TOUT EST DIT

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samedi 9 janvier 2010

Le jour où l'eau de la Seine faillit noyer le zouave du pont de l'Alma

De l'eau jusqu'au sommet des arcades des ponts, des barques flottant au milieu des artères haussmanniennes, des bourgeois en habit allant voir l'inondation comme on se rend au spectacle... La grande crue qui a frappé Paris en janvier 1910 a marqué les esprits des contemporains, même au-delà des frontières de la France. Sa mémoire a été entretenue depuis un siècle par de nombreuses images, (cartes postales, photographies...), à la fois étranges et familières.
Pour commémorer le centenaire de l'événement, la Bibliothèque historique de la ville de Paris a monté une exposition : plus de cent tirages originaux de photographies souvent inédites issues de son fonds, enrichie d'apports d'autres collections parisiennes (le Musée Carnavalet, la Bibliothèque Forney, les Archives de Paris et l'agence Roger-Viollet), et quelques acquisitions récentes. Le résultat est une passionnante évocation de cette crue, qui réussit à être spectaculaire sans basculer dans l'anecdote.

La montée des eaux, causée par d'abondantes pluies et la fonte des neiges, commence le 20 janvier 1910. En une semaine, le niveau monte de 3,80 m à 8,50 m. Plus de 450 hectares se retrouvent sous l'eau, douze arrondissements sont touchés. Les gares d'Orsay et des Invalides sont inondées, comme celles de Lyon et de Saint-Lazare. L'électricité s'arrête, les quais de Seine sont envahis. L'eau s'engouffre même dans les tunnels du tout récent métropolitain. En quelques heures, la ville est paralysée. Comme les Halles échappent à l'inondation, la ville ne connaît pas de pénurie alimentaire. Mais les entrepôts de Bercy sont noyés. En leur centre se forme un lac malodorant de 5 mètres de profondeur, à la surface duquel flottent des barriques.

De nombreux Parisiens s'amusent du visage insolite qu'a soudain pris leur environnement. Les chevaux suppléent les tramways, des canots réquisitionnés permettent aux Parisiens de circuler... "Avenue Montaigne, on a organisé des promenades de plaisance en barque. Pour deux sous, on passe au pied des hôtels les plus cossus, et des photographes prennent de vous un portrait d'inondé pour la somme de 50 centimes", écrit Guillaume Apollinaire dans Paris Journal, le 29 janvier 1910, au plus fort de la crue. L'exposition s'attarde, images à l'appui, sur les saynètes incongrues, spontanées ou pas, entraînées par l'inondation, et qui feront le tour du monde.

Le parcours thématique permet d'aborder tous les aspects de l'épisode. La crue fut brutale, les eaux mirent plus d'un mois à se retirer. Outre les dégâts matériels (estimés à 400 millions de francs or), l'inondation, réveillant des peurs ancestrales, a provoqué un élan national de solidarité envers les 150 000 Parisiens et 200 000 banlieusards sinistrés. Ainsi les affiches collectées à l'époque témoignent-elles de la crainte des épidémies manifestée par les autorités. C'est pour les éviter que le préfet de police Louis Lépine fit déverser les déchets directement dans la Seine. L'image des monceaux d'ordures déversés depuis le pont de Tolbiac est saisissante.

Durant toute l'année 1910, des opérations caritatives sont organisées pour venir en aide aux sinistrés. Dans le même temps, les cartes postales commémoratives connaissent un engouement spectaculaire. La mairie propose à qui le veut des plaques émaillées qui doivent être fixées sur les murs à la hauteur maximale de la crue, pour que les immeubles gardent la trace de l'événement. Et pour que les Parisiens n'oublient pas que le danger n'est pas écarté : malgré les aménagements du cours de la Seine, Paris reste vulnérable. Les bassins de retenue assurent une baisse du niveau de 60 centimètres seulement.



"Paris inondé 1910 ". Du 8 janvier au 28 mars, du mardi au dimanche de 13 heures à 19 heures, nocturne le jeudi jusqu'à 21 heures. Galerie des bibliothèques, 22, rue Malher, Paris 4e. Visite virtuelle de l'exposition
et cartographie interactive : inondation1910.paris. fr