TOUT EST DIT

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vendredi 4 juin 2010

Les opérateurs français de plus en plus obligés de brider le débit

Confrontés eux aussi à l'explosion de l'Internet mobile, Orange, SFR et Bouygues Telecom ont temporairement réglé le problème en bridant le débit et en augmentant la capacité.
A partir du 7 juin, l'expérience ATT va être scrutée de près par les opérateurs français. Ils ont beau jurer leurs grands dieux que leurs réseaux sont à toute épreuve grâce à des investissements importants, eux aussi voient le mur de l'Internet mobile se rapprocher. Mais, après avoir déployé tant d'efforts marketing pour attirer le chaland avec leurs offres illimitées, depuis trois ans, ils ne sont pas prêts à mettre fin au festin des « mobi-goinfres ». Chez Bouygues Telecom, par exemple, on explique que la question n'est « pas à l'ordre du jour du tout ». D'ailleurs, l'opérateur vient d'augmenter la quantité de données que les abonnés de son offre Ideo peuvent consommer avec leur mobile, de 500 mégaoctets à 2 gigaoctets. Au-delà, le groupe ne fait pas payer un supplément à son client, mais rétrécit la taille du tuyau (donc la capacité à télécharger) à 128 kilobits par seconde.

« Offres d'abondance »

Et tous les opérateurs font de même en France, ce qui fait dire à Edouard Barreiro, de l'UFC-Que Choisir, que les offres ne sont pas formulées correctement : « En France, les forfaits ne sont pas illimités, car soit les débits sont le plus souvent bridés au-dessus d'un certain plafond, soit l'utilisateur ne peut télécharger de grosses pièces jointes. Les forfaits n'offrent pas non plus un réel accès à l'Internet, puisque des services comme le peer to peer, la voix sur IP, voire les emails sont interdits ». Apparemment, les opérateurs télécoms sont sensibles à la critique, car, chez Orange comme SFR, on réfléchit à des termes plus adéquats. Parler d'offres d'abondance sera-t-il une façon de préparer les esprits… à la fin de l'Internet illimité ? L'iPad permet d'ores et déjà aux opérateurs d'expérimenter la tarification au volume de données : il n'y a pas d'illimité, mais des recharges payantes, par exemple 10 euros pour 200 mégaoctets chez Orange. De là à envisager la fin de l'illimité, il y a un pas. « Ces forfaits sont une clef pour développer les usages. Nous ne reviendrons pas en arrière sur la générosité et l'abondance », explique Guillaume de Lavallade, directeur marketing réseaux chez SFR - qui lance une nouvelle gamme illimitée en ce moment. Certes, le trafic Internet mobile triple tous les ans depuis 2007, date du lancement du premier forfait Illimythics, mais l'opérateur mise dans l'immédiat sur l'augmentation des capacités : acquisition d'une nouvelle bande de fréquences 3G, déploiement de la « 3G + »… et même amélioration de l'encodage des contenus. « La pédagogie, il faut la faire du côté des éditeurs de contenus », souligne Guillaume de Lavallade.

Position intenable

Cependant, la position des opérateurs français, qui parlent investissements réseaux dès qu'on évoque le problème de la tarification, sera intenable à long terme, estime un consultant spécialisé. « SFR et Orange étudient la possibilité d'utiliser leurs points d'accès Wi-Fi pour faire avaler la pilule de la fin des forfaits données illimitées », souligne-t-il : les connexions Wi-Fi sont gratuites, hors forfait. SFR est particulièrement bien placé grâce à son réseau de 2 millions de « box » Wi-Fi ouvertes. L'opérateur travaille aussi avec une société canadienne, Bridgewater Systems, sur la mise en place d'un compteur de données, indispensable si l'on veut gérer les consommations de façon plus fine et permettre à chacun de surveiller sa facture. Hélas, les systèmes d'information de SFR comme d'Orange ne sont pas prêts à accueillir cette nouvelle fonctionnalité. Ce sera donc un projet de longue haleine.

La gestion des forfaits illimités est compliquée par les nouvelles consommations d'Internet

ATT va arrêter de vendre des forfaits d'Internet mobile illimités et introduit un plafond avec un système de recharges en cas de dépassement. L'explosion du trafic sur les réseaux mobiles avec la démocratisation des « smartphones » et des clefs 3G rend la commercialisation de forfaits illimités de plus en plus compliquée.
Les problèmes rencontrés par les opérateurs pour gérer l'explosion du trafic sur leurs réseaux mobiles deviennent plus criants chaque jour. La démonstration est venue cette semaine des Etats-Unis. ATT a annoncé qu'il ne vendrait plus de forfaits permettant de surfer sur la toile de façon illimitée via son téléphone mobile. Les gros utilisateurs d'Internet mobile, ces « mobi-goinfres », vont devoir payer pour ce qu'ils consomment. Fini les menus à volonté, en tout cas pour les Américains clients d'ATT.

Comme l'opérateur est le seul à commercialiser l'iPhone outre-Atlantique, ainsi que des forfaits pour l'iPad, le « smartphone » et la tablette d'Apple, les technophiles vont peut-être donner de la voix. Il se trouve que les détenteurs de ces deux appareils font partie de ceux qui surfent le plus sur Internet pour y retrouver leurs vidéos, leurs musiques et leurs photos préférées.

Pour limiter l'usage, ATT a prévu deux forfaits : l'un est plafonné à 200 mégaoctets par mois pour 15 euros mensuels, l'autre va jusqu'à 2 giga pour 25 euros. Au-delà de la limite, le client devra s'acquitter de la consommation supplémentaire, en achetant des recharges, limitées elles aussi. L'opérateur assure que 65 % de ses abonnés ayant un « smartphone » consomment moins de 200 Mo chaque mois et que 98 % consomment moins de 2 Go. Le hic, c'est que les 2 % restants s'approprient 40 % de la bande passante disponible sur le réseau d'ATT. En clair, 2 % des abonnés d'ATT ralentissent la vitesse de connexion de tous les autres clients. L'Hexagone n'est pas en reste. « Les iPhone et les clefs 3G représentent moins de 10 % de notre parc, mais 85 % du trafic d'Internet mobile », explique Jean-Marie Culpin, directeur marketing des offres grand public d'Orange France.

Saturation des réseaux

Mais la saturation des réseaux semble un problème plus pressant outre-Atlantique, peut-être en raison d'une moins bonne qualité des infrastructures, avancent certains experts. L'hiver dernier, en raison de trop nombreuses connexions à Internet via des « smartphones » ou des clefs 3G, le réseau d'ATT avait connu des coupures intempestives, notamment à New York. En janvier, l'opérateur a annoncé son intention d'investir 2 milliards de dollars de plus dans ses infrastructures de téléphonie mobile aux Etats-Unis sur l'année 2010. Visiblement, cela ne suffira pas à faire face au trafic. Depuis mi-2008, ATT a vendu environ 16 millions d'iPhone et plus de 30 millions de ses clients ont un forfait permettant de surfer en mobilité. Dans une étude publiée en début d'année, Cisco, le premier fabricant au monde d'équipements pour Internet, prévoit que le volume de données appelé à être transporté sur les réseaux mobiles sera multiplié par 39 entre 2009 et 2014 dans le monde. En fait, l'Internet est en train de devenir mobile. Les opérateurs mobiles vont-ils être obligés de mettre fin à ces forfaits illimités ?

La fin de l'illimité ?

« Je pense que c'est inéluctable, car l'économie des réseaux fait face à des capacités limitées. Si tout le monde prend une offre illimitée et l'utilise au même moment, le réseau ne tient pas. Il n'y a plus aucune capacité », selon Henri Tcheng, associé du cabinet BearingPoint. « Les offres illimitées ont un sens quand il s'agit d'amorcer un marché, de créer des usages, ce qui correspond à un moment où les clients sont peu nombreux. Dès que l'Internet mobile se démocratise, que les consommateurs deviennent plus nombreux, alors l'illimité devient irréaliste », considère le consultant. D'ailleurs, « les forfaits ne sont pas réellement illimités, car les débits sont bridés au-delà d'un certain seuil », note-t-il. « Il va falloir que les opérateurs créent plusieurs classes de forfaits. Si un client veut avoir une bande passante et un débit garantis, alors il devra payer plus cher », estime Henri Tcheng. A l'exemple des clients de Vodafone en Espagne qui depuis novembre doivent s'abonner à une formule premium pour continuer à bénéficier d'un service illimité.

D'autres solutions, qui n'excluent pas la création de forfaits différenciés, sont envisagées par les opérateurs, comme pousser à utiliser le Wi-Fi pour toute connexion à Internet à domicile. La borne Wi-Fi étant connectée directement au réseau de téléphonie fixe, l'acheminenement du trafic se fait plus facilement, car la capacité des infrastructures ADSL est supérieure à celle des réseaux mobiles. Enfin, les investissements des opérateurs télécoms vont peut-être augmenter. D'abord dans l'achat de fréquences qui permettent d'apporter plus de capacités. En France, SFR et Orange ont acheté chacun un lot de fréquences 3G pour environ 580 millions d'euros en tout. Ensuite, les achats d'équipements pourraient bien repartir à la hausse d'ici peu chez de nombreux opérateurs. L'arrivée de la quatrième génération de téléphonie mobile est prévue en 2012 sur les marchés développés.


GUILLAUME DE CALIGNON, Les Echos

Littérature

Le saviez-vous ? Charles de Gaulle n'est pas un écrivain. Du moins, pas d'abord un écrivain, puisqu'il a fait deux ou trois autres choses dans sa vie. Cela conduit un quarteron de professeurs de lettres à pétitionner contre l'inscription de ses écrits au programme du baccalauréat littéraire. Confusion, disent-ils, entre l'histoire, les idées, et la littérature… Mais alors, qu'est-ce que la littérature ? Comme le demandait Jean-Paul Sartre - encore un que nos chers professeurs de lettres doivent répudier, puisqu'il osait être tout à la fois philosophe, activiste, homme à femmes, écrivain… Le plus cocasse est que ces «gendelettres» sont soutenus par le SNES-FSU, syndicat qui fut d'obédience communiste. Pour affirmer aujourd'hui qu'il ne faut pas mélanger littérature et histoire, ils ont dû rater un ou deux cours de l'école du Parti, les camarades censeurs de lettres. Pauvre Marx !



Francis Brochet

Le commentaire politique de Christophe Barbier du 4 juin 2010


"Niqab" au volant, contravention au tournant

Elle a 23 ans et conduisait entièrement voilée. 22 € d’amende. Une jeune conductrice a été verbalisée dans le Nord pour port du niqab au volant, un « vêtement » qui restreignait son champ de vision selon la police, un mois et demi après la polémique autour d'une affaire similaire à Nantes.

La conductrice a été verbalisée mercredi à Louvroil, près de Maubeuge, sur la base de l'article 316-1 du code de la route qui punit les automobilistes conduisant avec « un champ de visibilité insuffisant », a indiqué la police. Cet article concerne généralement les automobilistes qui apposent des films plastiques pour teinter les vitres.

La femme, âgée de 23 ans, a été verbalisée par des motards qui ont d'abord cru avoir affaire à un homme cagoulé. Lorsque les motards ont
demandé au véhicule de se ranger, la jeune femme, qui n'avait son permis que depuis deux semaines, a calé à deux reprises. « Elle n'avait pas de papiers d'identité, seulement un permis provisoire sur lequel ne figurait pas de photo », a indiqué la police. « Un jeune conducteur doit se donner toutes les conditions pour bien conduire », a ajouté cette source, selon laquelle la jeune femme a contesté être gênée par son voile.

La conductrice a reçu une amende de deuxième classe (22 euros), dont le montant passe à 35 euros si elle n'est pas payée sur place. La jeune femme, de nationalité française, a refusé de payer son amende et appelé son compagnon à la rescousse, qui a refusé de se déplacer.

A quelques semaines de l'examen du projet de loi contre le port du voile intégral, prévu en juillet à l'Assemblée nationale, l'affaire rappelle la polémique autour d'une Nantaise, qui avait contesté en avril une amende dressée pour port de niqab au volant. A l'époque, la femme et son mari s'étaient exprimés dans les médias pour dénoncer « une atteinte aux droits de l'homme ». Puis la polémique avait dérivé sur un autre terrain, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, demandant la déchéance de nationalité du mari, soupçonné de polygamie et de fraudes aux aides sociales.

La police avait invoqué dans cette première affaire de niqab au volant un autre texte de loi que celui retenu dans le Nord. Il s'agissait de l'article 412-6 du code de la route selon lequel « tout conducteur doit se tenir constamment ent état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent ».

A Louvroil, la conductrice, âgée de 23 ans, et son compagnon, ont évité tout contact avec les journalistes. Un homme de son entourage a expliqué que les musulmans avaient le sentiment d'être stigmatisés. « On a l'impression qu'on veut nous chasser du pays », a lâché un autre habitant du quartier. SGP Police, premier syndicat de gardiens de la paix, s'est déclaré à « 100 % derrière les collègues » qui ont verbalisé la femme. « Ils n'ont simplement fait que reprendre ce qu'il y a dans le code de la route », a-t-il déclaré.

TANT QUE LES MUSULMANS DE FRANCE DÉFIERONT LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE, ILS Y AURA UN PROBLÈME, AUTANT LE RÉGLER TOUT DE SUITE. INTERDIRE LE VOILE EST UNE BONNE MESURE.

Europe : redonner le goût de la vie en commun

Grand artisan de la construction européenne, Jacques Delors s'interroge sur l'avenir de l'Union et ses maux : une question d'état d'esprit, selon lui.
Parlons d'avenir avec...

Jacques Delors.

Ancien président de la Commission européenne.

Quels sont les grands défis que l'Europe va devoir relever d'ici à 2020 ?

Le principal défi est avant tout une question d'état d'esprit. La construction européenne n'a jamais été un long fleuve tranquille, mais plusieurs facteurs accentuent les difficultés. La globalisation perturbe les citoyens et les amène à demander davantage de nation, d'État. Avec la crise, certains responsables jouent volontiers de la corde populiste ou nationaliste. Notre société est caractérisée par un individualisme exacerbé qui amène les gens à se replier sur eux-mêmes. Le climat n'est pas propice à l'union des États européens. Le premier travail à faire c'est celui d'une prise de conscience de nos solidarités de fait : l'union fait la force. Cela exige un grand travail de pédagogie des gouvernements, même si actuellement, c'est le cadet de leurs soucis.

Sur le plan économique et social, quels sont les enjeux ?

L'Europe a le choix entre la survie ou le déclin. La compétitivité économique n'est pas seule en jeu, il en va aussi de nos systèmes sociaux, du Welfare, une création européenne. Ce système a fonctionné sur un double compromis entre le marché et les institutions publiques, et entre le capital et le travail. Il est maintenant d'autant plus remis en question que la démographie parle. En 1945, les Européens représentaient 15 % de la population mondiale, aujourd'hui 6 %, et en 2030 ce sera 3 %. Ce défi, nous ne pouvons le résoudre qu'ensemble. Quand je parle de défendre notre modèle, je pense aussi à l'agriculture et au monde rural, si oublié.

Sinon l'Europe risque d'être marginalisée ?

À Copenhague, l'UE avait le meilleur dossier sur le climat, mais elle n'a pas pesé, chacun a voulu faire son numéro. Je ne prône pas une politique étrangère commune, selon la formule qui figure déjà dans le traité de Maastricht (contre mon avis, parce que je trouve que les promesses qu'on ne peut pas tenir tuent la démocratie et la vitalité des peuples). Mais je pense que, chaque fois que nous avons un intérêt en commun, nous devons mener une action commune. Pour cela, il faut retourner à la bonne vieille méthode communautaire qui a fait ses preuves chaque fois que l'Europe a avancé.

À quel message les jeunes sont-ils sensibles ?

Le 9 mai, nous avons été un certain nombre à rappeler la noblesse de l'appel de Robert Schuman, je dirais même son niveau spirituel au sens laïc du terme. Il faut se souvenir. Est-ce suffisant aujourd'hui pour les jeunes générations ? Je ne crois pas. Ce qui me frappe le plus dans les rencontres multiples que je fais avec les jeunes, c'est qu'ils me disent de plus en plus « je suis le seul maître de moi-même, le seul juge de mon action ». Ce climat n'est bon ni pour la cohésion nationale ni pour la construction européenne. Il s'agit de retrouver un sens à la vie en commun, aux solidarités proches ou lointaines, à la citoyenneté active. Vous voyez, c'est une question d'état d'esprit, ou en d'autres termes, de convictions et de valeurs vécues.

Recueilli parLaurent MARCHAND.

Michel Serres et le grand désarroi du monde

Le grand philosophe n'a cessé de décrire les bouleversements de la planète. En préambule aux « interviews d'avenir » qui ponctuent ce numéro spécial, il nous parle de crise et de renaissance. Parlons du présent avec...


Crises financière, économique, démographique, culturelle... Que nous arrive-t-il ?

Une sorte d'immense faille s'est ouverte sous nos pieds. Le paysage humain s'est radicalement transformé en quelques décennies. Par contre, nos institutions n'ont pratiquement pas changé. D'où un grand désarroi. Mon intuition est que nous vivons un changement décisif, comme le monde en a très rarement connu : à la fin de l'empire romain, à la Renaissance.

À quelles transformations majeures pensez-vous ?

L'humanité, qui était paysanne depuis des milliers d'années, ne l'est plus. À ma naissance, nous étions un milliard et demi d'humains, nous sommes six milliards. Demain, nous serons neuf milliards. En un siècle, l'espérance de vie a doublé. Tout a changé : nos rapports au corps, à la vie, à la mort, aux savoirs, à la nature... Comment s'étonner, dès lors, que l'enseignement, la politique, la justice, les hôpitaux, soient en crise, en France, comme ailleurs ?

Dans ce tableau des grands changements humains, y en a-t-il un qui vous réjouit ?

La paix ! Ma vie entre l'âge de 6 ans et 25 ans a été marquée par la guerre. La guerre d'Espagne et ses réfugiés que l'on recueillait dans mon Sud-Ouest natal. La Seconde Guerre mondiale. La Shoah. Les guerres coloniales. La guerre d'Algérie où j'étais soldat. Jamais l'Europe n'a connu soixante ans sans guerre depuis la guerre de Troie. En 14-18, on peut le lire sur les monuments aux morts, des villages perdaient tous leurs fils. En 39-45, à nouveau des victimes par dizaines de millions. Vous imaginez l'Occident sacrifier ainsi aujourd'hui ses enfants ? Impossible. Je ne connais pas meilleure nouvelle ! Fragile, l'Europe ? Non. Nous tenons tous à la paix.

Nos institutions ont peu changé, dites-vous. Pourtant, le pouvoir semble être passé aux mains de la grande finance. Non ?

On a vu s'effacer effectivement, progressivement, les pouvoirs religieux, militaires, politiques. Celui de la grande finance a sans doute été décuplé, mais son pouvoir est extrêmement fragile. D'une certaine manière, la crise de la finance appartient à la liste des changements observés. L'essentiel aujourd'hui est que les gens comprennent que nous traversons une période exceptionnelle, et non pas une crise de plus.

Vous décrivez aussi une humanité avide de spectacles, de jeux, souvent coupée du monde réel ?

Il est vrai que nous vivons dans une société du spectacle. Mais, parallèlement, je crois que chaque individu dispose de davantage de responsabilité et d'efficacité qu'autrefois. Nous avons longtemps fonctionné dans un cadre étroit : la tribu, la famille, le village... Désormais, l'individu peut tenir son destin entre ses mains. Je ne suis pas pessimiste.

Si vous aviez le pouvoir de créer une nouvelle institution, par laquelle commenceriez-vous ?

Je plaide depuis longtemps en faveur d'un parlement planétaire de défense de la nature, où les scientifiques y auraient toute leur place. On a beaucoup parlé de la conférence de Copenhague sur le climat. De son échec. Mais, pour la première fois à cette échelle, la communauté des savants et la communauté des politiques ont pu discuter de l'avenir de la planète. J'y vois un bon signe.


Recueilli parBernard LE SOLLEU.

Hadopi en a marre d'être caricaturée

Mode opératoire, pouvoirs réels, droits et devoirs des internautes, calendrier... Au cours d'un entretien accordé à lexpansion.com, Eric Walter, secrétaire général de l'Hadopi, a tenu à répondre aux attaques qui lui sont régulièrement adressées. Son message: Hadopi, ce n'est pas ce que vous croyez.

Eric Walter est secrétaire général, chargé du fonctionnement et de la coordination des services de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, la fameuse Hadopi. A quelques semaines de la mise en route du dispositif de riposte graduée, il revient sur les applications concrètes de la loi pour les internautes. Et tente de corriger l'image de sa structure.

Les derniers décrets manquants, notamment celui qui définira l'infraction de négligence caractérisée, seront-ils publiés à temps pour que les premiers mails d'avertissement partent comme prévu fin juin ?
Les deux décrets sont dans les tuyaux. Le calendrier reste le même.

La "négligence" sera estimée en fonction de la non sécurisation de l'accès internet de l'abonné, par des moyens de sécurisation que l'Hadopi doit encore labelliser. N'est-ce pas paradoxal de faire partir les premiers mails avant que la liste des moyens labellisés ne soit publiée ?

Le décret de labellisation des moyens de sécurisation ne nous empêche absolument pas de démarrer. Il pourrait partir à la Commission européenne en juin ou en juillet. En outre, ce débat est un peu hypocrite: l'obligation de sécurisation date de la loi Dadvsi. Et il existe de nombreux outils, connus, pour sécuriser son accès: logiciels de contrôle parental, pare-feu, clés WEP pour les accès Wi-Fi... Le label, quand il existera, sera juste un meilleur moyen d'atteindre les objectifs de sécurisation que nous nous fixons, grâce aux spécifications fonctionnelles que nous rédigerons et qui permettront de rapprocher les produits existants de nos objectifs.

Qu'y aura-t-il dans le premier mail d'avertissement ? Comment être sûr qu'il viendra bien de l'Hadopi ?

Nous informerons l'utilisateur qu'il est tenu de sécuriser sa connexion, et de l'existence de tels moyens de sécurisation. Nous communiquerons de toute façon sur le contenu de ce mail afin que les internautes sachent reconnaître les faux. En tout état de cause, le mail ne dit pas que vous avez été condamné, il ne demande pas d'argent. Nous devrions par ailleurs utiliser un format de mail très simple, peut-être un format texte.

Quel sera le budget de communication de l'Hadopi pour 2010 ?

Le budget définitif n'est pas encore adopté.

Pour les internautes qui seraient rentrés dans les étapes 1 à 3 de la riposte graduée, les compteurs peuvent-ils être remis à zéro dans la mesure où il n'y a pas réitération ?

Les données sont supprimées quatorze mois après l'envoi de la première recommandation par mail dans le cas où celle-ci n'est pas suivie d'une 2ème recommandation. Elles sont effacées vingt mois après la date de la 2ème recommandation, par lettre recommandée avec accusé de réception et par mail, si cette dernière a lieu. Dans le cas où la suspension de l'accès Internet est ordonnée, le décret précise que les données sont conservées jusqu'à la fin de la période de suspension. Les futurs décrets devraient aborder la question de la durée de conservation des données pour le cas où le dossier transmis au parquet ne ferait pas l'objet de poursuites ou ne donnerait pas lieu à une condamnation.

Comment sera définie la liste des oeuvres qui feront l'objet d'une surveillance sur les réseaux ?

Cela relève des ayants droit, pas de l'Hadopi. Ils auront certainement une politique de recherche particulière qu'ils sont libres de définir. Là encore, il faut remettre les choses à leur place. C'est exactement le même principe qu'un contrôle de la Sacem dans un bar qui passe de la musique. On ne connaît pas les critères qui président à ces contrôles. La commission de protection des droits de l'Hadopi va pour sa part elle aussi adopter ses propres critères pour choisir parmi les saisines qui lui sont adressées les dossiers qu'elle transmettra au juge.

Ce qui signifie qu'une fois arrivé à l'étape 3, l'internaute ne fera pas systématiquement l'objet d'une procès ?

Bien sûr que non.

De la même manière, c'est aux ayants droit qu'il revient de déterminer s'ils surveilleront à la fois les réseaux peer-to-peer et les sites de streaming ?

La loi nous permet d'agir sur tous les types de techniques. Je crois que ceux qui se sentent protégés par la technologie sont dans l'erreur. Evidemment, c'est une course à l'échalote, mais je ne parierais pas sur ceux qui éprouvent aujourd'hui un sentiment d'impunité.

Comment les internautes pourront-ils se défendre, sans forcément prendre un avocat ?

N'importe quel abonné concerné pourra faire valoir ses observations par courrier, téléphone, mail, etc. Nous devons d'ailleurs internaliser un certain nombre de fonctions eu égard à la sensibilité des informations qui nous seront communiquées. L'internaute pourra également demander à être auditionné par la commission des droits. Toute personne prise dans les filets du système doit pouvoir faire valoir ses observations. On ne part pas du principe que tout le monde est coupable, il faut arrêter la diabolisation.

C'est l'impression que vous avez ?

Quand je lis ce qui se dit sur nous et que je regarde la réalité, le contraste est étonnant. Vous savez, certains commentaires atteignent les agents, comme lorsqu'ils lisent que les collaborateurs de l'Hadopi sont payés à ne rien faire. Le point commun de nos collaborateurs, c'est qu'ils ont la conviction qu'il faut remettre le respect du droit au coeur du système.

Les gens de l'Hadopi ne sont pas là par hasard, donc.

C'est certain. Cela dit, j'ai recruté certaines personnes sur Twitter, de manière un peu fortuite !

Et en attendant la montée en régime, quel est votre travail ?

Nous travaillons d'arrache-pied à la construction de la structure: se préparer aux appels d'offre, mettre au point la charte de déontologie, définir la politique salariale, le règlement intérieur...

Que pensez-vous de votre image médiatique ?

Elle est plus négative que notre image réelle. Déjà, il existe un énorme décalage dû au fait que de nombreux commentateurs sont restés bloqués avant la censure du conseil constitutionnel. Beaucoup de choses ont évolué depuis.

Pour finir, est-ce que les problèmes avec les FAI, relatifs à leur demande de compensation financière pour les investissements nécessaires à la mise en oeuvre la loi Hadopi, sont résolus ?

Nous ne sommes pas bloqués ! Orange, Bouygues Télécom, SFR, Numericable et Free sont tous autour de la table lors des réunions. Certes, les FAI discutent de leur côté avec le gouvernement, mais cela ne nous empêche pas de fonctionner. Nous leur avons indiqué un calendrier, ils le tiennent, et nous travaillons. Pas de problème de ce côté-là.


Propos recueillis par Raphaële Karayan