TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 31 mai 2010

Crise de l'euro : une monnaie ne se fait jamais en un jour

a crise de l'euro – la monnaie unique valait 1,2285 dollar à l'ouverture des marchés lundi 31 mai, après l'annonce de la dégradation de la note de l'Espagne par l'agence Fitch –, confirme-t-elle que la zone euro n'est pas une "zone monétaire optimale", comme l'affirme, dans Le Monde Economie du 1er juin, Michel Aglietta, professeur d'économie à Paris-X Nanterre ?
Pour ce dernier, la crise "n'a tout simplement pas été envisagée. Et lorsqu'elle est survenue, l'insuffisance de la structure institutionnelle a laissé les intérêts divergents des Etats jouer à plein. Maintenant, il faut redémarrer la construction européenne là où on l'avait laissée avant Maastricht !" Et de poursuivre qu'il "faut donc une structure politique souveraine représentant un intérêt commun, capable de remodeler l'économie réelle", comme l'histoire devrait nous l'avoir déjà enseigné.

La crise actuelle de l'euro rappelle en effet que la construction d'une zone monétaire – nationale ou internationale – relève d'un processus long, fragile et réversible. Les agents économiques d'un territoire délimité s'accordent sur l'utilisation d'une monnaie d'un commun accord – voir les Etats nord-américains et l'utilisation du dollar ou des Etats allemands autour du mark entre 1871 et 1876 – ou sous la contrainte, dans le cadre de conquêtes – l'argent d'Athènes ou l'or d'Alexandre.

Le moteur essentiel de la réussite – comme de l'échec – de telles constructions demeure paradoxalement un principe politique et non économique, affirment Marc Flandreau, historien des monnaies et professeur à l'Institut des hautes études internationales à Genève, et André Orléan, économiste et directeur d'études à l'EHESS à Paris.

AFFIRMATION DU POUVOIR

Georges Depeyrot, chercheur au CNRS (laboratoire d'archéologie de l'Ecole normale supérieure) et porteur du projet COST sur l'unification monétaire européenne, relie la crise de l'euro aux phénomènes de refus de monnaie dominante rencontrés par le passé dans certains pays sur des bases nationalistes : "Changer d'identification, dit-il, c'est très fort." Et d'ajouter que les institutions européennes se sont sans doute montrées optimistes…

Outre son expansion récente, l'usage de la monnaie est d'abord lié à l'affirmation du pouvoir du souverain sur le territoire qu'il contrôle comme le rappelle Jacques-Marie Vaslin, (IAE d'Amiens) : "L'unification monétaire s'est pratiquement toujours faite dans la violence. Athènes imposait un tribut en monnaie à des cités conquises qui n'en avaient pas et étaient contraintes d'en passer par la monnaie athénienne. En France, l'absolutisme interdit toute frappe qui échappe à l'Etat."

Une monnaie est souvent imposée par la violence, du jour au lendemain, alors que sa valeur ne peut s'installer que dans la confiance, qui elle-même ne s'instaure que lentement.En France, au fil des siècles, le renforcement du pouvoir royal aidant, l'unification monétaire progressera jusqu'à l'adoption du franc or de 1803 (dit Germinal) par le consul Bonaparte. Ce franc germinal vivra un siècle ; la guerre de 1914-1918 l'a achevé.

Les crises qui affectent, au XVIIIe siècle, les banques privées émettant du papier monnaie favorisent l'éclosion des banques centrales, dès 1694 en Grande-Bretagne, sous Louis-Philippe en France. Dans la période moderne, au XXe siècle, les crises monétaires engendrent des "séditions" (impressions de monnaies locales, remplacement de monnaies).

Horst Kohler démissionne de la présidence allemande

orst Kohler a inopinément annoncé, lundi 31 mai, sa démission de la présidence allemande à la suite de remous provoqués par ses propos sur l'utilité de l'action militaire de son pays à l'étranger pour ses intérêts économiques. Sa démission est un casse-tête de plus pour la chancelière, Angela Merkel, qui va devoir lui trouver un successeur, alors qu'elle est déjà confrontée à la crise de l'euro, une popularité déclinante et à un partenaire de coalition libéral peu accommodant.
M. Kohler, dont la présidence est principalement honorifique, mais dont la signature est indispensable pour promulguer les lois, avait été désigné par un collège de grands électeurs en 2004 et réélu à son poste l'an dernier. Agé de 67 ans, M. Kohler s'était rendu le 21 mai en Afghanistan – fait inhabituel pour un président sans grand pouvoir – pour soutenir le moral des soldats allemands, auxquels il a déclaré que leur mission était "difficile et dangereuse, mais importante et légitime". L'Allemagne a déployé en Afghanistan le troisième contingent militaire étranger en effectifs, avec 4 300 militaires, et, bien qu'elle y ait perdu 43 hommes depuis 2002, elle a accepté sous la pression de Washington d'en porter le nombre à 5 350 d'ici cet été.

UNE ACTION "NÉCESSAIRE POUR MAINTENIR NOS INTÉRÊTS"

Cet accroissement a été décidé par le gouvernement de Berlin à contre-courant de son opinion publique, mais, il y a une semaine, Kohler avait souligné, lors d'une interview à la radio qu'un pays comme l'Allemagne, dépendant fortement de son commerce extérieur, devait être conscient de l'importance de son action militaire à l'étranger. "[Cette dernière est] nécessaire pour maintenir nos intérêts, comme, par exemple, libérer les routes commerciales ou prévenir des instabilités régionales qui pourraient avoir un impact négatif sur nos perspectives en termes de commerce, d'emplois et de revenus."

Horst Kohler s'est dit surpris par les critiques suscitées par ses propos, qui sous-entendraient qu'il appuie des interventions militaires non autorisées par la Constitution. "Ces critiques sont complètement injustifiées", a-t-il assuré, en ajoutant qu'elles portaient atteinte à sa fonction. Cette controverse illustre le caractère toujours aussi sensible du débat sur l'action militaire extérieure de l'Allemagne, soixante-cinq ans après la chute du IIIe Reich.

Les femmes de plus en plus victimes du cancer du poumon

Depuis les années 1980, la mortalité par cancer du poumon augmente très régulièrement chez les femmes. Elle a même quadruplé chez celles âgées de 35 à 44 ans entre 1984 et 1999, selon une étude publiée mardi dans le bulletin hebdomadaire ( BEH ) de l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Alors que la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai, est consacrée à ce phénomène, Catherine Hill, de l'institut Gustave-Roussy (Villejuif), et ses collègues tirent la sonnette d'alarme. Selon leur étude, le taux de mortalité par cancer du poumon chez les femmes de 35 à 44 ans en 2000-2007 est proche de celui constaté chez les hommes du même âge durant les années 1950. Le cancer du poumon est désormais le deuxième plus mortel chez les femmes, après celui du sein. Selon les estimations, il devrait toucher 10.000 patientes en 2010 et provoquer 7.700 décès.

En 1991, précise le BEH, le tabagisme a connu un pic à 3,5 cigarettes/jour chez les femmes, mais la baisse observée depuis a été moins marquée que chez les hommes - qui ont connu leur pic à 9 cigarettes/jour en 1980. En raison d'une forte réduction de la consommation de tabac, l'évolution de la situation est plus favorable chez les hommes, dont la mortalité par cancer du poumon a atteint un maximum en 1993. Tous âges confondus, son taux est passé de 69,7 à 64 pour 100.000 entre les décennies 1990 et 2000. Comme pour les femmes, c'est chez les 35-44 ans que cette tendance est la plus marquée, avec une baisse de moitié de la mortalité entre les deux périodes.

Actuellement, la mortalité liée au cancer du poumon reste toutefois près de cinq fois plus élevée chez l'homme, mais l'écart tend à se réduire rapidement. "Ces données montrent que les femmes courent les mêmes risques que les hommes quand elles fument autant qu'eux", commentent les chercheurs. "Les actions politiques de lutte contre le tabagisme des dernières décennies ont eu un effet bénéfique remarquable, mais on peut prévoir que l'épidémie va continuer chez les femmes au fur et à mesure que vieilliront les générations qui ont beaucoup fumé", ajoutent-ils. Ils s'attendent également à un ralentissement de la diminution de la mortalité chez les hommes, dans la mesure où les ventes de cigarettes sont restées à peu près constantes de 2004 à 2009.

Primaire


La politique est un sport violent, même pratiquée par les femmes. On le sait depuis que ces dames prennent toute leur place dans la lutte pour le pouvoir. Et Martine Aubry, qui fut la mèremptoire avant de jouer la rose du care, n'est certes pas la moins agressive des concurrents… Pourtant l'on s'égare en s'émouvant de ses attaques contre notre Président. Car en politique, la pire violence n'est jamais dirigée contre le camp adverse : c'est entre camarades et compagnons que l'on se déchire le plus sauvagement. Voyez la haine toujours recuite entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Devinez, sous les sourires, la féroce bataille entre Martine, Ségolène, Dominique et les autres pour gagner le droit d'affronter notre Président. C'est le temps des préliminaires avant le duel présidentiel. Il faut cogner en face, pour exister chez soi. Primaire ? Oui, cela s'appelle comme ça.

Amis de toujours mais sous un nouveau jour

La France accueille aujourd'hui et demain à Nice 38 dirigeants africains pour le 25e sommet Afrique-France. Une rencontre présentée comme celle de la « rupture ». Mais les anciennes pratiques sont bien ancrées. Décryptage.

Les clichés et les vieilles habitudes ont la vie dure. Trois ans après son élection, Nicolas Sarkozy, qui préside son premier sommet Afrique-France à Nice, peine encore à convaincre qu'il a tourné la page des relations ambiguës entre Paris et ses ex-colonies.

A chacun de ses rendez-vous africains, le chef de l'État répète à qui veut l'entendre que l'ère des soutiens aux régimes dictatoriaux et corrompus, des chasses gardées commerciales et de la diplomatie parallèle de la France sur le continent noir est révolue.

Il y a trois mois encore, Nicolas Sarkozy proclamait au Gabon du fils d'Omar Bongo sa volonté de normaliser les relations franco-africaines et d'en finir une fois pour toutes avec « les clichés, les fantasmes et les procès d'intention ». Avant d'assurer au Rwanda anglophone de Paul Kagamé qu'il n'y avait plus de « pré-carré » tricolore.

A l'appui de ses dires, le président rappelle qu'il a engagé la révision des accords de défense qui liaient Paris et les régimes « amis », base juridique de son rôle de « gendarme de l'Afrique ». Ou, qu'il a visité l'Afrique du Sud et amorcé une réconciliation avec l'Angola ou le Rwanda.

Mais, depuis trois ans, Nicolas Sarkozy a aussi accumulé les gestes et les maladresses qui ont fait passer la « rupture » promise pour un vain mot.

Sur le plan politique, il y eut d'abord en 2007 une première tournée africaine passant par le Gabon du « doyen » Omar Bongo et parasitée par le très controversé discours de Dakar. Puis, début 2008, le soutien officiellement « logistique » au régime tchadien menacé par les rebelles et, surtout, le limogeage du secrétaire d'État à la Coopération Jean-Marie Bockel.

Un an plus tard, l'avocat Robert Bourgi a achevé de jeter le trouble. Publiquement, ce conseiller élyséen de l'ombre a raconté que M. Bockel avait été évincé sur la volonté d'Omar Bongo et laissé entendre que son fils Ali était le candidat de le France à la présidentielle gabonaise.

Suite à sa sortie, l'embarrassant Me Bourgi a bien été mis au « piquet » l'espace de quelques mois. Mais, sa punition a aujourd'hui été levée et il gare à nouveau sa Maserati dans la cour de l'Élysée…

« La remise à plat des accords de défense, c'est bien, il fallait le faire », tranche l'ex-ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine, « mais Nicolas Sarkozy n'a pas assaini notre relation avec l'Afrique ».

Sur le front économique, le président a proclamé sa volonté de rompre avec l'image d'une France pilleuse des richesses minières ou pétrolières de l'Afrique en y nouant des partenariats « gagnants-gagnants ».

Mais l'Élysée a beau souligner que « le commerce avec l'Afrique n'est pas vital pour les entreprises françaises », les soupçons n'ont pas été levés. Pour l'ONG Survie, la défense des intérêts économiques français se fait encore « trop souvent au détriment des droits humains et de la démocratie », d'autant que la concurrence chinoise est sans pitié.

Pour rallier les sceptiques, Nicolas Sarkozy s'est efforcé de modifier le casting de sa première « grand messe » franco-africaine. Nice sera le « sommet du renouveau, une espèce de lancement d'une nouvelle période », assure son secrétaire d'État à la Coopération, Alain Joyandet.

La société civile et les entreprises privées y seront ainsi pour la première fois conviées et le dîner réservé aux seuls « amis » francophones, supprimé. Une preuve de plus, selon l'Élysée, que « la France a rompu avec les vieilles habitudes et entretient désormais des liens avec tout le monde ».


Distance et proximité

Pragmatisme et économie sont au menu du 25e sommet Afrique-France, le premier de Nicolas Sarkozy. Telle est, au moins, l’ambition affichée, dans l’espoir de renouveler les liens traditionnellement compliqués de la France avec le continent africain (illustrés par la réception désastreuse du discours du président de la République, à Dakar, il y a trois ans), 50 ans après les indépendances des anciennes colonies et après des décennies de relations ambivalentes d’amour-haine et de dépendance-émancipation. Il sera donc beaucoup question d’affaires et de contrats à Nice ; et d’une attention plus grande envers la partie non francophone du continent, notamment l’Afrique du Sud et le Nigeria. De nombreux pays émergents s’intéressent aujourd’hui à l’Afrique, à ses richesses naturelles, ses minerais, son pétrole, ses terres, et ses habitants, fabuleux marché de consommateurs potentiels : il s’agit de ne pas leur laisser le champ libre.

Mais le réalisme et le détachement revendiqués ne sauront faire oublier la politique. La présence du président algérien Abdelaziz Bouteflika devrait être jugée comme un signe de détente. Et appréciée la décision du Conseil constitutionnel d’exiger enfin l’équité dans l’octroi des pensions aux anciens combattants « indigènes ». Comme sont scrutés les petits pas judiciaires concernant des Rwandais, réfugiés en France, poursuivis pour génocide… Le président Sarkozy devrait également souligner son action diplomatique en faveur d’une place plus juste de l’Afrique dans les instances internationales, afin qu’elle puisse peser sur son propre destin et agir lors des crises régionales, sans devoir faire appel aux « gendarmes » venus d’ailleurs.

Un apaisement et une plus grande transparence de la relation franco-africaine sont éminemment souhaitables. Sans renoncer à une proximité et à une responsabilité réciproques, nées de l’histoire et de la présence sur le territoire national de nombreux Français ou immigrés aux racines plongées dans le continent africain. Pour ne pas abandonner l’Afrique à des appétits qui aideront peut-être à sa croissance, mais pas forcément au développement de tous ses habitants.



Dominique Quinio

La France épinglée sur le prix de ses cigarettes

La justice européenne condamne trois pays, dont la France, pour les tarifs imposés au marché du tabac. Motif : ces tarifs sont contraires au droit européen... et on peut protéger la santé des consommateurs autrement.
La Cour européenne de justice a condamné jeudi les prix minimaux imposés par la France, l'Autriche et l'Irlande sur les cigarettes et certains produits du tabac, estimant qu'ils sont contraires au droit de l'UE et que d'autres moyens permettent de protéger la santé publique. La mise en place de prix planchers, estime en effet la justice européenne, "est susceptible de porter atteinte aux relations concurrentielles en empêchant certains producteurs ou importateurs (de tabac) de tirer avantage de prix de revient inférieurs afin de proposer des prix de vente au détail plus attractifs".
Les juges de Luxembourg font valoir que les règles européennes permettent aux pays de l'UE d'invoquer un objectif de protection de la santé plutôt pour justifier "des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation". Et si les gouvernements souhaitent décourager les acheteurs, la Cour leur suggère d'augmenter les taxes sur le tabac plutôt que de fixer un prix minimum.

"L'objectif d'assurer que les prix de ces produits soient fixés à des niveaux élevés peut adéquatement être poursuivi par une taxation accrue de ces produits", fait-elle valoir dans son communiqué. En effet, "les augmentations des droits d'accise doivent tôt ou tard se traduire par une majoration des prix au détail, sans que cela porte atteinte à la liberté de détermination des prix" des fabricants et des importateurs.

Comment la clope séduit les femmes

Malodorante et vulgaire, la cigarette ? L'industrie du tabac n'est pourtant jamais à court d'idées pour séduire les femmes... au grand dam de l'OMS qui en fait son cheval de bataille en cette Journée mondiale sans tabac.
Le tabagisme provoque actuellement la mort d'un adulte sur dix sur la planète. Dont une part croissante de femmes... Pour l'Organisation mondiale de la santé, ce lundi, décrété Journée sans tabac 2010, doit permettre "de prendre enfin acte de l'importance de la lutte contre l'épidémie de tabagisme chez les femmes". Sur le milliard de fumeurs que l'on compte dans le monde, 20% sont des fumeuses. Et selon l'OMS, elles sont "une cible de choix pour l'industrie du tabac" en butte aux mesures de lutte antitabac. Selon des données de 151 pays, environ 7% des adolescentes et 12% des adolescents fument des cigarettes et l'OMS juge "particulièrement préoccupante" l'augmentation du tabagisme parmi les jeunes filles.
Rattrapées par la cigarette, les femmes sont aussi rattrapées par les maladies liées au tabagisme. Ainsi une étude française montre que la mortalité par cancer du poumon a été multipliée par quatre en 15 ans chez les femmes de 40 ans, alors qu'elle a été divisée par deux en 10 ans chez les hommes du même âge. La bronchite chronique progresse également chez les femmes.

Le besoin de campagnes anti-tabac ciblées

La femme n'est pas une cible nouvelle pour le marketing du tabac. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le lobbyiste Edward Bernays faisait de la cigarette le symbole de la libération féminine, en organisant à New York un défilé de jolies femmes fumant "les torches de la liberté", indique Michel Lenglet dans son livre Lobbying et santé. L'industrie a d'abord créé "un conditionnement entre cigarette et minceur, cigarette et sex-symbol, cigarette et émancipation", explique Karine Gallopel-Morvan, chercheuse en marketing social à l'université de Rennes. La presse féminine, le cinéma aussi, ont servi de caisse de résonance.

Puis les industriels ont développé des marques spécifiques au sexe féminin, avec un travail sur le goût du produit (arômes de fleur) et sur les cigarettes dites légères, présentées comme moins toxiques. La cigarette s'est féminisée : longue et fine pour évoquer la minceur, belle (nacrée, voire à fleurs...). L'effort de séduction porte aussi largement sur le packaging, dernière vitrine de l'industrie du tabac dans les pays où la publicité pour la cigarette est interdite.

En face, les stratégies de lutte antitabac sont restées le plus souvent asexuées, constatent les spécialistes. "Le marketing de l'industrie du tabac est extrêmement efficace, alors qu'on ne fait probablement pas assez d'efforts pour adapter la prévention à chaque sexe", indique Pierre Arwidson, directeur des affaires scientifiques à l'Institut de prévention et d'éducation pour la santé. "On n'a pas pris la mesure de toute la richesse d'avoir une prévention spécifique. Donc on a des progrès à faire", ajoute-t-il. "Les femmes sont sensibles aux campagnes générales, mais elles ont aussi des sensibilités différentes", renchérit Karine Gallopel-Morvan. Par exemple sur le lien pilule-tabac, le problème de la stérilité, la grossesse, l'impact sur les enfants, mais aussi sur le plan esthétique (peau terne, dents jaunes, voix rauque, odeur tenace...). "Il y aurait des campagnes très ciblées à faire", impliquant les personnes qui peuvent avoir une influence sur les femmes et les adolescentes, comme le milieu de la mode, conclut-elle.

LE COMMENTAIRE POLITIQUE DE CHRISTOPHE BARBIER


Royal se dit prête à «sacrifier» ses ambitions pour 2012

La présidente de Poitou-Charentes préfèrerait «faire le sacrifice d'une ambition personnelle et voir gagner la gauche». Elle suggère un rapprochement avec Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn.

Ségolène Royal a un «dispositif gagnant» pour l'élection présidentielle. Dimanche soir sur France 5, la présidente de Poitou-Charentes a fait œuvre de «solidarité» avec Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, déclarant qu'elle préférait «faire le sacrifice d'une ambition personnelle et voir gagner la gauche, que le contraire bien évidemment». «Les itinéraires personnels ne comptent plus, vu la situation dans laquelle la France est», a-t-elle ajouté, car la priorité est «que la France sorte de la crise» et «qu'elle soit débarrassée de Nicolas Sarkozy».

La candidate à l'élection présidentielle de 2007 promet donc qu'elle décidera de sa candidature «avec les autres leaders potentiellement candidats, parce je pense que c'est d'une décision collective, d'un dispositif collectif que nous réussirons à battre Nicolas Sarkozy». «C'est pour ça que je me rapproche de Martine Aubry […] que je suis en contact avec Dominique Strauss-Kahn, parce que je pense que, le moment venu, nous aurons à décider tous les trois ensemble comment nous nous engagerons dans cette campagne», a affirmé la présidente de Poitou-Charentes.

«Je soutiendrai tout dispositif gagnant»

Concrètement, Ségolène Royal n'évoque pas l'idée d'un «pacte» entre les trois ténors du PS, un mot qui serait «sans doute excessif». Mais d'après elle, il n'y aurait pas forcément besoin de départager sa candidature avec celles de Martine Aubry et de DSK avant la présidentielle : un tel «dispositif gagnant» à trois pourrait être «présenté» dès les primaires que le PS prévoit d'organiser en 2011 pour désigner son candidat, a-t-elle dit. «C'est une hypothèse, je ferai tout pour qu'elle l'emporte», a-t-elle expliqué.

«Nous avons tous les trois un potentiel important et en [les] complétant, je pense que nous représentons une force dans laquelle les Français peuvent avoir confiance : Dominique Strauss-Kahn avec sa compétence internationale, Martine Aubry parce qu'elle est capable de mobiliser l'appareil du Parti socialiste», a encore dit Ségolène Royal. Et «moi-même, a-t-elle ajouté, parce que j'ai un lien profond avec le peuple français, avec les jeunes des quartiers, avec les jeunes des cités, avec l'expérience aussi à la tête de la région» Poitou-Charentes.

«Je pense que si nous sommes unis extrêmement fortement, solidaires chacun dans nos responsabilités […] nous gagnerons l'élection présidentielle quel que soit celui de nous trois qui sera candidat», a suggéré l'ancienne candidate. «Moi je soutiendrai tout dispositif gagnant. Que ce soit pour soutenir quelqu'un ou que ce soit pour être candidate», a-t-elle conclu.

Comment fait-elle ? Oui, comment fait-elle pour croire qu'elle est toujours dans la course ? Aubry insulte invective dit des ignominies et cette idiote approuve (signe d'un intelect défaillant). Le seul à pouvoir créer une once d'espoir s'appelle DSK, et il ne s'embarrassera pas de ces deux boulets si il s'engage dans une présidentielle.
Il est suffisamment fédérateur.

Retraites : le coup d'après

La grande affaire des retraites aura été, du moins jusqu'ici, exemplaire d'une gestion du temps. Le soin apporté par le gouvernement à différer ses projets l'a fait accuser de procédés dilatoires par ses interlocuteurs, qui lui reprochaient par ailleurs de précipiter la réforme. La date du Congrès de la CFDT, puis l'approche des congés d'été auront été les autres points de repère d'un calendrier tiré au cordeau. La nécessité où a été mis le PS d'annoncer ses contre-propositions (peu convaincantes) aura complété cette gestion d‘opportunités. Tout cela est maintenant avéré.

Mais ni le temps, ni les chapitres ne se figent. Même après l'annonce plus complète du plan gouvernemental, et même alors qu'il ne tiendra pas quittes de l'effort les hauts revenus et ceux du capital, il restera à l'opposition l'argument qu'il n'en fait pas assez. Martine Aubry a jugé opportun d'évoquer déjà le coup d'après, le démantèlement de l'actuelle réforme si les socialistes revenaient au pouvoir. « Faire payer les riches » redeviendrait dès lors le principal thème moteur d'une campagne populaire. Mais tout le monde sait que de telles punitions ne peuvent s'infliger dans un seul pays, sous peine de le vider de capitaux. Seules des mesures concertées à l'échelon mondial peuvent y contribuer…

Or - on ne l'a pas assez remarqué -ce dernier volet financier de la réforme des retraites relèvera pour l'essentiel des mesures nationales prises en application du prochain G 20, lequel ne s'annonce pas tendre pour les financiers. Et il sera présidé par… Nicolas Sarkozy. On imagine le parti qu'il tirera de ce calendrier, qui lui fait cadeau du grand coup d'après.


FAVILLA (Les Echos)

Panégyrique d'un bouclier percé

Selon une logique « d'attractivité du territoire », l'article premier de notre Code général des impôts pose solennellement : « Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. »

Si la contribution des bénéficiaires du bouclier fiscal aux charges publiques se limitait à la moitié de leurs revenus, même le pharaon n'aurait pu rêver d'une telle ponction de ses sujets : une corvée annuelle du 1 er janvier au 30 juin !

Or ces 50 % ne recouvrent pas la réalité du bouclier fiscal. A titre de simples illustrations, avant même « l'entaille » de la « contribution supplémentaire de solidarité » de 2 % :

- Le bouclier laisse passer les cotisations sociales sans contrepartie, à l'image des cotisations maladie et vieillesse déplafonnées et des cotisations familiales. Dans la plus pure tradition de la novlangue, de telles contributions constituent pourtant clairement un impôt.

- Le bouclier ne protège pas plus de l'inflation. Un exemple simple illustrera cette assertion. Le détenteur d'un contrat d'assurance-vie en euros voit son rendement de 4 % ponctionné en apparence de 50 %. Or, dans une phase d'inflation annualisée de 2 %, pleinement conforme aux objectifs de la BCE, le prélèvement effectué s'élève alors exactement à 100 % du revenu réel généré par le capital considéré !

- Enfin, le contribuable n'en sera pas quitte avec les 50 % de ses revenus apparents. Il aura garde d'oublier, par exemple :

- que sur la partie subsistante de son revenu, sa consommation sera taxée de 19,6 % ;

- que le capital qu'il aura su préserver pourra être ponctionné, au titre de sa transmission, de 40 % tous les trente ans : soit un taux annualisé de 1,33 % ; soit encore 26 % d'un rendement annuel, très optimiste, de 5 % de son capital.

Le coût annuel du bouclier fiscal est estimé à 585,6 millions d'euros. Sa suppression annoncée générera un coût très supérieur mais exceptionnellement diffus, par suite des comportements induits chez les happy few et le commun des mortels.

-Pour les happy few

La suppression pure et simple du bouclier fiscal, non assortie d'une disparition de l'ISF, conduirait la moitié des assujettis au taux de 1,8 % à subir un prélèvement de 90 à 100 % de leurs revenus. Une telle ponction - pratiquée par l'Angleterre préthatchérienne d'Harold Wilson ou la Suède d'Olof Palme -s'accompagnerait d'un risque mécaniquement accru de « votes avec les pieds ».

Dans un cadre européen de liberté des mouvements de capitaux et des personnes, les détenteurs de capitaux, non professionnels, seraient, en effet, conduits à s'interroger, en l'absence de toute « espérance », sur leur choix de résidence, dès lors qu'il leur suffirait de fixer leur domicile à l'étranger pour s'exonérer de l'essentiel d'une charge, ressentie comme confiscatoire.

Or, à l'encontre de l'immense majorité des actifs, les détenteurs de capitaux ne se trouvent pas limités, dans le choix de leur lieu de résidence, par la contrainte de conserver une proximité avec un lieu d'activité. Leur source de revenus peut librement se déplacer à la vitesse électronique des virements bancaires.

Les coûts relationnels et psychologiques induits sont évidents, mais, au-delà, la qualité de vie est-elle si dégradée à Bruxelles, Londres ou Marrakech ?

Sur le plan des talents, les pertes seraient claires pour l'Entreprise France. Sur le plan des recettes fiscales, ces délocalisations s'accompagneraient de la disparition d'importantes recettes budgétaires : TVA, impôt sur le revenu, contributions sociales, ISF et, in fine, droits de succession.

Sur le plan financier, vu de Londres, la France ne saurait représenter plus de 5 % d'une allocation globale de fonds. Les nouveaux conseils de nos exilés fiscaux sont, de plus, naturellement conduits à privilégier les placements financiers de leur propre pays. Par suite, une massive délocalisation de capitaux s'ensuivra, encore accélérée par le souci d'éviter tout risque de localisation en France de « leur centre des intérêts économiques » (au sens de notre législation fiscale).

Dans la compétition internationale, pouvons-nous durablement nous permettre de telles pertes cumulées de talents, de recettes fiscales et de capitaux ?

-Pour le commun des mortels

La crise économique et la génération de déficits publics himalayens conduisent à anticiper une augmentation massive des prélèvements obligatoires, avec ses effets ricardiens (hausse du taux d'épargne des ménages à 17 %…). La suppression du bouclier fiscal donnerait clairement le signal de la disparition de toute limite à une hausse sans fin des impôts directs.

Elle annoncerait clairement aux agents économiques que leurs efforts individuels ne leur bénéficieraient plus que de manière minoritaire, voire marginale. La démotivation induite pèserait sur notre croissance future, la relance d'une consommation privée…

Inversement, l'inscription du bouclier fiscal dans le marbre contraindrait l'Etat à une révolution copernicienne : en envisageant enfin - à l'image de nos « quelques arpents de neige » canadiens (selon l'expression de Voltaire, NDLR) -l'idée que la dépense publique (à 57 %) puisse cesser sa progression continue et gagner en efficacité.

Le Léviathan est-il condamné à l'obésité, assortie d'une croissance lénifiante et d'une population vieillissante ? Les déclinologues à l'emporter ?

PHILIPPE BAILLOT

Il est temps de créer une taxe mondiale sur les banques pour le développement

Tous les pays, qu'ils soient riches ou pauvres, devraient assurer une couverture universelle des soins de santé primaire, notamment en matière de maternité, de nutrition, de vaccination, de lutte contre le paludisme et d'accès à des dispensaires. Chaque année, neuf millions d'enfants meurent de maladies qui pourraient être évitées ou traitées, et 400.000 femmes meurent de complications durant leur grossesse. Presque tous ces décès ont lieu dans des pays pauvres et instables. Y mettre fin diminuerait la souffrance humaine et donnerait un coup de fouet à leur économie.

L'insuffisance de leurs moyens les empêche de créer un système de santé primaire, même si le coût par habitant en est très faible. Grâce aux vaccinations, aux techniques de diagnostic et aux médicaments modernes, aux téléphones mobiles et à d'autres technologies, les soins de santé primaires sont très efficaces et peu coûteux : 54 dollars par personne et par an dans les pays pauvres.

En raison de leurs très faibles revenus, ces pays ne peuvent y consacrer que 14 dollars par personne et par an. Ils ont besoin d'une aide extérieure pour les 40 dollars qui font défaut, un total de 40 milliards de dollars par an -étant donné qu'un milliard de personnes défavorisées n'ont pas accès aux soins. Les pays étrangers, notamment les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon, apportent plus du tiers de cette somme, environ 14 milliards de dollars par an.

Il manque donc 26 milliards de dollars par an. Un manque sévère pour des initiatives comme celle du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Pour les pays riches, le geste nécessaire serait facile à faire.

Ainsi, les Etats-Unis pourraient mettre fin à leur guerre coûteuse et à leur enlisement en Afghanistan qui leur revient à quelque 100 milliards de dollars par an. S'ils consacraient chaque année 25 milliards de dollars au développement et 25 milliards à la santé, il leur resterait encore 50 milliards de dollars pour réduire leur déficit budgétaire.

La deuxième solution consiste à taxer les grandes banques internationales qui réalisent des bénéfices excessifs par la spéculation. Bien que le secteur financier américain ait failli entraîner l'économie mondiale à sa perte, le gouvernement américain l'a protégé au point qu'il réalise à nouveau d'énormes profits - 50 milliards de dollars l'année dernière.

Les banquiers ont recommencé à s'attribuer des bonus colossaux, plus de 20 milliards de dollars l'année dernière. Cet argent aurait dû aller aux populations déshéritées de la planète plutôt qu'aux banquiers qui n'ont rien fait pour le gagner. Il est temps de créer une taxe mondiale sur les profits des banques, par exemple en taxant les transactions financières internationales, ce qui permettrait de réunir chaque année des milliards de dollars.

Troisième solution : une plus grande contribution des personnes les plus fortunées de la planète. Plusieurs d'entre elles (Bill Gates, George Soros, Warren Buffett et Jeffrey Skoll, par exemple) sont déjà des méga-philanthropes qui consacrent des sommes énormes à aider les plus démunis. Mais d'autres milliardaires ne font rien de semblable.

Selon le dernier classement de « Forbes », les 1.011 milliardaires qui existent dans le monde détiennent tous ensemble une fortune nette de 3.500 milliards de dollars. Si chacun d'entre eux participait à l'effort nécessaire à hauteur annuelle de 0,7% de sa fortune, cela rapporterait 25 milliards de dollars chaque année. Imaginez ce qui se passerait : grâce à seulement 1.000 personnes, un milliard d'habitants des pays pauvres pourraient se soigner.

La quatrième solution consiste à regarder du côté des compagnies comme Exxon-Mobil, qui gagne des milliards de dollars en Afrique, mais n'a participé qu'à hauteur de 5 millions de dollars chaque année au programme de lutte contre le paludisme entre 2000 et 2007. Exxon-Mobil peut et doit financer bien davantage le système de soins de santé primaires que ce soit sous forme de royalties ou de dons.

Cinquième solution : les nouveaux pays donateurs tels que le Brésil, l'Inde et la Corée du Sud -qui ont la vision, l'énergie, le dynamisme économique et la motivation politique nécessaire -augmentent leur aide en faveur des pays les plus pauvres et des régions les plus défavorisées de leur propre pays. Si les Etats-Unis et l'Europe négligent de faire leur devoir, les économies émergentes vont commencer à les remplacer. Les nouveaux pays donateurs comme la Chine peuvent remplir la place désertée par les pays donateurs habituels.

Les pays riches prétendent qu'ils n'ont pas les moyens de faire davantage, alors que c'est l'imagination qui leur manque, pas les ressources. L'argent est là, les besoins sont urgents. Le défi est affaire de morale et de vision.

JEFFREY D. SACHS EST PROFESSEUR D'ÉCONOMIE ET DIRECTEUR DE L'INSTITUT DE LA TERRE À L'UNIVERSITÉ DE COLUMBIA (NEW YORK).

Cet article est publié en collaboration avec Project Syndicate, 2010.

Dogmatisme bruxellois

Guillaume Pepy n'avait pas besoin de cela. Sans même parler de la gestion du quotidien, toujours pleine d'imprévus à la SNCF, les dossiers brûlants ne manquent pas sur l'agenda du président. Restructuration du fret, rentabilité déclinante du TGV, ouverture des grandes lignes internationales à la concurrence ou encore interrogations sur l'avenir du pôle transport régional de passagers, la liste est déjà longue. Pas assez cependant aux yeux de Bruxelles, semble-t-il. Au nom de l'équité entre entreprises du secteur, la Commission vient en effet de s'attaquer au statut de la SNCF qu'elle juge constitutif d'une aide d'Etat.

Résultat, Guillaume Pepy qui menait déjà de front les chantiers de la rénovation sociale et stratégique de l'entreprise va devoir se pencher aussi sur celui de la réforme du statut. Car, si l'initiative de la Commission a été reçue par un accueil glacial à Paris, l'ambition est claire. Il s'agit de mettre la SNCF au même régime que La Poste, c'est-à-dire d'obtenir à terme sa transformation en société anonyme. Seul moyen, estime Bruxelles, d'empêcher la compagnie ferroviaire de bénéficier de la garantie illimitée implicite de l'Etat français que lui confère son statut d'Epic (établissement public à caractère industriel et commercial). Et donc de restaurer de saines conditions de concurrence dans le transport ferroviaire européen. CQFD.

Le problème de ce raisonnement, c'est que si l'on voit bien ce qu'y gagnerait le dogmatisme bruxellois, on a plus de mal à en mesurer l'intérêt économique. Pas sûr en effet que la mutation demandée changerait grand-chose aux conditions de financement de la SNCF. Car, contrairement à ce que semble croire la Commission, une transformation en SA ne conduirait pas automatiquement à la dégradation des notes de crédit du groupe. Si la cote de La Poste a récemment baissé auprès des agences de notation c'est moins pour tenir compte de son changement de statut que de la brutale chute des volumes du courrier et de ses conséquences sur le « business model » de l'entreprise.

Dans ces conditions, on se demande bien pourquoi il faudrait ouvrir pareil chantier. Car ce qui est sûr en revanche, c'est qu'il déclencherait immédiatement une crise sociale de forte magnitude au sein de la SNCF. Le groupe ferroviaire n'est pas La Poste. Il n'y a pas si longtemps, la simple évocation de la création de filiales de droit privé dans le fret y a suscité une levée de boucliers. On n'ose imaginer la réaction des cheminots face à la perspective de l'abandon du statut d'Epic. Les syndicats auraient alors beau jeu de mobiliser contre une mesure qui, forcément, dans leur discours, mènerait à la privatisation du groupe à terme. De quoi bloquer pour de bon les réformes déjà engagées et bouleverser pour longtemps l'agenda de Guillaume Pepy.

FRANÇOIS VIDAL

Le statut de la SNCF dans la ligne de mire de Bruxelles

La Commission européenne exige la fin de la garantie publique illimitée dont bénéficie la SNCF. Cela pourrait conduire à la transformation du groupe public en société anonyme, à la manière de ce qui s'est passé pour La Poste. Pour l'instant, il n'est pas encore question d'ouvrir une procédure formelle contre la France.
Amêmes causes, mêmes effets ? Sous la pression de Bruxelles, La Poste a troqué en 2010 son statut d'Etablissement public à caractère industriel et commercial (Epic) pour celui de société anonyme. Cette réforme hautement symbolique - dénoncée par les syndicats et la gauche, qui y ont vu la première étape d'une privatisation -visait à mettre fin à la garantie illimitée de l'Etat dont bénéficiait l'établissement postal. Une garantie publique qui est la bête noire de la Commission européenne. La SNCF - un Epic elle aussi -pourrait bien être la prochaine à en faire les frais, et devoir à son tour devenir une société anonyme (SA), ce qui constitue un chiffon rouge pour ses syndicats.

Signe qu'un bras de fer est bel et bien engagé, la Commission a envoyé en début d'année à la France un courrier au ton très direct. Dans cette lettre du 11 février, dont « Les Echos » ont eu copie (lire ci-contre), la Commission rappelle qu'elle avait considéré que La Poste bénéficiait « du fait de son statut d'Epic » d'une garantie de l'Etat sur tous ses engagements, sans limite de montant ni de durée, « cette garantie constituant une aide d'Etat incompatible » avec le droit européen de la concurrence.

Avantage déloyal, selon Bruxelles

Vu de Bruxelles, un tel avantage est en effet déloyal : l'Etat se portant implicitement garant de ses engagements en dernier ressort, la « personne morale de droit public » échappe au droit commun sur la faillite et l'insolvabilité. Elle bénéficie aussi d'une notation financière plus flatteuse, qui lui permet de se financer à meilleur coût.

« La forme juridique de la SNCF étant également celle d'un Epic, la Commission a toutes les raisons de considérer que cette dernière bénéficie également d'une garantie implicite de l'Etat français du fait de son statut », indique le courrier. Bruxelles demande ainsi à Paris de prendre des mesures pour « supprimer cette garantie », à moins qu'elle ne parvienne à lui démontrer que la SNCF ne bénéficie pas d'un tel avantage.

Paris a adressé le 12 avril à la Commission une fin de non-recevoir. Selon le ministère des Transports, « la France conteste le point de vue exprimé par la Commission européenne et fera valoir ses arguments juridiques car le gouvernement n'entend pas modifier le statut d'Epic de la SNCF. » Pour le gouvernement, être un Epic ne signifie pas automatiquement bénéficier d'une garantie illimitée qui serait constitutive d'une aide d'Etat. Paris espère toujours obtenir gain de cause auprès du tribunal de l'Union européenne, après y avoir déposé un recours contre la Commission sur le cas de La Poste.

A la SNCF, le raisonnement est identique. « Il n'y a pas distorsion de concurrence. La propriété d'une entreprise par l'Etat n'est pas interdite par le traité de Rome, le fait que nous soyons une société anonyme ou un Epic ne change rien à cette situation. La question de notre statut n'a donc pas de sens », explique aux « Echos » David Azéma, directeur général en charge de la stratégie et des finances. Celui-ci en veut pour preuve la situation du grand rival, la Deutsche Bahn. « On peut observer que DB, bien qu'avec un statut de SA, dispose encore d'une notation AA qui est tout aussi peu due à ses mérites propres que la notation de SNCF… Qu'en pense la Commission ? »

La compagnie ferroviaire s'est par ailleurs organisée pour parer à toute critique. « La SNCF bénéficie certes d'une notation AAA. Mais ensuite, chacune de nos branches d'activité est financée en interne à des taux de marché identiques à ceux pratiqués par toutes les banques. Nous avons par ailleurs pris l'engagement que la dette de chacune de nos branches soit compatible avec des niveaux exigés pour au moins obtenir une notation BBB (qui serait considérée comme un investissement non spéculatif) », souligne le dirigeant. Cela suffira-t-il à amadouer Bruxelles ? Dans ses lignes directrices sur les aides aux entreprises ferroviaires publiées le 22 juillet 2008, la Commission européenne demande plus généralement à tous les Etats membres de mettre fin sous deux ans aux garanties illimitées dont elles bénéficient. Autrement dit avant le 22 juillet 2010. A deux mois de l'échéance, seuls la France et le Portugal lui donnent encore du fil à retordre, même si Bruxelles attend encore des réponses de deux autres pays.
« Rien n'est décidé »

Pour l'instant, il n'est pas encore question d'ouvrir une procédure formelle contre la France. « Le dossier est à l'instruction et rien n'est décidé quant à la suite de la procédure », indique la Commission, qui a déjà obtenu la suppression de telles garanties, notamment en France pour EDF. Mais ce genre de bras de fer - où la Commission se borne à exiger la suppression des avantages indus sans remettre en cause le régime de propriété des établissements auxquels elle s'attaque -est généralement de longue haleine. La Poste était ainsi dans le collimateur de Bruxelles depuis décembre 2005, mais ce n'est qu'en octobre 2006 que la Commission a adressé au gouvernement français une « recommandation proposant de mettre fin à sa garantie illimitée », avant d'ouvrir une enquête approfondie un an plus tard… pour finalement la refermer au début de l'année, La Poste ayant entre-temps changé de statut.

ALEXANDRE COUNIS (À BRUXELLES) ET RENAUD HONORE, Les Echos

Salade de tartuferies

L'antisarkozysme primaire est un poison. Et le plus triste, c'est qu'il a pour effet de produire d'autres venins du même genre qui paralysent le débat. On dirait bien que tribunes, estrades et plateaux sont contagieux. Manifestement, la scène politique française peine à trouver un antidote contre les accès de crétinisme verbal, ce mal récurrent qui transforme des personnalités cultivées et sensibles en potaches au petit pied, même pas drôles.
L'épisode de ce week-end est à marquer d'une pierre blanche dans la catégorie des inoubliables dont on pourrait ne pas parler tant ils sont nuls. Nuls, mais pas anodins. Quand, samedi, la première secrétaire du PS compare le président de la République à Bernard Madoff, l'escroc de Wall Street, le discours touche tellement le fond qu'il nécessite un grand coup de pied pour tenter de remonter à la surface. Mais dimanche, Martine Aubry a plutôt aggravé son cas en essayant laborieusement de faire croire qu'elle n'avait pas vraiment dit ce qu'elle avait dit... sans convaincre, évidemment. C'est bien simple, c'était aussi léger que du Frédéric Lefebvre (le porte-parole de l'UMP) dans le texte.
Évidemment, le premier ministre, François Fillon, a eu beau jeu de s'engouffrer dans la brèche pour voler au secours du chef de l'État outragé. Il n'allait quand même pas rater une si belle occasion de moucher la maire de Lille ! Et là, nous sommes au coeur du registre, glorieux jusqu'au comique, de la fausse indignation. On fait comme si Nicolas Sarkozy pouvait être vraiment blessé par cette « injure » inqualifiable évidemment. Sans surprise, Xavier Bertrand est monté lui aussi en ligne, « scandalisé », le pauvre chéri, comme si ce politicien roué n'en avait pas vu d'autres... De son côté, Martine Aubry n'a pas été en reste en jouant les vierges effarouchées pour défendre la mémoire d'un « mort », François Mitterrand, dont l'Élysée avait contesté l'héritage sur la retraite à 60 ans. « Le Vieux », comme l'appelaient ses amis socialistes rirait volontiers de tant de candeur brute.
Cette salade de tartuferies de seconde catégorie qui ne trompent personne met en évidence un style dépassé, confiné au microcosme du microcosme. Le ridicule du dialogue devrait prévenir les acteurs contre les maux des mots. Et qu'on ne nous parle second degré, ce ne sera pas une excuse. On ne s'exprime pas en public comme on plaisante au bistrot. On ne fait pas semblant de faire peuple ou de faire sourire l'assistance en sacrifiant délibérément les nuances.
Par pitié, qu'on nous épargne toutes ces « facilités » qui sentent la com à plein nez, les « arguments de langage » rabâchés qu'on fait tourner en boucle, les ficelles grosses comme des cordes à noeuds. Les Français ne sont plus dupes de cette pauvre comédie qui insulte trop régulièrement leur intelligence.

Le Brésil attire l'attention

Au firmament de la mondialisation est récemment apparue une nouvelle constellation dénommée Bric, composée de quatre grandes étoiles, Brésil, Russie, Inde, Chine, les plus puissants des pays dits « émergents ». À eux quatre, ils représentent 22 % de la superficie, 42 % de la population et 27 % du produit intérieur mondial. Pour sa part, le Brésil s'étend sur 8,5 millions de km2 et compte 190 millions d'habitants.

Cet immense pays est la troisième puissance agricole (premier producteur de viande bovine, de café, de jus d'orange, deuxième de soja et de sucre), le premier producteur de minerai de fer. Il possède la deuxième réserve de bauxite, la plus grande réserve d'eau douce (12 %), la plus grande biodiversité (20 % des espèces existantes). De récentes découvertes offshore devraient en faire, en 2030, le sixième producteur de pétrole.

Malgré la crise, son produit intérieur devrait, en 2010, croître de5 à 6 % et la Banque mondiale prévoit que ce taux pourra être maintenu dans les prochaines années, faisant du Brésil la cinquième économie mondiale. Un premier Plan pour l'accélération de la croissance a injecté dans l'économie, de 2007 à 2010, 262 milliards d'euros ; un deuxième, pour 2011-2014, injectera 400 milliards, portant le taux d'investissement à 21,05 %. En bénéficieront principalement le secteur énergétique et les services sociaux, notamment pour apporter les services publics dans les quartiers défavorisés.

Le Brésil n'en souffre pas moins de plusieurs faiblesses. Le real, monnaie nationale, est surévalué, ce qui défavorise les exportations. Dans les favelas de Rio de Janeiro règnent la misère, la violence, la drogue et les nouvelles « unités de police pacificatrice » n'y pénètrent pas sans mal. La corruption, contre laquelle lutte activement la justice, gangrène une bonne partie du corps social. La nécessaire construction de gigantesques barrages dans le bassin amazonien se heurte à la résistance des Indiens. Le massacre de la forêt amazonienne ralentit, mais n'a pas vraiment cessé.

Sous l'impulsion de Lula, ouvrier syndicaliste élu Président, le Brésil devient un acteur international, membre du G20. À l'Onu, il refuse de sanctionner l'Iran. Et l'accord négocié, le 16 mai, à Téhéran, à propos d'un transfert d'uranium iranien vers la Turquie, continue d'essuyer les critiques des États-Unis.

En même temps, le Brésil s'engage avec le Mercosur pour l'intégration des infrastructures et des bases industrielles de défense du continent sud-américain. Ses premiers partenaires commerciaux sont les États-Unis et la Chine. Il accueillera, en 2014, la Coupe du monde de football et, en 2016, les Jeux olympiques d'été.

Avec la France, les relations sont excellentes. Sous l'égide des présidents Sarkozy et Lula, a été conclu un partenariat stratégique. Des coopérations dans le secteur défense sont nées : coque du sous-marin nucléaire, hélicoptères. Cependant, nos entreprises devraient commercer et investir davantage.

Lula, après deux mandats, ne peut en solliciter un troisième lors de l'élection présidentielle du 3 octobre. La question iranienne attire sur sa diplomatie une attention nouvelle.

(*) Ambassadeur de France.

JOURNEE SANS TABAC – Arrêter de consumer sa vie

Marre de (trop aimer) la clope ? Pourquoi ne pas profiter de la Journée mondiale sans tabac qui a lieu aujourd'hui ? Pas de meilleur moment pour arrêter sa dangereuse habitude, surtout pour vous mesdames, qui êtes de plus en plus nombreuses à y succomber
La 23e Journée mondiale sans tabac aura lieu le 31 mai prochain. L'occasion pour tous ceux qui veulent arrêter de fumer de faire une pause de 24 heures, qui pourra avec un peu de chance (et beaucoup de volonté) se prolonger plus longtemps. Des activités ont été organisées un peu partout en France et dans le monde pour sensibiliser le public aux dangers du tabagisme (actif et passif) mais surtout pour trouver des solutions simples et efficaces aux fumeurs sur le chemin de la repentance.
Les femmes plus fragiles
La journée a été placée cette année sous le thème du tabagisme féminin. Alors que la mortalité du cancer du poumon a été divisée par deux en dix ans chez les hommes de 40 ans, elle a en effet été multipliée par quatre en 15 ans chez les femmes du même âge. Le cancer du poumon est le troisième cancer le plus fréquent chez les Françaises après celui du sein et du colon. C'est le premier pour les Américaines. L'Institut de veille sanitaire note dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) que la mortalité par cancer du poumon chez les femmes de 35 à 54 ans en 2000-2007 "est proche de la mortalité chez les hommes de même âge observée durant les années 1950". "À risque égal, les femmes sont plus fragiles. Pour les hommes, sur 100 cancers du poumon, 10 à 15 surviennent chez des non-fumeurs contre environ une trentaine chez les femmes. Elles sont donc plus touchées même en étant non fumeuses.", explique le Dr Armelle Lavolé, pneumo-oncologue à l'hôpital Tenon (Paris). Les chercheurs penchent aujourd'hui pour une différence hormonale et génétique entre hommes et femmes mais rien n'a été encore prouvé.

De nouvelles campagnes choc
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a mis au point une nouvelle campagne de prévention à destination des jeunes femmes, qui sont de plus en plus nombreuses à fumer. Ces dernières années, les industriels du tabac ont lancé sur le marché des produits avec des nouveaux goûts et couleurs pour les séduire. Résultat : 38 % des femmes de 16-25 ans et 36,3 % des 26-35 ans sont aujourd'hui fumeuses. La campagne d'affichage vise à casser cette image glamour associée à la cigarette. Avec le slogan "Fumer c'est moche", l'OMS ne pouvait pas être plus claire.

Le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) souligne que le tabagisme reste la première cause de mortalité prématurée évitable en France et que chaque année, l'équivalent d'une ville de 60 000 personnes décède des complications liées à la consommation de cigarettes, soit une personne toutes les 9 minutes. Le CNCT a choisi cette image pour illustrer sa nouvelle campagne d'affichage. Le comité continue de plaider pour une nouvelle augmentation du prix du tabac. Il se réjouit de l'apposition d'images dissuasives sur les paquets de cigarettes mais propose la mise en place d'un "paquet standard" sans logo, sans couleur et sans élément "rappelant l'univers publicitaire de la marque". Ce projet est actuellement à l'étude en Australie.
Damien Bouhours (www.lepetitjournal.com) lundi 31 mai 2010

Pas le moment de lâcher la Grèce. Et si vous partiez ?

"C'est le moment de partir" ! On est habitué à ce genre de phrase, un brin racoleuse, qui fleurit sur les vitrines des tours opérators. Toutefois, il y a de fortes chances pour que cela soit vraiment le cas d'ici peu. La Grèce traversant une passe difficile, les acteurs du secteur touristique appellent à soutenir le pays.
Un appel qui sonne le branle-bas de combat pour sauver le tourisme grec.

L'Organisation mondiale du Tourisme a poursuivi les hostilités. Par la voix de son secrétaire général, Taleb Rifai, elle prie l'ensemble des acteurs du secteur à soutenir la Grèce. "Laisser tomber le secteur du tourisme ne pourrait que contribuer à accelérér les difficultés actuelles. Nous avons une obligation envers la Grèce" a-t-il souligné, insistant sur le fait que "la prochaine saison estivale est une occasion unique pour tous les acteurs de l'industrie de montrer leur soutien au tourisme de la Grèce".

Chacun a pu constater ces dernières semaines que l'image de la Grèce n'était pas réjouissante. Manifestations, cure d'austérité, voire même des décès lors des émeutes... Bref, rien de bien reluisant et d'attirant pour le futur touriste. Une image contre laquelle s'insurge Theodoros Chartomatsidis, directeur de l'Office Hellénique du Tourisme. Pour lui, les médias ont trop tendance à généraliser. "Les manifestations sont, en réalité, très localisées. Elles ont lieu dans certains quartiers, certaines rues de la capitale. Les sites touristiques fonctionnent sans problèmes. D'ailleurs, le reste du pays est relativement épargné. Dans les îles et dans la province, c'est très tranquile."

Les professionnels du tourisme s'en prennent aussi aux médias. Cette image d'un pays paralysé n'a pas fait de bien aux taux de réservation. Elle a même conforté pas mal d'annulations. D'après les premières études, les ventes auraient commencé à baisser dès que les médias ont parlé des décès. Les grands tours-opérators nationaux sont relativement réticents à délivrer leurs chiffres, toutefois, les estimations de la baisse sur cette destination sont conséquentes. Pour exemple, l'indutrie du tourisme grec s'attend à un recul de 7 à 9 % pour l'année 2010.

La contre-attaque des tours-opérators

Néanmoins, pas la peine d'accabler la Grèce. Vanessa Lesiourd à National Tours souligne qu'en ce moment, le sort s'acharne. Le volcan islandais, les crash d'avions, les grèves dans les aéroports et les compagnies aériennes... Beaucoup de facteurs qui font que "les gens attendent". Attendent de voir la tendance, espèrent plus de stabilité, que le volcan se calme, etc... "Ceux qui ont déjà réservé partiront. Ce qui va être délicat, ce sera pour les nouvelles réservations. C'est là qu'on verra la vraie tendance. Mais d'ores et déjà, les ventes chutent".

Mais pas question de se laisser abattre. Les voyagistes et l'Office Hellénique du Tourisme organisent la riposte. "C'est sûr, les prix vont baisser, il va falloir destocker et remplir les avions" affirme Mme Lesiourd. Sans doute que les compagnies attendront le dernier moment pour brader les places vers les terres helléniques. A vous de guetter !

Du côté de l'Office du Tourisme Grec, on met les bouchées doubles pour booster la destination. "On fait beaucoup d'information vers les médias et les tours-opérators pour leur montrer la véritable image de la Grèce", lance Mr Chartomatsidis. "Les Grecs ont conscience que le tourisme est important pour le pays, ils ne feront jamais quelque chose qui puisse y nuire".
La situation est d'autant plus fragile dans les îles de la Mer Egée, qui dépendent en majorité du bon vouloir des transporteurs (bateaux ou avions) du continent. La moindre perturbation, et ce sont des centaines de réservations qui échappent au chiffre d'affaires du tourisme local.

Rien à craindre

Plusieurs touristes n'ayant cure de la situation sociale se sont tout de même rendus sur place, et les échos sont... positifs. D'après les témoignages, il suffirait simplement de ne pas s'approcher des lieux de manifestations, et tout le voyage se passe (presque) comme si de rien n'était.

Maintenant, c'est à vous de jouer. Guetter du côté des voyagistes qui préparent des réductions et des offres fumantes. L'occasion de voyager un peu moins cher. Être à l'affût des promotions de dernière minute qui tomberont probablement au tout début de la haute-saison (de la fin mai à début octobre). Sur place, les prix ne risquent pas de baisser. Le niveau de vie à tendance à s'aligner sur celui des confrères européens, et vous pourrez donc trouvez des adresses aussi peu abordables à Athènes que dans d'autres capitales du Vieux Continent. Toutefois, en chinant bien, vous pouvez dégotter des chambres et des restaurants très sympas et assez bon marché. Il suffit juste de s'éloigner un peu des grands chemins touristiques.

Pour une fois, le français sera bien vu en Grèce cette année s'il y met les pieds,et ce grâce à Nicolas Sarkozy; celui qui à "obligé" les Allemands à le suivre dans le sauvetage du pays.
Alors, pour une fois que la réputation exécrable qu'a le français à l'étranger peut être légèrement modifiée, profitons en !

François Bayrou tente de se « recentrer »

Après une longue cure de silence, le président du Modem revient pas à pas sur le devant de la scène. En axant ses interventions sur le fond et en étant moins dur sur la forme avec le chef de l'Etat, François Bayrou s'efforce de restaurer sa crédibilité et celle du mouvement centriste.

La parole est plus comptée et le ton a changé. Après une cure de silence d'un mois et demi imposée par l'échec cinglant du Modem aux régionales, François Bayrou fait à nouveau entendre sa voix. Des interventions un peu moins nombreuses que par le passé. Et, surtout, davantage centrées sur le fond : le budget et la dette le 5 mai sur France Inter, le plan de soutien à la Grèce cinq jours plus tard sur France Info, les déficits et les retraites dans « Le Monde » du 23 mai. Et un peu tout cela hier soir, au « Grand Jury », sur RTL et LCI. C'est à la fois beaucoup, dans l'absolu, et peu pour lui, qui parle d'une stratégie de « la parole rare ». « C'est comme après un grave accident de voiture ; on ne peut pas repartir comme avant. L'heure n'est pas à l'exposition médiatique outrecuidante », explique un proche.

Ce faisant, François Bayrou s'efforce de restaurer sa crédibilité et celle du Modem. Et de réinstaller l'idée d'un « centre indépendant », dont il est - assure-t-il - « le garant ». Une nécessité pour lui, tant la « troisième voie » qu'il défendait en 2007 a été mise à mal, depuis, par les changements de stratégie ( « elle a changé à chaque élection », regrette un cadre du Modem) et les contre-performances électorales. Une nécessité aussi pour contrer ce qu'il appelle avec mépris des « grouillements microbiens » : les velléités de plusieurs figures centristes d'occuper l'espace électoral laissé vacant, en particulier celles de son ancien lieutenant, le président du Nouveau Centre Hervé Morin. Pour rassurer ses troupes, encore déboussolées par la photo commune, l'été dernier, entre Marielle de Sarnez et Robert Hue à Marseille, François Bayrou a sensiblement rééquilibré son discours. Pour montrer que son inflexion à gauche n'avait jamais été un « alignement », il s'est recentré. Exit l'idée d'un « Parlement de l'alternance » rassemblant les opposants à Nicolas Sarkozy, qui, selon un de ses conseillers, « a vécu ce que vivent les floraisons automnales ». Exit aussi les rencontres entre des dirigeants du Modem et le socialiste Vincent Peillon, qui « ne servent plus à rien ». « Notre position n'a pas été comprise. Nous avons eu des difficultés de juste expression de nos choix de positionnement », avait-il admis fin mars.
« Maison » à reconstruire

Le président du Modem a accepté de rencontrer récemment le chef de l'Etat et se montre, dans la forme, un peu moins dur avec lui, se gardant désormais de toute attaque frontale à son encontre. Sur le fond il reste sans concession. Hier, il a affirmé que « la maison [France] est à reconstruire », jugé « inacceptable » le « glissement vers la retraite à 65 ans » et estimé que le président « aurait du venir » expliquer la réforme à la télévision.

Les responsables du Modem justifient ce changement de ton par la volonté de montrer que François Bayrou n'est pas dans la critique systématique, comme cela lui a été reproché, et plus encore par l'ampleur de la crise économique. « La politique, ce n'est pas que du chamboule-tout. C'est d'abord avoir le sens de l'Etat et des responsabilités », insiste un fidèle. Quoi de mieux, en outre, que des thématiques chères aux centristes, comme la lutte contre la dette, pour tenter de rebondir ? « Après les régionales, on le donnait pour mort. Aujourd'hui, il sort du trou », se réjouit un de ses proches, admettant que « beaucoup reste à faire ». A deux ans de la présidentielle, un sondage CSA le crédite de 8 % des intentions de vote. A peine deux points de plus qu'Olivier Besancenot.

PIERRE-ALAIN FURBURY, Les Echos


Que n'aura-t-il pas avalé comme couleuvres ce Bayrou, et à raison, cet homme est d'une inconstance rare, son discours pathétique, il tire à hue et à dia sur sa personnalité
et sa dignité politique, sans parvenir jamais à redevenir crédible.

« Il faudrait laisser la Grèce et le Portugal prendre un congé sabbatique de l'euro »

Ancien chef économiste du FMI de 2001 à 2003 et coauteur d'une Histoire des crises financières, l'économiste Kenneth Rogoff livre son diagnostic sur l'impact de la crise de la dette européenne au lendemain du déclassement de l'Espagne par Fitch.
La crise de la dette européenne représente-t-elle un risque important pour la reprise économique américaine ?

C'est classique qu'une crise de la dette survienne après une crise bancaire. Mais les secousses secondaires sont généralement moins sévères que le choc initial. La reprise américaine sera plus lente et plus longue qu'après une récession typique. La crise européenne va probablement ralentir le rythme de la reprise globale mais nous sommes très loin d'une menace de rechute mondiale. Elle peut ralentir la croissance de 0,5 % aux Etats-Unis. Mais, si les Européens s'y attaquent, on peut tabler sur une croissance modeste de 2 % en Europe, contre un rebond de 3,5 % à 4 % aux Etats-Unis en 2011.
Comment appréciez-vous le risque de désintégration de la zone euro évoqué par l'ancien président de la Fed, Paul Volcker ?

Ce scénario n'est pas plausible. L'Allemagne et la France ne le laisseront jamais faire. Cela ne veut pas dire que tous les membres actuels doivent y rester et que l'adhésion de l'Estonie à la zone euro en 2011 soit souhaitable. En dehors de la France et de l'Allemagne, aucun autre pays n'est indispensable à la survie de l'euro. A tout le moins, la Grèce et le Portugal vont devoir restructurer leurs dettes. La meilleure solution serait de laisser ces deux pays prendre un congé sabbatique de l'euro pendant dix ans. Je ne crois pas à un éclatement de la zone euro, mais il n'est pas très réaliste de vouloir atteindre une discipline fiscale sans laisser certains pays quitter temporairement l'euro. Il se peut donc qu'un ou deux pays sortent du système. La Grèce ferait d'ailleurs mieux de sortir de l'euro pour restructurer sa dette et améliorer sa compétitivité.
La dévaluation de l'euro face au dollar est-elle une condition indispensable à sa survie ?

Pour le moment, c'est une bouée de sauvetage très utile. Je pense que la baisse de l'euro va se poursuivre. Il pourrait tomber à 1,10 dollar -voire moins -compte tenu de son niveau de surévaluation de départ. Il pourrait même atteindre la parité avec le dollar. Ce serait alors plutôt confortable pour l'Europe si elle réussit à stabiliser sa dette, mais très difficile pour les Etats-Unis.
Le plan de stabilisation de l'euro annoncé le 10 mai a-t-il été une réussite et peut-il suffire à enrayer les risques de contagion ?

Oui et non. Le déclassement de l'Espagne par Fitch va renforcer l'impression que le « bazooka » européen n'est pas suffisant. Le plan a réussi à maintenir une certaine stabilité. Mais les risques de contagion sont encore réels et très importants. Ce plan n'a pas réussi à masquer l'absence de consensus au sein de la zone euro sur le niveau de rigueur qui doit être imposé aux membres les plus faibles. Les Français semblent pencher pour une interprétation plus souple de la gestion des politiques budgétaires que les Allemands. Les marchés ont noté cette absence de consensus et en ont tiré les leçons.
Le Fonds monétaire international (FMI) va-t-il devoir aider d'autres pays européens ?

C'est très probable. L'Europe aurait dû se tourner vers le FMI beaucoup plus tôt. Son directeur général a fait un excellent travail. Mais le Fonds devra forcer les pays à rembourser les aides dans deux ou trois ans. Et cela risque d'être très difficile. Le G20 de Londres a tenté de différer les échéances de cinq ans. Mais le FMI ne pourra pas continuer à financer éternellement les déficits de tous les pays en difficulté.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE DE GASQUET, Les Echos

Bernard Debré, le retour du trublion

"Je lance ma campagne!", annonce Bernard Debré au JDD. De quelle élection parle-t-il? Des législatives de… 2012. Si le député UMP du 16e Nord s’y prend si tôt, c’est qu’il veut couper l’herbe sous le pied de sa voisine, Françoise de Panafieu, députée UMP du 17e arrondissement. Leurs deux circonscriptions (15e et 16e) vont fusionner, dans le cadre du redécoupage électoral voté par le Parlement et validé par le Conseil constitutionnel – qui supprime trois circonscriptions sur vingt et une à Paris.

Un siège pour deux: une guerre fratricide démarre donc aujourd’hui. Ces deux héritiers de la politique se connaissent depuis l’enfance. Ils fréquentaient ensemble les Noëls de l’Elysée du temps du Général et de tante Yvonne. Mais ils ne se feront pas de cadeau.

"Une nouvelle circonscription, ça se travaille, explique Bernard Debré. Je ne peux pas attendre la dernière minute pour me présenter les mains dans les poches aux habitants du 17e. C’est une question de politesse." Le chirurgien urologue, frère jumeau de Jean-Louis, inaugurera bientôt sa permanence, sise au 34, rue Poncelet, en plein 17e. En même temps, il lance un "journal" intitulé Paris 16-17. "J’ai déjà commencé les marchés et les réunions d’appartement. J’en ferai une par mois." Il assure même avoir commandé un sondage il y a quelques mois, qui le gratifierait de "60 % de bonnes opinions", contre "moins de 15 % de mauvaises" dans le 17e. Mais il n’en dit pas plus, pour "ne pas mettre de l’huile sur le feu".

Panafieu: "C’est insensé!"

Il souhaite même, sur un ton ironique, "la bienvenue" à Françoise de Panafieu, s’il lui prenait l’idée de se présenter aussi. "On s’affrontera, sans agressivité de ma part, et je gagnerai, voilà tout. Mais Claude Guéant [le secrétaire général de l’Elysée] m’a dit qu’il lui trouvera une porte de sortie honorable. Elle pourrait aller au Sénat ou dans son ancienne circonscription…" Furieuse, l’ex-candidate à la mairie de Paris ne l’entend pas de cette oreille. Sera-t-elle candidate? "La question ne se pose même pas, 70% de cette nouvelle circonscription se situe dans mon arrondissement, répond-elle. Bernard Debré débarque en agresseur deux ans avant l’échéance. C’est insensé!" Quant au Sénat? "Hors de question", tranche-t-elle.

Debré admet que "la situation peut se tendre si Françoise se radicalise". Dans quel cas, il saura "rappeler aux Parisiens le ratage complet de sa campagne municipale de 2008". En attendant, il revendique le soutien de "plus de la moitié" des élus UMP du 17e, dont Jean-Didier Berthault, le suppléant de sa rivale. Celle-ci rétorque que "10 élus sur 13 qu’il a sollicités lui ont fermé la porte au nez", à commencer par Brigitte Kuster, maire du 17e. L’ex-juppette, qui n’ignore pas que la droite ne compte que 13 % de femmes à l’Assemblée nationale, s’en remet à la commission d’investiture de l’UMP. De son côté, le professeur de médecine, fort de sa notoriété et de sa "liberté de parole", n’en a cure: "Je me présenterai quoi qu’il arrive."

Bayrou prêt à jouer un "rôle" au centre...

Le président du MoDem, dont la formation a subi un sérieux revers lors des régionales, s'est déclaré dimanche soir prêt à jouer un "rôle" au centre, et a laissé planer le doute sur sa candidature à la présidentielle de 2012.
Invité dimanche soir du Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro, le président du MoDem François Bayrou, dont la formation a subi un sérieux revers lors des régionales, s'est déclaré prêt à jouer un "rôle" au centre, et a laissé planer le doute sur sa candidature à la présidentielle de 2012.

"Le centre, c'est une famille politique", et "un jour elle se reconstituera parce qu'elle n'a pas le rôle qu'elle devrait avoir", a-t-il déclaré, promettant de mettre "toutes les forces au service de cette construction". "Chaque fois que le président de la République (...) ou le Premier ministre demandera à me voir pour parler de ces sujets je répondrai oui", a-t-il dit. "Chaque fois que les dirigeants du PS -et ça arrive sans que j'en fasse de la publicité- demanderont à me voir pour parler de ces sujets je répondrai oui", a-t-il répété. "Je considère que nous sommes co-responsables de l'avenir du pays et j'exerce cette responsabilité", a-t-il poursuivi, affirmant ne pas avoir d'"arrière-pensée".

2012 ? "Personne n'en sait rien"

Interrogé sur le choix de son "ami", le leader britannique centriste Nick Clegg, de participer à un gouvernement de coalition avec les conservateurs, il a répondu que le patron des Lib-Dems avait "choisi de permettre au changement de s'exercer et de gouverner en Grande-Bretagne". "Si vous me demandez si je permettrai et favoriserai un changement dans la politique française, je vous réponds oui ! Dès que les électeurs l'auront choisi", a-t-il ajouté. "J'espère jouer dans ce débat avec les Français un rôle qui servira l'idée que je me fais de l'avenir du pays", a encore déclaré M. Bayrou.

Ce rôle passe-t-il automatiquement par sa candidature à la présidentielle de 2012? "Personne n'en sait rien", a-t-il répondu. "Qui peut dire ce qui va se passer dans les deux ans qui viennent ? Personne ne peut dire quelle va être la succession d'événements qui va nous conduire en 2012, ou plus tôt, à de grands choix nationaux", a conclu le leader centriste.

Une sacrée mâchoire le Bayrou pour pouvoir manger à tous les râteliers politiques.

dimanche 30 mai 2010

Les préjugés des Français progressent

«On assiste à une libération de la parole raciste depuis plusieurs mois», accuse Dominique Sopo, président de SOS Racisme, comme le montre un récent sondage.
Les préjugés exprimés par les Français sur les Arabes, les juifs ou les homosexuels sont en augmentation, d’après un sondage de l’institut BVA pour l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et SOS Racisme, dévoilé à l’occasion des Assises de la lutte contre les préjugés, dimanche à Sciences Po.

Ce sondage a été réalisé du 21 au 22 mai 2010 auprès d’un échantillon représentatif de 1.029 personnes âgées de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas.

«Après un an de matraquage stigmatisant envers les populations arabes et musulmanes, les préjugés ont plus que doublé par rapport à l’an dernier», déplore Arielle Schwab, présidente de l’UEJF. Les Arabes sont perçus comme délinquants par 27,6% des sondés contre 12% lors d’un sondage effectué l’an dernier par l’institut CSA.

Pour près d’un Français sur deux (49%), «les étrangers savent mieux profiter du système de protection sociale que les autres». 28% des sondés considèrent que les Noirs sont plus forts physiquement que les autres et 30% que les juifs ont plus d’influence que les autres dans la finance et les médias.

«On assiste à une libération de la parole raciste depuis plusieurs mois», accuse Dominique Sopo, président de SOS Racisme, pointant «la tentative d’importation du débat sur l’interdiction des minarets», «le débat sur l’identité nationale» et «le débat sur la burqa, posé de façon extrêmement malsaine».

Pour l’UEJF, «les préjugés se répandent et se banalisent»: Les français sont ainsi deux fois moins nombreux que l’an dernier à se dire homophobes (4% se revendiquent homophobes contre 8% en 2009), pourtant les préjugés homophobes sont repris par 12% des sondés contre 8% l’an dernier.

Par ailleurs, parmi les sondés qui se disent «non racistes», 32% ne réagissent pas devant un préjugé raciste. «La capacité d’indignation des Français est en déclin», s’inquiète Arielle Schwab.

Dimanche, les Assises de la lutte contre les préjugés, auxquels participent une quarantaine de responsables associatifs et politiques, aborderont les questions de la montée de la xénophobie en Europe et du passage à l’acte.

Arielle Schwab, Dominique Sopo, le cinéaste Yann Moix, l’auteur Bruno Gaccio et Charb, le directeur de la publication de Charlie Hebdo, doivent débattre en fin d’après-midi sur le thème «Quand les figures de l’autorité dérapent».

Il faut savoir ce qu'on veut, la France n'est pas le pays des minarets ni des synagogues, elles n'y sont qu'admises au nom de la liberté du culte, sans plus.
La France est laïque mais catholique avant tout.

Aubry compare Sarkozy et Madoff, la majorité s'indigne

Les membres de la majorité ont serré les rangs, dimanche 30 mai, pour dire tout le mal qu'ils pensaient de Martine Aubry coupable d'avoir, samedi, comparé le président Sarkozy à l'escroc Madoff. Lors de la convention nationale du Parti socialiste dont elle est la première secrétaire, Mme Aubry avait moqué le discours du président de la République sur la réduction du déficit public. "J'ai un peu l'impression, quand Nicolas Sarkozy nous donne des leçons de maîtrise budgétaire, c'est un peu M. Madoff qui administre quelques cours de comptabilité", a-t-elle lancé avant de s'en prendre à "l'inélégance" et à la "vulgarité" du chef de l'Etat, accusé de s'en prendre à François Mitterrand. Les ténors de la majorité, de Frédéric Lefebvre à François Fillon, ont été scandalisés.
Le premier ministre François Fillon a réagi via un communiqué de quelques lignes diffusé en début de soirée, dimanche, accusant Mme Aubry "d'abaisser le débat politique". "En privilégiant les formules injurieuses plutôt que les analyses de fond, le Parti Socialiste ne s’honore pas", a-t-il déploré.

Pour Jean-Pierre Raffarin, Martine Aubry a commis "une faute majeure". Il estime sur son blog que "la comparaison avec Madoff mérite, en effet, un blâme démocratique" et en profite pour expliquer à ses lecteurs la différence entre injure et opinion. "Reprocher à François Mitterrand la retraite à 60 ans [comme l'a fait Nicolas Sarkozy], c'est une opinion politique. Comme telle, elle est à la fois respectable et discutable. Comparer le président de la République à un escroc, c'est une injure, pas une opinion !", a fustigé le sénateur de la Vienne. Le verdict de M. Raffarin est sans appel : "Tant que Madame Aubry, qui nous avait habitué à plus de retenue, ne s'excusera pas, son profil présidentiel restera ébréché gravement".

Xavier Bertrand est lui "profondément scandalisé" par ces propos. "Les propos de Martine Aubry sont honteux et scandaleux, on n'a jamais vu un responsable politique, responsable du premier parti d'opposition, proférer de telles injures publiques", a-t-il déploré, estimant que la patronne du Parti socialiste était désormais "disqualifiée pour exercer de réelles responsabilités". M. Bertrand en a profité pour distribuer un bon point au prédecesseur de Martine Aubry à la tête du PS, qui a recommandé de ne pas tomber dans la "facilité". M. Bertrand a "bien noté la prise de distance de François Hollande".

"Dans une démocratie, un parti politique qui ne respecte pas le président de la République n'est pas un parti respectable", a dénoncé Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille. Pour elle, Martine Aubry doit "s'excuser" ou "démissionner" puisqu'elle vient "de démontrer qu'elle n'[était] pas digne de diriger un grand parti de gouvernement".

Plus mesuré, le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefèbvre a prédit que la potentielle candidate aux primaires socialistes avait "le temps de se reprendre" avant les échéances électorales. "La politique, c'est plutôt les idées et les propositions que les invectives et les injures", a-t-il souligné sur Radio J, notant que la sortie de Mme Aubry visait à "masquer un projet qui est tout sauf innovant et les tensions" au PS.

Pour le député UMP Yves Jégo, "par ses propos, Mme Aubry montre son vrai visage : celui de la haine et du sectarisme violent".

L'intéressée, elle, s'est expliquée sur le plateau de France 2, dimanche midi, pour clarifier ses propos et calmer le jeu. Elle a expliqué avoir mis en cause, non pas le chef de l'Etat lui-même, mais ses démonstrations "pas crédibles" sur les comptes publics. "Les mots ont un sens. Bien sûr, je n'ai pas comparé le président de la République à Madoff", a-t-elle assuré. "On ne parle pas aux gens uniquement avec des noms d'oiseau. On essaie de s'exprimer avec nuance. En tous les cas, j'essaie de le faire".

Je me demande jusqu'à quel point cette femme est capable de descendre dans la bêtise et l'ignoble.
Cette femme n'est ni plus ni moins que la caricature de tout ce que la haine et l'esprit revanchard peut incarner.
En un mot elle est en tout point détestable et nuisible à la politique.

Laurence Parisot dans un fauteuil

Elle a laissé un message téléphonique, lundi 17 mai au soir, comme une étudiante qui aurait passé un concours difficile. De l'émotion, du soulagement, une certaine joie. "Ça s'est magnifiquement bien déroulé. Un grand moment pour nous tous, très fort." Laurence Parisot est tout entière là-dedans. Emue avec naïveté, dans un monde calculateur où croisent les requins, travailleuse jusqu'à l'épuisement, quand d'autres surfent sur leurs facilités, amoureuse de la réussite, alors qu'il est de bon ton de n'en rien laisser paraître.

La présidente du Medef, qui brigue à 50 ans un second mandat, venait de plancher devant le conseil exécutif de l'organisation patronale, composé de quarante-cinq dirigeants d'entreprise, patrons de fédérations professionnelles ou territoriales. Un moment-clé de sa campagne, bien qu'elle soit la seule candidate à sa succession pour l'élection du 1er juillet. Cet "examen", elle l'a soigneusement préparé, répété, jusqu'à la mise en scène. Il n'y a pas eu de questions. Que des commentaires, ou des réflexions qui prolongeaient la sienne. A boire comme du petit-lait.
Dans la guerre économique, Mme la présidente a toujours été un bon petit soldat du libéralisme – elle fait même désormais partie des gradés. "Je suis libérale et je l'assume totalement, affirme-t-elle. Je le suis philosophiquement, socialement, économiquement." Les dérives du capitalisme et de l'argent fou n'ont pas écorné son credo : "Faire confiance à l'initiative individuelle pour créer des richesses, à condition que les règles du jeu soient absolument claires – et les mêmes pour tout le monde." Dans un monde idéal, sûrement. Pas comme celui des subprimes, par lequel le scandale est arrivé des Etats-Unis…

LA RETRAITE À 62 ANS

C'est d'ailleurs par là qu'elle a commencé son topo, après quelques considérations personnelles. Par ce "laxisme incroyable, monétaire et réglementaire, des Etats-Unis", catastrophe annonciatrice d'autres désastres. Désormais, tel un iceberg dans la nuit, une crise profonde guetterait le "paquebot" France, Titanic en puissance. La faute à l'immobilisme qui a, des années durant, empêché les réformes de structure, prétend-elle. "Les Allemands partent à la retraite à 65 ans, maintenant ! Nous, ce sera 63 ans en 2030… La France me fait penser à ce personnage de dessin animé qui continue à courir, avant de s'apercevoir que le sol s'est dérobé sous ses pieds. "

La patronne des patrons, première, en août 2007 dans Le Monde, à parler de retraite à 62 ans, plaide aussi pour un système mixte entre répartition et capitalisation. Mais sans vouloir toucher aux revenus du capital – en bonne logique libérale.

Lors de son "grand O", l'ancienne élève de Sciences Po a tout promis à ses pairs. Une vraie campagne, comme une vraie politique. Pourtant, elle peut se rêver ministre ou commissaire européenne, il y aura toujours une différence : l'ex-politologue veut tout tenir, tout honorer, tout satisfaire. Pour "en être" vraiment, il lui manque le cynisme qui blinde, la grosse cuirasse qu'endossent tous les autres, contre les critiques. La méchanceté l'étonne toujours, comme une provinciale d'antan. "Parisotte", l'appelle son ennemi Denis Kessler dans les dîners en ville. Quelle erreur…

"Je n'avais pas prévu tout ce qui m'est arrivé. Mais si des opportunités se présentent, je les saisis vite, ça c'est vrai", dit-elle. Qu'apprécie la propriétaire de l'Ifop dans ce job non rémunéré, à la tête d'une institution et d'une profession peu aimées ? La fonction tribunitienne sans doute, et tout simplement le pouvoir. Elle affecte désormais l'indifférence pour le Siècle, ce club de l'élite dont elle dit sécher les dîners. Mais ne résiste pas à raconter, avec plus ou moins de distance, celui où elle était placée à la droite de George Bush, à l'Elysée. Le président si impopulaire de la guerre et de l'argent fou…

Cette fille et petite-fille d'industriels n'a jamais manqué d'argent, sans en faire le moteur de sa vie. A son mince poignet, une montre Chaumet, massive et sportive, cerclée de diamants, seul signe de luxe. On lui connaît toujours le même sac Vuitton. Il est impossible qu'elle dépense beaucoup d'argent pour ses vêtements. Pas de signes extérieurs de richesse, par tempérament et par souci d'image. Sa maison à Saint-Barth, à côté de celle de Johnny ? Une cabane, assure-t-elle.

Son père, son modèle, héritier des meubles Parisot avec ses frères – ils finirent terriblement brouillés–, avait aussi lancé l'hôtellerie dans l'île caraïbe, paradis fiscal de la jet-set. Tout a été vendu. C'est grâce à l'argent de Michel Parisot, décédé en 2002, que sa fille avait pu racheter l'Ifop.

Elle en a fait une entreprise de renom et tâche, malgré ses horaires interminables au Medef, d'y consacrer une demi-journée par semaine. Laurence Parisot assure la veille stratégique et a gardé personnellement quelques clients, comme La Poste, mais aucun politique. L'institut de sondages lui assure un revenu de 22 000 euros par mois, en plus de ses jetons de présence dans quelques grands conseils d'administration. Elle renâcle à le dire.

"Je me fais de la bile, avoue-t-elle souvent. On est dans un combat pour garder notre niveau de vie. Si on y arrive, ce ne sera déjà pas si mal…" Mais quand elle dit "on", il faut entendre "la France". Une sorte de petite Jeanne d'Arc des conseils d'administration, au regard de glace. Capable de pleurer pour un mauvais article à son propos. Affective quand elle a donné sa confiance, ce qui lui arrive rarement, implacable quand elle la retire, ce qui se produit plus souvent.
En attendant, elle est dans la place et va y rester. Ses protecteurs y veillent. Au premier plan, Michel Pébereau, le puissant patron de BNP Paribas, qui a l'oreille du pouvoir. "Son propos était clair, déterminé. C'était un discours de nature à rassembler." Le banquier s'est réjoui qu'elle ait placé l'Europe et la monnaie parmi ses premières préoccupations. "L'euro est un atout essentiel, mais il a des ennemis très déterminés. Il est nécessaire que l'Europe évolue pour tirer pleinement profit de sa devise", analyse-t-il.

Surtout, il a constaté que "tout le monde était satisfait, y compris ceux qui disaient avoir des problèmes avec Laurence Parisot". Suivez son regard : l'Union des industries métallurgiques et minières, l'UIMM, socle de fer historique du patronat. Eclaboussée naguère par ses pratiques héritées de la guerre froide, où se baladaient les valises de billets destinées à graisser la patte des syndicats, l'UIMM s'est profondément réformée. Trop convalescente pourtant pour présenter un candidat.

"Les patrons sont bien contents d'avoir une organisation pour engager des discussions. Mais quand il s'agit de s'engager soi-même, il y en a peu", observe Maurice Lévy, président du directoire de Publicis Groupe. "Je m'y suis collé, dit le tout récent président de l'Association française des entreprises privées (Afep). Au Medef, c'est pareil, il faut que quelqu'un s'y colle." Car gérer les relations avec les syndicats, les pouvoirs publics, les entreprises, n'est pas une sinécure, par avis de tempête économique. "Que tout le monde sache bien que la présidente et son bureau sont soutenus. La crise économique est là. Il faut faire en sorte que ça marche. C'est l'intérêt de tous", tranche-t-il.

LA PEAU DE L'AUTRE

Laurence Parisot s'est déclarée très tôt, en novembre 2008. " Pour bien faire comprendre que tel était mon désir. C'était déjà ancré dans mon esprit. Ceux qui voulaient réfléchir à la question devaient compter avec moi. " Ils se sont tous découragés, les uns après les autres, anticipant une bataille perdue. Ainsi l'ambitieux patron de Virgin Mobile, Geoffroy Roux de Bézieux, qui a fait un tour de piste discret après avoir entendu le président de l'UIMM, Frédéric Saint-Geours, dessiner le profil du candidat idéal. C'était lui tout craché !

Yvon Jacob, président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) et candidat malheureux contre Laurence Parisot en 2005, l'a reçue pendant deux heures. Et lui a déconseillé de se présenter. "Il doit y avoir rassemblement pour que les choses avancent. On est dans le dur, en plein dans la crise." Geoffroy Roux de Bézieux, propulsé à la tête de l'Unedic en septembre 2008, grâce aux bons conseils de l'équipe Parisot, attend donc son tour.

L'industrie n'a pas voulu prendre sa revanche sur les services. Et sans doute n'en avait-elle pas les moyens. Pour comprendre, il faut revenir cinq années en arrière. Ernest-Antoine Seillière, sentant sa fin (de mandat) prochaine, fit venir les patrons et leur tint à peu près ce langage : "Je sais que vous pensez tous que le Medef est un vieux machin, mais vous auriez tort de vous désintéresser de ma succession." Eux, déjà dans le rêve du sarkozysme, eurent assez de lucidité pour répondre en substance : "Toi, Ernest-Antoine, tu fais trop grand capital. Et si on trouvait quelqu'un d'une PME?"

Laurence Parisot, cela tombait bien, était en orbite dans l'ombre depuis 2003, année de la réélection du baron Seillière. Il n'y avait pas eu de campagne : ce dernier avait passé un marché avec l'UIMM, présidée par Denis Gautier-Sauvagnac. Une réélection dans un fauteuil, contre l'éviction de Denis Kessler, brillant conseiller de la "refondation sociale". Chacun voulant la peau de l'autre. C'est Kessler qui était parti, remplacé au conseil exécutif par Laurence Parisot, au titre des personnalités qualifiées.

Personne ne niera qu'elle fut poussée par le secteur des services et la banque, désireux de prendre le pouvoir au Medef, créé et tenu de tout temps par l'industrie. Mais déjà elle avait fait campagne, considérant que rien n'est jamais gagné d'avance. L'hommage, rétrospectif, vaut son pesant d'or : il vient de Jean-René Buisson, le président de l'Ania, l'Association nationale des industries agroalimentaires, qui a claqué la porte du Medef avec fracas en décembre 2009. Surtout pour des raisons internes. "Très honnêtement, il n'y a pas eu photo. Elle était la mieux préparée, la meilleure, et de très loin. Très au-dessus du lot", constate celui qui lui avait alors apporté un soutien décisif. Tout le monde aurait dû comprendre dès lors qu'elle n'avait pas l'intention d'être la marionnette de qui que ce soit.

Cela paraît si loin. Les ennuis sont venus, bien sûr. Ah, ça oui ! elle s'est sentie déstabilisée, en janvier. "Une campagne sournoise, pour me faire craquer", dit-elle, orchestrée à ses yeux par Denis Kessler. Avec l'éternel Alain Minc, conseiller du prince jamais en retard d'une vacherie, qui se répandait dans la presse : "S'il y avait un dixième de l'intelligence de la CGT au Medef…" Une période de gros roulis, après le départ de ses directeurs généraux, puis celui de l'Ania et le feu nourri de reproches contre sa gouvernance, jugée trop clanique. Elle en parle un soir, dans son bureau au mobilier transparent, au Medef, avenue Bosquet . On croit tout voir à travers : table en verre, chaises en plexiglas, grandes baies vitrées, comme un message subliminal. Ici tout est propre et clair, comme le regard de la locataire.
Pour la couleur, un tableau de Street Art et des fleurs au balcon. La pièce jouée ici n'est pourtant pas une comédie. Souvenirs choisis. Le scandale de l'UIMM ? Un "truc épouvantable", dit-elle. Un soir de l'hiver 2007, apprenant que Les Echos du lendemain révélaient le montant de la caisse noire de l'UIMM, 600 millions d'euros, elle appela son président, Denis Gautier-Sauvagnac : " Denis, Les Echos vont annoncer ça, qu'est-ce que je dis ? – Tu ne dis rien. – Mais c'est impossible ! " Lors de la première réunion du bureau après la révélation, tout le monde était "vert". " Explique-nous ", "Mais ça fait cent quatre ans qu'on fait ça ! " "Et, Denis, pour la compta, tu faisais comment ?" "La compta, on la brûlait tous les ans…" Ce qu'une loi bien commode de 1884 autorisait.

De dialogue de sourds en prises de distance, les choses ne pouvaient que mal finir. Les patrons, avides de discrétion, désireux de ne pas voir leur image davantage ternie, avaient conseillé à Laurence Parisot de se tenir le plus éloignée possible de cette affaire. Ils virent de l'acharnement dans sa virulence à dénoncer le parachute doré de l'ancien président de l'UIMM, 1,5 million d'euros, révélé un peu plus tard par Marianne. Partie en Afrique, elle avait refait dare-dare sa valise. " Tout le monde clamait : “Il faut qu'il rende l'argent !” J'avais le sentiment que le patronat pouvait voler en éclats ", se souvient-elle. Elle avait compris sa chance historique, à l'occasion de cette crise. Ou comment devenir le premier chevalier blanc au féminin.

La présidente du Medef a aussi pris le risque d'aller contre la culture de son milieu en intervenant avec force contre les rémunérations patronales trop élevées. "Si nous n'étions pas capables de montrer que le temps de folie des années 2000 était révolu, si nous n'étions pas capables de rester en empathie avec la société, alors tous les autres combats perdaient leur sens", dit-elle aujourd'hui.

C'est cette page de rancœur patronale qui est en train de se tourner. Comme celle de la valse de ses directeurs généraux, trois en cinq ans. Mardi 11 mai, surprise du chef, elle a demandé aux quelque 200 salariés de l'avenue Bosquet de se réunir vers 17 h 45. Pour annoncer, à l'heure dite, "une nouvelle importante, arrivée en chair et en os". Derrière elle se tenait un quadragénaire, chauve, souriant et tout en os : le nouveau directeur général, Michel Guilbaud, ex-directeur de cabinet du secrétaire d'Etat chargé du commerce et de l'artisanat, le très libéral Hervé Novelli. Un chasseur de têtes ami, Jean-Michel Beigbeder, le père de Charles, patron de Poweo, un fidèle de Laurence Parisot, a finalisé son recrutement.

Le nouveau DG devra faire oublier l'ancien, Jean-Charles Simon, un proche de Denis Kessler, avec qui Laurence Parisot avait eu "un coup de foudre professionnel". "Il avait l'avenir devant lui, ici. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il est parti. Ah ! non, non", répète-t-elle, en secouant le front.

C'est pourtant assez simple. Ce garçon vif et drôle est parti parce qu'il en avait assez des séances de psychothérapie de groupe, sous la houlette de la coach Rosine Lapresle, pour tenter de faire fonctionner une direction générale bicéphale, vouée à l'échec, avec Hélène Molinari. Après son départ, la présidente du Medef lui a même envoyé l'ancienne prof de philo, au fond d'un bar d'hôtel, pour transformer sa démission en " rupture conventionnelle ". Il a refusé, non sans panache, cette innovation dont Laurence Parisot est si fière.

Marie-Christine Coisne-Roquette, PDG de Soneparet l'un des piliers de l'ère Parisot, vient d'en appliquer trois en dix-huit mois : "Un salarié n'est plus condamné à démissionner quand il n'est pas content. Ça a dédramatisé la rupture et radicalement changé les choses sur le plan financier, juridique, psychologique ", dit-elle. Comme tous ceux du " groupe du dimanche", une petite quinzaine de chefs d'entreprise qui participent à la réunion hebdomadaire de campagne, en fin de week-end, elle juge que la présidente n'a pas à rougir de son action depuis cinq ans.

Laurence Parisot a conseillé trop de politiques pour ignorer qu'"on ne fait pas campagne sur un bilan". Mais cette élection-là n'a rien à voir avec le suffrage universel. Après ses visites méthodiques au CAC 40, en février et mars, elle ne se prive donc pas, dans sa tournée des Medef territoriaux, de valoriser le travail accompli. Comme ce jour de mai à Ploërmel, avec le Medef de Bretagne, où elle vante le code de gouvernance Afep-Medef : pas de parachute doré quand l'entreprise périclite, recommande-t-il. "Cela n'existe nulle part ailleurs ! Même avec leur casque de traduction, les Japonais ne comprennent pas, je le vois à leur tête."

Elle ne leur garantit pas des lendemains prospères, dans cette troisième année de crise économique, mais s'engage à proposer aux organisations syndicales un chantier sur la mobilité et le logement, en cas de plan social. Elle leur raconte son embryon de "G8 des patrons" et ses ambitions à l'international. Elle prédit que la structure complexe du Medef, par territoires, branches, fédérations, ne résistera pas aux nouvelles technologies : "Les silos des organisations, on va passer à travers".

Les Bretons sont enchantés de leur après-midi, à l'exception d'un imprudent qui s'est risqué à évoquer "l'image dégradée des chefs d'entreprise". Malheureux ! La réponse a claqué, sèchement : "Je trouve très injuste de répandre cette idée", a répondu Laurence Parisot avant de produire cette étonnante réponse : "Le problème majeur vient des politiques. Il n'y a qu'une chose à faire : c'est que davantage de chefs d'entreprise se présentent aux élections." Ce serait donc cela, la suite ? Charles Beigbeder, lui, ne cache pas avoir des projets. "Je suis membre du Parti radical de Jean-Louis Borloo. J'aimerais bien apporter mon énergie à la politique. Laurence est parfaitement au courant de tout ça." Elle ne l'a pas dissuadé.

On lui a tout reproché : d'être "trop CAC 40", puis "trop PME", de bassiner les adhérents avec le "sociétal", avant de lui en réclamer davantage, d'abuser de la "com'", avant de la trouver trop discrète. "Elle est très sincère. Son bilan est bon, sinon quelqu'un d'autre se serait présenté. Et dans cette période très perturbée, c'est bien qu'il y ait continuité", estime Pierre-Yves Legris, président du conseil de surveillance de la holding Legris industries.
Thomas Chaudron, ancien président du Centre des jeunes dirigeants (CJD), se montre beaucoup plus sévère. "Elle a loupé le moment-clé, celui de la crise, pour inventer quelque chose. On a vu resurgir l'ultralibéralisme et on a bien compris que l'environnement, la diversité, étaient des postures", juge ce quadragénaire qui dirige une PME de 40 personnes, Mecanalu, dans la région parisienne. L'arrangement paraît moderne, mais la ritournelle date, à son oreille : "Des charges sociales trop lourdes, un code du travail trop contraignant et des syndicats qui bloquent, c'est court, comme arguments", conclut-il.

CITER MONTAIGNE

Personne, en tout cas, ne s'est donné les moyens de lui ravir la place. A elle – qui a eu l'intelligence de confier à l'UIMM la commission de la protection sociale du Medef – de gérer la période délicate qui s'ouvre. "Nous lui apportons un soutien libre. Nous entendons préserver notre liberté d'expression et d'action. Bien entendu dans le cadre de l'unité patronale, " explique le président de cette commission et délégué général de l'UIMM, Jean-François Pilliard. Avec Nicolas Sarkozy, rencontré à Sciences Po, "les choses sont claires, directes. Il est facile d'accès si j'estime nécessaire de lui parler en direct".

Il faut comprendre en réalité que ce rapport est assez complexe, avec un chef d'Etat très enclin à négocier en direct avec la CGT, expert en rapports de force, plus soucieux de sa relation à l'opinion qu'à une organisation qui fait facilement figure de repoussoir. Quant aux principaux patrons du CAC 40, ils ont leurs circuits directs avec l'Elysée et Matignon ou passent plus volontiers par l'Afep que par le Medef. La France est moins leur souci que le reste du monde.

Rien de tout cela n'effraie cette femme à l'apparence fragile. Quelle meilleure preuve de solidité que d'être réélue après un quinquennat en milieu souvent hostile et parfois macho ? Elle aime à citer Montaigne : " C'est un grand malheur que d'être femme. C'est un plus grand malheur encore que de ne le savoir pas. " Elle se sent toutes les audaces, y compris pour peser lors de la présidentielle de 2012. Même si personne ne doute que la patronne du Medef fera le même choix qu'en 2007 : prendre le même et recommencer.

Béatrice Gurrey