TOUT EST DIT

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mardi 6 juillet 2010

Il est légitime d'être interrogé sur les valeurs de la fonction publique

Une partie des très émérites membres du jury de l'agrégation de philosophie menace de démissionner si l'année prochaine l'épreuve orale "Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable" est maintenue dans les épreuves de recrutement au concours d'enseignant !

Ce coup d'éclat, qui émeut beaucoup moins les foules que le coup de gueule d'un footballeur amateur de rap, a de quoi sérieusement nous inquiéter sur l'avenir du service public de l'éducation.
Ce positionnement d'une partie de la communauté universitaire et enseignante s'inscrit dans le sillage de l'appel "Non au contrôle de moralité des futurs enseignants", qui assimile cette épreuve à "un certificat de bonne moralité aux contours opaques et flous" qui n'a pas sa place dans des concours de recrutement "qui ne sauraient évaluer que les aptitudes disciplinaires et pédagogiques des candidats".

L'évaluation de cette compétence n'est pas nouvelle. Elle se trouvait déjà dans les référentiels des concours précédant la réforme de la formation des enseignants. Mais jusque-là personne ne s'était ému d'une telle exigence.

Lisons attentivement la définition qui en est donnée dans l'annexe de l'arrêté du 19 décembre 2006. Il n'est aucunement question de "bonne moralité". Cette compétence désignerait plutôt ce qui relève de la déontologie du métier et plus largement de la déontologie de tout fonctionnaire d'Etat. Si nous énumérons les valeurs et les attitudes requises : le respect de la dignité de tout homme, le respect de la liberté d'opinion, l'objectivité, la laïcité, la neutralité... nous retrouvons les grands principes qui fondent le statut actuel de la fonction publique, principes inspirés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, portés au préambule de notre Constitution.

Par ailleurs, il n'est nullement choquant qu'un enseignant, fonctionnaire d'Etat, se doive de connaître le système éducatif, les institutions qui définissent et mettent en oeuvre la politique éducative de la nation, ainsi que les grands principes du droit de la fonction publique et du code de l'éducation. Bien au contraire. Les enseignants sont destinés par leur métier à participer activement à la vie de la cité.

Ce n'est qu'en étant lui-même un enseignant citoyen, connaissant ses droits et ses obligations, que tout enseignant pourra garantir à cette cité cette liberté des consciences réclamée par les signataires de la pétition.

Il n'est donc en aucune façon question de morale et de "contrôle des consciences", bien au contraire. Il ne s'agit pas ici d'évaluer la capacité d'un enseignant à transmettre un savoir particulier, mais il s'agit d'évaluer sa capacité à éduquer, à former un homme dans sa totalité et un citoyen éclairé. L'instruction dans sa dimension humaniste est indissociable d'un projet d'émancipation. Seuls des fonctionnaires d'Etat, au service de l'intérêt général, et bénéficiant d'un statut protecteur, peuvent garantir la réalisation d'un tel projet.

Dans le contexte actuel du démantèlement du service public de l'éducation et de la marchandisation de l'école, on doit se féliciter de l'existence d'un tel statut. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser, parce qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, les enseignants du service public et les enseignants du secteur privé ne font pas tout à fait le même métier. Comment expliquer une telle dérive dans l'interprétation d'un texte aussi peu ambigu ? Deux facteurs peuvent expliquer un tel aveuglement.

Aujourd'hui, nous assistons à un repli disciplinaire des enseignants, repli que nous pourrions interpréter davantage comme une attitude de survie dans un système éducatif qui ne joue plus son rôle en matière de réussite scolaire et de cohésion sociale, que comme un parti pris de départ. Même si, ensuite, ce positionnement se trouve une justification idéologique.

Ce repli se traduit par une instrumentalisation des savoirs : les élèves empilent des connaissances disciplinaires et des techniques dans des objectifs de très court terme, sans être capables pour autant de se les approprier dans un projet personnel. Cela se traduit également par un retour à des pratiques pédagogiques fondées sur le respect de l'autorité et de la tradition. On peut craindre qu'avec les réformes en cours, les restrictions budgétaires qui accroissent la difficulté du métier, cette tendance de repli ne fasse que s'accentuer.

Nous sommes également face à une montée de l'individualisme qui se traduit par une affirmation du moi et de la valeur de la conscience individuelle comme seul critère décisif de l'action. Lorsque les pétitionnaires dénoncent le contrôle des consciences, ce qu'ils dénoncent, c'est la limitation qui pourrait être posée à leur liberté en tant qu'individus porteurs d'intérêts particuliers.

Ils ne se positionnent pas en tant que fonctionnaires ayant en charge l'intérêt commun. Il ne leur vient pas à l'esprit que l'exercice de toute liberté individuelle nécessite au préalable la construction d'un espace commun, d'un vivre-ensemble, que la fonction publique, et plus particulièrement l'éducation nationale, non seulement contribue à construire, mais institue.

Nous en arrivons donc à ce paradoxe qui caractérise nos démocraties post-modernes, paradoxe que nous rencontrons dans des lieux aussi inattendus qu'un jury d'agrégation : ce qui prévaut désormais dans la sphère publique, ce n'est plus la politique, mais la morale, ce n'est plus la construction du "nous" et du lien social, mais l'affirmation du "moi".

A cause de la signification progressiste du statut de la fonction publique tel qu'il avait été élaboré à la Libération, alors que la société française était dans une dynamique de construction collective, ensuite amélioré par le ministre communiste Anicet Le Pors, ce statut devient opaque, voire incompréhensible à ceux qui auront en charge le devenir de la nation.

Lorsque des enseignants fonctionnaires demandent l'alignement du service public sur le secteur privé, nous pouvons donc être très inquiets.

Aline Louangvannasy, professeure de philosophie

"Cessez d'affaiblir le Quai d'Orsay !"

Dans une tribune accordée en exclusivité au Monde, les anciens ministres des affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine, s'alarment des conséquences pour la France de la réduction "sans précédent" du budget du Quai d'Orsay.
Nous sommes inquiets des conséquences pour la France d’un affaiblissement sans précédent de ses réseaux diplomatiques et culturels.

Le budget du ministère des affaires étrangères a toujours été très réduit : de l’ordre de 1,2 % à 1,3 % du budget de l’Etat les meilleures années. Encore faudrait-il en déduire les sommes destinées à des organisations internationales, qui ne font que transiter par ce budget. Le rapport investissement-efficacité de ce petit budget est remarquable: représentations permanentes, ambassades, consulats, lycées, écoles, centres culturels, programmes d’aide et de coopération.

Or, en vingt-cinq ans, le ministère des affaires étrangères a déjà été amputé de plus de 20% de ses moyens financiers ainsi qu’en personnels. Tous les ministères doivent évidemment contribuer à la réduction des dépenses publiques, mais aucune administration n’a été réduite dans ces proportions. Cela s’explique en partie parce que les préjugés sont nombreux et tenaces contre "les diplomates" (pourtant rémunérés selon les mêmes grilles que l’ensemble de la fonction publique), et que le métier diplomatique est rarement expliqué alors qu’il est indispensable à la défense des intérêts de notre pays.

Cet affaiblissement disproportionné va encore s’aggraver du fait d’une revue générale des politiques publiques aveugle, qui souvent supprime d’une façon rigide ce qu’il faudrait absolument garder. De plus, le ministère des affaires étrangères va devoir encore, jusqu’en 2013, supprimer trois emplois sur quatre départs en retraite, soit plus que la règle générale d’un sur deux.

Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte.

Pourtant, dans la compétition multipolaire, où tout se négocie en permanence avec un grand nombre d’interlocuteurs qu’il faut connaître avec précision, la France a plus que jamais besoin de moyens d’information et d’analyse. Les autres ministères présents à l’étranger (finances, défense) sont essentiels aussi et ont leur fonction propre. Le rôle du Quai d’Orsay est de rendre cohérentes toutes les formes de notre présence, ce qui est la clé de notre influence.

Les autres grands pays ne détruisent pas leur outil diplomatique: les effectifs du département d’Etat américain augmentent de 4 % à 5 % par an. Ceux du Foreign Office sont désormais supérieurs aux nôtres. Les pays émergents, pour leur part, construisent et consolident rapidement leur réseau: le Brésil, sous le président Lula, a ainsi ouvert une trentaine d’ambassades. Le service diplomatique européen, auquel nous devrons en plus fournir des diplomates pour assurer notre influence en son sein, ne remplira pas la même fonction.

Il faut adapter l’appareil diplomatique, comme l’Etat tout entier, mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles.

Alain Juppé et Hubert Védrine, anciens ministres des affaires étrangères

Anne Lauvergeon maintenue à la tête d'Areva

égulièrement donnée partante de la direction d'Areva, Anne Lauvergeon a finalement été maintenue à la tête du groupe nucléaire public français par le président Nicolas Sarkozy, qui s'épargne ainsi tout risque de polémique dans un climat politique délétère. Une source proche du dossier a indiqué lundi soir que Mme Lauvergeon gardera son poste de présidente du directoire d'Areva, sur décision de M. Sarkozy.
Des rumeurs de presse avaient régulièrement circulé sur un départ prochain de cette patronne emblématique dont le mandat expire en juin 2011, notamment au moment de l'échec fin décembre du consortium français à décrocher un contrat géant de 20 milliards de dollars (près de 16 milliards d'euros) à Abou Dhabi. Cet échec avait mis en lumière les problèmes de coordination de la filière nucléaire française, sur fond notamment de divergences entre Anne Lauvergeon et le nouveau patron d'EDF, Henri Proglio.

Nicolas Sarkozy avait alors demandé à l'ex-PDG d'EDF, François Roussely, de rédiger une étude devant donner des pistes à l'Etat sur "l'évolution du nucléaire civil à l'horizon 2030" dans l'Hexagone. Car l'Etat va "mettre de l'ordre" dans la filière, avait assuré le président mi-mars. Le rapport a été remis à l'Elysée mi-mai et classifié secret-défense.

Selon le quotidien Les Echos, il proposerait de créer un groupement d'intérêt économique regroupant les grands acteurs de l'industrie nucléaire française, qui serait chargé de "défendre les couleurs de la France à l'étranger". Le document "donnera lieu à des décisions dans les semaines qui viennent", avait ensuite annoncé l'Elysée fin mai. "Atomic Anne", le surnom que lui donnent les Américains, sera donc chargée de mettre en route ces "décisions" du pouvoir politique.

Point de vue Henry Lauret: Oiseau de mauvais augure

Deux de chute. Deux secrétaires d'État au tapis. Malgré le vibrant appel de Simone Veil et Michel Rocard contre la chasse à courre à Chantilly, terre d'élection du ministre Éric Woerth, il n'est pas sûr que la meute se ravise... Certes, la pression politique autour de l'affaire Woerth/Bettencourt se relâche un tant soit peu. La démission surprise d'Alain Joyandet et Christian Blanc occupe les fauves. Voici que la Justice s'ébranle. Pour une chasse à l'homme politique ? Pourquoi diable Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas sanctionné séance tenante les ministres fautifs d'indélicatesse ? Pourquoi deux semaines sans punition ni réprimande. Pourquoi l'indulgence, au risque d'apparaître le complice d'on ne sait quel régime de corruption dont ses opposants lui font méchamment procès ? Pour sauver le soldat Woerth, bien sûr ! Hélas pour le chef de l'État, Joyandet et Blanc sont tombés comme un fruit mûr et le ministre du Travail, cible politique de la gauche, bouc émissaire au sens originel du terme, porte à lui seul les péchés du monde politique. « Le problème de Bonaparte, c'est qu'il a trop humilié et pas assez puni... », disait Joséphine de Beauharnais. On ne reviendra pas sur le devoir de morale et d'intégrité qui fonde l'éducation civique et l'action du politique. L'État exemplaire que revendique Sarkozy reste un slogan marketing aussi creux que l'État impartial de Barre en son temps. Remember VGE... Pourtant, « La République a besoin de vertu », écrivait Montesquieu. Encore plus aujourd'hui que la crise frappe durement les plus faibles et les moins forts. Oui, le populisme rôde, oiseau de mauvais augure. Il virevolte de gauche à droite. Marine Le Pen se promet de ramasser à la pelle les déçus de tous bords. Martine Aubry compte engranger en frappant sur la grosse caisse de la morale. Ségolène Royal donne la leçon au 20 heures. Les indélicats de la République savent-ils que le pays n'a plus foi en ses élus et élites, ou si peu ? Que la crise imposera des « sacrifices » individuels et collectifs qui perdureront au-delà du prochain quinquennat, et ce quel que soit le blason du vainqueur de 2012?

Corruption ? Non. Liaisons dangereuses ? Oui.

On n'écrit pas son nom sans hésitation, ni sans trouble, tant il évoque la trahison d'une charge publique et au delà le pourrissement de l'État. Corruption. Ce n'est pas un mot anodin qu'on peut lâcher sans précaution et asséner sans preuve formelle. Ségolène Royal - une avocate sensée connaître le sens des termes juridiques ! - ne s'en est pas privé, pourtant, avec une irresponsabilité d'autant plus coupable qu'elle détourne délibérément un sentiment flou de l'opinion. 64 % des Français n'ont pas eu besoin d'elle, certes, pour considérer que « les dirigeants politiques sont plutôt corrompus ». Un score effrayant qui approche le record (65 %) atteint sous le second septennat Mitterrand quand le pouvoir socialiste, empêtré dans des histoires à tiroirs, était assimilé au « gang des R25 ». On connaît la suite : un populisme sans frein qui a permis au Front National d'atteindre des scores historiques. En pleine crise, la multiplication des affaires qui éclaboussent le gouvernement Sarkozy fait remonter à la surface le même terreau nauséabond du « Tous pourris ». Une impression fausse et injuste. Il faut le dire clairement : ni ce gouvernement, ni l'État ne sont corrompus, ni achetés ! Il faut le réaffirmer sans faiblesse : l'immense majorité du personnel politique est honnête et rien ne permet de mettre en cause la probité des ministres. Ils respectent la loi, et quand ils ne le font pas, comme Brice Hortefeux, ils sont condamnés sans faiblesse. Les décisions ne sont pas achetées et nous vivons toujours dans un État de droit. Nous sommes loin, en revanche, de la « République irréprochable » claironnée à l'Élysée. L'intégrité morale de l'équipe au pouvoir a été trop souvent vacillante. D'autant plus discutable qu'elle s'abrite derrière le paravent de la légalité. Pour un pays à qui l'on demande des efforts, cette vertu minimum est nettement insuffisante, en effet. La « naïveté », la « légèreté » et la « maladresse », invoquées ici ou là ne sont pas - ne sont plus - des excuses valables. Dans une France où la morale n'a jamais été une valeur suprême en politique, l'exigence à l'égard des élites est montée de plusieurs crans. Les Français veulent que leurs dirigeants soient non seulement propres mais fassent preuve d'une abnégation totale. Dès lors, les liaisons dangereuses entre le pouvoir et l'argent sont jugées insupportables. La simple proximité entre ces deux mondes choque quand Nicolas Sarkozy, précisément, se promettait de faire tomber le tabou qui les maintenait à distance. Aujourd'hui comment s'étonner que cette promiscuité affichée sans complexe au Fouquet's ou à Chantilly éveille les soupçons ? Quand l'impuissance des politiques contraste si fortement avec leur agilité à se soustraire au quotidien difficile du commun des mortels, elle dépasse tout à coup le seuil du tolérable. Nous y sommes.

Olivier Picard

Equité

Quand les Bleus font grève, ils perdent. Mais si tous les autres font grève, un Français a une chance de gagner... Nous n'en ferons pas une loi sportive, encore moins politique, mais le fait est là : un Français est depuis hier maillot jaune du Tour de France, car les autres coureurs avaient mis les mains en haut du guidon. Question d'équité, a expliqué le meneur du mouvement, Fabian Cancellara : tant de coureurs étaient tombés, que l'équité commandait de les attendre. Pourquoi pas... Fabian Cancellara, vous le connaissez, il est soupçonné d'avoir dissimulé un petit moteur sur son vélo pour emporter Paris-Roubaix. Et ça tombe bien, le Tour déboule justement dans l'Enfer du Nord... Mais ayons confiance en Fabien Cancellara, un « grand champion » selon son manageur - un certain Bjarne Riis, ancien coureur qui a avoué s'être dopé pour gagner le Tour. Autant dire qu'il s'y connaît en équité.

Un cigare gros comme ça !


À Grand Paris, gros fumeur. Chargé du "développement de la Région Capitale", Christian Blanc s'appliquait aussi au rayonnement de l'industrie cubaine. Homme de cape et d'épais, il a trop tiré sur le Havane. Jusqu'à en acheter pour 12 000 euros, aux frais du contribuable.

L'air s'empuantit, l'Élysée tousse. Nicolas Sarkozy, revenu du Fouquet's, plaide pour une République modeste et irréprochable. Sans rire.

Le coupable, grillé, a dû présenter sa démission. Au nom, peut-être, de la sentence pagnolesque : "L'honneur, c'est comme les allumettes, ça ne sert qu'une fois !" À moins qu'il ne s'agisse, médiocrement, que d'allumer un contre-feu à l'affaire Woerth.

Bien sûr, en arborant de volumineux "barreaux de chaise", l'ex-ministre a commis une erreur de com'. Un simple mégot, façon Pompidou, lui aurait valu davantage d'indulgence. Et même une pipe rustique, en dépit du fâcheux précédent que constitue Staline.

Nous voici sur le terrain de la sociologie à trois sous. "Avant, les cigares possédaient une dimension romantique. Désormais, ils sont synonymes d'arrogance et de puissance" a déploré, hier, M. Blanc. On comprend cette bouffée d'amertume. Reste que s'il avait jadis réglé ses factures, personne ne l'obligerait, aujourd'hui, à payer la note.


Gilles de Bernardi

Consensus

Ne dites plus « burqa », dites « tenue destinée à dissimuler le visage ». À partir de ce soir, les députés débattent d'un texte qui pourrait devenir le marqueur d'une délicate évolution sociétale. Le voile intégral, selon le Coran, n'est pas un signe obligatoire d'affichage de sa foi. Pour autant, il est porté et perçu d'une manière ambiguë qui mêle provocation, radicalisme religieux, communautarisme et refus de s'intégrer.

Ne viser que la burqa aurait stigmatisé une population musulmane défavorable au voile intégral. La réprimer, sans s'intéresser aux motivations de celles qui la portent, aurait été une occasion manquée d'expliquer que le droit de vivre en France suppose de se conformer aux règles d'une démocratie laïque. Car, subie ou consentie, cette réclusion publique est bien une atteinte au vivre ensemble et au respect de l'homme.

L'islam, seconde religion de France, a ceci de spécifique qu'il est d'une redoutable capillarité et porteur de ses propres lois politiques, qu'il s'agisse du statut de l'épouse ou du menu des cantines scolaires. C'est ainsi que le voile intégral participe d'un arsenal, étranger à notre culture, qui s'attaque à la dignité de la femme, pose un problème de sécurité et touche à l'ordre public.

Le vote du texte, le 13 juillet, ne fait plus de doute tant le projet a subi de modifications qui le rendent juridiquement applicable et presque acceptable aux yeux de socialistes qui se rallient à l'opinion. Car le danger était bien de produire une loi inapplicablequi aurait fait triompher ceux qu'elle vise et déçu ceux ¯ la majorité des Français ¯ qui la souhaitent.

Un texte très amélioré

En étendant l'interdiction à tout l'espace fréquenté par le public ¯ rues, magasins, hôpitaux, administrations, écoles... ¯ le projet évite des débats juridiques interminables pour déterminer si un lieu est public ou non.

En parlant de dissimulation du visage, il évite de nommer la seule burqa, de désigner une religion, d'alimenter les amalgames contre les musulmans et de jeter de l'huile sur le feu qui couve dans les banlieues.

En invoquant la sécurité, il évite astucieusement le flou juridique qui entoure les notions d'égalité, de dignité et de pratiques attentatoires aux valeurs de la République.

En offrant six mois de délai pédagogique avant d'appliquer la loi et des stages de citoyenneté dans l'éventail des peines, il réserve une place à la médiation et limite les inconvénients du tout répressif.

Enfin, en punissant sévèrement l'homme qui obligerait une femme à se voiler, il consacre le droit fondamental de l'égalité.

Ces améliorations suffisent-elles ? Le Conseil d'État continue de considérer qu'il n'existe pas de fondement juridique incontestable à une interdiction absolue du voile intégral. Toutefois, il n'est pas certain, à la veille de la présidentielle de 2012, que le Conseil constitutionnel, à supposer qu'il soit saisi, juge opportun de censurer un texte consensuel.

La grande inconnue sera plutôt de savoir si l'interdiction du voile intégral ¯ comme des cagoules ¯ trouvera son application dans les zones de non-droit où le caillassage de la police est devenu le sport du quartier.

Mon p'tit oiseau m'a dit…

Les tweets (gazouillis) du site Twitter font chanter les hommes politiques. Indiscrétions et révélations, tout ce qui se passe en politique passe aujourd'hui en exclusivité sur la toile. En défenseur du droit au huis-clos, l'Assemblée nationale voudrait bien l'interdire à ses députés
Les politiques sont vieillots ? Bien au contraire. Ils ont tous déjà (ou presque) leur site attitré (avec des résultats plus ou moins réussis, n'est-ce pas Ségolène ?), leur page Facebook et surtout leur principal outil de communication : leur compte Twitter.

Les députés aiment tweeter
A force de vouloir tout tweeter, les hommes politiques s'attirent les foudres des vieilles institutions pré-cybernétiques, l'Assemblée nationale la première. Le président de l'Hémicycle, Bernard Accoyer, aimerait bien empêcher ses députés de tweeter à tout-va. La raison de ce discrédit ? Le non-respect du huis-clos par certains parlementaires, notamment Lionel Tardy (UMP) qui avait retranscrit mercredi dernier sur Twitter l'audition de Raymond Domenech et Jean-Pierre Escalettes. Quelques heures plus tard, on peut lire sur le compte Twitter de son homologue mayennais, Yannick Favennec, alors en pleine réunion avec Nicolas Sarkozy : "Le Président annonce la réorganisation du Gouvernement pour octobre et tirera sévèrement les conséquences du comportement de ministres". Toute droite sortie de la bouche du président, l'information avait déjà fait le tour de la toile.

Déontologie ou hypocrisie ?
"Les nouvelles technologies sont là, il faut s'en féliciter, elles font circuler l'information de manière de plus en plus rapide. Mais elles ne peuvent remettre en cause le respect du huis-clos lorsque l'Assemblée ou une commission décide de siéger à huis-clos", a précisé Bernard Accoyer à l'Association des journalistes parlementaires. Le président de l'Assemblée a décidé de mettre l'interdiction de Twitter lors des auditions et commissions à huit clos à l'ordre du jour du Bureau, l'instance qui gère le fonctionnement de l'institution parlementaire. Le député Lionel Tardy ne comprend pas tout le tohu-bohu autour de ses tweets et dénonce l'hypocrisie ambiante. "Cela m'amuse un peu, car nombre de personnes ont transgressé le huis clos, mais ils l'ont fait à l'ancienne, en envoyant des SMS sous couvert d'anonymat aux journalistes, en sortant de la salle avant même la fin de l'audition pour s'épancher auprès des journalistes ... à commencer par le président du groupe UMP lui-même... ou en expliquant en détail le contenu de l'audition, dès la fin des débats.", peut-on lire sur le blog du député accro au net.

Scoop et couverture médiatique assurés
Twitter dérange probablement certains politiques qui aimeraient que leurs petits secrets soient bien gardés, tout au moins avant leur point presse officiel. Mais à l'heure de Youtube et de Twitter, les indiscrétions n'existent plus et les sources "proches du dossier" affichent maintenant leur identité. Et pour cause : les réseaux sociaux comme Twitter sont de formidables outils de communication pour les petits noms de la politique française et ce ne sont pas les députés Tardy et Favennec qui le nieront. Encore inconnus la semaine passée, leurs noms ont été largement repris par les médias nationaux suite à leurs tweets. Les journalistes ne sont pourtant pas si heureux qu'il n'y paraît. Pour Jean-Michel Apathie, tweeter équivaut à détruire le "journalisme à l'ancienne", celui d'"Huggy les bons réseaux". N'en déplaise à certains, la folie Twitter s'est déjà emparée du monde politique. A quand une campagne électorale à coup de tweets aussi suivie que les réparties des débats télévisés ? Au Japon, deuxième utilisateur du site après les Etats-Unis, les autorités ont décidé de prendre des mesures pour endiguer le phénomène : les sénateurs ont été privés de Twitter durant toute la durée de leur campagne.


Damien Bouhours

Le commentaire politique de Christophe Barbier du 05 juillet