouvernement deux fois, coup sur coup. Dans la nuit de mercredi à jeudi, le Sénat a voté une réforme Hortefeux des collectivités locales largement vidée de son contenu par les centristes. Son président, Gérard Larcher, l'estime même inapplicable. Hier matin, à l'Assemblée, Jean-François Copé et les députés UMP ont mis Éric Woerth en minorité sur un texte visant à améliorer ¯ modestement ¯ le dialogue social dans les petites entreprises.

Ces alertes témoignent de la fragilité de l'exécutif. Elles montrent qu'il va être difficile d'attendre le vote de la réforme des retraites, vers octobre, pour remanier le gouvernement. Elles confirment que Nicolas Sarkozy aura du mal à imposer des choix budgétaires, aussi essentiels que douloureux, pour surnager dans la crise.

L'Élysée a estimé que laisser tomber le ministre du Travail Éric Woerth, pièce majeure du puzzle gouvernemental, risquerait de compromettre une réforme des retraites dont l'impact sur les finances publiques engage la signature de la France. Le maintenir, fragilisé, ne serait d'ailleurs pas davantage une garantie de succès de la réforme. Cornélien.

Sur le budget aussi, le gouvernement fait de la corde raide. Les sénateurs de la majorité ¯ encore eux ! ¯ donnant du crédit à l'analyse de François Hollande, considèrent qu'il faut trouver, non pas cent, mais cent cinquante milliards d'euros de recettes en plus ou de dépenses en moins pour revenir, en trois ans, vers la norme européenne. Là encore, le gouvernement a bien besoin de la sérénité de François Fillon pour naviguer entre les deux écueils qui inquiètent le pouvoir.

Le premier : une baisse brutale de la dépense publique risque de provoquer des mouvements sociaux ¯ les éteindre coûte toujours cher ¯, de mettre le feu aux banlieues ¯ la hantise de l'Élysée ¯ et d'entraîner une récession européenne aux conséquences politiques et budgétaires incalculables. Un bras de fer oppose ainsi les tenants d'une rigueur explosive aux défenseurs d'un assainissement mou.

Le second : il consiste à surestimer les rentrées fiscales et la capacité de l'État à réduire sa dépense. Car n'oublions pas que le budget 2011 sera celui d'une précampagne présidentielle. Comment les candidats pourront-ils s'attirer assez de sympathies électorales sans céder à de ruineuses promesses ?

Fragilité de l'exécutif et tentations électoralistes : il existe un risque de ne pas tenir les objectifs annoncés. Adresser un tel message aux marchés serait le scénario le plus redoutable, car il conduirait à une dégradation de la note de la France, à une augmentation asphyxiante des taux d'intérêts et à une menace sur l'euro et l'Europe. Sans même garantir la paix intérieure.

La majorité, mais aussi l'opposition, dans un esprit de responsabilité républicaine, doivent ainsi veiller aux conséquences du climat délétère actuel. Une politique, surtout en période de crise, ne peut se conduire sans la confiance. Pour la reconstruire, il faut faire vite, comme l'illustre la réactivité avec laquelle l'Élysée estime que « la vérité est rétablie » dans l'affaire Bettencourt.

DIPLOMATIE FRANÇAISE – La polémique qui cache l'iceberg

Le navire de la diplomatie tricolore rappelle de plus en plus le Titanic. On le pensait insubmersible, le voici en train de couler. Alors que les membres de l'équipage quittent les uns après les autres le bateau, la capitaine Kouchner tente d'écoper le flot des critiques

L'écrivain et ancien ambassadeur français à Dakar, Jean-Christophe Rufin, a lancé la première pierre. Dans une interview à la radio sénégalaise relayée par un entretien au Monde, l'académicien a jugé que"la politique africaine de la France est indiscutablement en crise". Selon lui, "le ministère des Affaires étrangères est complètement marginalisé" sur les questions africaines. Pire, le lauréat du prix Goncourt affirme que ce serait Claude Guéant, secrétaire général de la présidence, qui piloterait la diplomatie française sur le continent alors qu'il "n'est pas forcément un connaisseur de l'Afrique" et qu'il "n'est responsable ni devant l'Assemblée, ni devant le gouvernement". Pour résumer : c'est le "retour" de la Françafrique.

Un manque de diplomatie

La langue diplomatique s'est pour une fois déliée et Bernard Kouchner n'a pas apprécié. Le ministre a sorti les crocs et a rendu la pareille à celui qu'il a lui-même chargé de la plus importante ambassade d'Afrique. "On n'est jamais trahi que par les siens", a-t-il déclaré ajoutant qu'il espérait que son ancien ami "ne s'étouffera pas de haine". "Nous sommes fiers de la politique qui a été menée" en Afrique, a martelé le chef de la diplomatie tricolore, citant l'action entreprise par ses services en Guinée, en Mauritanie ou encore à Madagascar. Le ministre n'a pas manqué d'insinuer que Jean-Christophe Rufin tenait pour responsable l'influence du président sénégalais Abdoulaye Wade sur le Quai d'Orsay pour son départ de fonction le 30 juin dernier. Bernard Kouchner a également rappelé que sa fonction de diplomate n'avait pas été sans incidence sur sa carrière d'écrivain, lui permettant ainsi de puiser l'inspiration de son dernier roman, Katiba.

Au-delà du problème africain

Le mal semble pourtant bien plus profond qu'un simple règlement de compte. Dans une tribune publiée par le journal le Monde, deux anciens ministres des Affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine s'inquiètent pour l'avenir de la diplomatie française : "l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte." Cet affaiblissement du rôle de la France sur la scène internationale est dû, selon eux, à une coupe budgétaire sans précédent. Ils notent ainsi avec effarement que le budget alloué au Quai d'Orsay a chuté de 20% durant les 25 dernières années. Ses homologues américain, britannique ou encore brésilien reçoivent, eux, de plus en plus d'argent et grappillent du coup l'influence durement acquise par les diplomates français. La France, deuxième puissance diplomatique avec ses 160 ambassades, serait dans une belle panade. "C'est un ministère sinistré, les diplomates sont dans le désarroi le plus total car ils ne se sentent pas défendus.", assure Jean-Christophe Rufin. "Cette maison, ceux qui y travaillent, sont fiers de leur métier et continuent à être, en dépit des difficultés, totalement mobilisés", rétorque le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero.

Mais la fierté sera-t-elle suffisante face au manque de moyens et de volonté des forces en place ? Le projet des instituts Victor Hugo, réseau unique pour mener à bien la diplomatie culturelle française à l'étranger, démontre bien toute l'étendu du problème. L'idée, maintes et maintes fois remaniée, a été renvoyée dans les oubliettes parlementaires pour manque de suivi des différents institutionnels. L'homme qui devait être à la tête de cet ambitieux projet, un certain Jean-Christophe Rufin, avait d'ailleurs préféré décliner l'offre faite par le Quai d'Orsay, au profit de Xavier Darcos. Bernard Kouchner, lui, y croit toujours.

Damien Bouhours