TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

dimanche 30 mai 2010

Les préjugés des Français progressent

«On assiste à une libération de la parole raciste depuis plusieurs mois», accuse Dominique Sopo, président de SOS Racisme, comme le montre un récent sondage.
Les préjugés exprimés par les Français sur les Arabes, les juifs ou les homosexuels sont en augmentation, d’après un sondage de l’institut BVA pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme, dévoilé à l’occasion des Assises de la lutte contre les préjugés, dimanche à Sciences Po.

Ce sondage a été réalisé du 21 au 22 mai 2010 auprès d’un échantillon représentatif de 1.029 personnes âgées de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas.

«Après un an de matraquage stigmatisant envers les populations arabes et musulmanes, les préjugés ont plus que doublé par rapport à l’an dernier», déplore Arielle Schwab, présidente de l’UEJF. Les Arabes sont perçus comme délinquants par 27,6% des sondés contre 12% lors d’un sondage effectué l’an dernier par l’institut CSA.

Pour près d’un Français sur deux (49%), «les étrangers savent mieux profiter du système de protection sociale que les autres». 28% des sondés considèrent que les Noirs sont plus forts physiquement que les autres et 30% que les juifs ont plus d’influence que les autres dans la finance et les médias.

«On assiste à une libération de la parole raciste depuis plusieurs mois», accuse Dominique Sopo, président de SOS Racisme, pointant «la tentative d’importation du débat sur l’interdiction des minarets», «le débat sur l’identité nationale» et «le débat sur la burqa, posé de façon extrêmement malsaine».

Pour l’UEJF, «les préjugés se répandent et se banalisent»: Les français sont ainsi deux fois moins nombreux que l’an dernier à se dire homophobes (4% se revendiquent homophobes contre 8% en 2009), pourtant les préjugés homophobes sont repris par 12% des sondés contre 8% l’an dernier.

Par ailleurs, parmi les sondés qui se disent «non racistes», 32% ne réagissent pas devant un préjugé raciste. «La capacité d’indignation des Français est en déclin», s’inquiète Arielle Schwab.

Dimanche, les Assises de la lutte contre les préjugés, auxquels participent une quarantaine de responsables associatifs et politiques, aborderont les questions de la montée de la xénophobie en Europe et du passage à l’acte.

Arielle Schwab, Dominique Sopo, le cinéaste Yann Moix, l’auteur Bruno Gaccio et Charb, le directeur de la publication de Charlie Hebdo, doivent débattre en fin d’après-midi sur le thème «Quand les figures de l’autorité dérapent».

Il faut savoir ce qu'on veut, la France n'est pas le pays des minarets ni des synagogues, elles n'y sont qu'admises au nom de la liberté du culte, sans plus.
La France est laïque mais catholique avant tout.

Aubry compare Sarkozy et Madoff, la majorité s'indigne

Les membres de la majorité ont serré les rangs, dimanche 30 mai, pour dire tout le mal qu'ils pensaient de Martine Aubry coupable d'avoir, samedi, comparé le président Sarkozy à l'escroc Madoff. Lors de la convention nationale du Parti socialiste dont elle est la première secrétaire, Mme Aubry avait moqué le discours du président de la République sur la réduction du déficit public. "J'ai un peu l'impression, quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, c'est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité", a-t-elle lancé avant de s'en prendre à "l'inélégance" et à la "vulgarité" du chef de l'Etat, accusé de s'en prendre à François Mitterrand. Les ténors de la majorité, de Frédéric Lefebvre à François Fillon, ont été scandalisés.
Le premier ministre François Fillon a réagi via un communiqué de quelques lignes diffusé en début de soirée, dimanche, accusant Mme Aubry "d'abaisser le débat politique". "En privilégiant les formules injurieuses plutôt que les analyses de fond, le Parti Socialiste ne s’honore pas", a-t-il déploré.

Pour Jean-Pierre Raffarin, Martine Aubry a commis "une faute majeure". Il estime sur son blog que "la comparaison avec Madoff mérite, en effet, un blâme démocratique" et en profite pour expliquer à ses lecteurs la différence entre injure et opinion. "Reprocher à François Mitterrand la retraite à 60 ans [comme l'a fait Nicolas Sarkozy], c'est une opinion politique. Comme telle, elle est à la fois respectable et discutable. Comparer le président de la République à un escroc, c'est une injure, pas une opinion !", a fustigé le sénateur de la Vienne. Le verdict de M. Raffarin est sans appel : "Tant que Madame Aubry, qui nous avait habitué à plus de retenue, ne s'excusera pas, son profil présidentiel restera ébréché gravement".

Xavier Bertrand est lui "profondément scandalisé" par ces propos. "Les propos de Martine Aubry sont honteux et scandaleux, on n'a jamais vu un responsable politique, responsable du premier parti d'opposition, proférer de telles injures publiques", a-t-il déploré, estimant que la patronne du Parti socialiste était désormais "disqualifiée pour exercer de réelles responsabilités". M. Bertrand en a profité pour distribuer un bon point au prédecesseur de Martine Aubry à la tête du PS, qui a recommandé de ne pas tomber dans la "facilité". M. Bertrand a "bien noté la prise de distance de François Hollande".

"Dans une démocratie, un parti politique qui ne respecte pas le président de la République n'est pas un parti respectable", a dénoncé Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille. Pour elle, Martine Aubry doit "s'excuser" ou "démissionner" puisqu'elle vient "de démontrer qu'elle n'[était] pas digne de diriger un grand parti de gouvernement".

Plus mesuré, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefèbvre a prédit que la potentielle candidate aux primaires socialistes avait "le temps de se reprendre" avant les échéances électorales. "La politique, c'est plutôt les idées et les propositions que les invectives et les injures", a-t-il souligné sur Radio J, notant que la sortie de Mme Aubry visait à "masquer un projet qui est tout sauf innovant et les tensions" au PS.

Pour le député UMP Yves Jégo, "par ses propos, Mme Aubry montre son vrai visage : celui de la haine et du sectarisme violent".

L'intéressée, elle, s'est expliquée sur le plateau de France 2, dimanche midi, pour clarifier ses propos et calmer le jeu. Elle a expliqué avoir mis en cause, non pas le chef de l'Etat lui-même, mais ses démonstrations "pas crédibles" sur les comptes publics. "Les mots ont un sens. Bien sûr, je n'ai pas comparé le président de la République à Madoff", a-t-elle assuré. "On ne parle pas aux gens uniquement avec des noms d'oiseau. On essaie de s'exprimer avec nuance. En tous les cas, j'essaie de le faire".

Je me demande jusqu'à quel point cette femme est capable de descendre dans la bêtise et l'ignoble.
Cette femme n'est ni plus ni moins que la caricature de tout ce que la haine et l'esprit revanchard peut incarner.
En un mot elle est en tout point détestable et nuisible à la politique.

Laurence Parisot dans un fauteuil

Elle a laissé un message téléphonique, lundi 17 mai au soir, comme une étudiante qui aurait passé un concours difficile. De l'émotion, du soulagement, une certaine joie. "Ça s'est magnifiquement bien déroulé. Un grand moment pour nous tous, très fort." Laurence Parisot est tout entière là-dedans. Emue avec naïveté, dans un monde calculateur où croisent les requins, travailleuse jusqu'à l'épuisement, quand d'autres surfent sur leurs facilités, amoureuse de la réussite, alors qu'il est de bon ton de n'en rien laisser paraître.

La présidente du Medef, qui brigue à 50 ans un second mandat, venait de plancher devant le conseil exécutif de l'organisation patronale, composé de quarante-cinq dirigeants d'entreprise, patrons de fédérations professionnelles ou territoriales. Un moment-clé de sa campagne, bien qu'elle soit la seule candidate à sa succession pour l'élection du 1er juillet. Cet "examen", elle l'a soigneusement préparé, répété, jusqu'à la mise en scène. Il n'y a pas eu de questions. Que des commentaires, ou des réflexions qui prolongeaient la sienne. A boire comme du petit-lait.
Dans la guerre économique, Mme la présidente a toujours été un bon petit soldat du libéralisme – elle fait même désormais partie des gradés. "Je suis libérale et je l'assume totalement, affirme-t-elle. Je le suis philosophiquement, socialement, économiquement." Les dérives du capitalisme et de l'argent fou n'ont pas écorné son credo : "Faire confiance à l'initiative individuelle pour créer des richesses, à condition que les règles du jeu soient absolument claires – et les mêmes pour tout le monde." Dans un monde idéal, sûrement. Pas comme celui des subprimes, par lequel le scandale est arrivé des Etats-Unis…

LA RETRAITE À 62 ANS

C'est d'ailleurs par là qu'elle a commencé son topo, après quelques considérations personnelles. Par ce "laxisme incroyable, monétaire et réglementaire, des Etats-Unis", catastrophe annonciatrice d'autres désastres. Désormais, tel un iceberg dans la nuit, une crise profonde guetterait le "paquebot" France, Titanic en puissance. La faute à l'immobilisme qui a, des années durant, empêché les réformes de structure, prétend-elle. "Les Allemands partent à la retraite à 65 ans, maintenant ! Nous, ce sera 63 ans en 2030… La France me fait penser à ce personnage de dessin animé qui continue à courir, avant de s'apercevoir que le sol s'est dérobé sous ses pieds. "

La patronne des patrons, première, en août 2007 dans Le Monde, à parler de retraite à 62 ans, plaide aussi pour un système mixte entre répartition et capitalisation. Mais sans vouloir toucher aux revenus du capital – en bonne logique libérale.

Lors de son "grand O", l'ancienne élève de Sciences Po a tout promis à ses pairs. Une vraie campagne, comme une vraie politique. Pourtant, elle peut se rêver ministre ou commissaire européenne, il y aura toujours une différence : l'ex-politologue veut tout tenir, tout honorer, tout satisfaire. Pour "en être" vraiment, il lui manque le cynisme qui blinde, la grosse cuirasse qu'endossent tous les autres, contre les critiques. La méchanceté l'étonne toujours, comme une provinciale d'antan. "Parisotte", l'appelle son ennemi Denis Kessler dans les dîners en ville. Quelle erreur…

"Je n'avais pas prévu tout ce qui m'est arrivé. Mais si des opportunités se présentent, je les saisis vite, ça c'est vrai", dit-elle. Qu'apprécie la propriétaire de l'Ifop dans ce job non rémunéré, à la tête d'une institution et d'une profession peu aimées ? La fonction tribunitienne sans doute, et tout simplement le pouvoir. Elle affecte désormais l'indifférence pour le Siècle, ce club de l'élite dont elle dit sécher les dîners. Mais ne résiste pas à raconter, avec plus ou moins de distance, celui où elle était placée à la droite de George Bush, à l'Elysée. Le président si impopulaire de la guerre et de l'argent fou…

Cette fille et petite-fille d'industriels n'a jamais manqué d'argent, sans en faire le moteur de sa vie. A son mince poignet, une montre Chaumet, massive et sportive, cerclée de diamants, seul signe de luxe. On lui connaît toujours le même sac Vuitton. Il est impossible qu'elle dépense beaucoup d'argent pour ses vêtements. Pas de signes extérieurs de richesse, par tempérament et par souci d'image. Sa maison à Saint-Barth, à côté de celle de Johnny ? Une cabane, assure-t-elle.

Son père, son modèle, héritier des meubles Parisot avec ses frères – ils finirent terriblement brouillés–, avait aussi lancé l'hôtellerie dans l'île caraïbe, paradis fiscal de la jet-set. Tout a été vendu. C'est grâce à l'argent de Michel Parisot, décédé en 2002, que sa fille avait pu racheter l'Ifop.

Elle en a fait une entreprise de renom et tâche, malgré ses horaires interminables au Medef, d'y consacrer une demi-journée par semaine. Laurence Parisot assure la veille stratégique et a gardé personnellement quelques clients, comme La Poste, mais aucun politique. L'institut de sondages lui assure un revenu de 22 000 euros par mois, en plus de ses jetons de présence dans quelques grands conseils d'administration. Elle renâcle à le dire.

"Je me fais de la bile, avoue-t-elle souvent. On est dans un combat pour garder notre niveau de vie. Si on y arrive, ce ne sera déjà pas si mal…" Mais quand elle dit "on", il faut entendre "la France". Une sorte de petite Jeanne d'Arc des conseils d'administration, au regard de glace. Capable de pleurer pour un mauvais article à son propos. Affective quand elle a donné sa confiance, ce qui lui arrive rarement, implacable quand elle la retire, ce qui se produit plus souvent.
En attendant, elle est dans la place et va y rester. Ses protecteurs y veillent. Au premier plan, Michel Pébereau, le puissant patron de BNP Paribas, qui a l'oreille du pouvoir. "Son propos était clair, déterminé. C'était un discours de nature à rassembler." Le banquier s'est réjoui qu'elle ait placé l'Europe et la monnaie parmi ses premières préoccupations. "L'euro est un atout essentiel, mais il a des ennemis très déterminés. Il est nécessaire que l'Europe évolue pour tirer pleinement profit de sa devise", analyse-t-il.

Surtout, il a constaté que "tout le monde était satisfait, y compris ceux qui disaient avoir des problèmes avec Laurence Parisot". Suivez son regard : l'Union des industries métallurgiques et minières, l'UIMM, socle de fer historique du patronat. Eclaboussée naguère par ses pratiques héritées de la guerre froide, où se baladaient les valises de billets destinées à graisser la patte des syndicats, l'UIMM s'est profondément réformée. Trop convalescente pourtant pour présenter un candidat.

"Les patrons sont bien contents d'avoir une organisation pour engager des discussions. Mais quand il s'agit de s'engager soi-même, il y en a peu", observe Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe. "Je m'y suis collé, dit le tout récent président de l'Association française des entreprises privées (Afep). Au Medef, c'est pareil, il faut que quelqu'un s'y colle." Car gérer les relations avec les syndicats, les pouvoirs publics, les entreprises, n'est pas une sinécure, par avis de tempête économique. "Que tout le monde sache bien que la présidente et son bureau sont soutenus. La crise économique est là. Il faut faire en sorte que ça marche. C'est l'intérêt de tous", tranche-t-il.

LA PEAU DE L'AUTRE

Laurence Parisot s'est déclarée très tôt, en novembre 2008. " Pour bien faire comprendre que tel était mon désir. C'était déjà ancré dans mon esprit. Ceux qui voulaient réfléchir à la question devaient compter avec moi. " Ils se sont tous découragés, les uns après les autres, anticipant une bataille perdue. Ainsi l'ambitieux patron de Virgin Mobile, Geoffroy Roux de Bézieux, qui a fait un tour de piste discret après avoir entendu le président de l'UIMM, Frédéric Saint-Geours, dessiner le profil du candidat idéal. C'était lui tout craché !

Yvon Jacob, président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) et candidat malheureux contre Laurence Parisot en 2005, l'a reçue pendant deux heures. Et lui a déconseillé de se présenter. "Il doit y avoir rassemblement pour que les choses avancent. On est dans le dur, en plein dans la crise." Geoffroy Roux de Bézieux, propulsé à la tête de l'Unedic en septembre 2008, grâce aux bons conseils de l'équipe Parisot, attend donc son tour.

L'industrie n'a pas voulu prendre sa revanche sur les services. Et sans doute n'en avait-elle pas les moyens. Pour comprendre, il faut revenir cinq années en arrière. Ernest-Antoine Seillière, sentant sa fin (de mandat) prochaine, fit venir les patrons et leur tint à peu près ce langage : "Je sais que vous pensez tous que le Medef est un vieux machin, mais vous auriez tort de vous désintéresser de ma succession." Eux, déjà dans le rêve du sarkozysme, eurent assez de lucidité pour répondre en substance : "Toi, Ernest-Antoine, tu fais trop grand capital. Et si on trouvait quelqu'un d'une PME?"

Laurence Parisot, cela tombait bien, était en orbite dans l'ombre depuis 2003, année de la réélection du baron Seillière. Il n'y avait pas eu de campagne : ce dernier avait passé un marché avec l'UIMM, présidée par Denis Gautier-Sauvagnac. Une réélection dans un fauteuil, contre l'éviction de Denis Kessler, brillant conseiller de la "refondation sociale". Chacun voulant la peau de l'autre. C'est Kessler qui était parti, remplacé au conseil exécutif par Laurence Parisot, au titre des personnalités qualifiées.

Personne ne niera qu'elle fut poussée par le secteur des services et la banque, désireux de prendre le pouvoir au Medef, créé et tenu de tout temps par l'industrie. Mais déjà elle avait fait campagne, considérant que rien n'est jamais gagné d'avance. L'hommage, rétrospectif, vaut son pesant d'or : il vient de Jean-René Buisson, le président de l'Ania, l'Association nationale des industries agroalimentaires, qui a claqué la porte du Medef avec fracas en décembre 2009. Surtout pour des raisons internes. "Très honnêtement, il n'y a pas eu photo. Elle était la mieux préparée, la meilleure, et de très loin. Très au-dessus du lot", constate celui qui lui avait alors apporté un soutien décisif. Tout le monde aurait dû comprendre dès lors qu'elle n'avait pas l'intention d'être la marionnette de qui que ce soit.

Cela paraît si loin. Les ennuis sont venus, bien sûr. Ah, ça oui ! elle s'est sentie déstabilisée, en janvier. "Une campagne sournoise, pour me faire craquer", dit-elle, orchestrée à ses yeux par Denis Kessler. Avec l'éternel Alain Minc, conseiller du prince jamais en retard d'une vacherie, qui se répandait dans la presse : "S'il y avait un dixième de l'intelligence de la CGT au Medef…" Une période de gros roulis, après le départ de ses directeurs généraux, puis celui de l'Ania et le feu nourri de reproches contre sa gouvernance, jugée trop clanique. Elle en parle un soir, dans son bureau au mobilier transparent, au Medef, avenue Bosquet . On croit tout voir à travers : table en verre, chaises en plexiglas, grandes baies vitrées, comme un message subliminal. Ici tout est propre et clair, comme le regard de la locataire.
Pour la couleur, un tableau de Street Art et des fleurs au balcon. La pièce jouée ici n'est pourtant pas une comédie. Souvenirs choisis. Le scandale de l'UIMM ? Un "truc épouvantable", dit-elle. Un soir de l'hiver 2007, apprenant que Les Echos du lendemain révélaient le montant de la caisse noire de l'UIMM, 600 millions d'euros, elle appela son président, Denis Gautier-Sauvagnac : " Denis, Les Echos vont annoncer ça, qu'est-ce que je dis ? – Tu ne dis rien. – Mais c'est impossible ! " Lors de la première réunion du bureau après la révélation, tout le monde était "vert". " Explique-nous ", "Mais ça fait cent quatre ans qu'on fait ça ! " "Et, Denis, pour la compta, tu faisais comment ?" "La compta, on la brûlait tous les ans…" Ce qu'une loi bien commode de 1884 autorisait.

De dialogue de sourds en prises de distance, les choses ne pouvaient que mal finir. Les patrons, avides de discrétion, désireux de ne pas voir leur image davantage ternie, avaient conseillé à Laurence Parisot de se tenir le plus éloignée possible de cette affaire. Ils virent de l'acharnement dans sa virulence à dénoncer le parachute doré de l'ancien président de l'UIMM, 1,5 million d'euros, révélé un peu plus tard par Marianne. Partie en Afrique, elle avait refait dare-dare sa valise. " Tout le monde clamait : “Il faut qu'il rende l'argent !” J'avais le sentiment que le patronat pouvait voler en éclats ", se souvient-elle. Elle avait compris sa chance historique, à l'occasion de cette crise. Ou comment devenir le premier chevalier blanc au féminin.

La présidente du Medef a aussi pris le risque d'aller contre la culture de son milieu en intervenant avec force contre les rémunérations patronales trop élevées. "Si nous n'étions pas capables de montrer que le temps de folie des années 2000 était révolu, si nous n'étions pas capables de rester en empathie avec la société, alors tous les autres combats perdaient leur sens", dit-elle aujourd'hui.

C'est cette page de rancœur patronale qui est en train de se tourner. Comme celle de la valse de ses directeurs généraux, trois en cinq ans. Mardi 11 mai, surprise du chef, elle a demandé aux quelque 200 salariés de l'avenue Bosquet de se réunir vers 17 h 45. Pour annoncer, à l'heure dite, "une nouvelle importante, arrivée en chair et en os". Derrière elle se tenait un quadragénaire, chauve, souriant et tout en os : le nouveau directeur général, Michel Guilbaud, ex-directeur de cabinet du secrétaire d'Etat chargé du commerce et de l'artisanat, le très libéral Hervé Novelli. Un chasseur de têtes ami, Jean-Michel Beigbeder, le père de Charles, patron de Poweo, un fidèle de Laurence Parisot, a finalisé son recrutement.

Le nouveau DG devra faire oublier l'ancien, Jean-Charles Simon, un proche de Denis Kessler, avec qui Laurence Parisot avait eu "un coup de foudre professionnel". "Il avait l'avenir devant lui, ici. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il est parti. Ah ! non, non", répète-t-elle, en secouant le front.

C'est pourtant assez simple. Ce garçon vif et drôle est parti parce qu'il en avait assez des séances de psychothérapie de groupe, sous la houlette de la coach Rosine Lapresle, pour tenter de faire fonctionner une direction générale bicéphale, vouée à l'échec, avec Hélène Molinari. Après son départ, la présidente du Medef lui a même envoyé l'ancienne prof de philo, au fond d'un bar d'hôtel, pour transformer sa démission en " rupture conventionnelle ". Il a refusé, non sans panache, cette innovation dont Laurence Parisot est si fière.

Marie-Christine Coisne-Roquette, PDG de Soneparet l'un des piliers de l'ère Parisot, vient d'en appliquer trois en dix-huit mois : "Un salarié n'est plus condamné à démissionner quand il n'est pas content. Ça a dédramatisé la rupture et radicalement changé les choses sur le plan financier, juridique, psychologique ", dit-elle. Comme tous ceux du " groupe du dimanche", une petite quinzaine de chefs d'entreprise qui participent à la réunion hebdomadaire de campagne, en fin de week-end, elle juge que la présidente n'a pas à rougir de son action depuis cinq ans.

Laurence Parisot a conseillé trop de politiques pour ignorer qu'"on ne fait pas campagne sur un bilan". Mais cette élection-là n'a rien à voir avec le suffrage universel. Après ses visites méthodiques au CAC 40, en février et mars, elle ne se prive donc pas, dans sa tournée des Medef territoriaux, de valoriser le travail accompli. Comme ce jour de mai à Ploërmel, avec le Medef de Bretagne, où elle vante le code de gouvernance Afep-Medef : pas de parachute doré quand l'entreprise périclite, recommande-t-il. "Cela n'existe nulle part ailleurs ! Même avec leur casque de traduction, les Japonais ne comprennent pas, je le vois à leur tête."

Elle ne leur garantit pas des lendemains prospères, dans cette troisième année de crise économique, mais s'engage à proposer aux organisations syndicales un chantier sur la mobilité et le logement, en cas de plan social. Elle leur raconte son embryon de "G8 des patrons" et ses ambitions à l'international. Elle prédit que la structure complexe du Medef, par territoires, branches, fédérations, ne résistera pas aux nouvelles technologies : "Les silos des organisations, on va passer à travers".

Les Bretons sont enchantés de leur après-midi, à l'exception d'un imprudent qui s'est risqué à évoquer "l'image dégradée des chefs d'entreprise". Malheureux ! La réponse a claqué, sèchement : "Je trouve très injuste de répandre cette idée", a répondu Laurence Parisot avant de produire cette étonnante réponse : "Le problème majeur vient des politiques. Il n'y a qu'une chose à faire : c'est que davantage de chefs d'entreprise se présentent aux élections." Ce serait donc cela, la suite ? Charles Beigbeder, lui, ne cache pas avoir des projets. "Je suis membre du Parti radical de Jean-Louis Borloo. J'aimerais bien apporter mon énergie à la politique. Laurence est parfaitement au courant de tout ça." Elle ne l'a pas dissuadé.

On lui a tout reproché : d'être "trop CAC 40", puis "trop PME", de bassiner les adhérents avec le "sociétal", avant de lui en réclamer davantage, d'abuser de la "com'", avant de la trouver trop discrète. "Elle est très sincère. Son bilan est bon, sinon quelqu'un d'autre se serait présenté. Et dans cette période très perturbée, c'est bien qu'il y ait continuité", estime Pierre-Yves Legris, président du conseil de surveillance de la holding Legris industries.
Thomas Chaudron, ancien président du Centre des jeunes dirigeants (CJD), se montre beaucoup plus sévère. "Elle a loupé le moment-clé, celui de la crise, pour inventer quelque chose. On a vu resurgir l'ultralibéralisme et on a bien compris que l'environnement, la diversité, étaient des postures", juge ce quadragénaire qui dirige une PME de 40 personnes, Mecanalu, dans la région parisienne. L'arrangement paraît moderne, mais la ritournelle date, à son oreille : "Des charges sociales trop lourdes, un code du travail trop contraignant et des syndicats qui bloquent, c'est court, comme arguments", conclut-il.

CITER MONTAIGNE

Personne, en tout cas, ne s'est donné les moyens de lui ravir la place. A elle – qui a eu l'intelligence de confier à l'UIMM la commission de la protection sociale du Medef – de gérer la période délicate qui s'ouvre. "Nous lui apportons un soutien libre. Nous entendons préserver notre liberté d'expression et d'action. Bien entendu dans le cadre de l'unité patronale, " explique le président de cette commission et délégué général de l'UIMM, Jean-François Pilliard. Avec Nicolas Sarkozy, rencontré à Sciences Po, "les choses sont claires, directes. Il est facile d'accès si j'estime nécessaire de lui parler en direct".

Il faut comprendre en réalité que ce rapport est assez complexe, avec un chef d'Etat très enclin à négocier en direct avec la CGT, expert en rapports de force, plus soucieux de sa relation à l'opinion qu'à une organisation qui fait facilement figure de repoussoir. Quant aux principaux patrons du CAC 40, ils ont leurs circuits directs avec l'Elysée et Matignon ou passent plus volontiers par l'Afep que par le Medef. La France est moins leur souci que le reste du monde.

Rien de tout cela n'effraie cette femme à l'apparence fragile. Quelle meilleure preuve de solidité que d'être réélue après un quinquennat en milieu souvent hostile et parfois macho ? Elle aime à citer Montaigne : " C'est un grand malheur que d'être femme. C'est un plus grand malheur encore que de ne le savoir pas. " Elle se sent toutes les audaces, y compris pour peser lors de la présidentielle de 2012. Même si personne ne doute que la patronne du Medef fera le même choix qu'en 2007 : prendre le même et recommencer.

Béatrice Gurrey

2012, année de la peur

La mort d'une jeune maman sous les balles de sauvages malfrats qui préparaient un casse... Qui n'éprouve un sentiment de révolte devant l'histoire tragique de la jeune policière municipale de Villiers-sur-Marne ? L'émotion légitime qu'elle a provoquée tout au long de la semaine doit-elle être pour autant le ressort de décisions qui engagent le pays ? C'est moins sûr. Quand le droit -au sens large- devient le jouet du fait divers, c'est le symptôme d'une société inquiète qui improvise ses règles collectives au gré de ses indignations.
Les funérailles nationales d'Aurélie -avec présence du président de la République et de trois ministres !- ont implicitement validé le décret du ministre de l'Intérieur autorisant l'utilisation du très controversé Taser par les polices municipales. Tout le monde, pourtant, convient que si la jeune policière avait disposé d'un pistolet par impulsion électrique, ou même d'un Manurin, cela n'aurait, hélas, strictement rien changé à son sort. Elle a été au mauvais endroit au mauvais moment, victime collatérale d'un de ces épisodes du grand banditisme qui tournent mal.
Autrement dit, un hasard sanglant et particulièrement spectaculaire a été opportunément utilisé pour faire passer sans discussion une mesure controversée. Les larmes médiatiques d'un jour d'enterrement ont submergé les réserves juridiques. Il ne s'agit pas, bien sûr, de minimiser la douleur d'une famille, ni de dévaloriser la solidarité qu'on lui a exprimée, mais de s'interroger sur les limites d'un fonctionnement pulsionnel d'un pouvoir.
Les 18 000 policiers municipaux et leurs syndicats, eux, posent la vraie question, celle qui aurait dû faire débat : la définition de leurs missions. Elles se limitent, en principe, à la vérification de l'application des décrets municipaux. Un périmètre de proximité qui, a priori, ne justifie aucunement le port d'une arme aussi litigieuse que le Taser. Mais si ce cadre initial dérive peu à peu vers des interventions dangereuses qui s'apparentent à celles de la police nationale alors là, oui, il faut tout remettre sur la table. Parler de tutelle, de recrutement, d'armement, de formation, d'éthique, de contrôle... Autant de garde-fous contre les abus et contre les atteintes aux libertés et à la dignité des citoyens qui fondent la légitimité de la police nationale.
La politique de sécurité d'une grande nation démocratique ne saurait s'accommoder d'ambiguïtés ou d'ajustements empiriques dictés par les événements quand elle suppose autant de choix de société. A défaut de pouvoir séduire avec des enjeux d'avenir aussi invendables, cette fois, que l'emploi ou le pouvoir d'achat, l'Élysée mettra une nouvelle fois la peur -valeur électorale puissante et sûre- au programme de la campagne de 2012. Alors, puisqu'il le faudra bien, parlons-en clairement. Sans fantasmes et sans crainte.

Les adhérents de Cap 21 confirment le divorce d'avec le MoDem de Bayrou

Le mouvement Cap 21 de l'eurodéputée Corinne Lepage, réuni en congrès ce week-end à Paris, a confirmé son divorce d'avec le Mouvement Démocrate (MoDem) de François Bayrou et son souhait d'être "un parti autonome" ouvert à la société civile et aux écologistes, selon un communiqué.

La "première décision" des adhérents du mouvement, lors de ce congrès, "a été de voter à une très large majorité le départ du Mouvement Démocrate", précise le communiqué. Fin mars, c'est le bureau politique de Cap 21 qui avait confirmé la décision de Corinne Lepage de claquer la porte du MoDem.

Les adhérents, ajoute le communiqué, se sont ensuite prononcés "pour la construction d'un pacte de transition écologique et démocratique", et de nouveaux statuts ont été adoptés offrant "la possibilité à d'autres formations de rejoindre Cap 21 dans un souci de rassemblement".

"Cap 21 se montre notamment favorable à la réalisation d'une plate-forme de discussion politique avec Europe Ecologie", souligne le texte, réaffirmant ainsi le désir de Corinne Lepage de travailler avec le mouvement de Daniel Cohn-Bendit.

"La troisième voie, écolo-démocrate, sur laquelle se fonde Cap 21, conduit légitimement le mouvement à s'ouvrir aux autres formations démocrates et écologistes qui souhaitent la transition vers une société soutenable, équitable et désirable", justifie Cap 21.

Vice-présidente et cofondatrice du MoDem, avocate de profession, Corinne Lepage avait démissionné, après le premier tour des régionales, du parti de François Bayrou, laminé à ces élections. Elle dénonçait depuis des mois la gouvernance et la stratégie d'autonomie du Mouvement démocrate.